Monde ANIMAL - Eucaryotes - Vertébrés, Mammalia
MAMMIFÈRES - Rongeurs ou Rodentia (Rodentiens)
Theria, Eutheria, Placentalia, Rodentia (5 sous-ordres, 33 familles, + 2000 espèces)
Hystricomorpha, Hystricognathi (18 familles), Phiomorpha, Bathyergidae

Le Monde du Rat-Taupe Nu (Heterocephalus glaber)
Bathyergidae (2 sous-familles, 5 genres, 16 espèces), genre Heterocephalus (1 esp)

7 Péchés Animaux : La Xénophobie, les Rats-Taupes Nus Exécutent l'Étranger


L.G. - SCIENCE & VIE N°1254 > Mars > 2022

Le Rat-Taupe Nu n'entend presque Rien

H.R. - SCIENCES ET AVENIR N°885 > Novembre > 2020

Les Rats-Taupes Africains ne sont Pas Douillés

P.K. - SCIENCES ET AVENIR N°869-870 > Juillet-Août > 2019

Le Rat-Taupe Nu ne Vieillit Pas

Y.C. - SCIENCES ET AVENIR N°854 > Avril > 2018

Les Rats-Taupes Nus souffrent aussi du Cancer
CANCÉROLOGIE

On pensait le rat-taupe nu immunisé contre tout processus tumoral, c'était devenu un dogme ou presque.

Il n'en est rien selon Martha Delaney et son équipe, de l'université de Washington, à Seattle : deux spécimens venant de deux zoos distincts présentent une tumeur à l'aisselle pour l'un, à l'estomac pour l'autre. «Nous voulons déterminer quelles sont les différences ou les mutations spécifiques qui ont pu prédisposer ces individus au cancer», annonce la chercheuse.

H.R. - SCIENCES ET AVENIR N°830 > Avril > 2016

Le Super Rat-Taupe

Champion de longévité (30 ans), de bonne santé (il ne connait ni vieillissement ni cancer), de cicatrisation (ses incisives lui poussent à travers les lèvres) et de survie dans les vapeurs de CO2 et d'ammoniac dégagées par ses excréments, Heterocephalus glaber, le rat-taupe nu africain vient de décrocher un nouveau record : celui de lenteur des spermatozoïdes.

A peine 7 % du sperme de ce cousin du porc-épic est mobile et, ce, a seulement 35 microns/seconde. Pourquoi tant d'inefficacité ? Parce que le mâle ne connait pas la compétition sexuelle. Les rats-taupes vivent en effet en colonies souterraines d'une trentaine d'individus dominés par une reine. Celle-ci choisit un mâle pour la reproduction, débarrassant ainsi tous les autres d'instincts reproducteurs. Comme la vie doit être simple débarrassée des exigences de la séduction : pas besoin d'être beau ni d'avoir des spermatozoïdes hyper-rapides.
En la matière, le sperme humain ne brille pas non plus par sa mobilité (44 %), ce qui s'expliquerait par la relative monogamie de notre espèce et la pollution. Et la connaissance du rat-taupe, dont on a achevé récemment le décryptage du code génétique, n'a pas fini de faire progresser la science. Ainsi, tandis qu'une équipe de Chicago vient de découvrir comment l'animal survit dans un air raréfié en oxygène sans dommages cérébraux, des chercheurs du Centre Max de médecine moléculaire à Berlin ont identifié la mutation génétique qui le rend insensible à la douleur d'un acide. Une découverte qui pourrait amener au développement d'un médicament spécifique contre les douleurs de l'arthrite et autres désordres inflammatoires, douleurs dues à l'acidose.

ÇA M'INTÉRESSE HS N°7 > Avril-Mai-Juin > 2012

Le Rat-Taupe Nu Résiste à Tout
CANCÉROLOGIE

Un mécanisme cellulaire permet à ce rongeur qui peut vivre trente ans de ne pas être atteint de cancer.

