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Hypernova - Hypernovæ

La Plus Brillante Supernova

Parmi les supernovæ, les plus lumineuses sont les SLSNe (pour Super Luminous Supernovae), mais on ignore les mécanismes d'une telle brillance.

La supernova ASASSN-15lh n'en est que plus énigmatique, car elle bat tous les records ! Son intensité lumineuse, au moins deux fois plus élevée que celle des supernovæ connues, équivaudrait à près de vingt fois l'émission lumineuse de l'ensemble des étoiles de la Voie lactée. ASASSN-15lh a été repérée dans le cadre du projet ASAS-SN (un relevé automatisé du ciel pour les supernovæ) de l'université d'État de l'Ohio. Selon Subo Dong, de l'université de Beijing, et ses collègues, elle serait à rapprocher de la famille des SLSNe pauvres en hydrogène, mais elle en serait un membre aux conditions extrêmes. Le centre de l'objet est peut-être un magnétar en rotation rapide, mais d'autres scénarios sont en lice. À suivre.
S. Dong et al., Science, vol. 351, pp. 257-260, 2016.

L.P. - POUR LA SCIENCE N°461 > Mars > 2016

Quatre Mystérieuses Supernovae Éblouissent les Astronomes

Depuis quelques années, 4 supernovae tiennent en échec les meilleurs spécialistes de la physique slellaire. Bien plus lumineuses que toules les autres, elles supposent l'existence d'astres qui en théorie auraient bien du mal à exister. Faute d'observations décisives, les astronomes se perdent en hypothèses.

Dans la nuit du 24 avril 2003, à Hawaï, le télescope CFHT capte la lumière d'un monstre dans le ciel. L'astre, baptisé 2003fg, brille comme dix milliards de soleils. Une supernova à l'éclat exceptionnel, le double de celui des autres supernovae. Une nouvelle classe d'explosions stellaires est née : les supernovae "ultralumineuses". Depuis, elle s'est enrichie de trois autres membres (2006gz, 2007if et 2009dc), mais le mystère des astres qui la composent ne fait que s'épaissir.
Ces quatre supernovae hors norme peuvent-elles remettre on cause nos connaissances sur les explosions d'étoiles ! Ce n'est pas impossible, car elles appartiennent à un type bien particulier de soleils éclatés : les supernovae de type Ia (SN Ia), si réputées pour la constance de leur éclat qu'elles servent à mesurer les distances jusqu'aux confins de l'Univers. Elles sont même le socle sur lequel repose l'idée d'une accélération de l'expansion cosmique. "Pour le moment, les supernovae ultralumineuses sont trop rares pour poser un problème dans les mesures cosmologiques. Surtout, leur éclat est si anormal qu'il est facile de les repérer et de les éliminer de nos échantillons de données", assure Pierre Astier, codécouvreur de SN 2003fg au cours du programme Supernova Legacy Survey (SNLS). Reste que leur existence inattendue force les théoriciens à se replonger dans la mécanique des SN Ia...
En 2003, lors de sa première rencontre avec SN 2003fg, Andy Howell n'en avait pas eu le courage. "Son spectre (son émission lumineuse) était étrange. Je n'en avais jamais vu de ce genre. J'ai d'abord voulu écrire un article dessus, mais comme ça demandait davantage de dnnnées, je n'en ai rien fait", confesse le chercheur. À l'époque, SN 2003fg est simplement éliminé de l'échantillon avec lequel les cosmologistes du SNLS mesurent l'accélération de l'Univers, et tout le monde l'oublie. Mais quelques années plus tard, un collègue curieux pousse la porte d'Andy Howell : "Il voulait savoir où j'en étais avec cette supernova bizarre. Je me suis penché à nouveau sur le sujet et là, avec les nouvelles données, j'ai réalisé qu'elle était beaucoup trop lumineuse pour une SN Ia", se souvient le théoricien. Il comprend alors que si SN 2003fg brille autant, c'est parce qu'elle tire son éclat de la décomposition radioactive d'une masse impressionnante de nickel 56 : 1,3 masse solaire, contre 0,6 en moyenne pour ses congénères. Autrement dit, la naine blanche à l'origine de cette "supernova champagne" faisait... 2,2 masses solaires ! Du jamais vu.
"La découverte a fait du bruit. À partir de ce moment-là (en 2006), les gens qui font des relevés cosmologiques ont commencé à faire attention aux supernovae semblables à SN 2003fg. En sachant quoi chercher, on a trouvé trois nouveaux spécimens", se réjouit Andy Howell. Le plus étonnant est que si la supernova avait explosé quelques mois plus tard, elle serait sans doute passée inaperçue... "Nous étions juste au début du SNLS. À cette époque, nous faisions systématiquement un spectre de nos supernovae pour notre méthode de filtrage automatique", souligne Pierre Astier.
Grâce à ce coup de pouce du destin, les astronomes disposent de quatre supernovæ ultralumineuses. Mais quelle est leur origine ? Car ce n'est pas tout d'évoquer des naines blanches dépassant le double de la masse du Soleil. Encore faut-il expliquer comment elles se ferment ? En effet, "la plupart des naines blanches font entre 0,6 et 1 masse solaire", explique Tony Piro, de l'université de Berkeley. Elles ne peuvent augmenter leur masse qu'en absorbant la matière d'une étoile compagne ou en fusionnant avec une autre naine blanche. Et, à partir de 1,4 masse solaire (la masse de Chandrasekhar, encadré), elles sont censées exploser... Est-il alors vraiment raisonnable d'imaginer des "super-naines blanches" ?

