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Les Premiers Signes de l'Au-Delà

 Voici la Science de l'Au-Delà

Comment penser au-delà, au-delà de notre Univers, au-delà du temps et de l'espace à l'intérieur duquel nous pensons ? Penser le tout début et même son avant, penser l'ailleurs passé les limites de notre Univens ?

La physique est une bien belle science. Elle nous a conduits jusqu’aux portes du big bang. Mais ses portes demeurent infranchissables. Qu'on le veuille ou non, nous sommes enfermés dans notre temps qui s'écoule depuis prés de 14 milliards d’années, coincés dans le sablier au sein duquel il passe, errant sur le grain de sable qui nous porte dans son voyage inexorable vers un futur lointain. Comment porter son negard au dehors ? Personne n’aurait imaginé cela possible. Sauf à s’adonner aux joies de la métaphysique, bien sûr. Mais si la métaphysique est une bien belle chose, elle n'est pas une science.
Un constat que le pape Jean-Paul II a eu beau jeu de rappeler à sa maniére, en 1981, aux quelques experts invités par les jésuites au Vatican en clôture d’une conférence sur la cosmologie. Stephen Hawking rapporte les propos tenus par le pape à cette occasion dans son livre Une brève histoire du temps (1988) : "C'est une bonne chose d'étudier l'évolution de l'Univers après le big bang, avait déclaré le chef de file de l'Eglise catholique, avant d'ajouter, mais vous ne devriez pas vous occuper du big bang lui-méme, parce qu'il est le moment de la Création et de Dieu. En effet, comme chacun le sait, les voies du Seigneur sont impénétrables... Or, voici pourtant que trente ans plus tard, elles ne le sont plus vraiment. Que s'est-il passé ? Il y a, bien sûr, qu’armés d’une créativité sans bornes, des cosmologistes sont passés outre la mise en garde papale. Cela fait déjà un bon moment que certains d'entre eux poussent leur discipline dans ses retrenchements et tentent d’imaginer ce qui se cache derrière ses limites. Pure spéculation ? Plus tout à fait. Car l’analyse d’un nouveau cliché venu des confins de notre espace-temps a de bonnes chances de révéler des traces de l'existence d’un au-delà. Y décélera-t-on des univers paralléles ou celui qui a précédé le nôtre ? Nous devrions être rapidement fixés. D'ici là, une chose est d'ores et déjà acquise : la possibilité de penser scientifiquement ce qui apparaissait strictement impensable. Autrement dit, la science de l'au-delà n'est plus au-delà de la science.

 SCIENCE & VIE > Mars > 2012

 Les Premiers Signes de l'Au-Delà

C'est un moment unique dans l'histoire des sciences. Une image du ciel tout à fait exceptionnelle que les physiciens sont en train de décrypter promet de réaliser ce que l'on croyait impossible : franchir les frontières de notre Univers, tant dans l'espace que dans le temps. Voici, ce que l'on pourrait y voir.

