Dans notre Univers, la vitesse est reine. Sur les autoroutes, ou aux confins de l'espace, l'homme s'efforce d'aller toujours plus vite. En accélérant, la vitesse nous permet de mieux comprendre les mystères du cosmos. "Elle est essentielle pour explorer le système solaire". Mais elle révèle aussi les phénomènes les plus étranges. Si les meilleurs réalisateurs de science-fiction ont eu d'excellentes intuitions, ils ont aussi commis de grossières erreurs. Un voyage à vous couper le souffle... Le monde va à toute allure, et l'homme moderne vit souvent à un rythme effréné. Il court toute la journée : de la salle de gym, jusqu'à la cuisine. Tout doit aller toujours plus vite. Particulièrement complexe, la vitesse règne sur l'Univers et nous réserve bien des surprises. Nous allons explorer ce phénomène sous toutes ses facettes : des fusées qui foncent à travers l'espace jusqu'aux engins du futur plus rapide que jamais. Nous verrons que la vitesse poussée à l'extrême altère la structure même de l'espace et du temps, et nous découvrirons comment les chercheurs s'inspirent de la science-fiction pour imaginer des phénomènes tels que les trous noirs, la distorsion où les trous de ver. Pour commencer, nous allons faire un tour d'horizon de la notion de vitesse et de ses différents ordres de grandeur... Les meilleurs sprinters olympiques atteignent des vitesses de près de 45 km/h. Un cheval de course au galop peut franchir la ligne d'arrivée à plus de 60 km/h. Une voiture de course fonce à plus de 380 km/h. Un avion de chasse peut dépasser les 2000 km/h. La navette spatiale américaine tourne autour de la terre à environ 28 000 km/h. La sonde spatiale New horizons est l'un des engins les plus rapides fabriqué par l'homme. Depuis 2006, elle fonce vers Pluton à une vitesse de pointe de 75 000 km/h. Malgré cela, elle n'atteindra pas son but avant 2015. C'est dire à quel point le système solaire est immense. Dans notre univers, rien ne se déplace plus vite que la lumière. "C'est un record absolu, presque 300 000 km/seconde", Pr David J. Helfand, astronome, université Colombia, New York. 299 792 458 m/s pour être précis, soit plus d'un milliard de kilomètres par heure. Rapide, vous avez dit rapide. Imaginez un faisceau de lumière qui voyagerait de New York à Los Angeles, soit un trajet de presque 4000 km : en une seconde, il aurait le temps de le faire près de 75 fois. Rien n'est plus rapide que la lumière. Pourtant il lui faut des milliards d'années pour voyager d'un bout à l'autre du cosmos. L'homme moderne développe des techniques pour aller toujours plus vite, mais il est encore loin d'atteindre la vélocité de la lumière. S'il souhaitait visiter un jour les confins du système solaire, il lui faudrait tout reprendre à zéro et inventer de nouveaux modes d'exploration. À l'évidence, l'homme a besoin de développer de nouvelles techniques pour aller encore plus vite. Par exemple, la voile solaire ou photo-voile qui transforme les rayons du soleil en force de propulsion. Comme le voilier qui s'appuie sur le vent, la voile solaire utilise les minuscules particules de lumière qu'on appelle les photons. "La lumière du Soleil est une source d'énergie pure sans aucune fioriture. Quand elle percute un objet, elle lui transmet directement l'énergie de ces photons". Chaque photon représente une minuscule quantité d'énergie, mais l'union fait la force. Ainsi, une voile solaire propulserait un engin à travers le vide de l'espace à plusieurs centaines de milliers de kilomètres heure. "Avec une voile solaire, on pourrait atteindre Pluton en deux années au lieu de 10". D'après de nombreux spécialistes, la conquête spatiale a besoin de passer à la vitesse supérieure. Ancien astronaute, Franklin Chang-Diaz a participé à 7 missions de la navette spatiale américaine. Il compte à son actif plus de 1 600 heures passées dans le cosmos. "Aujourd'hui, il faudrait huit mois pour aller sur Mars avec une fusée à propulsion chimique. Et ce serait une mission extrêmement dangereuse". En effet, au-delà du champ magnétique qui protège notre planète, les astronautes seraient exposés à des radiations mortelles. Ça veut dire qu'il faut pouvoir se déplacer vite, très vite. Franklin Chang-Diaz travaille sur la conception d'un moteur qui nous propulserait à travers l'espace à plusieurs centaines de milliers de km/h : le réacteur magnéto-plasmique. " Toutes