Le Cordon Ombilical

Le Cordon Ombilical recèle un Anti-Inflammatoire

E.A. - SCIENCE & VIE N°1190 > Novembre > 2016

Quand Couper le Cordon ?

Attendre quelques minutes de plus pour couper le cordon ombilical à la naissance serait bénéfique.

Le sang du cordon contient en effet des cellules souches dont le transfert permet de réduire les risques de nombreuses complications comme l'anémie ou des hémorragies chez les nouveau-nés, selon des chercheurs de l'université de Floride.

SCIENCE & VIE > Août > 2010

Faut-il Conserver le Sang de Cordon ?

Les cellules souches du sang de cordon ombilical portent l'espoir de soigner nombre de maladies.

Déjà, 1 million de familles ont confié celui de leur bébé à des banques privées. Mais des soupçons pèsent sur la fiabilité de certaines, et dans la plupart des cas l'autogreffe n'est d'aucun secours. La solution ? Les réseaux publics solidaires...

FAITS & CHIFFRES - Actuellement, 1 million de cordons ombilicaux sont stockés dans des banques privées et 300.000 dans le réseau allogénique solidaire. En France, 6400 cordons sont stockés dans les trois banques de sang de cordon, lesquelles sont alimentées par sept maternités, seules accréditées à la collecte (800 cordons par an sur 800.000 naissances). Depuis vingt ans, environ 10.000 greffes de sang de cordon ont été réalisées dans le monde. Le sang du cordon ombilical est prélevé juste après l'accouchement. Seuls 27 % des cordons contiennent les 70 ml de sang nécessaires pour espérer y trouver assez de cellules souches.

Vous cherchez un cadeau de naissance original ? "Amis, grands-parents, faites congeler le cordon ombilical du nouveau-né ! Les cellules souches qui y sont présentes sont un patrimoine unique et irremplaçable : les conserver est un choix responsable. Elles représentent la nouvelle frontière de la médecine et l'espoir concret de guérir des maladies jusqu'à présent incurables"... Parmi quelque 140 sociétés privées rivalisant sur le même marché, Swiss Stem Cells Bank (SSCB) communique allègrement pour inciter à la conservation du cordon ombilical. Pour 2000 à 2300 euros, puis environ 100 euros par an, ces banques proposent de stocker le sang du cordon pendant vingt ans à -196°C. À l'issue de cette période, le propriétaire du cordon peut décider de renouveler le contrat. Et la formule séduit : en une petite décennie, près d'un million de familles, toutes nationalités confondues, ont déjà fait le choix de conserver le cordon de leur enfant dans ce type de banques. Des célébrités, comme le footballeur Thierry Henry ou le prince d'Espagne Felipe ont également succombé, donnant au passage un coup de pub non négligeable à ce marché en plein essor. Au point que, ces banque privées n'existant pas dans l'Hexagone, des familles envoient leur sang de cordon à l'étranger, ce qui est interdit par la loi.

QUE DIT LA LOI ? En France, il n'existe pas de banques privées à usage autologue ou intrafamilial. Les cordons sont donc stockés à l'étranger. Or, selon le Code de la santé publique, seuls les établissements et les organismes autorisés par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) peuvent exporter des tissus humains. Passer la frontière avec le sang conservé dans un kit, l'envoyer par courrier ou utiliser les services d'un obstétricien complice est passible d'amende. Jusqu'à présent, aucune saisie de cordon n'a été rapportée.

