P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
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L'Univers : A Toute Vitesse

Dans notre Univers, la vitesse est reine. Sur les autoroutes, ou aux confins de l'espace, l'homme s'efforce d'aller toujours plus vite. En accélérant, la vitesse nous permet de mieux comprendre les mystères du cosmos. "Elle est essentielle pour explorer le système solaire". Mais elle révèle aussi les phénomènes les plus étranges. Si les meilleurs réalisateurs de science-fiction ont eu d'excellentes intuitions, ils ont aussi commis de grossières erreurs. Un voyage à vous couper le souffle...

Le monde va à toute allure, et l'homme moderne vit souvent à un rythme effréné. Il court toute la journée : de la salle de gym, jusqu'à la cuisine. Tout doit aller toujours plus vite. Particulièrement complexe, la vitesse règne sur l'Univers et nous réserve bien des surprises. Nous allons explorer ce phénomène sous toutes ses facettes : des fusées qui foncent à travers l'espace jusqu'aux engins du futur plus rapide que jamais. Nous verrons que la vitesse poussée à l'extrême altère la structure même de l'espace et du temps, et nous découvrirons comment les chercheurs s'inspirent de la science-fiction pour imaginer des phénomènes tels que les trous noirs, la distorsion où les trous de ver. Pour commencer, nous allons faire un tour d'horizon de la notion de vitesse et de ses différents ordres de grandeur...

Les meilleurs sprinters olympiques atteignent des vitesses de près de 45 km/h. Un cheval de course au galop peut franchir la ligne d'arrivée à plus de 60 km/h. Une voiture de course fonce à plus de 380 km/h. Un avion de chasse peut dépasser les 2000 km/h. La navette spatiale américaine tourne autour de la terre à environ 28 000 km/h. La sonde spatiale New horizons est l'un des engins les plus rapides fabriqué par l'homme. Depuis 2006, elle fonce vers Pluton à une vitesse de pointe de 75 000 km/h. Malgré cela, elle n'atteindra pas son but avant 2015. C'est dire à quel point le système solaire est immense.

Prenons par exemple une voiture lancée à 160 km/h. Le Pr Louis Bloofield, physicien, université de Virginie, se propose de nous expliquer le temps qu'il lui faudrait pour faire une balade à travers l'espace avec cet engin. "Même dans un bolide comme celui-ci, n'importe quel trajet demande un certain temps : il faudrait plus de 30 heures pour traverser les États-Unis à 160 km/h. Imaginons qu'on puisse rouler ainsi jusqu'à la Lune : cela prendrait environ 14 semaines pour y arriver. Maintenant, si on voulait atteindre Neptune à cette allure, il faudrait compter près de 3100 ans. C'est-à-dire que si on était parti au moment de la naissance de Socrate, on aurait encore plus de 600 ans de voyage devant nous. Les distances sont gigantesques dans l'espace et 160 km/h c'est dérisoire à l'échelle du cosmos. Il faut donc passer à la vitesse supérieure : celle de la lumière, car rien n'est plus rapide que la lumière".