S’il est une question des plus vertigineuses entre toutes, c’est bien celle-là : qu’y a-t-il en dehors de notre Univers ? Qu’y avait-il avant que naisse le monde dans lequel nous vivons ? Rien ? Une sorte d’état primitif de la matière ? Ou bien un autre univers, sorte de miroir du nôtre ? Et qu’y en dehors des frontiéres spatiales du cosmos ? Le néant ? Ou une myriade d’autres mondes formant un méta-univers dont nous ne serions qu’une petite bulle ?
Ces questions, jusqu’à maintenant, ne relevaient pas vraiment de la science, mais plutôt de la métaphysique, ou de la religion. Toute spéculation sur l'existence d’autres mondes ne se réduit-elle pas à des hypothèses invérifiables ? L’Univers, par définition, est constitué de tout ce qui existe ou a existé, dans le temps et dans l’espace. Comment la science pourrait-elle prétendre nous parler d’autre chose ? Comment espérer observer puis décrire ce qui, à proprement parler, se tient au-delà du ciel, en dehors du grand Tout ?
Eh bien, aussi étonnant voire absurde que cela paraisse, l'impossible semble sur le point d'être relevé. Car, en ce moment même, une image du ciel tout à fait exceptionnelle est en train d’étre décryptée par une armée de physiciens et d’informaticiens. Cette image, collectée pendant deux ans et demi par le télescope spatial Planck, en orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre, dessine la carte détaillée du cosmos dans sa prime jeunesse. Or, si tous les spécialistes sont persuadés qu'elle va apporter des informations cruciales sur l’histoire de notre Univers, certains pensent qu’elle ira même plus loin. Qu'elle va leur permettre, pour la première fois, de sonder ce qu’il y a au-delà des frontières de notre monde et de confronter les visions d’outre-monde issues d’imaginations débridées avec de vraies observations astronomiques. Et le plus étonnant est qu’il y a de bonnes raisons de les prendre au sérieux...
En l’état, le seul scénario que peuvent attester les observations est celui du "modèle cosmologique standard": tout ce que l’on voit là-haut semble provenir d’un évènement singulier, le big bang, qui se serait produit il y a 13,7 milliards d’années. Ce serait l’état originel à partir duquel le cosmos, minuscule, dense et brillant, n’aurait eu de cesse de s'étendre, se refroidir et se structurer, jusqu'à ce qu’apparaissent étoiles, galaxies, planètes et... nous-mêmes.

UN RAYONNEMENT PRIMORDIAL...

Cette vision, fondée sur la théorie de la gravitation d’Einstein, dessine ainsi parfaitement nos frontières spatio-temporelles : notre monde est inscrit dans une sorte de cône dont le big bang serait la pointe (infographie ->).
En creux, est donc aussi défini ce qui est au-delà - l’extérieur du cône. Mais de cela, la théorie ne dit rien : rien sur ce qui se passe à côté de notre Univers, ni sur ce qui a présidé à sa naissance, sur ce qui l'a rendue possible ou nécessaire. Le modèle standard évoque seulement un “instant initial”, où l’Univers présenterait un volume nul, ainsi qu’une température et une densité infinies. Situation sans doute captivante pour un métaphysicien... mais qui, pour un physicien, indique simplement qu’aux abords de l'origine, la théorie s’effondre. "On peut spéculer à l'infini sur le sens à donner à cette singularité, mais ça n'a plus rien à voir avec de la physique", confirme Pierre Binetruy, au Laboratoire astroparticules et cosmologie, A Paris.
La force de ce scénario, établi entre le début des années 1920 et la fin des années 1940, est qu’il a été confirmé par toutes les observations astronomiques. A commencer par celle de l’éloignement progressif des galaxies, lesquelles devaient donc être, par le passé, beaucoup plus rapprochées. Mais aussi et surtout, l'observation du rayonnement cosmologique fossile, cette fameuse première lueur que vient d’enregistrer avec une précision inégalée le satellite Planck. Fortuitement repéré dans les années 1960 par les radioastronomes américains Arno Penzias et Robert Wilson, puis observé par les satellites COBE à la fin des années 1980 et WMAP au début des années 2000, ce rayonnement - un fond de micro-ondes d’une intensité à peine perceptible provenant de toutes les directions - est une véritable mine pour les spécialistes de l’étude de l’Univers. ll date d’environ 380 000 ans aprés le big bang. Avant cette date, aucun grain de lumière, le seul messager auquel les astrophysiciens puissent se fier dans leurs observations, n’a été émis à travers l’espace : les partioules et les atomes étaient tellement agités que chaque photon émis était instantanément réabsorbé, rendant l’Univers totalement opaque. Lorsqu'à la faveur du refroidissement accompagnant l'expansion, la lumière a pu s'échapper, le cosmos tout entier a émis son premier “flash”, qui baigne encore aujourd’hui tout l’Univers. Or, ce rayonnement présente des fluctuations : la lumière fossile qui tombe des diverses régions de l’espace présente d'infimes variations (en température, en polarisation...), lesquelles résultent de la distribution du contenu de l’Univers 380 000 ans aprés le big bang. La carte de ces fluctuations forme donc une véritable carte du cosmos primitif. Quoique largement postérieure au big bang, c’est la plus ancienne photographie possible de notre monde. Et cette photographie permet de remonter plus loin dans le temps. Car les détails des mes variations du rayonnement fossile sont fonction de l’histoire passée. Les cosmologistes l'exploitent donc pour s'approcher encore un peu plus des frontières et comprendre les évènements qui ont marqué les premiers instants de notre Univers. Pourquoi alors ne pas aller encore plus loin ?
De la méme fagon que des rides à la surface de l’eau portent en elle le récit de l’impact qui les a engendrées, pourquoi ne pas exploiter cette image pour reconstituer l'histoire jusqu’à son origine, voire au-delà ?
Le problème, c'est que pour espérer repérer quoi que ce soit d’intelligible sur une carte, il faut déjà avoir une petite idée de ce que l’on cherche. Or, le modèle standard, en l’état, est incapable de le préciser. Les théoriciens ont cependant de l’imagination. Ils savent bien qu'à l'approche de l'origine, l’Univers était si petit qu’il faut repenser la physique qui le gouverne. Il faudrait disposer d’une théorie de la gravitation - la force qui gouverne le cosmos dans son entier - qui incorpore aussi les règles quantiques qui s'appliquent à l'échelle microscopique. Plusieurs candidates crédibles ont été présentées, comme la théorie des cordes, qui unifie tous les phénomènes par des vibrations de minuscules cordelettes, ou la théorie quantique à boucle, qui pixellise l’espace et le temps. Or, chose intéressante : toutes ces théories, appliquées à la cosmologie, conduisent à un contournement du big bang ! Certains modèles laissent entrevoir la possibilité d’un univers dont la naissance lui serait antérieure, avec une “préhistoire”, potentiellement aussi riche que l’histoire que nous lui connaissons. D’autres incitent à croire que l’Univers, loin d'être unique, ne serait qu’une goutte d’eau insignifiante dans l’océan d'un méta-univers. Bref, ces théories n'hésitent pas, elles, à traverser les frontières. Mieux : elles suggérent que le ciel doit receler encore les traces visibles laissées par ces hypothétiques outre-mondes. Où ces traces seraient-elles inscrites ? Dans les fluctuations du rayonnement fossile, bien sûr...
De grands cercles qui, tels des ronds dans l’eau, marquent la rencontre avec un monde parallèle, des petites taches caractéristiques d’un univers éternel et rebondissant, ou une parfaite uniformité signalant la présence d’un univers beaucoup plus vaste dont nous ne serions qu’une petite excroissance... Les cosmologistes versés dans l'outre-monde ont fait leurs calculs : ils savent les signes qu’ils recherchent (voir article suivant ci dessous). lls n’attendent plus que les données de Planck.