Quant aux maternités, elles sont confrontées à une demande croissante de la part des parents. Le phénomène prend une telle ampleur et la situation est tellement peu claire que la Commission des affaires sociales du Sénat a demandé un rapport à la sénatrice Marie-Thérèse Hermange, membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie (remise prévue le mois prochain). Car aujourd'hui, trois possibilités s'offrent aux futurs parents : jeter le cordon comme cela s'est toujours fait ; l'envoyer dans une banque privée étrangère afin de le conserver dans un but de greffe autologue (pour soi) ; ou bien le donner au réseau des banques publiques, où il pourra faire l'objet d'un don anonyme (allogénique). Conserver le cordon de son enfant, c'est faire un pari sur l'avenir : c'est entretenir l'espoir que la médecine régénérative parviendra à traiter, grâce aux cellules souches, une large gamme de pathologies (maladies neuro-dégénératives, diabète, altérations de l'œil, mais aussi fractures, brûlures...). En cas de besoin, l'enfant pourrait alors disposer de ses propres cellules, c'est-à-dire d'un greffon autologue, parfaitement compatible d'un point de vue immunologique. "Grâce au sang de cordon, on peut déjà soigner 85 maladies, essentiellement des maladies du système sanguin et du système immunitaire", s'enthousiasme Nico Forraz, chercheur du Cord Blood Center de l'université de Newcastle. En effet, les greffons issus de sang de cordon présentent, dans le cas de maladies du sang telles les leucémies, une alternative intéressante aux greffes de moelle osseuse, lesquelles nécessitent notamment des prélèvements douloureux.
L'engouement pour les cellules souches du sang de cordon n'est pas nouveau. À l'hôpital Saint-Louis (Paris) en 1988, le professeur Eliane Gluckman réalisait une première mondiale en greffant à un enfant atteint d'une anémie de Fanconi (affection génétique entraînant une insuffisance de la moelle osseuse) des cellules souches du sang issues du cordon de sa petite sœur. Ces cellules "hématopoïétiques" ont la propriété de se différencier en globules blancs, globules rouges et plaquettes renouvelant en permanence le sang et le système immunitaire. Ainsi, la greffe a permis de régénérer l'hématopoïèse (la formation des éléments du sang) chez le malade. Depuis le succès de cette greffe, un réseau international de banques publiques de sang de cordon s'est développé, qui a pu faire bénéficier d'une greffe environ 10.000 personnes souffrant de maladies du sang et du système immunitaire.
Quant aux autres applications, prometteuses, elles n'en sont encore qu'au stade de la recherche. À l'université de Floride, un enfant souffrant d'un diabète juvénile a vu son état s'améliorer après avoir reçu le sang de son propre cordon. Trente enfants atteints de cette même affection participent actuellement à une étude clinique. En Espagne, des chercheurs des universités de Grenade et de Leon ont soigné des rats atteints d'hépatite, avec des cellules souches humaines de cordon ombilical. À Newcastle, l'équipe de Colin McGuckin arrive à produire des petits morceaux de tissus hépatiques, de tissus nerveux, des vaisseaux artificiels et des cellules pancréatiques à partir de cellules souches issues de sang de cordon. Georges Uzan, biologiste à l'lnserm, a réussi à régénérer des tissus vasculaires chez la souris, en injectant ces mêmes cellules : des résultats très encourageants dans le traitement de l'ischémie. Toutefois, le chercheur précise "qu'il y a toujours un fossé énorme entre préparer des cellules dans un laboratoire et produire des cellules fonctionnelles à grande échelle, en vue de soigner des patients".

LES CELLULES SOUCHES NE SONT PAS DES JOKERS : À priori, l'intérêt semble donc évident de conserver le cordon de son enfant. Mais il faut bien comprendre que les cellules souches ne sont pas des "jokers", capables dans un proche avenir de régénérer n'importe quel organe. "Je suis très inquiète des fantasmes qui se trouvent relayés au sein de l'opinion publique, déclare Marie-Thérèse Hermange. Les cellules souches ont un potentiel immense, mais elles ne pourront jamais être un remède universel". Aujourd'hui, la greffe de sang de cordon se limite essentiellement aux maladies du sang. Et malheureusement, elle n'épargne pas au patient les chimiothérapies et irradiations qui accompagnent souvent ces pathologies. On peut cependant espérer que demain, le fossé qui sépare la recherche des autres applications cliniques sera franchi. Les banques de sang de cordon seront-elles alors en mesure de restituer les précieuses cellules ? Ce n'est pas sûr. Pour les cellules souches hématopoïétiques, utilisées dans les maladies du sang, cela fonctionne plutôt bien. Mais pour les autres cellules souches issues du sang placentaire, celles sur lesquelles la recherche place ses plus grands espoirs, comme les mésenchymateuses ou les ES-Like, c'est plus compliqué. "Les conditions de congélation des banques sont destinées aux cellules souches hématopoïétiques, mais ne conviennent pas forcément aux autres cellules souches, plus immatures et moins différenciées", explique Georges Uzan. Même constat à l'hôpital Percy (Clamart) : Jean-Jacques Lataillade, qui travaille sur les cellules souches mésenchymateuses (CSM) pour traiter les brûlures, observe une perte de 30 à 40 % après la congélation du cordon. C'est pourquoi ce chercheur s'intéresse à la création d'une banque allogénique de CSM issues de sang de cordon frais.
Dans ces conditions, que reste-t-il exactement du million d'unités stockées dans les banques privées actuellement congelées de par le monde ? À la différence du réseau public, constitué pour répondre aux demandes de greffe de cellules souches hématopoïétiques, les banques privées ne sont pas soumises à la transparence. Ainsi, les parents n'ont pas systématiquement accès à une information détaillée concemant le matériel congelé, le type et le nombre de cellules, la sécurité en matière de virologie, etc. D'ailleurs, tous les cordons ne valent pas la peine d'être conservés. Seuls 27 % contiennent les 70 ml de sang nécessaires pour espérer y trouver assez de cellules souches. En outre, quand un échantillon est envoyé à l'étranger, la personne qui réalise le prélèvement n'est pas toujours formée. Quant aux conditions de transports, elles peuvent être aléatoires : pas de contrôle de température (l'échantillon est renvoyé dans un simple kit isotherme fourni par la banque), des délais de transport jusqu'à 72 heures alors que, selon Eliane Cluckman, au-delà de 24 à 48 heures la survie des cellules est en jeu (recommanclation de la Foundation for the Accreclitation of Cellular Therapy).