Dans notre univers, rien ne se déplace plus vite que la lumière. "C'est un record absolu, presque 300 000 km/seconde", Pr David J. Helfand, astronome, université Colombia, New York. 299 792 458 m/s pour être précis, soit plus d'un milliard de kilomètres par heure. Rapide, vous avez dit rapide. Imaginez un faisceau de lumière qui voyagerait de New York à Los Angeles, soit un trajet de presque 4000 km : en une seconde, il aurait le temps de le faire près de 75 fois.
Mais même à cette vitesse phénoménale, la lumière prend un certain temps pour aller d'un point à un autre comme nous l'explique l'astronome Robert Hurt. "Si on prend un miroir et qu'on réfléchit un rayon lumineux en direction de la Lune, il lui faudra malgré tout plus de deux secondes pour faire un aller retour (2,60 secondes exactement). Quant à la lumière du Soleil, elle met presque huit minutes pour arriver jusqu'à nous". Même la lumière a besoin de temps pour voyager dans l'immensité de l'espace. "Notre galaxie est si vaste que même à 300 000 km/s, la lumière semble prendre son temps quand il s'agit de traverser le cosmos".
Un détail que les auteurs de science-fiction oublient souvent lorsqu'ils imaginent des engins voyageant à la vitesse de la lumière. "Dans les films de science-fiction, le héros appuie sur un bouton, et d'un coup les étoiles défilent à toute allure. Mais si on savait se déplacer la vitesse de la lumière, ça ne donnerait pas ça du tout. On se dirait, j'ai dû me tromper quelque part ; en fait le paysage défilerait très lentement", Pr Mike Brown, astronome, l'institut californien de technologie. Même à la vitesse de la lumière, un voyageur de l'espace n'aurait pas la sensation de foncer à travers le cosmos. Les étoiles sont tellement éloignées de la Terre, qu'il lui faudrait plusieurs années pour atteindre la plus proche... Tous les corps célestes qui sont en dehors de notre système solaire, se trouvent à des années-lumière de la Terre. Or, une année-lumière équivaut à presque 9 500 milliards de kilomètres. "Les étoiles les plus proches sont à des années-lumière, et les premières galaxies à des millions d'années-lumière et le cosmos ne s'arrête pas là", Pr Mike Brown. L'univers est si vaste que lorsque l'on regarde un ciel étoilé, c'est comme si on contemplait le passé. "Quand on observe une étoile on la voit telle qu'elle était il y a des centaines de milliers d'années. Car c'est le temps qu'il a fallu à sa lumière pour arriver jusqu'à nous". Quand une étoile explose à 5 milliards d'années-lumière de la Terre, les astronomes perçoivent cette explosion 5 milliards d'années plus tard. Ils sont donc en mesure d'observer aujourd'hui des phénomènes qui ont eu lieu avant la naissance de notre planète, il y a plus de 4,5 milliards d'années. Ils peuvent ainsi étudier comment s'est formé notre univers. "Lorsqu'on observe une galaxie, elle est peut-être morte entre-temps, mais on ne le sait pas encore".

Rien n'est plus rapide que la lumière. Pourtant il lui faut des milliards d'années pour voyager d'un bout à l'autre du cosmos. L'homme moderne développe des techniques pour aller toujours plus vite, mais il est encore loin d'atteindre la vélocité de la lumière. S'il souhaitait visiter un jour les confins du système solaire, il lui faudrait tout reprendre à zéro et inventer de nouveaux modes d'exploration.
La conquête de l'espace repose sur la vitesse. Plus les engins sont rapides, plus ils peuvent collecter d'informations. Grâce à la vitesse, l'homme à poser le pied sur la Lune. Puis il a pu étudier la surface de Mars. Mais les autres planètes sont si loin de la Terre, qu'il faudra encore des années pour les atteindre. "Si l'on veut explorer les planètes de notre système sans que cela ne prenne des décennies, les ingénieurs doivent mettre au point des engins beaucoup plus rapides que ceux d'aujourd'hui", Pr Robert Hurt.

La technologie utilisée de nos jours est à peu près la même que celle du début de la conquête spatiale, il y a plus de 50 ans. Fusées et navettes sont propulsées à travers l'atmosphère grâce à la combustion de leur carburant. "La fusée doit prendre de la vitesse pour pouvoir s'éloigner de la Terre. Cela nécessite énormément de carburant", Pr Paul Doherty, physicien. Au décollage, la navette spatiale dispose d'une réserve de combustible environ 15 fois plus lourde qu'elle. Il faut près des 1500 t de carburant pour la mettre en orbite à quelques centaines de kilomètres de la Terre. Imaginez le volume nécessaire à un vaisseau spatial qu'on enverrait à des milliards de kilomètres. "Cette fusée ne pourrait pas voyager dans l'espace. Elle aurait besoin d'une masse de carburant trop énorme par rapport à leur poids". Aujourd'hui, l'homme parvient à envoyer des engins dans le cosmos mais il leur faut plusieurs années pour atteindre les confins du système solaire. Pourtant, les sondes spatiales utilisent relativement peu de carburant grâce à un phénomène appelé assistance gravitationnelle. "Quand la sonde passe tout près d'une planète, elle est attirée par son champ gravitationnel. Celui-ci lui permet d'augmenter sa vitesse et lui redonne de l'élan pour continuer son chemin". Par l'intermédiaire de la gravitation, la planète transmet à l'engin une partie de son énergie. Il l'utilise alors pour accélérer. Le champ gravitationnel s'empare de la sonde et la rejette au loin en accélérant sa course. C'est ainsi qu'en 2007, la planète Jupiter a augmenté la vitesse de la sonde New horizons de plus de 14 000 km/h. Une accélération qui raccourcit son voyage vers Pluton d'environ trois ans... "C'est comme une partie de billard cosmique. Les chercheurs sont doués à ce petit jeu là. Ça permet d'économiser des quantités phénoménales de carburant". Mais l'assistance gravitationnelle a ses limites. Pour un maximum d'efficacité, l'alignement des planètes doit être ultra précis. Et même si on parvient à un trajet optimal, l'accélération obtenue ne suffit pas banaliser le voyage dans l'espace. La sonde New horizons mettra malgré tout presque 10 années pour atteindre Pluton.