DE 20 A 30 FOIS PLUS SENSIBLE...

L’héritier des satellites COBE et WMAP, qui a terminé ses observations en janvier dernier, leur promet monts et merveilles : alors que WMAP a fourni des images contenant 6 à 8 millions de pixels, celles de Planck avoisinent les 50 millions ! Sans compter la capacité de ce dernier à détecter de large gamme de longueur d’onde, sept fois plus étendue que son prédécesseur. Et une sensibilité 20 à 30 fois plus élevée. "WMAP, c'était comme étudier un éléphant en lui tâtonnant une patte, indique François Bouchet, à l’Institut d’astrophysique de Paris, et responsable de l'exploitation scientifique des données de Planck. Alors qu'avec Planck, on voit toute la bête !"
Les premières cartes ne seront rendues publiques qu’en janvier prochain. Pour l’heure, les spécialistes en sont encore à expurger les informations recueillies des artefacts dus aux instruments et des signaux provenant de multiples sources astrophysiques autres que le rayonnement fossile. A commencer par la Voie lactée elle-même, qui dessine de belles volutes violacées à l’avant-plan du rayonnement de fond. Mais quelques raresprivilégiés ont déjà pu distinguer les motifs qui se trouvent en dessous. "Je peux vous dire que c’est extraordinairement émouvant de contempler l’Univers à ses tout premiers instants", confie Jean-Michel Lamarre, à l’Observatoire de Paris, un des concepteurs de Planck.
Il faut donc se préparer à vivre un moment unique dans l'histoire des sciences, à réaliser ce que l’on pensait impossible, à emprunter des voies que l'on croyait impénétrables : dans cette image bientôt révélée se cachent peut-être les premiers paysages d’outre-monde. Les premiers signes de l’au-delà.

