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Première Prophétie du Higgs sur la Fin du Monde

Immenses Filaments de GazAvec la découverte du boson de Higgs, les physiciens revoient tous leurs calculs. Or, ceux portant sur le vide de l'Univers prédisent une... apocalypse : loin d'être stable, le vide pourrait tomber... dans le vide, entraînant le monde avec lui.

D'un coup, chaque électron dans l'Univers acquerra la masse d'une bactérie, s'écrasera sur le noyau atomique autour duquel il tourne, et toute la matière se ratatinera sur elle-même en une soupe ultra-dense. Plus de molécule, plus de chimie : rien ne résistera très longtemps à une telle apocalypse cosmique. "Comparée à ce que raconte Gian Giudice, la prédiction prétendument Maya qui annonce la fin du monde pour ce 21 décembre passerait presque pour une aimable comptine. Encore un délire pour esprits illuminés en mal de sensations fortes ? Pas cette fois, non. Car Gian Giudice travaille à la division théorique de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern). Le scénario qu'il décrit est directement issu de l'analyse rigoureuse du boson de Higgs, cette particule élémentaire dont la découverte, rendue publique le 4 juillet dernier après un demi-siècle de traque, offre enfin une vision complète et précise de la matière et de son histoire. C'est même la première prophétie de celle qui est surnommée la "particule de Dieu".

SANS CRIER GARE

Si cette découverte est cruciale, c'est que le boson était la dernière pièce manquante du modèle standard, l'actuelle théorie des constituants élémentaires de la matière. Maintenant que sa masse est connue (125 GeV), des calculs jusqu'alors en suspens peuvent être menés à leur terme. Comme celui sur la stabilité du vide qui emplit notre Univers. C'est ce que vient de réaliser Gian Giudice, en collaboration avec Gino Isidori et un petit groupe de théoriciens. Et le résultat est tombé comme un couperet : le vide dans lequel baigne notre Univers est susceptible de se déchirer à chaque instant. Sans crier gare.
Pour comprendre pourquoi le destin de notre monde est intimement lié aux caractéristiques de la nouvelle particule, il faut saisir le statut singulier de ce boson au sein du modèle standard, maintenant complet. Certes, c'est une particule, comme l'électron, mais qui a la particularité d'être une “excitation” d'une entité physique appelée “champ de Higgs” - un peu comme une vague est une excitation de la surface de la mer. Or, ce champ de Higgs emplit tout l'Univers et joue un rôle clé dans le ballet des particules : c'est en interagissant avec lui que chacune des particules qui nous entourent se trouve dotée d'une masse. Autrement dit et c'est là que le modèle standard perturbe le plus notre perception classique de la matière - la masse ne doit plus être considérée comme un attribut propre aux particules, mais comme une propriété qu'elles acquièrent en interagissant avec la champ de Higgs. On peut le voir comme une sorte de mélasse. Les particules qui y sont sensibles et qui s'y meuvent nous apparaissent ralenties, pataudes, pleines d'inertie, bref... massives.
Et justement : l'apocalypse du Higgs qui vient d'être prophétisée correspond à l'épaississement brutal de cette mélasse. Un tel événement provoquerait immédiatement un cataclysme global à l'échelle de l'Univers : les mouvements des particules massives seraient tellement freinés que les électrons pourraient sembler aussi lourds que des bactéries. "Nous n'aurions même pas le temps de nous en rendre compte, puisque nous serions instantanément plongés dans un nouveau vide où nous disparaîtrions", ajoute Gino Isidori, lui aussi à la division théorique du Cern et coauteur de la funeste prophétie.

ET SI LE VIDE DÉGRINGOLAIT ?