À l'évidence, l'homme a besoin de développer de nouvelles techniques pour aller encore plus vite. Par exemple, la voile solaire ou photo-voile qui transforme les rayons du soleil en force de propulsion. Comme le voilier qui s'appuie sur le vent, la voile solaire utilise les minuscules particules de lumière qu'on appelle les photons. "La lumière du Soleil est une source d'énergie pure sans aucune fioriture. Quand elle percute un objet, elle lui transmet directement l'énergie de ces photons". Chaque photon représente une minuscule quantité d'énergie, mais l'union fait la force. Ainsi, une voile solaire propulserait un engin à travers le vide de l'espace à plusieurs centaines de milliers de kilomètres heure. "Avec une voile solaire, on pourrait atteindre Pluton en deux années au lieu de 10".
Propulsées par des photo-voiles, les sondes spatiales seraient plus rapide, elles nous permettraient d'étudier plus efficacement notre système solaire. Les choses se compliquent dès qu'il s'agit de transporter des passagers à travers l'espace. Par exemple, quel genre d'engin utiliser pour envoyer des astronautes sur la planète Mars ? "On peut se servir d'un mode de propulsion chimique pour aller jusqu'à mars. Mais ce n'est pas très pratique", Pr Franklin Chang-Diaz, physicien et astronaute, Ad Astra Rocket Company. Quitter l'atmosphère terrestre nécessite déjà une énorme quantité de carburant. "Une fusée, c'est comme une voiture. Pour la faire décoller, on passe la première et ensuite il faut pouvoir changer de vitesse, c'est pour ça qu'on utilise la propulsion chimique", Pr Franklin Chang-Diaz. Au décollage, la navette spatiale doit atteindre la vitesse de 28 000 km/h en tout juste 8,5 minutes. Pendant son ascension, ces deux propulseurs d'appoint brûlent une dizaine de tonnes de combustible par seconde. "La navette a besoin de beaucoup d'énergie pour atteindre sa vitesse de satellisation le plus rapidement possible. Pendant les deux premières minutes, les moteurs auxiliaires brûlent tout leur carburant. Ils sont ensuite largués dans l'atmosphère. Ça, c'est l'équivalent de la première sur une voiture. Puis les moteurs principaux de la navette fonctionnent encore pendant 6 minutes. Ils consomment tout l'hydrogène et tout l'oxygène contenu dans le réservoir extérieur. La totalité du combustible est épuisé en huit minutes", Pr Greg Chavers, ingénieur aérospatial, NASA. Quand les moteurs s'éteignent enfin, la navette a consommé en tout près de 1500 t de carburant. Une fois parvenue à son altitude orbitale, elle atteint la vitesse de 28 000 km/h. Elle n'a plus besoin de systèmes de propulsion pour se maintenir en orbite. Si on voulait l'envoyer plus loin dans l'espace jusqu'à une autre planète, il faudrait mettre au point des propulseurs plus puissant qui tiendrait lieu de troisième, quatrième, voir cinquième vitesse".

D'après de nombreux spécialistes, la conquête spatiale a besoin de passer à la vitesse supérieure. Ancien astronaute, Franklin Chang-Diaz a participé à 7 missions de la navette spatiale américaine. Il compte à son actif plus de 1 600 heures passées dans le cosmos. "Aujourd'hui, il faudrait huit mois pour aller sur Mars avec une fusée à propulsion chimique. Et ce serait une mission extrêmement dangereuse". En effet, au-delà du champ magnétique qui protège notre planète, les astronautes seraient exposés à des radiations mortelles. Ça veut dire qu'il faut pouvoir se déplacer vite, très vite. Franklin Chang-Diaz travaille sur la conception d'un moteur qui nous propulserait à travers l'espace à plusieurs centaines de milliers de km/h : le réacteur magnéto-plasmique. " Toutes les fusées utilisent des moteurs à réaction. Ils projettent un fluide vers l'arrière et génèrent ainsi une poussée vers l'avant". L'ancien astronaute a imaginé un moteur qui canalise entre des aimants un flot de plasma incandescent. "C'est la chaleur qui fait sa puissance. Les particules surchauffées du plasma s'agitent à toute vitesse. Le champ magnétique du réacteur les alignait pour qu'elles aillent toutes dans la même direction. C'est ce qui génère la propulsion". Les atomes du plasma se déplacent à une vitesse phénoménale. Les aimants du propulseur les alignent en un flot continu pour les expulser vers l'arrière et créer une formidable poussée vers l'avant. Cette technique pourrait transformer les expéditions sur Mars en simple mission de routine. "Avec cette nouvelle technologie, on pourrait atteindre Mars en 39 jours". La fusée a réacteur magnéto-plasmique en est encore au stade du développement. Mais Franklin Chang-Diaz espère pouvoir la tester dans l'espace dès 2011. "On fera nos premiers essais sur la station spatiale internationale (ISS). Après ça, les choses devraient aller très vite. À mon avis, le premier homme qui mettra le pied sur Mars est déjà né. J'espère même qu'il est déjà dans notre équipe".

