Guérir par la Pensée

Comment l'Esprit Guérit le Corps





SCIENCES ET AVENIR HS N°196 > Janvier-Février > 2019

La Preuve en 15 Expériences

Les neuroscientifiques en ont désormais la preuve : l'esprit possède le pouvoir de soigner le corps ! Des expériences de méditation, de neurofeedback ou à base d'effet placebo ont démontré des effets thérapeutiques sur des maladies aussi graves que la dépression ou Parkinson. Et déjà, des hôpitaux sautent le pas... Une nouvelle médecine est en train de naître. Quelle médecine ? Notre dossier fait le point.

L'esprit possède-t-il une "force", des "pouvoirs" dont les effets bénéfiques, voire guérisseurs, sur le corps ne souffriraient plus aucune discussion ? Longtemps la science a cherché les preuves de l'existence d'un tel lien entre "l'âme et le corps", que d'aucuns prétendaient parfaitement avéré, au point d'en faire bénéficier ceux qui, se détournant de la médecine traditionnelle, venaient les trouver pour aller mieux. Crédulité ? Charlatanisme ? Risque de faire naître de faux espoirs, voire d'empirer les choses en détournant de traitements ayant démontré leur efficacité ? Pourtant, des cas témoignaient d'indéniables effets thérapeutiques par on ne savait quel pouvoir de l'esprit sur le corps. Ce qui, dès lors, pouvait laisser sceptique.
Voici que les choses changent ! Car depuis une dizaine d'années, des pratiques thérapeutiques qualifiées d'alternatives ou de non conventionnelles, voire de parascientifiques, démontrent leur efficacité en laboratoire. Mieux : elles font désormais une (timide) percée dans l'arsenal médical classique ! Ces pratiques ont un point commun : elles confèrent à la pensée un pouvoir extraordinaire, celui de soigner le corps - cerveau compris - sans aucun autre traitement que l'activité même du cerveau. Un pouvoir tel qu'il a prouvé ses vertus contre des troubles aussi divers que la douleur, la maladie de Parkinson, certaines déficiences immunitaires ou la dépression.

DES THÉRAPIES TRÈS EN VOGUE

Quelles sont ces pratiques dont les scientifiques admettent aujourd'hui qu'elles mobilisent efficacement le cerveau au service de la santé, rapprochant un corps et un esprit que la tradition cartésienne séparait depuis plus de 3 siècles (encadré ci-dessous) ?

CORPS ET ESPRIT : LE LIEN SE RESSERRE
Que le corps et l'esprit soient étroitement associés n'est pas une idée neuve
. Dès l'Antiquité, le médecin Galien soutenait que des fluides faisaient circuler l'information entre le corps et le cerveau. Et si Descartes est souvent convoqué comme celui qui aurait définitivement séparé la pensée du corps, c'est par erreur. Outre le fait que l'âme était pour lui logée dans une glande cérébrale (l'épiphyse), le philosophe affirmait que "certaines choses que nous expérimentons en nous-mêmes ne doivent pas être attribuées à l'âme seule, ni au corps seul, mais à l'étroite union qui est entre eux" (Principes de la philosophie). La science a, depuis, donné raison à ces illustres précurseurs en établissant des liens entre système nerveux, défenses immunitaires et régulation hormonale. Elle a montré que l'existence même du corps est une réalité... cérébrale. Pour preuves, ces patients atteints d'une lésion au cerveau, persuadés qu'un de leurs membres ne leur appartient pas, ou ces amputés souffrant de douleurs à l'emplacement du membre disparu. Restait à mettre l'esprit au service de la santé... Un pas franchi indirectement, depuis une trentaine d'années, avec les thérapies cognitives comportementales. Aujourd'hui, avec la méditation, le neurofeedback et le placebo, le corps et l'esprit n'ont jamais été si proches : la médecine vise cette fois directement l'activité du cerveau, pour la modifier au bénéfice du corps.

Il s'agit d'abord de la "méditation de pleine conscience", très en vogue des deux côté de l'Atlantique. Et pas seulement dans les cercles psychothérapeutiques. Dans les plus prestigieux laboratoires de neurosciences aussi, et jusque dans les hôpitaux. Son principe : élargir le champ de son attention jusqu'à être totalement conscient de l'instant présent (encadré ci-dessous).