EFFONDREMENT D'UNE GÉANTE OU EXPLOSION D'UNE NAINE ?
Les supernovae de type Ia sont provoquées par l'explosion thermonucléaire des naines blanches qui en absorbant la masse d'une étoile voisine, dépassent la masse limite de 1,4 masse solaire
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Il existe deux types de supernovæ : les "gravitationnelles" et les "thermonucléaires". Les premières sont liées à l'effondrement d'une étoile géante de plus de 7 masses solaires (et sont baptisées Ib, Ic et Il pour des raisons historiques). Les secondes, les SN Ia, sont dues à l'explosion d'une naine blanche, c'est-à-dire le résidu d'une étoile de type solaire en fin de vie. Ce phénomène formidable à toujours lieu au même moment ; lorsque la naine en train d'absorber la matière d'un astre compagnon dépasse une certaine masse, calculée en 1935 par Subrahmanyan Chandrasekhar. Son cour devient si dense qu'il s'y déclenche une réaction thermonucléaire. Celle-ci produit une bonne part de nickel 56 radioactif, qui alimente l'éclat de la supernova. Voilà pourquoi toutes les SN Ia ont le même éclat intrinsèque, et qu'elles sont un outil précieux pour mesurer les distances dans l'Univers.

COMME UN ÉLASTIQUE

Une supernova vue en 2004 dans la galaxie NGC 2403 (en haut dans l'image). Selon Andy Howell, l'éclat des supernovae ultralumineuses tient à la masse exceptionnelle de l'étoile qui a explosé : une naine blanche deux fois plus grosse que d'habitude.

Il y a encore deux ans, sur la foi des travaux de Sung-Chul Yoon et de Norbert Langer, la plupart des spécialistes auraient répondu "oui" sans hésiter. En 2005, ces deux astrophysiciens de l'université d'Utrecht montrent qu'une naine blanche dont l'extérieur tourne beaucoup plus vite que l'intérieur peut dépasser la sacro-sainte limite de Chandrasekhar. En 2008 toutefois, Tony Piro anéantit celle piste. "Je me suis aperçu que l'intense champ magnétique des naines blanches agissait comme un élastique que l'on vrille. C'est une force de rappel puissante, qui empêche les couches stellaires de tourner à des vitesses très différentes", explique l'astronome. Autrement dit, la rotation d'une naine blanche en train de grossir accélère d'un bloc, comme le ballon de basket sur l'index du frimeur ! Du coup, certains chercheurs explorent des façons de créer des supernovae ultralumineuses avec des naines blanches classiques. "Après tout, la masse des naines qui explosent n'est déduite que d'une loi empirique liant l'éclat d'une supernova à la quantité de nickel produite, rappelle Pierre Astier. Elle marche bien pour les SN Ia classiques, mais peut-on l'extrapoler aux quatre cas qui nous concernent ?" Daniel Kasen, de l'université de Californie à Santa Cruz, n'en est pas convaincu. Il a proposé l'année dernière un nouveau modèle de déflagration des naines blanches créant une supernova asymétrique. En fonction de son alignement avec la ligne de visée, celle-ci peut alors paraitre très brillante. Astucieux, sauf que même en faisant l'hypothèse irréaliste d'une conversion totale de la naine blanche en nickel 56, Kasen atteint difficilement la luminosité de nos quatre supernovae... "En plus, la seule dont on a pu mesurer la géométrie n'est pas asymétrique", assène Andy Howell.