La conquête de l'espace dépend de notre vélocité dans le vide interstellaire. Même les sondes les plus rapides ont besoin de plusieurs années pour aller jusqu'à Jupiter ou Saturne. Pour transformer ces interminables périples en promenade de quelques heures, il faudrait réussir à atteindre des vitesses gigantesques. Le cosmos nous révélerait alors ses phénomènes les plus étranges.
On imaginait autrefois que le temps et l'espace étaient des constantes absolues de notre univers. Où que l'on soit, quoi que l'on fasse, la seconde restait une valeur fixe, tout comme le kilomètre. "Dans notre vie de tous les jours, l'espace et le temps sont deux entités différentes. On sait où on se trouve et on sait l'heure qu'il est. À nos yeux se sont deux valeurs distinctes", Pr Steven Jefferts, physicien nucléaire. Albert Einstein est le premier à avoir démontré que l'espace et le temps sont indissociables. Ils font parti d'une seule et même entité à quatre dimensions : l'espace-temps. "L'espace-temps, c'est juste un mot intimidant pour dire l'Univers. Si on voulait retrouver un ami pour boire un café, même si vous n'en êtes pas conscients, vous lui transmettez 4 données ; trois chiffres pour définir votre position dans l'espace, l'attitude, longitude et altitude ; mais vous devez aussi vous fixer une heure pour vous retrouver, sinon ça ne marche pas. Ça fait en tous quatre chiffres qui représentent les quatre dimensions de l'espace-temps", Pr Sean Carroll, physicien.

Einstein affirme aussi que l'espace-temps n'est pas immuable. "Avant, on pensait que l'espace était une constante universelle. Quel que soit votre déplacement, l'espace comme le temps restait invariable. Avec Einstein, on a découvert que la vitesse était un élément essentiel de notre univers", Pr Paul Doherty, physicien. Mais pas n'importe quelle vitesse, celle de la lumière. En effet, à près de 300 000 km/s, elle est la seule constante absolue de notre monde. Et elle nous réserve bien des surprises.
Si vous roulez à 50 km/h et que vous croisez une voiture qui se déplace à la même vitesse, vous la voyez passer à 100 km/h. Les deux vitesses s'additionnent. De la même manière, si vous voulez à 50 km/h et qu'un véhicule vous double à 60 km/h, vous le voyez passer seulement à 10 km/h. La vitesse d'un véhicule varie donc selon le point de référence choisie : un piéton immobile sur un trottoir ou une voiture roulant à sa propre allure.
Étonnamment, la lumière ne réagit pas du tout ainsi. Imaginez que vous roulez à 500 000 km/h. Si vous croisez un faisceau de lumière, vous le verrez passer à près de 300 000 km/s, à la même vitesse que si vous étiez immobile. Et même si vous vouliez à 99 % de la vitesse de la lumière, le rayon lumineux vous doublerait toujours à la même vitesse. Peu importe que le point de référence soit immobile ou non, peu importe sa vélocité ou son déplacement, la vitesse de la lumière ne varie jamais. Cela implique forcément que l'espace et le temps ne sont pas constants. En effet, la vitesse exprime un rapport entre le temps et la distance parcourue. Si la vitesse de la lumière reste immuable quel que soit le point de référence, alors quelque chose d'autre doit changer. Cette variable, c'est le temps. Si un observateur immobile et un autre en mouvement voient la lumière se déplacer à la même vitesse, c'est parce que le temps s'écoule différemment pour chacun d'eux. C'est la théorie de la relativité restreinte d'Albert Einstein...