LA MÉDITATION : LE POUVOIR DE MAÎTRISER SON ATTENTION
Même si certaines recherches ont été directement menées avec le Dalaï-lama et des méditants tibétains, la méditation peut se pratiquer indépendamment de la religion bouddhique dont elle est issue
. Le terme recouvre une grande diversité d'entraînements mentaux, mais c'est surtout la méditation dite "de pleine conscience" qui suscite aujourd'hui l'intérêt des chercheurs et des médecins. Cette pratique, qui exige un entraînement quotidien, consiste à élargir progressivement le champ de son attention jusqu'à être totalement conscient de l'instant présent et de ce qui est ressenti : sensations internes, pensées, perceptions, bruits... "Il s'agit de prendre conscience de ces événements sans les juger ni s'y attacher, sans ruminer sur les expériences passées et sans anticiper celles à venir", explique le neuro-scientifique Pierre Rainville. A l'université de Montréal (Canada), il étudie les effets de la méditation : diminution de l'anxiété et des douleurs, amélioration des capacités de concentration. En France, à Strasbourg, un diplôme universitaire de troisième cycle de médecine, baptisé Méditation et neurosciences, prépare depuis cette année les médecins, psychologues et chercheurs à faire appel à cette pratique, grâce à des cours théoriques et des séances de méditation guidée.

Si les vertus pour le corps de cette pratique millénaire issue de la philosophie bouddhique sont depuis longtemps connues, ce n'est partir des années 1970 qu'elle suscite l'intérêt de l'Occident. D'abord réservée aux hippies, dans le domaine du développement personnel, elle entre dans le champ de la psychologie clinique grâce à Jon Kabat-Zinn, professeur de biologie dans le Massachusetts (États-Unis), qui la dépouille de ses racines spirituelles et crée le programme MBSR ("réduction du stress basée sur la pleine conscience"). Dès la fin des années 1980, à la faveur d'un dialogue entre le bouddhisme et la science, un nouveau champ d'étude voit le jour, celui des neurosciences contemplatives. Il est aujourd'hui en plein essor. En avril 2012, un premier symposium international a réuni à Denver (États-Unis) plus de 700 participants : psychologues, neurobiologistes, méditants... venus partager leurs résultats sur les mécanismes cognitifs et neuronaux des pratiques contemplatives, leurs effets sur le cerveau observés par imagerie cérébrale et les conséquences pour la santé. Plus de 200 hôpitaux américains ont intégré le programme MBSR. Et les applications ont été étendues à la dépression, à l'addiction, aux déficits de l'attention...
En France, les médecins sont plus réservés. "Quand j'ai fait entrer la méditation à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, en 2004, il y a eu au début un peu de perplexité et quelques réticences", se souvient Christophe André, psychiatre et auteur de Méditer, jour après jour. Mais la méthode commence à être acceptée, et plusieurs établissements y ont aujourd'hui recours. Un diplôme universitaire de médecine spécialisé en méditation et neurosciences a même vu le jour en début d'année à Strasbourg.

Autre voie de guérison par la pensée qui excite actuellement la curiosité des chercheurs et des médecins : l'effet placebo. Cet effet bien connu est généré par la suggestion et l'attente d'un bénéfice thérapeutique lié à un traitement, indépendamment de son action chimique directe (encadré ci-dessous). Sa découverte remonte à la Seconde Guerre mondiale, quand, sur le front d'Italie, l'anesthésiste Henry Beecher injecte aux blessés une solution saline à la place de la morphine dont le stock est épuisé : il s'aperçoit que cette solution dénuée de principe actif réduit pourtant la douleur chez de nombreux patients. En 1955, devenu professeur à Harvard, il publie une étude qui fera date, révélant que 35 % des patients répondent positivement à un tel traitement, dit "placebo". Dès lors, il est introduit dans toutes les études cliniques visant à démontrer les effets "réels" d'un traitement : pour être efficace, un médicament doit montrer des effets supérieurs à ceux d'un placebo. Pour autant, l'effet placebo est longtemps resté réduit à un phénomène "psychologique". Autant dire inexistant, si ce n'est dans la tête du patient, supposé avoir l'impression d'aller mieux sans que les maux dont il souffre s'atténuent réellement. Il faut attendre le milieu des années 1990 pour que le pouvoir du placebo soit étudié pour lui-même, en particulier grâce aux travaux de Fabrizio Benedetti, à l'université de Turin (Italie). Depuis, l'imagerie cérébrale a montré que l'effet placebo n'est pas une simple vue de l'esprit, et les publications scientifiques de premier ordre se multiplient. Elles dévoilent un effet encore plus puissant que ce qu'on avait imaginé, et commencent à mettre au jour ses mécanismes biologiques, qui modifient bel et bien les équilibres biochimiques dans le cerveau. Les médecins eux-mêmes l'exploitent dans leur pratique clinique, comme l'a récemment montré une étude américaine - quitte à transgresser le serment d'Hippocrate, qui leur interdit de dissimuler la vérité aux patients !