FUSIONS D'ÉTOILES

Pour lui, à n'en pas douter, les supernovae ultralumineuses sont dues à la fusion de deux naines blanches. Une conclusion que partage Richard Scalzo à l'université de Yale. Avec son équipe, il vient de passer au scanner le cas de SN 2007if. Le résultat est sans appel : "Notre travail élimine tous les modèles de 'supernova champagne' mettant en scène une naine blanche de masse normale, explique l'astrophysicien. Par ailleurs, nous n'avons trouvé aucune trace d'hydrogène ou d'hélium dans l'enveloppe de la supernova. Si une étoile normale avait été dévorée, cela aurait été le cas". Ne reste que l'hypothèse de la fusion d'un couple de naines blanches, doté d'une masse totale supérieure à 1,4 masse solaire. Pendant les quelques minutes que dure un tel évènement, une naine blanche unique à sans doute pu se former avant d'exploser en SN Ia ultralumineuse.
Pour Pierre Astier, les conclusions des théoriciens restent cependant fragiles. "Un modèle, c'est compliqué, plaide-t-il. Il faut poser des hypothèses à chaque étape : sur l'astre de départ, sur l'explosion elle-même... Et nos outils ne sont pas toujours adaptés". Par exemple, la progression de la flamme nucléaire qui consume la naine blanche est essentielle pour comprendre la formation du nickel (notamment sa quantité, qui détermine l'éclat de la supernova). Mais cette flamme, qui court en une seconde sur des milliers de kilomètres, est une véritable dentelle, découpée au centimètre près ! Une telle différence d'échelles est très difficile à modéliser correctement.
"Notre rêve serait d'être capable d'observer directement l'émission du nickel en rayons gamma, reprend Pierre Astier. On connaîtrait alors immédiatement la quantité produite. Or, pour le moment il n'y a pas de bon télescope à la longueur d'onde qui nous intéresse". Jusqu'à nouvel ordre, les quatre supernovæ trop brillantes gardent leur secret !

D.F. - CIEL & ESPACE > Juin > 2010

Jamais on n'avait vu une Mort aussi Brillante

À la fin des années 1990, on découvre que la destruction complète d'une étoile supergéante s'abimant dans un trou noir engendre une gigantesque explosion, perceptible via de fantastiques émissions de rayons gamma. Depuis, les astronomes entendent mettre à profit ces "chandelles cosmiques" pour observer l'Univers primordial. Or, ils viennent d'assister à la plus brillante hypernova jamais repérée...