Quelle influence la vitesse a-t-elle sur le temps ? Le physicien Sean Carroll va nous l'expliquer. "Imaginez que vous puissiez voir un objet voyager à une vitesse proche de celle de la lumière. De votre point de vue, le temps vécu par cet objet s'écoulerait plus lentement. Voici une horloge lumineuse, c'est-à-dire, deux miroirs entre lesquels rebondit un rayon de lumière. Évidemment, nous avons ralenti notre impulsion lumineuse virtuelle pour que l'on puisse la voir. Les aller-retour de ce point lumineux égrènent le temps. Mais que voyez-vous si je déplace l'horloge ? À vos yeux, le rayon de lumière met plus de temps pour accomplir le même trajet. Pourtant la vitesse de la lumière est constante, elle est la même pour n'importe quel observateur. Alors comment expliquer ce paradoxe ? En fait, le temps de l'horloge qui se déplace s'égrène plus lentement à vos yeux. Comme je me déplace avec l'horloge, un aller retour dure toujours une seconde pour moi, mais de votre point de vue, il dure plus longtemps". Einstein affirme que, sous l'effet de la vitesse, le temps varie selon le point de vue de l'observateur. Ainsi, même s'il se déplace à vive allure, celui qui tient l'horloge voit les secondes s'égrener toujours au même rythme. Mais si l'horloge passe devant un observateur immobile, ce dernier verra les mêmes secondes s'écouler plus lentement. Comme la vitesse de la lumière est constante, cela signifie que le temps varie selon l'observateur : c'est la théorie de la relativité restreinte.

Mais ce n'est pas seulement un raisonnement abstrait. L'homme est régulièrement confronté à la relativité. "C'est très concret, on en subit les effets dans notre vie quotidienne". Par exemple, quand on utilise un GPS. "Les horloges mesurent le temps. Avec deux horloges et un signal voyageant à la vitesse de la lumière, je peux calculer une distance. Voici un GPS, je l'utilise pour connaître la position exacte. Il envoie un signal à un satellite en orbite. Avec l'horloge de ce satellite et la mienne, je peux calculer la distance qui nous sépare". Le signal du GPS voyage à la vitesse de la lumière. Le satellite mesure la durée de son trajet et calcule ainsi la distance qui les sépare ."C'est comme si mon GPS tendait une corde entre le satellite et moi. Comme il envoie son signal à trois satellites à la fois, le point de rencontre des trois cordes indique l'endroit précis où je me trouve à la surface du globe". Le satellite calcule la distance entre l'émetteur et lui, en comparant l'heure de départ du signal avec son heure d'arrivée. Mais à bord d'un satellite en orbite, l'horloge tourne autour de la terre à plusieurs milliers de kilomètres heure. Elle égrène donc le temps à un rythme différent de celle qui se trouve à la surface de la planète. Les ingénieurs doivent tenir compte de ce décalage quand ils règlent les horloges des satellites. Si on ne corrigeait pas ainsi des effets de la relativité, les GPS ne serviraient à rien. "Les horloges ne seraient plus synchrone, et les gens auraient bien du mal à retrouver leur chemin".
N'importe quel objet en orbite autour de la Terre subit les effets de la relativité. Même les astronautes. "Quand les astronautes reviennent chez eux après un séjour prolongé sur la station spatiale internationale, ils sont légèrement plus jeunes que s'ils avaient passé la même période sur Terre". Toutefois, si l'on voulait ralentir les effets du vieillissement de façon significative, il faudrait voyager à une vitesse proche de celle de la lumière.

"Imaginez que vous alliez à 99 % de la vitesse de la lumière, et que vous passiez 20 ans dans l'espace, à votre retour, des milliers d'années se seraient écoulées sur terre". La vitesse est un élément essentiel de notre univers. Pour comprendre la nature même et ses effets sur le monde, il nous faut oublier ce qu'on croyait savoir. Pourtant une chose est sûre, la vitesse nous révèle le cosmos tel que l'on ne l'aurait jamais imaginé.

Albert Einstein a montré comment la vitesse modifiait notre espace-temps. L'homme a ainsi découvert un Univers plus étrange qu'il ne le soupçonnait. Un monde où la vitesse est reine. Selon la théorie de la relativité restreinte, elle transforme la structure même de l'univers. Plus on approche de la vitesse de la lumière, plus le temps ralenti sa course.