L'EFFET PLACÉBO : LE POUVOIR DE SE CONVAINCRE DE L'EFFET D'UN TRAITEMENT
C'est un effet que l'on expérimente, par principe, sans le savoir
. L'effet placebo est ce phénomène qui veut qu'un composé inerte, dénué de substance active, parvienne à engendrer non seulement un mieux-être, mais aussi des bénéfices thérapeutiques réels chez un patient. Ou qu'un médicament produise plus d'effets que prévu. Voire qu'un acte chirurgical factice améliore l'état de santé du patient ! Lié le plus souvent à un médicament, l'effet placebo peut se produire après n'importe quelle prise en charge thérapeutique. En pratique, il correspond à la part de guérison que les rnédecins peuvent attribuer à la seule perception - consciente ou non - par le patient des nombreux facteurs liés à l'intervention thérapeutique (relation avec le médecin, caractère positif ou négatif du diagnostic, qualité perçue du traitement proposé...), plutôt qu'à l'effet spécifique du traitement ou à la guérison naturelle. Difficile de prévoir la survenue d'un effet placebo. Ce que l'on sait, c'est qu'il peut être renforcé aussi bien par les conditions matérielles de la prise en charge médicale (les seringues le rendent plus efficace que les pilules) que par la nature de la relation avec le soignant - des études ont montré que les médecins plus chaleureux avec leurs patients enregistrent un plus grand effet placebo.

Troisième et dernière pratique, tombée en disgrâce dans les années 1970 et 1980, mais qui fait depuis une dizaine d'années un retour remarqué aux États-Unis : le neurofeedback. Ce nom barbare désigne une technique assez simple, qui s'apparente à de la musculation mentale (encadré ci-dessous). Elle est issue des travaux menés en 1958 par Joe Kamiya à l'université de Chicago. Grâce à un électro-encéphalographe (EEG) mesurant en temps réel l'activité du cerveau, le psychologue remarque qu'on peut apprendre à émettre certaines ondes cérébrales sur commande. Dix ans plus tard, le neuroscientifique Barry Sterman, à l'université de Californie, montre que des chats entraînés à contrôler leur activité cérébrale résistent mieux aux crises d'épilepsie. Des résultats bientôt reproduits chez l'homme. L'engouement est immédiat. Accessible, prometteuse, la technique séduit les adeptes du New Age et les entrepreneurs peu scrupuleux. De nombreuses études, souvent de mauvaise qualité, sont lancées. Des sociétés lucratives se créent, qui prétendent traiter tous types de pathologies (autisme, dépression, migraine...) à l'aide de méthodes non éprouvées. Le neurofeedback intègre ainsi le champ des pseudosciences et de la parapsychologie et se forge, auprès des scientifiques, une très mauvaise réputation... dont il est sur le point de se défaire.

LE NEUROFEEDBACK : LE POUVOIR D'AGIR DIRECTEMENT SUR SON CERVEAU
Prendre le contrôle d'activités de son cerveau dont on n'a habituellement aucune conscience, c'est ce que permet le neurofeedback
. Cette technique existe sous 2 formes, selon la technologie employée : le neurofeedback par électro-encéphalographie, le plus répandu, et le neurofeedback par IRM fonctionnelle en temps réel, bien plus récent et peu fréquent. Dans le premier cas, des électrodes sont disposées sur le crâne du sujet. Elles enregistrent l'activité électrique produite par la partie la plus superficielle du cerveau. Dans le second cas, ce sont les variations d'oxygénation du sang qui sont mesurées, en temps réel, donnant accès à des régions cérébrales plus profondes. Le neurofeedback entraîne le patient à contrôler des régions spécifiques de son cerveau, éventuellement à corriger une activité jugée anormale, en l'augmentant ou en la diminuant. Pour cela, l'activité enregistrée est traduite par une image sur un écran ou un son diffusé par haut-parleurs. Grâce à ce retour (le feedback), le patient visualise ou entend ce qui lui est d'ordinaire inaccessible : l'activité intime de son cerveau. Il peut dès lors se concentrer sur un stimulus extérieur (son, odeur, image, toucher...), évoquer des pensées, des souvenirs, des émotions, imaginer faire certains mouvements... et constater l'effet de ces états mentaux sur le feedback. Il trouve ainsi l'état mental qui modifiera l'activité de la région ciblée (déterminée par l'équipe soignante lors d'examens préalables) dans le sens souhaité. Depuis quelques années, cette auto-régulation de l'activité cérébrale exploite aussi des logiciels plongeant les sujets dans un environnement de réalité virtuelle. "Leur avantage est qu'ils fournissent un feedback visuel hautement réaliste et immersif", explique Alexandre Bouchet, responsable R&D chez Clarte, qui développe une telle plate-forme dans le cadre du projet français OpenVibe 2.