satellite Swift19 mars 2008, 7 h 12. Filant silencieusement à 600 kilomètres au-dessus des nuages, le satellite Swift observe le ciel, dans la direction de la constellation du Bouvier. Lorsqu'il enregistre brusquement un puissant flux de rayons gamma, les plus énergétiques qui soient dans l'Univers et dont les astronomes savent qu'ils témoignent d'un événement céleste majeur, d'une violence extrême... probablement l'explosion d'une étoile très massive arrivée en fin de vie. Une supernova. Voire... une hypernova. Le satellite américano-européen, lancé en 2004 par la Nasa, a justement été conçu pour étudier ces émissions lumineuses très brèves et très violentes, issues d'étoiles qui explosent au fin fond de l'Univers, ces "sursauts gamma" qui ne durent que de quelques secondes à une minute, pas plus. Autant dire que ce 19 mars, Swift est fin prêt : à peine a-t-il détecté le signal qu'il met en route son télescope ultra-violet, capable de voir et d'identifier la source d'émission. En moins de 60 secondes, les coordonnées précises du sursaut gamma sont mesurées. Le satellite prévient alors tous les observatoires du monde, afin qu'ils tentent d'observer le phénomène à travers leurs puissants télescopes. Le temps presse...
Coup de chance : ce jour-là, au moment même où Swift détecte la bouffée de rayons gamma, un petit télescope polonais, Pi of the Sky, installé au Chili, observe le même événement, mais dans le rayonnement visible, c'est-à-dire la lumière normale, comme celle qu'émet le Soleil. C'est une première : jamais un sursaut gamma n'avait été observé "en direct" par un télescope terrestre ! Quinze secondes plus tard, un second télescope européen, REM (Rapid Eye Mount), toujours au Chili, observe à son tour le phénomène depuis l'observatoire de La Silla. À ce stade, les télescopes ont travaillé en automatique... La réaction des astronomes ne va pas tarder ! À l'Cerro Panaral ou VLTl'observatoire européen de Cerro Paranal, lui aussi au Chili, les chercheurs sont les premiers à se mobiliser : moins de dix minutes après l'alerte de Swift, le télescope géant VLT (Very Large Telescope) de 8,2 m de diamètre, stoppe son programme d'observation pour se diriger en urgence vers l'astre du Bouvier... À cet instant, les scientifiques ne se doutent pas encore de l'extraordinaire événement qui vient de se produire...
Au petit matin, les différentes équipes commencent à échanger par mails leurs précieuses informations. Et là, c'est la stupéfaction ! D'abord, les images enregistrées par l'équipe polonaise de Pi of the Sky révèlent que non seulement les rayons gamma ont été émis par une hypernova - aussitôt baptisée GRB 080319 B (->) -, mais aussi que celle-ci a été, durant une quinzaine de secondes, parfaitement visible... à l'oil nu. Pour peu que vous regardiez le ciel à ce moment-là, vous pouviez la voir, non loin de la Grande Ourse ! Mais il y a mieux. Le puissant télescope VLT a obtenu le spectre de l'astre, ce qui a permis aux scientifiques de mesurer précisément sa distance : 7,5 milliards d'années-lumière, soit un abîme d'espace et de temps correspondant à... la moitié de l'Univers visible ! En découvrant cette distance énorme, les chercheurs ont été pris de tournis. Car un astre aussi lointain, même s'il s'agit d'une galaxie comptant cent milliards d'étoiles, est en principe d'un éclat très faible et est très difficile à observer, y compris avec le télescope spatial Hubble. Or, GRB 080319 B était observable... à l'oil nu. Jamais un objet aussi lointain n'avait été ainsi à portée de main, ou plutôt à portée d'oil. Les astronomes sont estomaqués : ils viennent ni plus ni moins d'assister à la plus titanesque des explosions stellaires, une hypemova d'un éclat exceptionnel. Durant près d'une minute, l'étoile a brillé près d'un milliard de milliards de fois plus que le Soleil. Puis elle s'est éteinte, progressivement.
Comment une telle débauche d'énergie a-t-elle été possible ? Quels phénomènes physiques titanesques étaient ici à l'ouvre ? Selon Boris Sbarufatti, astronome à l'observatoire de Palerme et membre de l'équipe de Swift, "ces émissions de haute énergie sont probablement liées à la formation d'un trou noir au cour d'une étoile supermassive".

HISTORIQUE DES HYPERNOVÆ

On découvre une hypernova par jour, dans tout l'Univers visible. Mais l'histoire scientifique de ces astres compte quelques découvertes et dates décisives.