S'arrêterait-il si l'homme atteignait cette vitesse ultime ? "Einstein a observé l'univers et a dit : je crois que ça fonctionne plutôt comme ça. Il a élaboré une théorie révolutionnaire, la relativité générale", Pr Steven Jefferts. On dit qu'il s'agit de la plus grande découverte scientifique de tous les temps. La théorie de la relativité générale s'appuient sur les principes de la théorie de la relativité restreinte pour expliquer comment fonctionne le cosmos. Elle décrit en tout premier lieu le phénomène de la gravitation. "La gravitation est l'attraction mutuelle de deux corps sous l'effet de leur masse. Tout corps physique est entouré d'un champ gravitationnel et subit l'influence d'un autre", Pr Robert Hurt. Ainsi, c'est l'attraction terrestre ou pesanteur, qui nous retient à la surface de la Terre. Elle provoque également la chute des corps vers le sol. La gravitation est aussi responsable de l'orbite des planètes autour du Soleil. Avant, personne ne comprenait comment cela fonctionnait. "Comment était-ce possible ? On était sûr que la Terre tournait autour du Soleil. Mais comment savait-elle où se trouvait le Soleil ?", Pr David J. Helfand. La théorie de la relativité générale et la notion d'espace-temps ont apporté une réponse à ce mystère. Tout corps doté d'une masse, telle une étoile ou une planète, déforme la structure de l'univers. Un peu comme une boule de pétanque posée sur un toit de caoutchouc. "Cette bâche de caoutchouc est une représentation de notre espace-temps", Pr Steve Jacobs. Que se passe-t-il si l'on pose un objet lourd sur cette toile ? "Quand on regarde en dessous, on voit qu'il déforme le caoutchouc. Sous son poids, l'univers devient courbe". N'importe quel corps céleste fait la même chose. Il déforme l'étoffe de l'espace-temps et il attire tout objet plus petit qui passe à sa portée. "Voyons comment il agit sur le trajet de cette sphère qui traverse le même espace-temps. Et voilà, elle est piégée. Elle va se faire engloutir par un Trou noir. Elle est irrésistiblement attirée par l'énorme masse. C'est ça l'espace-temps", Pr Steve Jacobs. Cette déformation de l'Univers explique pourquoi la Lune tourne autour de la Terre et la Terre autour du Soleil. Si elle ne se déplaçait pas si vite, la Lune chuterait irrémédiablement vers la Terre. Et la Terre plongerait vers le Soleil...

La relativité générale ne se contente pas d'expliquer le phénomène de la gravitation. Elle écrit aussi l'existence de corps célestes si denses, qu'ils déchirent le tissu de l'espace-temps : ce sont les Trous noirs. Le Trou noir est un objet si massif, que son champ gravitationnel crée une profonde dépression dans la structure de l'Univers. C'est un énorme quantité de matière condensée dans un tout petit espace. Par exemple, la Terre deviendrait un Trou noir, si toute sa masse se concentrait dans une sphère d'environ 2 cm de diamètre. Les Trous noirs dits "stellaires", naissent à la suite de l'implosion de certaines étoiles. "Cela se produit quand une étoile très massive arrive en fin de vie. Le cœur de l'étoile implose en une fraction de seconde. Cette implosion est si puissante, que la matière s'effondre sur elle-même et forme un Trou noir. Plus cette sphère s'approche du Trou noir, plus elle doit aller vite pour rester en orbite. Mais, si elle s'approche trop, aucune vitesse n'est assez grande pour la maintenir en orbite. Si même la vitesse de la lumière ne lui suffit plus pour échapper au champ gravitationnel, c'est qu'elle a passé la ligne d'horizon", Pr David J. Helfand. Au-delà de cette ligne, la gravitation est si puissante que rien ne résiste à sa force d'attraction, pas même la lumière.