les fusées utilisent des moteurs à réaction. Ils projettent un fluide vers l'arrière et génèrent ainsi une poussée vers l'avant". L'ancien astronaute a imaginé un moteur qui canalise entre des aimants un flot de plasma incandescent. "C'est la chaleur qui fait sa puissance. Les particules surchauffées du plasma s'agitent à toute vitesse. Le champ magnétique du réacteur les alignait pour qu'elles aillent toutes dans la même direction. C'est ce qui génère la propulsion". Les atomes du plasma se déplacent à une vitesse phénoménale. Les aimants du propulseur les alignent en un flot continu pour les expulser vers l'arrière et créer une formidable poussée vers l'avant. Cette technique pourrait transformer les expéditions sur Mars en simple mission de routine. "Avec cette nouvelle technologie, on pourrait atteindre Mars en 39 jours". La fusée a réacteur magnéto-plasmique en est encore au stade du développement. Mais Franklin Chang-Diaz espère pouvoir la tester dans l'espace dès 2011. "On fera nos premiers essais sur la station spatiale internationale (ISS). Après ça, les choses devraient aller très vite. À mon avis, le premier homme qui mettra le pied sur Mars est déjà né. J'espère même qu'il est déjà dans notre équipe". La conquête de l'espace dépend de notre vélocité dans le vide interstellaire. Même les sondes les plus rapides ont besoin de plusieurs années pour aller jusqu'à Jupiter ou Saturne. Pour transformer ces interminables périples en promenade de quelques heures, il faudrait réussir à atteindre des vitesses gigantesques. Le cosmos nous révélerait alors ses phénomènes les plus étranges. Einstein affirme aussi que l'espace-temps n'est pas immuable. "Avant, on pensait que l'espace était une constante universelle. Quel que soit votre déplacement, l'espace comme le temps restait invariable. Avec Einstein, on a découvert que la vitesse était un élément essentiel de notre univers", Pr Paul Doherty, physicien. Mais pas n'importe quelle vitesse, celle de la lumière. En effet, à près de 300 000 km/s, elle est la seule constante absolue de notre monde. Et elle nous réserve bien des surprises. Mais ce n'est pas seulement un raisonnement abstrait. L'homme est régulièrement confronté à la relativité. "C'est très concret, on en subit les effets dans notre vie quotidienne". Par exemple, quand on utilise un GPS. "Les horloges mesurent le temps. Avec deux horloges et un signal voyageant à la vitesse de la lumière, je peux calculer une distance. Voici un GPS, je l'utilise pour connaître la position exacte. Il envoie un signal à un satellite en orbite. Avec l'horloge de ce satellite et la mienne, je peux calculer la distance qui nous sépare". Le signal du GPS voyage à la vitesse de la lumière. Le satellite mesure la durée de son trajet et calcule ainsi la distance qui les sépare ."C'est comme si mon GPS tendait une corde entre le satellite et moi. Comme il envoie son signal à trois satellites à la fois, le point de rencontre des trois cordes indique l'endroit précis où je me trouve à la surface du globe". Le satellite calcule la distance entre l'émetteur et lui, en comparant l'heure de départ du signal avec son heure d'arrivée. Mais à bord d'un satellite en orbite, l'horloge tourne autour de la terre à plusieurs milliers de kilomètres heure. Elle égrène donc le temps à un rythme différent de celle qui se trouve à la surface de la planète. Les ingénieurs doivent tenir compte de ce décalage quand ils règlent les horloges des satellites. Si on ne corrigeait pas ainsi des effets de la relativité, les GPS ne serviraient à rien. "Les horloges ne seraient plus synchrone, et les gens auraient bien du mal à retrouver leur chemin". "Imaginez que vous alliez à 99 % de la vitesse de la lumière, et que vous passiez 20 ans dans l'espace, à votre retour, des milliers d'années se seraient écoulées sur terre". La vitesse est un élément essentiel de notre univers. Pour comprendre la nature même et ses effets sur le monde, il nous faut oublier ce qu'on croyait savoir. Pourtant une chose est sûre, la vitesse nous révèle le cosmos tel que l'on ne l'aurait jamais imaginé. S'arrêterait-il si l'homme atteignait cette vitesse ultime ? "Einstein a observé l'univers et a dit : je crois que ça fonctionne plutôt comme ça. Il a élaboré une théorie révolutionnaire, la relativité générale", Pr Steven Jefferts. On dit qu'il s'agit de