Pourquoi imaginer un tel scénario, a priori assez délirant ? Parce que comme tout objet physique, le champ de Higgs est susceptible de se trouver dans différents états d'énergie un peu comme une bille, selon qu'elle est placée dans un creux ou au sommet d'une bosse, se trouve dans différents états d'énergie potentielle. Ce champ pourrait donc bel et bien passer à un état d'énergie inférieure comme la bille peut dégringoler vers un plateau situé plus bas. Certes, mais n'est-ce pas se faire peur pour rien ? Après tout, notre bon vieux vide paraît plutôt stable : cela fait 13 milliards d'années qu'il tient le coup ! Peu de risque, donc, qu'il s'effondre...
Immenses Filaments de GazSauf que la découverte du boson de Higgs a permis d'aller au bout des calculs. Et le verdict est tombé : "Notre vide n'est pas absolument stable, assène le théoricien italien. Néanmoins, il remplit la condition de métastabilité". C'est-à-dire qu'il se trouve non pas bien calé au fond d'un trou ni en instabilité au sommet d'une pente, mais dans un creux de profondeur intermédiaire, bordé par de petites parois (infographie ->). Si bien qu'il suffirait d'une pichenette pour l'en déloger et le faire dégringoler dans un état d'énergie inférieure.
Or, la mécanique quantique autorise une telle pichenette : c'est "l'effet tunnel". Un phénomène banal dans le monde de l'infiniment petit, qui permet à un objet quantique - et le vide en est un - de traverser une paroi qu'il n'a pas l'énergie de gravir pour passer par-dessus. Ainsi, notre bille peut très bien traverser les bords de sa cuvette et... déclencher l'apocalypse : le bascule du vide qui emplit l'Univers... dans le vide. Quand ? "Le temps caractéristique de séjour du vide dans son état actuel serait de 10100 ans", estime Gino Isidori.

UNE BASCULE IMPRÉVISIBLE

Pas de quoi s'inquiéter, alors que notre Univers a tout juste dépassé les 10 milliards d'années (1010) et qu'il s'avance très lentement vers les 100 milliards d'années (1011). Sauf que... mécanique quantique oblige, la bascule pourrait en réalité se produire n'importe quand, dans trois secondes comme dans trente milliards de milliards de milliards d'années. Et même le 21 décembre 2012.
Cette prophétie présente cependant une faille. Ils ont beau être fondés sur une analyse méticuleuse des équations du modèle standard, ces calculs n'ont de sens que si le modèle est valable jusqu'à des énergies faramineuses, cent millions de fois plus grandes que celle que peut atteindre l'accélérateur de Genève. Or, comme le souligne Christophe Grojean, théoricien du Cern, "il est peu probable qu'on puisse étendre le modèle standard jusqu'à pareille énergie ; à l'inverse, il est vraisemblable qu'une nouvelle physique, encore inconnue, surgisse à une échelle d'énergie intermédiaire".
Certes, si ce n'est que pas la moindre trace de cet au-delà du modèle standard n'a encore été relevée, à Genève ou ailleurs. En attendant, puisque rien n'indique à partir de quelle énergie ses prédictions ne seront plus fiables, et que c'est la seule théorie physique cohérente qui existe pour décrire la matière, autant prendre ses prédictions au sérieux. Et écouter ce que la particule qui matérialise la substance du vide nous raconte sur le monde... Depuis quelques mois, la physique est entrée dans une nouvelle ère. L'apocalypse des Mayas ? Non, c'est l'apocalypse du Higgs qui est la véritable prophétie du nouveau monde.

LES AUTRES SCÉNARIOS : En matière de fin du monde, les équations sont prolixes. Longtemps, celles de la relativité générale ont suggéré que tout se terminerait dans un "big crunch", un big bang à l'envers ! Mais la découverte en 1998 de la mystérieuse énergie noire qui accélérerait l'expansion de l'Univers a invalidé ce scénario. Qu'à cela ne tienne ! Un an plus tard, Robert Caldwell, au Darmouth College, proposait le "big rip" (grande déchirure). Selon lui, il est possible que la densité d'énergie noire (75 % de l'Univers) explose. Le cosmos serait alors littéralement déchiqueté. D'autres scénarios issus des équations n'ont parfois rien à envier aux visions mystiques les plus radicales.

M.G. - SCIENCE & VIE > Décembre > 2012

 

   
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