"La laideur a ceci de supérieur à la beauté qu'elle se conserve", disait Serge Gainsbourg. Une formule qui va à ravir à l'abominable rat-taupe nu, rongeur africain à l'exceptionnelle longévité. Alors que, à titre de comparaison, une souris ne vit pas plus de quatre ans, Heterocephalus glaber peut frôler la trentaine ! Comme si nous pouvions vivre jusqu'à 600 ans ! Non seulement, l'animal ne montre pas de signes de sénescence mais il est imperméable au cancer !

Le secret de cette résistance vient d'être mis au jour par l'équipe d'Andrei Seluanov de l'université de Rochester (États-Unis). Elle réside dans l'hypersensibilité d'un phénomène bien connu des biologistes cellulaires : "l'inhibition de contact". Ce mécanisme stoppe la prolifération cellulaire lorsque leur densité devient trop importante, permettant ainsi de réduire l'apparition de cellules cancéreuses au sein d'une masse cellulaire compacte trop stressée. Si elle est connue chez l'homme et la souris, l'inhibition de contact se révèle avoir une acuité sans égal chez le rat-taupe nu. A peine les cellules se touchent-elles que leurs divisions s'arrêtent, ont montré les chercheurs. En allant un peu plus loin, ils ont mis la main sur les deux protéines responsables de cette sensibilité extrême : p27kip1 et p16Ink4a. Selon Andrei Seluanov et ses collaborateurs, leur action combinée confère aux cellules du rat-taupe une inhibition de contact en deux temps largement plus efficace que celles de la souris ou de l'homme qui ne s'appuient que sur p27kip1. Un travail publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (27 octobre) qui ouvre une piste de réflexion intéressante sur le développement et le traitement des cancers.

H.R. - SCIENCES ET AVENIR > Décembre > 2009

Le Rat-Taupe Nu Résiste à Tout (2)
CANCÉROLOGIE

Il ne développe jamais de cancer et jouit d'une longévité exceptionnelle.

Les atouts d'un petit rongeur africain, Heterocephalus glaber, intéressent au plus haut point les chercheurs sur le cancer. Or, le "rat-taupe nu" vient de livrer ses secrets à une équipe de l'université de Rochester (États-Unis) : il utilise un double mécanisme génétique qui bloque la prolifération des cellules, caractéristique des tumeurs. Ce processus enraye d'emblée le développement tumoral. De quoi ouvrir des pistes de réflexion inédites sur la cancérisation.

O.K. - SCIENCE & VIE > Décembre > 2009

Ce Rongeur est Devenu un Insecte

C'est une découverte majeure : les rats-taupes, de petits mammifêres vivant en colonies sous terre, s'organisent autour d'une reine dont la morphologie s'est modifiée pour s'adapter à son rôle de reproductrice. Un comportement que l'on croyait réservé aux insectes sociaux, tels les fourmis ou les termites !