LE MEILLEUR DONNEUR EST LE FRÈRE OU LA SŒUR... De plus, de nombreuses banques privées n'ont pas d'accréditation, à la différence des banques publiques qui ne peuvent fonctionner sans. "Je ne suis pas opposée aux banques privées, affirme Eliane Gluckman, pourvu qu'elles répondent à l'ensemble des critères de qualité. Il y a une réelle nécessité de réglementer leur activité, car si certaines travaillent bien, d'autres sont très mauvaises." Enfin, même en faisant appel à une banque privée irréprochable, il reste un obstacle majeur à l'usage autologue du sang de cordon : la plupart des pathologies qu'une greffe permet actuellement de soigner sont d'origine génétique. À l'exception de cas, rares, tels que l'aplasie médullaire ou certains lymphomes, l'autogreffe n'est d'aucun secours, puisque les cellules du patient sont porteuses des mutations responsables de la pathologie. Pour guérir, le patient a donc besoin des cellules d'un autre donneur, indemne de la maladie, mais immunologiquement compatible. Pour une greffe de moelle comme de sang de cordon, le meilleur donneur est donc souvent le frère ou la sœur dont le système immunitaire est compatible dans 25 % des cas. Ainsi, à l'hôpital Saint-Louis, 230 unités de sang placentaire sont réservées à un usage familial, notamment dans le cas de maladies de l'hémoglobine comme la drépanocytose. Ce service est pris en charge par l'assurance maladie dès lors qu'un besoin a été clairement identifié pour un patient donné. Que se passe-t-il en cas d'absence de donneur au sein de la fratrie ? Eh bien, on peut avoir recours à la greffe du sang de cordon d'un donneur extrafamilial, qui présente un intérêt considérable, comparée à une greffe de moelle : comme les cellules sont plus immatures et "immunonaïves", la greffe est mieux acceptée par le receveur et il y a moins de réaction du greffon contre l'hôte. "Dans le cas d'une greffe de moelle, la compatibilité dôit être complète sur douze antigènes, explique Eliane Gluckman. Tandis qu'avec le cordon, on prend uniquement six antigènes en compte et on accepte jusqu'à deux différences."

UNE MÉDECINE RÉSERVÉE AUX PLUS RICHES... En clair, la mutualisation des cordons semble donc bien plus utile que la conservation autologue ou intrafamiliale. De ce côté-là, le réseau mondial des banques allogéniques compte aujourd'hui 300.000 unités, un chiffre qui ne permet pas de couvrir l'ensemble de la diversité des populations. La France, bien que pionnière dans le domaine, a accumulé un retard important en matière de collecte et de stockage. Seules 6400 unités sont stockées dans trois banques (Besançon, Bordeaux, Paris) et 64 % des 335 greffes réalisées dans l'Hexagone en 2007 ont fait l'objet d'importations (Europe, Etats-Unis, Japon et Chine) à 15.000, voire 20.000 € l'unité. Une pénurie qui pousse donc de nombreuses familles à faire appel aux banques privées, lesquelles proposent une sorte d'assurance contre la maladie.
L'émergence de ces banques privées pose cependant un problème éthique. En effet, ces pratiques favorisent une médecine réservée aux plus riches et n'encouragent pas la mutulisation des greffons. "En termes de santé publique, il est plus intéressant de développer des banques à usage allogénique, explique Hélène Espérou, de l'Agence de la biomédecine. Avec une banque riche, on a plus de chances de trouver un greffon compatible pour un malade." Les banques mixtes, ou autologues-solidaires, telles Cryo-Save ou Virgin, tentent de pallier ce problème. Elles réalisent un typage immunitaire de leurs greffons afin qu'ils soient potentiellement disponibles pour le don. En cas de besoin, Virgin propose de conserver 20 % de l'unité pour la famille et de faire don des 80 % restants. Chez Cryo-Save le cordon et le placenta, également riches en cellules souches, pourraient être gardés, alors que le sang de cordon serait donné.
À de rares exceptions près, le don du cordon semble donc, pour l'instant, plus pertinent que la conservation autologue. Des études réalisées dans les maternités ont d'ailleurs montré que les mères préféraient donner le cordon plutôt que le garder. Le problème, c'est qu'on ne peut, en France, pas conserver son cordon, et la possibilité de don est très limitée : seules sept maternités le pratiquent, en réseau avec les trois banques publiques. Quatre autres banques devraient ouvrir fin 2008, début 2009 à Créteil, Montpellier, Grenoble et Poitiers, permettant à d'autres maternités de commencer la collecte. Mais aujourd'hui, dans la plupart des cas, le cordon part à la poubelle.

M.-C.M. - SCIENCE & VIE > Juin > 2008
 

   
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