GRB 670702 : le tout premier sursaut gamma est découvert par le satellite militaire américain Vela, en juillet 1967. L'observation demeure secrète une quinzaine d'années.
GRB 970228 : en février 1997, le satellite Italien Beppo Sax détecte un sursaut gamma. Pour la première fois, les astronomes identifient la source d'émission, une galaxie lointaine.
GRB 970508 : la découverte de ce sursaut gamma en mai 1997 par Beppo Sax est décisive : pour la première fois, sa distance est mesurée : 7 milliards d'années-lumière. Les astronomes comprennent qu'il s'agit d'une explosion d'une exceptionnelle puissance.
GRB 980425 : pour la première fois, en avril 1998, un sursaut gamma est associé à une supernova, les premiers modèles théoriques sont publiés.
GRB 030329 A : le plus proche sursaut gamma jamais détecté, à moins de 2 milliards d'années-lumière de distance. Le 29 mars 2003, le rayonnement de cette hypernova ionise la haute atmosphère terrestre !
GRB 060505 : en mai 2006, un sursaut gamma est détecté, mais aucune supernova n'est observée. Certains sursauts gamma sont peut-être émis lors de la fusion de deux étoiles à neutrons en trou noir, ne laissant quasiment aucune trace derrière elles.
GRB 080319 B : détecté le 19 mars 2008 par le satellite Swift et simultanément par le télescope Pi of the Sky, c'est le plus lumineux des sursauts gamma jamais observés.
GRB 080913 : le 13 septembre 2008, Swift découvre le plus lointain sursaut gamma, à 12,8 milliards d'années-lumière.

QUANTITÉ D'ÉNERGIE INÉGALÉE

"Une telle étoile, en s'effondrant sur elle-même, a créé un trou noir autour duquel un disque brûlant, composé de la matière de l'étoile, s'est formé, explique le chercheur. Une petite partie de l'énergie gigantesque libérée par la chute de la matière dans le trou noir s'est alors dissipée sous la forme de deux jets de matière très fins, centrés sur l'axe de rotation du trou noir". En moins d'une minute, la messe est dite : l'étoile en fin de vie, environ cent fois plus massive que le Soleil, s'avère à court de combustible nucléaire et voit son cour s'effondrer sur lui-même à plusieurs milliers de km/s, tandis que ses couches externes commencent, elles aussi, à lentement s'affaisser. L'énergie dégagée, d'un niveau inégalé dans l'Univers, s'explique par le "rendement" énergétique du trou noir, beaucoup plus efficace que le réacteur nucléaire d'une étoile : en quelques secondes, une grande partie de la masse en rotation autour du trou noir est convertie en énergie, selon la célébrissime formule d'Einstein E = mc².
Mais si la Terre a été témoin d'un tel éblouissement, c'est à cause d'un improbable concours de circonstances, comme l'explique l'astronome italien Guido Chincarini, qui était aux premières loges à La Silla avec son télescope REM : "Nous avons eu la chance Spitzerextraordinaire de nous trouver exactement dans l'axe du jet émis par le trou noir ! La matière confinée dans le jet était expulsée à une vitesse proche de celle de la lumière, nous n'avions jamais vu cela"... L'hypernova n'avait donc rien d'exceptionnel, mais, pour la première fois, les astronomes contemplaient son éclat de face !
Une fois la découverte relayée dans la communauté astronomique, la plupart des observatoires se sont tournés vers le Bouvier pour voir s'éteindre lentement l'hypernova. Hubble et Spitzer dans l'espace, Gemini North à Hawaï, le réseau géant VLA au Nouveau-Mexique, etc. Car d'un point de vue scientifique, les sursauts gamma sont des pépites d'or. Puisque leur éclat est tel qu'on peut les détecter jusqu'au bout de l'Univers, ils servent désormais de "chandelles cosmiques" pour explorer les premiers âges du cosmos.

L'HISTOIRE SECRÈTE DES SURSAUTS GAMMA
Tout commence en 1967, lorsque les satellites américains Vela sont envoyés dans l'espace pour surveiller si l'Union soviétique respecte le traité d'interdiction des essais d'explosions thermonucléaires atmosphériques.
En cas d'explosion atomique, les satellites, équipés de capteurs de rayons gamma, auraient détecté les plus énergétiques des ondes électromagnétiques. Or, à la stupeur des militaires américains, de violents sursauts gamma sont détectés... en provenance de l'espace ! Le Pentagone confie alors les enregistrements aux astronomes, à charge pour eux de comprendre cette mystérieuse manifestation, ainsi que son origine. Problème : les rayons gamma, indétectables sur Terre (car ils sont absorbés par l'atmosphère), sont très difficiles à observer depuis l'espace : leur énergie est telle qu'ils traversent les miroirs des télescopes sans être reflétés ! Impossible, donc, d'obtenir une image "gamma" nette. Impossible, même, de déterminer précisément l'origine d'une source gamma dans le ciel ! Ce n'est qu'en mai 1997 que, pour la première fois, la distance gigantesque d'un sursaut gamma sera mesurée. Il ne faudra pas longtemps aux astronomes pour découvrir que derrière le phénomène se cachent les hypernovæ.