L'équipe de Justin O'Riain a montré que ces castes morphologiques ne sont pas réservées aux insectes, mais existent aussi chez une espèce de rats-taupes. C'est la première fois que l'on met en évidence une modification du squelette à l'âge adulte, chez un mammifère. Cette découverte implique que le plan d'organisation de l'animal s'en trouve modifié.
L'un de ces chercheurs doit en effet à la plastique de la reine une découverte majeure : la souveraine présente une étonnante particularité au niveau de son épine dorsale, une déformation anatomique qui éclairerait d'un jour nouveau l'évolution de la socialité au sein du règne animal. Plus précisément, ce caractère acquis au fil de la sélection naturelle légitime rien de moins que l'existence d'une caste royale... chez une espèce de rongeurs vivant en Afrique. "C'est la première fois que l'on trouve une spécialisation morphologique irréversible chez un mammifère adulte vivant en caste", s'enthousiasme Justin O'Riain, de l'université du Cap (Afrique du Sud), à l'origine de cette découverte.
De fait, il ne s'agit nullement ici d'abeilles ou de termites, mais du rat-taupe glabre, ou Heterocephalus glaber, une espèce de rongeur qui vit exclusivement sous terre, et dont l'examen de quelques milligrammes d'os vient d'ouvrir d'inédites perspectives dans l'idée que l'on se faisait jusqu'ici de l'organisation du vivant. Chauve, aveugle et fripé, le rat-taupe glabre n'est pas un inconnu : il est sorti de l'ombre il y a tout juste vingt ans, lorsque Jennifer Jarvis, elle aussi de l'université du Cap, s'est aperçue que la vie de ce mammifère souterrain reflétait le monde des invertébrés dit "eusociaux". Jusqu'alors, seuls des insectes comme les fourmis ou les termites répondaient aux critères de l'eusocialité. A savoir : la vie en communauté dans un même nid ou un seul terrier, le partage des tâches, la cohabitation des générations chevauchantes et, quatrième et dernier point, l'existence de castes morphologiques.
Or, Jennifer Jarvis a découvert qu'une colonie de rats-taupes compte jusqu'à 300 individus, qu'elle est dominée par une seule femelle, qui s'approprie la reproduction et les soins aux jeunes tandis que le reste de la colonie vaque aux tâches quotidiennes : forage de tunnels pour trouver de la nourriture, entretien du réseau de galeries et défense contre les intrus.

UN IRRÉVERSIBLE ALLONGEMENT DE LA VERTÈBRE LOMBAIRE : La nouveauté, c'est qu'on sait désormais que la quatrième condition de l'eusocialité est bien remplie : la reine des rats-taupes n'a pas usurpé son titre. Intrigué par son opulente corpulence, Justin O'Riain a en effet découvert qu'elle subit une remarquable adaptation morphologique afin d'augmenter sa fécondité. À compter du jour où la reine prend le pouvoir, sa vertèbre lombaire s'allonge. Ce qui agrandit son abdomen et lui permet d'engendrer des portées plus importantes. Chez les termites et les fourmis, la reine, productrice d'oufs, est souvent désignée comme un point culminant de l'évolution sociale. L'article du zoologiste prouve donc l'existence d'une caste royale chez un mammifère, ce qui renverse le prédicat selon lequel les castes morphologiques se restreindraient aux insectes sociaux. La spécialisation des taches chez les rats-taupes glabres ne s'arrête pas là. Certes, il n'existe pas de caste morphologique de soldat comme chez certaines fourmis. Cependant, la défense de la colonie est assurée par les rats-taupes les plus corpulents. Lorsque ces individus, au demeurant indolents et volumineux, sont alertés par leurs congénères plus vifs d'une intrusion dans le terrier, ils sortent aussitôt de leur léthargie : armés de longues incisives et dotés de saillants muscles maxillaires, ces soldats érigent une redoutable ligne de défense destinée à faire battre en retraite l'intrus, quand il n'est pas éliminé.
Et ce n'est pas tout : le professeur O'Riain a découvert que les colonies de rats-taupes glabres abritent un autre type d'individus, baptisés "dispersants". Dispensés de tâches ménagères et martiales, ces rats-taupes se goinfrent littéralement avant de quitter le terrier pour frayer avec un parfait inconnu. Sexuellement mûrs et débordants de réserves graisseuses, les dispersants renoncent à la sécurité de leur refuge natal pour se mettre en quête de partenaires non apparentés. À l'instar des dispersants ailés chez les fourmis ou les termites, ce sont des messagers de l'information génétique entre colonies. En effet, au sein des sociétés de rats-taupes glabres, les accouplements consanguins sont monnaie courante. Les dispersants estompent donc les problèmes de consanguinité dans la communauté.

UN PARTAGE DES TÂCHES VITAL : Les rats-taupes sont parfaitement adaptés à leur environnement souterrain. Leurs oreilles sont dépourvues de pavillon et leurs incisives, placées devant les lèvres empêchent la terre d'entrer dans la bouche lorsqu'ils creusent des galeries ! Lorsqu'une femelle devient la reine de la colonie, sa vertèbre lombaire s'allonge afin d'augmenter sa fécondité : elle peut ainsi avoir une portée de 28 petits.