UNE TECHNIQUE DÉJÀ ÉPROUVÉE

En novembre 2012, une association de pédiatres américains a reconnu le neurofeedback comme étant un traitement aussi efficace que les psychostimulants pour traiter les troubles de déficit de l'attention avec hyperactivité. L'armée américaine utilise cette technique pour soigner les soldats atteints de stress post-traumatique. En France aussi, la méthode revient sur le devant de la scène, notamment dans le cadre d'OpenVibe 2, un projet national sur les interfaces cerveau-ordinateur. Et depuis quelques années, la technique devient prometteuse pour traiter la dépression ou les douleurs chroniques, grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui permet de visualiser des structures du cerveau plus profondes que l'EEG.
Médilation, effet placebo, neurofeedback... Ces 3 thérapies ont bel et bien fait leur entrée officielle dans le cercle des sciences médicales. Et si, à la différence d'autres pratiques alternatives (programmation neurolinguistique, magnétisme...), elles se sont extraites des marges, ce n'est pas à cause d'un affaiblissement des exigences scientifiques. Au contraire ! C'est d'abord parce que les preuves de leur efficacité sont désormais assez nombreuses et solides. Pour une série de troubles importants, les faits, parfois spectaculaires, s'accumulent (lire article suivant). Oui, il est possible de se soigner par la seule pensée ! Ce qui présente l'indéniable avantage de se passer de tout autre traitement.

UN CERVEAU AUX DONS FASCINANTS

Au-delà de la mesure de l'efficacité de ces thérapies, ces expériences laissent entrevoir le fascinant lien entre le corps et l'esprit qui dote le cerveau de son don thérapeutique. Car les techniques d'imagerie cérébrale et d'analyses biochimiques permettent de voir la force de l'esprit se matérialiser : la méditation bouleverse certains rythmes cérébraux entre les aires frontales et pariétales ; le placebo fait produire au cerveau ses propres antalgiques ; le neurofeedback change la manière dont le cortex préfrontal agit sur les autres régions cérébrales (infographie ->).
L'arrivée en science de ces pratiques autrefois "alternatives" pose beaucoup de questions. Quels troubles peuvent être ainsi soignés ? Existe-t-il des effets secondaires ? Certaines personnes y sont-elles plus sensibles ? Ces thérapies doivent-elles être remboursées par la Sécurité sociale ?

Une chose est sûre : à condition de l'inciter à jouer ce rôle, le cerveau est un excellent médecin.

M-C.M.avec F.L. - SCIENCE & VIE > Octobre > 2013

Les Preuves d'une Efficacité Thérapeutique

Epilepsie, douleur, dépression, Parkinson, déficits immunitaires... Depuis une dizaine d'années, les résultats s'accumulent. Et ils ne font aucun doute : l'esprit est bel et bien capable de soigner certains troubles, même les plus graves. Démonstration en 15 expériences.

Que la méditation, technique millénaire issue du bouddhisme, le neurofeedback, pratique en vogue chez les adeptes californiens du New Age, et le placebo, effet connu de longue date dans l'industrie pharmaceutique sans que quiconque le prenne vraiment au sérieux, aient fini par convaincre les scientifiques de la réalité de leurs bénéfices est en soi une authentique surprise. Mais qu'en plus, leur action soit avérée sur des troubles aussi divers et importants que la dépression, la douleur, le stress, l'épilepsie, la maladie de Parkinson ou certains déficits immunitaires, voilà qui parait presque incroyable. Et pourtant ! Les expériences menées par des chercheurs toujours plus nombreux à se lancer sur cette nouvelle piste se concluent par des résultats sans équivoque : l'esprit guérit bien une série de troubles, et des plus sérieux. Au point que, d'alternative, cette médecine apparait désormais complémentaire de la médecine médicamenteuse, élargissant la panoplie thérapeutique des prescripteurs.
La preuve en 15 études parmi les plus convaincantes, qui font largement référence dans la communanté scientifique. Certaines démontrent avec des résultats statistiques solides l'efficacité de ces nouvelles façons de se soigner ; d'autres mettent au jour les mécanismes à l'ouvre dans le cerveau pour expliquer de tels effets. Toutes apportent en tout cas la preuve de ces pouvoirs guérisseurs de l'esprit, longtemps insoupçonnés.