la plus grande découverte scientifique de tous les temps. La théorie de la relativité générale s'appuient sur les principes de la théorie de la relativité restreinte pour expliquer comment fonctionne le cosmos. Elle décrit en tout premier lieu le phénomène de la gravitation. "La gravitation est l'attraction mutuelle de deux corps sous l'effet de leur masse. Tout corps physique est entouré d'un champ gravitationnel et subit l'influence d'un autre", Pr Robert Hurt. Ainsi, c'est l'attraction terrestre ou pesanteur, qui nous retient à la surface de la Terre. Elle provoque également la chute des corps vers le sol. La gravitation est aussi responsable de l'orbite des planètes autour du Soleil. Avant, personne ne comprenait comment cela fonctionnait. "Comment était-ce possible ? On était sûr que la Terre tournait autour du Soleil. Mais comment savait-elle où se trouvait le Soleil ?", Pr David J. Helfand. La théorie de la relativité générale et la notion d'espace-temps ont apporté une réponse à ce mystère. Tout corps doté d'une masse, telle une étoile ou une planète, déforme la structure de l'univers. Un peu comme une boule de pétanque posée sur un toit de caoutchouc. "Cette bâche de caoutchouc est une représentation de notre espace-temps", Pr Steve Jacobs. Que se passe-t-il si l'on pose un objet lourd sur cette toile ? "Quand on regarde en dessous, on voit qu'il déforme le caoutchouc. Sous son poids, l'univers devient courbe". N'importe quel corps céleste fait la même chose. Il déforme l'étoffe de l'espace-temps et il attire tout objet plus petit qui passe à sa portée. "Voyons comment il agit sur le trajet de cette sphère qui traverse le même espace-temps. Et voilà, elle est piégée. Elle va se faire engloutir par un Trou noir. Elle est irrésistiblement attirée par l'énorme masse. C'est ça l'espace-temps", Pr Steve Jacobs. Cette déformation de l'Univers explique pourquoi la Lune tourne autour de la Terre et la Terre autour du Soleil. Si elle ne se déplaçait pas si vite, la Lune chuterait irrémédiablement vers la Terre. Et la Terre plongerait vers le Soleil... La relativité générale ne se contente pas d'expliquer le phénomène de la gravitation. Elle écrit aussi l'existence de corps célestes si denses, qu'ils déchirent le tissu de l'espace-temps : ce sont les Trous noirs. Le Trou noir est un objet si massif, que son champ gravitationnel crée une profonde dépression dans la structure de l'Univers. C'est un énorme quantité de matière condensée dans un tout petit espace. Par exemple, la Terre deviendrait un Trou noir, si toute sa masse se concentrait dans une sphère d'environ 2 cm de diamètre. Les Trous noirs dits "stellaires", naissent à la suite de l'implosion de certaines étoiles. "Cela se produit quand une étoile très massive arrive en fin de vie. Le cœur de l'étoile implose en une fraction de seconde. Cette implosion est si puissante, que la matière s'effondre sur elle-même et forme un Trou noir. Plus cette sphère s'approche du Trou noir, plus elle doit aller vite pour rester en orbite. Mais, si elle s'approche trop, aucune vitesse n'est assez grande pour la maintenir en orbite. Si même la vitesse de la lumière ne lui suffit plus pour échapper au champ gravitationnel, c'est qu'elle a passé la ligne d'horizon", Pr David J. Helfand. Au-delà de cette ligne, la gravitation est si puissante que rien ne résiste à sa force d'attraction, pas même la lumière. La théorie de la relativité générale a décrit le rôle essentiel de la vitesse dans le fonctionnement de notre Univers. Elle a offert de nouvelles bases à la physique et a permis de mieux comprendre le cosmos. Elle a pressenti l'existence des Trous noirs, et à tracer l'esquisse d'un monde plus surprenant que jamais. L'homme sera-t-il capable un jour de voyager assez vite pour pouvoir explorer les confins de l'espace ? L'univers est si vaste qu'on est en droit de se poser la question. "Notre génération n'assistera pas aux premiers voyages interstellaires. On n'est sans doute aussi loin du but, que Léonard de Vinci en son temps avec l'aviation. Il a imaginé l'aéroplane mais l'homme a dû attendre 400 ans avant de pouvoir voler". Cela n'empêche pas les spécialistes d'élaborer les théories les plus extraordinaires. Certains ont développé par exemple, le concept du Trou de ver : une sorte de tunnel de l'espace. "C'est un tube très fin qui relie deux zone de