 M.G. - SCIENCE & VIE > Mars > 2012

 Le Travail d'Analyse à déjà Commencé

Les physiciens sont en train de décoder les données envoyées par Planck. A la clé : les premières traces de l'au-delà. Voici quatre hypothèses...

Pour pouvoir plonger dans l’au-delà, les physiciens doivent analyser les plus infimes variations (de la température ou de la polarisation) du fameux rayonnement cosmologique fossile, cette première lumière de l’Univers. Or, l’image que le satellite Planck leur a livrée est masquée par toutes sortes de signaux. A commencer par l’ombre de la Voie lactée, avec son gaz sombre et ses poussières, qui trônent au premier plan. Mais aussi celles de galaxies, de nuages de gaz et de quasars lointains qui ajoutent à la confusion. Tout l’enjeu pour les spécialistes est désormais de nettoyer la précieuse image de ces “bruits” parasites, afin de récolter le rayonnement cosmologique le plus pur qui soit. Un travail titanesque qui va leur prendre une année, ordinateurs à l’appui, mais qui est tout à fait indispensable. Car au terme de ce chantier, ils auront sous les yeux le détail des motifs du rayonnement fossile, autrement dit la taille et l'agencement de ses taches, comme autant de possibles empreintes de la préhistoire de l'Univers. Ils pourront alors confirmer la vraisemblance de l’un ou l'autre des scénarios qu’ils ont échafaudés. Contemplant dans sa nudité la plus ancienne lumière émise par l’Univers, ils sauront enfin si elle renferme la clé des outre-mondes.

HYPOTHÈSE 1 : SI L'ON VOIT DES CERCLES ALORS NOTRE UNIVERS NE SERAIT QU'UN PARMI D'AUTRES

De larges cercles concentriques sur la carte du rayonnement fossile seraient une preuve de l'existence d'univers parallèles au nôtre. Plus précisément, cela indiquerait que, dans un lointain passé, notre Univers serait entré en collision avec un autre univers, et qu'il aurait conservé l'empreinte de cette collision sous la forme de cercles qui viendraient se superposer aux fluctuations aléatoires du rayonnement cosmologique fossile.
Ce scénario, développé notamment par Leonard Susskind (université Stanford), est fondé sur la théorie des cordes. Selon ce modèle, notre Univers ne serait qu'une petite bulle au sein d'un méta-univers plus vaste qui contiendrait lui-même une infinité d'univers, chacun possédant ses propres lois physiques. Ainsi, dans ce "multivers" existant de toute éternité, de nouvelles bulles pourraient apparaître et croître n'importe où et n'importe quand.
Déjà, fin 2010, des scientifiques s'étaient livrés à la recherche d'un tel signal dans la carte du rayonnement fossile obtenue par WMAP. Ils en avaient trouvé quelques indications... mais faute de données statistiquement significatives, ils n'avaient alors pas pu affirmer quoi que ce soit. L'image de Planck, dont la résolution est bien supérieure, devrait permettre de s'aventurer plus loin sur cette piste. Evidemment, si l'on ne découvre aucun cercle dans l'image de Planck, il ne faudra pas en conclure pour autant qu'il n'existe pas d'autres univers. Car il se peut qu'ils existent, mais qu'aucun d'entre eux ne soit entré en collision avec le nôtre.