M-C.M.avec F.L. - SCIENCE & VIE > Octobre > 2013

Une Nouvelle Médecine qui pose Question

En démontrant sa valeur thérapeutique, la "médecine par l'esprit" a cessé d'être une médecine "alternative". Mais en pratique, qui peut y recourir ? Existe-t-il des risques ?... Le point en 8 questions clés.

1/ L'ESPRIT PEUT-IL TOUT GUÉRIR ?

Non. Soyons clairs, un cancer au stade terminal ne pourra être guéri ni par des séances de méditation, ni par le plus puissant des effets placebo.

En revanche, l'un comme l'autre peuvent compléter, voire augmenter les effets d'un traitement. En 2001, Fabrizio Benedetti et son équipe de l'université de Turin montraient ainsi que l'effet placebo peut être utilisé pour réduire les doses médicamenteuses. Dans leur étude, des sujets souffrant de douleurs postopératoires étaient placés sous perfusion et recevaient sur demande un antalgique.
La moitié d'entre eux savait que la perfusion ne contenait qu'une solution saline sans aucune substance active ; l'autre moitié était persuadée que cette solution complétait les effets de l'antalgique. Résultat : ce deuxième groupe a réclamé 33 % moins d'antalgiques ! Si l'esprit ne peut pas tout soigner, ses effets s'exercent sur nombre de pathologies. Le neurofeedback réduit les crises d'épilepsie et traite efficacement les déficits de l'attention, des pathologies exclusivement mentales. Le procédé apparaît également prometteur pour soigner les troubles anxieux, notamment le stress post-traumatique. Les effets de la méditation sont plus larges : on sait avec certitude qu'elle réduit la douleur, évite les rechutes dépressives et améliore l'attention. En atténuant le stress, elle aurait aussi de multiples effets indirects : elle boosterait le système immunitaire et réduirait l'inflammation, le vieillissement cellulaire, les risques cardiovasculaires, etc. Quant à l'effet placebo, il peut accompagner toute prise en charge thérapeutique chez les patients qui y sont sensibles. S'il a surtout montré son efficacité contre la douleur et la maladie de Parkinson, il agirait quelle que soit la pathologie, en incitant l'organisme à fabriquer ses propres médicaments. "Le corps humain est capable de synthétiser toutes les molécules : antidépresseurs, anticancéreux, morphine, anti-inflammatoires, etc, s'enthousiasme le psychiatre Patrick Lemoine, l'un des rares spécialistes français de l'effet placebo. Le seul problème est que l'on n'a pas encore compris dans quelles circonstances l'effet placebo se met en place".

2/ AVONS-NOUS TOUS LA MÊME CAPACITÉ À NOUS SOIGNER PAR LA FORCE DE L'ESPRIT ?

Oui, à condition de savoir exercer ce contrôle de l'esprit. Apprendre à maîtriser une région de son cerveau, voire une petite population de neurones, n'est qu'une question de temps.

Ainsi, à raison d'une quarantaine de séances d'une demi-heure de neurofeedback, chacun peut améliorer ses capacités de concentration, cet entraînement modifiant la structure même de l'encéphale. N'importe qui peut par ailleurs bénéficier des bienfaits de la méditation, moyennant une pratique quotidienne assidue. D'autant qu'elle a l'avantage de ne nécessiter aucun appareillage. En 2012, Gaëlle Desbordes, neurobiologiste au Centre Martinos d'imagerie biomédicale (États-Unis), montrait qu'après 8 semaines de séances, l'activité de l'amygdale, une petite région du cerveau impliquée dans le contrôle des émotions, était modifiée chez des novices, avec à la clé moins de stress. Difficile en revanche de déclencher l'effet placebo sur commande. Un patient aura beau croire de toutes ses forces aux vertus d'une pilule de sucre, n'est pas certain que celle-ci fasse effet. Ce que l'on sait, c'est que notre inégalité face à l'effet placebo se lit dans nos gènes. Deux études, en Suède et aux États-Unis, ont ainsi montré que seuls les sujets porteurs de caractéristiques génétiques spécifiques réagissaient à un traitement anxiolytique ou antidépresseur factice.