l'espace très éloignées l'une de l'autre. Ça fonctionne un peu comme un tunnel. On entre là-dedans et on ressort à l'autre bout de l'univers", Pr Sean Carroll. Il s'agirait d'un raccourci bien utile pour parcourir un monde où les plus grandes distances se mesurent en milliards d'années-lumière. Mais comment imaginer un tel tunnel au milieu de l'espace ? "Un Trou de ver est un couloir qui relie une région du cosmos à une autre. Imaginons que cette feuille de papier représente espace. Ce cercle figure l'entrée du Trou de ver. Et celui-ci la sortit. Il faut donc imaginer un passage entre ces deux ouvertures. À première vue, ça prendrait plus de temps d'emprunter ce tunnel que de traverser le cosmos. Mais Einstein nous enseignait que l'espace-temps était flexible. Si on replie la feuille de papier, l'entrée et la sortie du tunnel se retrouvent toutes proches. Du coup, si on emprunte ce couloir, on gagne énormément de temps par rapport au chemin traditionnel. Le Trou de ver devient un raccourci qui permet d'accomplir en un éclair les trajets les plus longs", Pr Sean Carroll. Les auteurs de science-fiction se sont vite emparés de ce concept très pratique. "Dans un monde de science-fiction où la vitesse de la lumière représente une limite infranchissable, les personnages ont besoin malgré tout d'aller d'un bout à l'autre de la galaxie en un temps record. Le Trou de ver peut leur servir de raccourci. Il leur permet de réduire la distance entre deux zones très éloignées. Ainsi, même si le voyageur reste en deçà de la vitesse de la lumière, son trajet devient ultrarapide. Il doit juste emprunter le bon raccourci", Pr Sean Carroll. Si le Trou de ver est un tunnel à travers l'espace-temps, alors théoriquement, il peut aussi permettre de voyager d'une époque à l'autre. "L'espace et le temps sont intimement liées. Quand on emprunte un Trou de ver, on se retrouve non seulement dans une autre zone du cosmos, mais aussi à une autre époque. On peut ainsi se rendre visite à soi-même en voyageant dans son passé. Imaginez un Trou de ver qui relie votre canapé à la salle à manger. Il se pourrait bien qu'il vous ramène cinq ans en arrière. Si vous emportez votre journal, vous allez faire un malheur à la bourse". L'existence des Trous de ver est loin d'être prouvée, mais on peut néanmoins affirmer que leur présence ne violerait aucune des théories actuelles sur le fonctionnement de l'Univers. "Dans un monde régi par la relativité générale d'Einstein, on peut imaginer un espace-temps transpercée par un Trou de ver". Mais pourrait-on en fabriquer un ? "Ce serait très difficile de créer un Trou de ver. Il faudrait littéralement perforer le cosmos", Pr Sean Carroll. L'espace-temps décrit par Albert Einstein permet l'élaboration d'autres théories. Ainsi, certains imaginent qu'en déformant l'espace, on pourrait parcourir des distances gigantesques. "Imaginons le pilote d'un vaisseau spatial qui voudrait voyager très loin. Plutôt que d'appuyer sur le champignon, pourquoi n'essaierait-il pas de modifier le cosmos ? Il lui suffirait de dilater l'espace derrière le vaisseau tout en le contractant devant lui", Pr Louis Bloofield. C'est ce qu'on appelle la métrique d'Alcubierre, plus connu sous le nom de distorsion. "Ça permettrait de faire des très longs trajets, sans aller à toute vitesse. Plus besoin d'accélérer. La distorsion déformerait l'espace sur votre passage", Pr Louis Bloofield. Léonard de Vinci a-t-il entendu le même genre de commentaire quand il a montré ses croquis de machines volantes ? Les idées les plus novatrices sont toujours critiquées, parfois à tort. Quand l'imagination et la science unissent leurs forces, le résultat est souvent époustouflant. Depuis toujours, cette alliance nous permet d'aller plus vite et plus loin qu'on ne l'aurait soupçonné. Dans un monde où tout va toujours plus vite, l'homme mène sa vie à 200 à l'heure. Mais la vitesse ne se contente pas de régner sur notre existence. Elle nous révèle un cosmos ou l'espace et le temps ne sont plus les constantes absolues et qu'on imaginait. La vitesse nous permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Grâce à elle, nous sommes en mesure de résoudre certains des plus grands mystères de l'univers. natgeotv.com © Base Productions Inc, 2009 Pr Louis Bloofield, physicien, université de Virginie.
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