"Ça paraît fou, mais la lumière subit elle aussi les effets de la gravitation. Faisons une expérience. Je vais prendre cette lampe torche et la promener autour d'un Trou noir. Tant que je suis à bonne distance, le faisceau lumineux reste bien droit. Mais si je l'avance, ils se courbent peu à peu et vient s'effondrer dans le Trou noir. Et si je l'approche encore, il purge directement dedans et disparaît", Pr Louis Bloofield. Personne n'a jamais pu observer directement Trou noir. On se contente en réalité d'en étudier les effets. Ainsi, on a pu constater qu'il y en avait un, au centre de toutes les galaxies, y compris la nôtre, car chaque noyau galactique dégage un faisceau d'énergie phénoménal. " On sait qu'il existe d'énormes Trous noirs au centre des galaxies. Le champ gravitationnel qui les entoure est si intense, que la matière y atteint des températures hallucinantes", Pr Robert Hurt. Les astronomes observent également d'immenses tourbillons de matières qui semblent disparaître dans le vide intersidéral. "Très loin dans l'espace, on voit des sphères gazeuses qui paraissent tourner en orbite autour de rien. Et qui finissent par disparaître. C'est la meilleure preuve de l'existence de Trou noir", Pr Paul Doherty.

La théorie de la relativité générale a décrit le rôle essentiel de la vitesse dans le fonctionnement de notre Univers. Elle a offert de nouvelles bases à la physique et a permis de mieux comprendre le cosmos. Elle a pressenti l'existence des Trous noirs, et à tracer l'esquisse d'un monde plus surprenant que jamais. L'homme sera-t-il capable un jour de voyager assez vite pour pouvoir explorer les confins de l'espace ? L'univers est si vaste qu'on est en droit de se poser la question. "Notre génération n'assistera pas aux premiers voyages interstellaires. On n'est sans doute aussi loin du but, que Léonard de Vinci en son temps avec l'aviation. Il a imaginé l'aéroplane mais l'homme a dû attendre 400 ans avant de pouvoir voler". Cela n'empêche pas les spécialistes d'élaborer les théories les plus extraordinaires. Certains ont développé par exemple, le concept du Trou de ver : une sorte de tunnel de l'espace. "C'est un tube très fin qui relie deux zone de l'espace très éloignées l'une de l'autre. Ça fonctionne un peu comme un tunnel. On entre là-dedans et on ressort à l'autre bout de l'univers", Pr Sean Carroll. Il s'agirait d'un raccourci bien utile pour parcourir un monde où les plus grandes distances se mesurent en milliards d'années-lumière. Mais comment imaginer un tel tunnel au milieu de l'espace ?

"Un Trou de ver est un couloir qui relie une région du cosmos à une autre. Imaginons que cette feuille de papier représente espace. Ce cercle figure l'entrée du Trou de ver. Et celui-ci la sortit. Il faut donc imaginer un passage entre ces deux ouvertures. À première vue, ça prendrait plus de temps d'emprunter ce tunnel que de traverser le cosmos. Mais Einstein nous enseignait que l'espace-temps était flexible. Si on replie la feuille de papier, l'entrée et la sortie du tunnel se retrouvent toutes proches. Du coup, si on emprunte ce couloir, on gagne énormément de temps par rapport au chemin traditionnel. Le Trou de ver devient un raccourci qui permet d'accomplir en un éclair les trajets les plus longs", Pr Sean Carroll. Les auteurs de science-fiction se sont vite emparés de ce concept très pratique. "Dans un monde de science-fiction où la vitesse de la lumière représente une limite infranchissable, les personnages ont besoin malgré tout d'aller d'un bout à l'autre de la galaxie en un temps record. Le Trou de ver peut leur servir de raccourci. Il leur permet de réduire la distance entre deux zones très éloignées. Ainsi, même si le voyageur reste en deçà de la vitesse de la lumière, son trajet devient ultrarapide. Il doit juste emprunter le bon raccourci", Pr Sean Carroll. Si le Trou de ver est un tunnel à travers l'espace-temps, alors théoriquement, il peut aussi permettre de voyager d'une époque à l'autre. "L'espace et le temps sont intimement liées. Quand on emprunte un Trou de ver, on se retrouve non seulement dans une autre zone du cosmos, mais aussi à une autre époque. On peut ainsi se rendre visite à soi-même en voyageant dans son passé. Imaginez un Trou de ver qui relie votre canapé à la salle à manger. Il se pourrait bien qu'il vous ramène cinq ans en arrière. Si vous emportez votre journal, vous allez faire un malheur à la bourse". L'existence des Trous de ver est loin d'être prouvée, mais on peut néanmoins affirmer que leur présence ne violerait aucune des théories actuelles sur le fonctionnement de l'Univers. "Dans un monde régi par la relativité générale d'Einstein, on peut imaginer un espace-temps transpercée par un Trou de ver". Mais pourrait-on en fabriquer un ? "Ce serait très difficile de créer un Trou de ver. Il faudrait littéralement perforer le cosmos", Pr Sean Carroll.