Pour les scientifiques, les rats-taupes glabres ouvrent des perspectives fascinantes pour la compréhension de l'évolution de la socialité. Certes, d'autres mammifères vivent dans des groupes sociaux : les lions, les lycaons. les suricates... Mais aucun ne présente un partage des tâches aussi poussé ni une adaptation morphologique irréversible. La clé de cette spécialisation tient à la taille de la colonie : plus il y a d'ouvriers, plus ils peuvent décharger la reine de ses tâches, et plus celle-ci "peut s'adapter" pour maximiser sa fécondité.
Autre enseignement de ce petit rongeur qui ne paie pas de mine : le partage du travail ne signifie pas chez lui altruisme. Les rats-taupes sont en effet paresseux de nature. Ils s'informent des besoins de la communauté en échangeant substances odorantes et vocalises dans le but de minimiser leurs efforts et de mobiliser l'effectif strictement nécessaire. L'emploi du temps de la colonie a ainsi évolué de manière à réduire les dépenses d'énergie liées à l'exécution des tâches quotidiennes. Les individus se spécialisent dans une activité particulière, restreignant de cette manière le nombre de trajets qui sont improductifs.
Mais ce travail d'équipe masque la propension des rats-taupes glabres à la violence et aux actes antisociaux.
De fait, la reine conserve le monopole de la reproduction en harcelant physiquement les autres femelles pour éviter qu'elles ne s'accouplent : probablement aussi en empêchant leur ovulation au moyen de signaux chimiques. Sa mort donne lieu à des combats sanglants entre femelles pour la succession au titre de reproductrice. Généralement, la nouvelle reine procède ensuite au génocide des plus pugnaces de ses descendantes afin d'écarter toute menace sur son règne. Dans ces conditions, pourquoi le groupe se constitue-t-il ? Parce qu'il en va de la survie de chacun de ses membres. Les rats-taupes glabres vivent dans les régions semi-arides et arides du Kenya, de l'Ethiopie et de la Tanzanie, où ils dépensent une énergie considérable à chercher à l'aveuglette les tubercules ou les racines outerraines disséminés dans des terres dures comme de la pierre. Un individu solitaire risque fort de mourir d'épuisement avant de tomber sur une source d'alimentation. Ces juteux tubercules peuvent peser jusqu'à 50 kg, ce qui suffit amplement à nourrir une colonie entière pendant quelques semaines. Un rat-taupe a donc tout intérêt à partager ses découvertes avec le reste du groupe.
Le rat-taupe glabre n'en demeure pas moins agressif vis-à-vis des congénères étrangers à sa colonie. Le réseau souterrain d'une communauté constitue une ressource essentielle pour sa subsistance. Mais la construction et l'entretien de ce réseau sont une charge pour ses occupants, qui le défendent avec férocité contre les intrus de toutes sortes. Cette "xénophobie" n'empêche pas les groupes de rats-taupes coopératifs de se former. Les mères acceptent la présence de leur lignée sur leur territoire en échange du fruit de son labeur. La sélection naturelle a donc favorisé les parents qui tolèrent la présence de leur progéniture adulte sur leur erritoire, ainsi que les descendants prêts à sacrifier la possibilité de "s'établir à leur compte" pour aider leurs parents à élever plus d'enfants. En outre, chaque descendant possède des gènes en commun avec le parent reproducteur, ce qui lui permet de transmettre indirectement une partie de ses gènes aux générations futures, même s'il ne se reproduit pas lui-même. Par des chemins évolutifs différents, les insectes sociaux et les rats-taupes glabres ont ainsi adopté les mêmes méthodes pour subsister : vivre en larges colonies et se spécialiser pour gagner en efficacité. L'organisation de la société de ces rongeurs révèle l'existence de nouveaux mécanismes impliqués dans la socialité. Et montre que les sociétés animales peuvent aussi rassembler des individus "sociaux" fort peu sociables.

A.T. - SCIENCE & VIE > Août > 2002
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net