HYPOTHÈSE 2 : SI L'ON NE VOIT AUCUN MOTIF ALORS NOTRE UNIVERS SERAIT UN TROU NOIR D'UN MÉTA-UNIVERS

Imaginons une carte du rayonnement fossile qui ne montre rien : ni motif ni signal, si ce n'est le bruit résiduel de notre Univers. Qu'en conclure ? Que l'intensité du signal recherché est en deçà de la limite de sensibilité de Planck ? Possible. A moins que ce ne soit enfin le signe que notre Univers est né au cœur d'un trou noir en expansion, lui-même situé dans un "métaespace-temps" encore plus vaste, plus noir et plus froid... Cet univers plus vieux et plus calme que le nôtre n'ayant laissé que très peu de traces dans le rayonnement cosmologique fossile.
Ce scénario découle de la théorie des cordes, selon laquelle tout ce qui existe dans l'Univers résulterait des vibrations de minuscules cordes. Proposé au début des années 1990 par Gabriele Veneziano (Collège de France) et Maurizio Gasperini (université de Bari), il indique que le méta-univers qui englobe le nôtre serait éternel, dans le passé comme dans le futur... Une sorte de protocosmos contenant un gaz extrêmement dilué de rayonnement et de matière. A mesure que cette matière s'agrège, il se forme des trous noirs dans lesquels la densité de matière continue à augmenter jusqu'à atteindre la valeur maximale permise par la théorie des cordes. La matière rebondit alors sur elle-même, pour former de petits univers comme le nôtre, avec leur propre structure d'espace-temps.
Ne détecter aucun motif ne constituerait pas une preuve définitive de ce scénario, "mais un signe en sa faveur", précise Gabriele Veneziano. Un signe qui pousserait les astrophysiciens à sonder encore plus finement la première lumière du cosmos, au-delà des capacités de Planck...

HYPOTHÈSE 3 : SI L'ON VOIT DE PETITES TACHES ALORS NOTRE UNIVERS SERAIT FLUCTUANT ET ANTÉRIEUR AU BIG BANG

Si le rayonnement cosmologique fossile n'est qu'une nuée de petites taches, cela serait un signe que l'Univers existait avant le big bang, et qu'il se serait effondré sur lui-même sous l'effet de la gravitation... avant de rebondir et d'entrer dans la phase d'expansion actuelle. Au moment de son effondrement, les oscillations de grande longueur d'onde auraient été "coupées", ce qui expliquerait l'absence de grandes taches, de la même manière qu'en raccourcissant une corde de guitare, on "éteint" les notes les plus graves.
Ce scénario est fondé sur la théorie de la gravité quantique à boucles, selon laquelle il existerait de minuscules "quanta" (des pixels) d'espace et de temps. Selon cette théorie, dès que la densité de l'Univers dépasse mille milliards de masses solaires dans un espace aussi réduit que la taille d'un proton, la gravitation devient répulsive. Raison pour laquelle, d'après les calculs de Abhay Ashtekar, Tomasz Pawlowski et Parampeet Singh (université de Pennsylvanie), l'Univers, initialement en contraction, n'aurait eu d'autre solution que de rebondir sur lui-même, notre big bang correspondant en fait au moment de contraction maximale.
Certes, comme l'indique Martin Bojowald, artisan de la cosmologie des boucles, "il est possible que le rebond ait tout simplement lessivé tout signal antérieur au big bang. Auquel cas, nous serions totalement aveugles à tout ce qui a pu advenir avant". Et l'avant big bang resterait alors inaccessible... ll n'empêche : l'analyse de la taille des taches dans le rayonnement fossile représente une chance unique d'observer à quoi ressemblait le monde avant le big bang.