L'espace-temps décrit par Albert Einstein permet l'élaboration d'autres théories. Ainsi, certains imaginent qu'en déformant l'espace, on pourrait parcourir des distances gigantesques. "Imaginons le pilote d'un vaisseau spatial qui voudrait voyager très loin. Plutôt que d'appuyer sur le champignon, pourquoi n'essaierait-il pas de modifier le cosmos ? Il lui suffirait de dilater l'espace derrière le vaisseau tout en le contractant devant lui", Pr Louis Bloofield. C'est ce qu'on appelle la métrique d'Alcubierre, plus connu sous le nom de distorsion. "Ça permettrait de faire des très longs trajets, sans aller à toute vitesse. Plus besoin d'accélérer. La distorsion déformerait l'espace sur votre passage", Pr Louis Bloofield.
Nous voyageons à travers l'Univers. Mais que se passerait-il si l'Univers bougeait à notre place ? La relativité générale décrit un espace-temps semblable à une grande étoffe. Il devrait donc être possible de le déformer, de le déplié sur lui-même et de le déplié à nouveau. En théorie, la distorsion pourrait contracter l'espace-temps devant un vaisseau et le dilater derrière lui. On voyagerait alors plus vite que la lumière sans pourtant bouger d'un pouce. "Imaginez un trottoir roulant qui vous entraîne à une dizaine de kilomètres heure. Vous êtes immobile à sa surface, mais pourtant, vous voyez défiler le décor", Pr Sean Carroll. Si le concept de distorsion de l'espace est fascinant, il reste pour l'instant un rêve inaccessible. Personne n'a la moindre idée de la machine qu'il faudrait pour manipuler ainsi l'étoffe de l'univers. "C'est une théorie intéressante. Est-elle réaliste ? J'en doute, mais c'est excitant d'y penser".

Léonard de Vinci a-t-il entendu le même genre de commentaire quand il a montré ses croquis de machines volantes ? Les idées les plus novatrices sont toujours critiquées, parfois à tort. Quand l'imagination et la science unissent leurs forces, le résultat est souvent époustouflant. Depuis toujours, cette alliance nous permet d'aller plus vite et plus loin qu'on ne l'aurait soupçonné. Dans un monde où tout va toujours plus vite, l'homme mène sa vie à 200 à l'heure. Mais la vitesse ne se contente pas de régner sur notre existence. Elle nous révèle un cosmos ou l'espace et le temps ne sont plus les constantes absolues et qu'on imaginait. La vitesse nous permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Grâce à elle, nous sommes en mesure de résoudre certains des plus grands mystères de l'univers.

natgeotv.com © Base Productions Inc, 2009

Pr Louis Bloofield, physicien, université de Virginie.
Pr Franklin Chang-Diaz, physicien et astronaute, Ad Astra Rocket Company.
Pr Greg Chavers, ingénieur aérospatial, NASA.
Pr Steven Jefferts, physicien nucléaire, institut national des standards et des technologies.
Pr Sean Carroll, physicien, institut polytechnique de Californie.
Pr Mike Brown, astronome, l'institut californien de technologie.
Pr David J. Helfand, astronome, université Colombia, New York.
Louise Hamlin, astronome, Jet Propulsion Laboratory.
Pr John Chambers, chercheur, institut scientifique Carnegie.
Pr Geoffrey Marcy, astronome, université de Berkeley, Californie.
Pr Steve Jacobs, pédagogie des sciences.
Pr James Trefil, physicien, université George Mason, Virginie.
Pr Jill Johnsen, physicienne, université d'East Bay, Californie.
Pr Dean Ho, ingénieur en biométrie, université du Northwestern, Illinois.
Pr Paul Doherty, physicien, Exploratorium de San Francisco.
Pr Jay Melosh, professeur d'astronomie.
Pr Elisabetta Pierazzo, Planetary Science Institute.
Pr Louis Friedman, directeur exécutif The Planetary Society.
Pr Conel Alexander, Institut des sciences de Carnegie.
Chuck Andraka, Laboratoire national de Sandia.
Pr Don Jennings, astrophysicien, NASA Goddard Space Fight Center.
Pr Robert Goldston, astrophysicien, université de Princeton.
Pr Rene Org, astronome, UCLA.
Pr Robert Hurt, astronome, Institut polytechnique de Californie.
Pr Richard Perley, chercheur, NRAO.

 L'Univers : les Limites du Cosmos - FRANCE 5 > Mars > 2011
 

   
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