Ainsi, fin septembre 2008, les astronomes ont-ils annoncé la découverte d'un nouveau sursaut, GRB 080913, situé à 12,8 milliards d'années-lumière, soit à seulement 800 millions d'années du big bang ! Dans les années qui viennent, ces astres seront probablement trouvés plus loin encore, bien au-delà de 13 milliards d'années-lumière, c'est-à-dire plus tôt encore dans l'histoire de l'Univers, et les chercheurs seront remontés dans la genèse du cosmos jusqu'à la toute première génération d'étoiles...
Les théoriciens, quant à eux, tentent d'assembler les pièces du puzzle "sursaut gamma" : d'abord, il semble clair aujourd'hui que supernovæ et hypernovæ sont les deux facettes du même phénomène. Ainsi, pour Robert Mochkovitch, spécialiste des sursauts gamma à l'Institut d'astrophysique de Paris, "si le jet de rayonnement gamma n'est pas dirigé exactement vers la Terre, nous ne voyons que l'explosion de l'étoile, qui ressemble à une supernova normale. Pour autant, toutes les supernovæ ne donnent pas lieu à des sursauts gamma ! En fait, nous ne maîtrisons pas encore complètement le scénario expliquant ces puissants rayonnements gamma. Nous savons juste que ce phénomène est rarissime, car il faut que l'étoile en passe d'exploser ait des caractéristiques particulières, une forte vitesse de rotation sur elle-même, entre autres. Dans notre galaxie, une telle explosion doit intervenir à peu près tous les dix millions d'années".
Rarissimes, les hypernovæ ? Pourtant, les satellites en détectent en moyenne une par jour, même si elles ne sont pas toutes aussi violentes que celle du 19 mars 2008... En fait, le paradoxe n'est qu'apparent. Car depuis la Terre, nous contemplons l'ensemble de l'Univers visible, qui compte peu ou prou cent milliards de galaxies, soit environ 10²2 étoiles !

UN RAYONNEMENT FATAL

C'est donc à l'aune du cosmos entier qu'il faut jauger leur fréquence... et se réjouir que ces mini big bang ne soient pas trop courants. Car si GRB 080319 B avait explosé dans notre propre galaxie, la Voie lactée, plutôt qu'aux confins de l'Univers, nous ne serions peut-être plus là pour en parler.
De fait, si l'hypernova s'était trouvée dans notre propre galaxie, entre 5000 et 10.000 années-lumière environ, un second Soleil, d'un bleu électrique aveuglant, se serait allumé dans le ciel de la Terre pendant près d'une minute et son rayonnement invisible - rayons ultraviolets, X et gamma - aurait pulvérisé la couche d'ozone et soumis notre planète à un rayonnement létal pour une grande partie des espèces vivantes... Un scénario catastrophe qui, forcément, a déjà eu lieu dans le passé de la Terre. L'astronome britannique Martin Rees soupçonne, par exemple, que ces catastrophes cosmiques ont bridé l'évolution de la vie sur Terre vers des formes complexes pendant près de trois milliards d'années, jusqu'à "l'explosion du Cambrien", tandis que les Américains Adrian Melott et Brian Thomas cherchent dans les épisodes d'extinction massive qui ont rythmé l'histoire de la vie sur Terre les traces d'une hypernova, et qui se répétera à l'avenir. Mais pas de panique : les étoiles supergéantes susceptibles d'exploser en hypernovæ demeurent très rares, et toutes les observations montrent qu'il n'y en a pas actuellement à proximité de notre petite planète bleue. De toute façon, glisse Robert Mochkovitch, "les étoiles supergéantes ont une durée de vie extrêmement courte, de l'ordre de quelques millions d'années, et il est probable que l'étoile responsable de la prochaine hypernova n'est pas encore née".

S.B. - SCIENCE & VIE > Février > 2009

Hypernova Record

S.B. - SCIENCE & VIE > Mai > 2009
 

   
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