3/ FAUT-IL CRAINDRE DES EFFETS SECONDAIRES ?

Si "les effets néfastes éventuels de la méditation ne sont guère documentés", selon Christophe André, psychiatre à Sainte-Anne, se retrouver face à soit même peut toutefois s'avérer difficile.

"Méditer expose à des pensées, émotions ou sensations douloureuses que l'on évite habituellement, de façon consciente ou non". Le neurofeedback peut, lui, entraîner de réels effets néfastes si la région du cerveau dont on souhaite modifier l'activité est mal ciblée ou mal stimulée. Pour minimiser ce risque, aux États-Unis, où ce procédé est très réglementé, des analyses précèdent les séances. Chez les enfants atteints de trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité, on compare l'activité du cerveau avec les enregistrements d'enfants "normaux", afin de déceler les anomalies. Mais ce n'est pas toujours simple : même si ce trouble est le plus souvent lié à un excès d'ondes lentes dans le lobe frontal, il existe aussi des schémas opposés, avec des ondes rapides. "Donc, si l'on se trompe de schéma, on va faire du mal au patient", prévient Marco Congedo, chercheur au Gipsa-Lab de Grenoble. Quant à l'effet placebo, aucun problème tant que la motivation est au beau fixe. Mais le phénomène contraire, l'effet nocebo, existe - et il est aussi puissant. Le neuroscientifique Fabrizio Benedetti a montré que si l'on persuade des patients parkinsoniens que leur stimulateur cérébral est à l'arrêt (alors qu'il fonctionne), leurs performances motrices se détériorent !

4/ QUEL EST LE RÔLE DE L'INCONSCIENT ?

Cela dépend. Parfois, le contrôle de l'esprit est pleinement conscient.

Pour preuve, l'implication du cortex préfrontal, région liée à l'anticipation et au contrôle cognitif, dont l'activité est indispensable pour que s'élabore l'effet placebo. À l'inverse, chez des malades Alzheimer, dont le cortex préfrontal dégénère, le placebo a beaucoup moins d'effet. Impossible que s'élabore chez eux l'attente d'un bénéfice thérapeutique futur. Mais ce pouvoir de l'esprit n'est pas toujours conscient. En 2003, Fabrizio Benedetti le prouvait par une expérience. Après avoir administré à des sujets un composé modulant la sécrétion d'hormones - stimulant la sécrétion d'hormones de croissance et réduisant celle de cortisol -, il le remplaça par un placebo... qui produisit les mêmes variations hormonales, quand bien même le chercheur tentait de persuader les cobayes que les effets inverses étaient attendus ! Si la suggestion verbale peut être efficace dans le contrôle de la douleur (une fonction physiologique consciente), seul un conditionnement inconscient agirait sur des fonctions également inconscientes, comme la sécrétion d'hormones... ou le système immunitaire. Ainsi une étude américaine montrait en 2003 que les méditants produisent plus d'anticorps que des sujets lambda après une vaccination. Difficile de croire qu'ils aient contrôlé consciemment leur système immunitaire... Il est probable que la méditation ait agi indirectement, en diminuant leur stress, dont les méfaits sur l'immunité sont connus.

5/ LA SÉCURITÉ SOCIALE REMBOURSE-T-ELLE CETTE MÉDECINE ?

Oui pour la méditation, lorsqu'elle rentre dans le cadre d'une prise en charge hospitalière ou psychiatrique - comme pour toutes les psychothérapies.

Oui également pour l'effet placebo, à hauteur du remboursement prévu pour le traitement suivi... car, dès lors qu'un medicament est remboursé, l'effet placebo associé l'est nécessairement ! Plus sérieusement, la Sécurité sociale ne rembourse pas une substance inerte, même lorsque ses effets sur la santé sont démontrés. Quant aux séances de neurofeedback proposées par de rares psychiatres en France, elles ne sont pas remboursées, aucune réglementation n'encadrant, pour l'heure, cette pratique.

6/ L'HYPNOSE PERMET-ELLE AUSSI DE SOIGNER LE CORPS ?