HYPOTHÈSE 4 : SI L'ON VOIT DES TACHES DE TOUTES TAILLES ALORS L'AU-DELÀ RESTERAIT POUR L'INSTANT ENCORE INACCESSIBLE

Des petites, des moyennes, des grosses, bref des tache sde toutes tailles : un tel cliché du rayonnement cosmologique fossile ne serait pas la meilleure nouvelle pour les explorateurs de l'au-delà. Une chose est même certaine : les tenants d'un Univers né au sein d'un trou noir en expansion (hypothèse 2) en seraient pour leurs frais, puisque leur scénario ne prédit aucun signal visible dans le rayonnement fossile. Leur au-delà serait pour ainsi dire rayé de la carte. Quant aux partisans du grand rebond (hypothèse 3), ils s'attristeraient sans doute de n'avoir point observé une atténuation des grandes taches au profit des petites. Même si, vu les incertitudes qui planent sur leur théorie, tout espoir ne serait pas perdu : rien n'interdit en effet que les atténuations prédites concernent des signaux dont la taille dépasse celle de notre Univers, et qui donc n'auraient laissé aucune empreinte dans le rayonnement fossile. Enfin, l'absence de trace de collision sous forme de cercle ne nous apprendrait rien sur le multivers (hypothèse 1), sans pour autant le réfuter...
L'au-delà restera-t-il alors à jamais inaccessible ? Peut-être pas. Mais son investigation nécessitera la mise en œuvre de nouveaux instruments (télescopes spatiaux, interféromètres géants) qui n'existent aujourd'hui que sur le papier. Seule certitude pour Thibault Damour, théoricien à l'institut des hautes études scientifiques, à Bures-sur-Yvette : "Je fais le pari que dans cinquante ans nous posséderons une image convaincante de l’Univers hors de ses frontières". Restera alors à savoir s'il sera possible de la valider par l'observation.

 M.G. - SCIENCE & VIE > Mars > 2012

 Une Nouvelle Science est Née : l'Exocosmologie

La cosmologie des autres univers avait déjà ses théoriciens : elle a maintenant ses expérimentateurs. Et change donc de statut.

En ce début de XXIè siécle, les astronomes ont connu leur révolution : ils disposent de télescopes à la vue suffisamment perçante pour sortir du systéme solaire et découvrir des centaines d'exoplanètes, tournant autour d’autres étoiles que notre Soleil. L’exoplanétologie est désormais une science bien établie. Et voilà que leurs collègues cosmologistes tentent de vivre leur propre révolution ! Pour la première fois, grâce au satellite Planck qui a scruté dans les moindres détails la plus ancienne lumière de l’Univers, ils ont l'occasion de sortir du cosmos pour aller voir au-delà. De quoi acter la naissance d'une nouvelle discipline scientifique tout à fait singulière, que l'on pourrait baptiser “exocosmologie” - la cosmologie des autres univers.
Que de chemin parcouru depuis vingt ans ! Car, jusqu’alors, aucun scientifique n’aurait pris au sérieux une telle prétention. Tout le monde était persuadé qu’il serait à jamais impossible d’obtenir des informations sur ce qui se passe en dehors de notre Univers, que toutes les spéculations sur l'existence de mondes par-delà les frontières de notre espace et de notre temps se réduisaient à des hypothèses invérifiables, et que les paysages de l’outre-monde resteraient toujours dans l’inconnu.
Dans les années 1980, les scientifiques s’étaient même tout simplement affranchis de la question de l’origine. Et ce, à cause de la théorie de l'inflation, un scénario proposé par Andrei Linde, de l’université Stanford, pour compléter la théorie du big bang et rendre la taille constatée de l’Univers cohérente avec son âge théorique. Selon ce scénario, l'Univers aurait connu, une fraction de seconde après le big bang, une phase d’expansion extrémement bréve et violente. Or, cette inflation aurait rayé tout espoir de pouvoir ne serait ce que s’approcher de "l’instant zéro" : tout ce qui aurait pu se passer avant aurait été irrémédiablement effacé de la mémoire de l’Univers. Quant à savoir ce qui pourrait exister en dehors, la théorie du big bang n'en pipe mot. Cette dernière décrit d’ailleurs un univers en expansion dans lui-méme... et ne nécessite donc aucun "en dehors". Bref, "il y a vingt ans, ces questions ne se posaient pas", résume Thibault Damour, spécialiste de la relativité générale à l’Institut des hautes études scientifiques (Bures-sur-Yvette).
Tout a changé en 1989, lorsque le satellite COBE a livré la première carte du ciel révélant les fluctuations du rayonnement cosmologique. Empreinte fossile des tout premiers instants du cosmos, les détails de ces fluctuations devinrent l'objet de toutes les attentions. Comme le raconte Alain Riazuelo, à l’Institut d’astrophysique de Paris, "avec COBE, il était enfin envisageable de confronter la question de l'Univers primordial avec les données observationnelles". Quinze ans plus tard, deux responsables de COBE ont reçu le prix Nobel de physique, tandis que le satellite WMAP faisait définitivement entrer les observations cosmologiques dans l'ère de la haute précision. Installant les scientifiques aux frontières des autres univers...