Dès le XIXè siècle, en France, le neurologue Jean-Martin Charcot introduisait l'hypnose à l'hôpital pour traiter l'hystérie.

Si le côté spectaculaire des séances a depuis disparu, l'essentiel demeure : le thérapeute plonge le patient, par les gestes et par des paroles apaisantes, dans un état de "transe hypnotique". Détendu, réceptif, celui-ci entend alors le praticien lui suggérer les changements à opérer dans son comporternent pour guérir, avant de sortir de son état hypnotique sur injonction du thérapeute. De telles séances d'hypnose médicale sont couramment utilisées contre certaines phobies ou addictions. Elles ont lieu dans un cadre instauré il y a 13 ans, avec le premier diplôme reconnaissant la pratique. Il existe désormais 8 diplômes universitaires d'hypnose, qui valident une formation spécifique pour les médecins et les psychologues cliniciens (soit 250 médecins formés chaque année). Une technique largement reconnue, donc, et pour cause : de nombreuses études ont montré sa capacité à atténuer la douleur - elle est d'ailleurs de plus en plus fréquemment utilisée en accompagnement de l'anesthésie avant une opération chirurgicale -, l'épilepsie... ou l'eczéma. Si l'hypnose repose sur une modification de l'esprit du patient, cette dernière passe néanmoins, obligatoirement, par le travail de suggestion du thérapeute : ici, la force de l'esprit est donc autant celle du médecin que celle du patient.

7/ PEUT-ON DOPER LES POUVOIRS DE L'ESPRIT ?

On serait tenté de le croire. Après tout, on sait déjà doper le cerveau à l'aide d'excitants, voire de stimulations électriques ou magnétiques.

Et de fait, des chercheurs du MIT sont parvenus, il y a quelques années, à provoquer des oscillations des ondes gamma caractéristiques de la méditation. Un succès cependant tout relatif : les "patients" étaient des rats et le "dopage" nécessitait la diffusion de lumière à la surface de leur cerveau via une fibre optique traversant leur crâne. Sachant par ailleurs que, dans le cas du neurofeedback, l'effet thérapeutique consiste d'abord à ramener l'activité cérébrale à la normale quand elle s'en éloigne... Doper les forces de l'esprit s'annonce donc, outre délicat, sans doute risqué.

8/ OÙ ALLER POUR BÉNÉFICIER DE CES PRATIQUES ?

Pour exploiter les pouvoirs du placebo, il suffit de se rendre chez son médecin !

Car le placebo n'est pas seulement la pilule sans principe actif : ce sont aussi les paroles, les rituels de l'acte thérapeutique, les croyances... que renforce la conviction du médecin, d'autant plus si la relation avec le patient est bonne. Pour le neurofeedback, il est difficile de conseiller de bonnes adresses en France, où la pratique n'est pas réglementée. "Ce sont les psychiatres qui utilient l'électro-encéphalographie pour faire du neurofeedback, observe Marco Congedo, chercheur au Gipsa-Lab, à Grenoble. Mais suivant quelle méthode ? Font-ils des analyses au préalable ? Avec quelles bases de données ? Difficile de le savoir... Quant au neurofeedback par IRM fonctionnelle en temps réel cette technologie, trop chère pour être largement utilisée à l'hôpital, est réservée à la recherche. Méditer se révèle en revanche beaucoup plus simple. "On peut s'entraîner à la pleine conscience à peu près n'importe où, dans le bus, en marchant"..., souligne Jon Kabat-Zinn, grand importateur de la méditation dans le champ de la psychologie clinique. À condition d'en connaître les bases. Pour faciliter cet apprentissage ou approfondir sa pratique, il est conseillé de suivre l'enseignement de professionnels. L'Association pour le développement de la mindfulness (pleine conscience) en France donne la liste de ses membres actifs sur son site internet : "www.association-mindfulness.org".

M-C.M.avec F.L. - SCIENCE & VIE > Octobre > 2013

Est-il vrai que l'Esprit peut soigner le Corps ?

"Un esprit sain dans un corps sain", demandait dans ses prières Juvénal, poète latin du IIe siècle av. J.-C.. C'est que de tout temps, l'homme se voit comme un être hybride à la fois esprit et corps.

Et ce, depuis les philosophes grecs qui visaient l'idéal "beau et bon", c'est-à-dire l'harmonie d'un corps d'athlète et d'un esprit vertueux et cultivé, jusqu'aux humanistes d'hier et d'aujourd'hui. Et si cette dichotomie n'existait pas ? Si corps et esprit étaient irrémédiablement liés, pour le meilleur et pour le pire ? En toute logique, prendre soin de l'un reviendrait alors à soigner l'autre. Et tel semble bien être le cas ! Avec les progrès réalisés depuis 30 ans en neurosciences, biochimie, génétique etc, la science a peu à peu fait la lumière sur le lien mystérieux, longtemps resté dans l'ombre, qui unit psychisme et organisme. Et à l'évidence, l'esprit et le corps ont partie liée, en particulier quand il s'agit d'affronter une maladie.

EFFICACITÉ DE LA RELAXATION : L'effet placebo, le plus connu des pouvoirs psychiques sur le corps, a fait l'objet de multiples expériences de laboratoire, prouvant qu'un simulacre d'intervention médicale parvient à améliorer la qualité de vie des personnes malades. Au point que désormais, avant d'être validé, tout nouveau traitement doit faire l'objet d'un test avec un groupe témoin qui ne reçoit qu'un faux. Mais l'effet placebo n'est qu'un phénomène parmi d'autres, pour lesquels la science a mis en évidence le travail uni du corps et de l'esprit. Ainsi, en Géorgie, des collégiens souffrant d'une tendance à l'obésité, ont réussi à faire baisser leur pression artérielle trop élevée... en pratiquant la mediation transcendantale, une technique ancestrale de relaxation venue d'Inde !
Le stress émotionnel est, dans ce cas, l'élément perturbateur par lequel l'esprit peut agir sur le corps. "La méditation réduit l'activité du cortex associatif, ce qui abaisserait l'activité métabolique, estime Robert Schneider de l'univcrsité Maharishi de management à Fairfield (Iowa, États-Unis). Cela passerait notamment par une réduction de l'activité de l'axe cérébral situé à la base du cerveau (l'axe hypothalamo-hypophysaire) qui produirait alors moins d'honnones du stress". L'efficacité d'une autre technique mentale, le biofeedback, induisant aussi une relaxation, pourrait s'expliquer de la même façon. Il s'agit de simples exercices de concentration sur ses propres biorythmes, qui consistent par exemple à ralentir sa respiration pour régulariser son rythme cardiaque. Ainsi, selon une expérience réalisée dans le New Jersey sur des asthmatiques, les volontaires ayant suivi cette méthode ont réduit d'un tiers leur dose de médicaments. Et leur nombre de crises a été divisé par deux, comparé à un groupe témoin d'asthmatiques n'ayant pas fait ces exercices.

DÉFENSES IMMUNITAIRES : Mais la réduction du stress n'influe pas uniquement sur les fonctions métaboliques. Elle permet également d'améliorer nos défenses immunitaires ! C'est ce qu'a révélé en 2004 un vaste programme de soutien psychologique mis en place dans l'Ohio en montrant que le fait de redonner le moral à des femmes opérées d'un cancer du sein dope leurs globules blancs ! On savait déjà que les systèmes immunitaire et nerveux interagissent puisqu'un hon rhume ou une forte inflammation allonge la durée de sommeil et provoque une grande fatigue. L'organisme met alors toute son énergie à lutter contre la maladie et délaisse d'autres fonctions moins vitales. Mais on ignorait jusque-là que le chemin inverse était possible et qu'améliorer l'état psychique du patient pouvait stimuler son système immunitaire.
Plus spectaculaire encore, une expérience réalisée en 2002 a montré qu'il est possible d'augmenter sa force physique... en entrainant, non pas ses muscles, mais uniquement son cerveau ! Comment le simple fait de penser un effort musculaire parvient-il à donner plus de force, alors que le muscle lui-même n'a pas été sollicité au cours de cet entrainement imaginaire ? Guang Yue, le chercheur qui a observé ce curieux phénomène, remarque que ce surcroit de force est dû au fait que le muscle reçoit un signal nerveux amplifié par l'exercice mental. Autant dire que cette méthode offre de réelles perspectives de renforcer les fonctions motrices de patients trop affaiblis, par l'âge ou par un handicap, pour bénéficier d'une rééducation. Reste à vérifier si tous ces phénomènes inscrits dans le corps, et purs produits de notre esprit, ne recèlent pas d'effets secondaires, et si l'on peut durablement compter sur leur capacité à soigner.

M.B. et M.M. - SCIENCE & VIE QUESTIONS RÉPONSES N°7 > Mai > 2012
 

   
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