MODÉLISER L'AVANT ET L'EN DEHORS

"La question du début du temps est enfin devenue scientifique", se réjouit Gabriele Veneziano, l’un des artisans des premiers modèles théoriques spéculatifs osant s’aventurer au-delà de notre structure. C'est pendant cette période, entre les années 1990 et 2000, que sont apparus ces modéles. Tout est parti des théories qui, au départ, avaient vocation à réconcilier les visions de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, jusqu’alors incompatibles... et qui n’ont pu s’empécher d’en faire beaucoup plus. Comme l’explique Gabriele Veneziano, qui est lui-même l’un des fondateurs de la théorie des cordes, "on s’est rendu compte que les problèmes censés être résolus par l’inflation pouvaient l'être également en admettant que l'Univers ait eu une histoire antérieure au big bang".
Voilà donc un peu plus de dix ans que les théories disent quelque chose de "l'avant" et de "l'en dehors"... "Même si ces modèles sont encore incomplets, ils sont désormais suffisamment matures pour qu’on prenne leurs prévisions au sérieux, affirme Martin Bojowald, de l'université de Pennsylvanie, grand artisan de la cosmologie issue de la gravitation quantique à boucles. Désormais, la balle est de nouveau dans le champ observationnel". Une balle rattrapée au rebond par le satellite Planck ! De quoi mettre en émoi la petite communauté de cosmologistes versés dans l’étude de l’au-delà : le champ observationnel est en passe de prendre la parole sur ces questions transcendantes. “Planck est notre meilleure chance d’accéder à des univers paralléles”, avoue, impatient, Leonard Susskind (Stanford), à l'origine du concept de "multivers" (l'ensemble de tous les univers possibles). "On ne fera peut-être pas d'observation définitive, mais on pourra peut-être donner des indications qui favoriseront une théorie plutôt qu’une autre, prévient Aurélien Barrau, au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie, à Grenoble. Au moins, on ne peut plus affirmer que les questions du pré-big bang ou du multivers ne sont pas scientifiques !
Bienvenue, donc, à l'exocosmologie. Certes, le chemin est encore long et semé d'embuches... Il est possible que Planck ne voie rien de tangible quant à la question de l'au-delà. "Les signaux dont il s'agit sont d'une intensité minuscule, rappelle Damour. Qui sait s'ils ne resteront pas noyés dans le bruit de fond de l'Univers"...

UNE DISCIPLINE FORCÉMENT A PART

Dans ce cas, il faudrait attendre l’éventuelle construction de LISA, un interféromètre spatial capable d’observer directement les ondes gravitationnelles primordiales, voire ses successeurs, pour obtenir des détails plus précis sur les fluctuations de ces ondes. Quoi qu’il en soit, l'exocosmologie, comme la cosmologie d’ailleurs, restera toujours une discipline à part. Comme l'explique Dan Israel, à l'Institut d’astrophysique de Paris, "contrainement aux sciences expérimentales, comme la physique ou la chimie, où l'on peut réitérer autant de fois que nécessaire une expérience, nous ne disposons que d'un seul Univers ! Alors comment être sûr qu'un signal observé est bien la conséquence observationnelle d’un scénario théorique, et non, tout simplement, une fluctuation statistique sans signification particulière ? Lorsqu’on tire à pile ou face une seule fois, il est impossible de dire si la pièce est truquée ou non...
Mais rappelons-nous qu’il y a moins de 150 ans, le savant et philosophe Auguste Comte exhortait les scientifiques à ne point parler de l’Univers, sous peine de confondre idéologie et connaissance. Et qu'il a fallu attendre 1915 et l’avènement de la théorie de la relativité générale pour que l’Univers devienne un objet scientifique, puis les années 1960 pour que les spéculations sur le cosmos se confrontent à des observations irréfutables. Bref, pour s’imposer, il aura fallu à la cosmologie pas moins d’un demi-siècle. L'exocosmologie, elle, n’en est qu'au début du chemin.

 M.G. - SCIENCE & VIE > Mars > 2012
 

   
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