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Deux Planètes se prennent pour des Étoiles

Dans la région d'Ophiuchus, 2 planètes mènent une drôle de danse... sans la moindre étoile dans les parages ! De quoi élargir le scénario de la naissance des planètes : elles seraient comme... les étoiles.

Voici maintenant que 2 planètes peuvent avoir des tête-à-tête dans l'Univers ! En juin 2006, deux mastodontes de gaz chaud, encore cerclés d'un disque de gaz et de poussières secoué de tourbillons et de brusque irruptions, trahissant leur jeune âge, ont en effet été repérés tournant l'un autour de l'autre. Une étrange chorégraphie effectuée à une vitesse presque imperceptible et, surtout, sans la moindre étoile dans les parages : la plus proche se trouve à 30 fois la distance qui sépare les 2 points rouge-pourpre, elle même estimée à plus de six fois la distance entre le Soleil et Pluton. Du jamais vu. Dans cette région de formation stellaire nommée Ophiuchus, située à quelque 400 années-lumière de nous, où les jeunes étoiles sont pourtant légion, les deux très jeunes objets de masse planétaire (ils auraient un million d'années à peine et des masses égales à 7 et 14 fois celle de Jupiter) ont donc trouvé le moyen de flotter dans l'espace en solitaire.

UNE OBSERVATION QUI REMET À PLAT BIEN DES THÉORIES

"Ce couple ajoute encore à la riche diversité des mondes récemment découverts, souligne Ray Jayawardhana, l'astronome sri-lankais de l'université de Toronto à l'origine de la découverte avec son collègue bulgare Valentin Ivanov de l'ESO (l'Observatoire austral européen, situé au Chili). Une diversité qu'on ne pouvait pas même imaginer il y a seulement dix ans." Et qui, surtout, remet à plat bien des théories.
Il faut se rappeler que lorsque commença, au début des années 90, la chasse aux planètes hors de notre système solaire (les exoplanètes), les astronomes s'attendaient à découvrir des corps semblables à ceux qu'ils connaissaient : des planètes en orbite autour de leur étoile, comme la Terre l'est autour du Soleil. C'était avant que l'Espagnole Maria Rosa Zapatero, de l'Institut d'astrophysique des Canaries, n'expose en 2000 le premier cliché d'une planète sans attache aucune, isolée dans l'amas d'étoiles Sigma Orionis. Cette "planète flottante" provoqua la stupeur. Surtout qu'elle n'était pas une exception : la même année, Philip Lucas et Patrick Roche, membres respectifs des universités de Hertfordshire et d'Oxford, en Grande-Bretagne, repéraient d'autres planètes flottantes, cette fois dans la région de formation d'étoiles Orion. D'où venaient-elles ? Comment s'étaient-elles formées ? Si elles se sont formées à la manière des étoiles, s'agit-il encore de planètes ?
Selon la théorie admise par les astrophysiciens, une planète se forme dans un disque de gaz et de poussières, dit protoplanétaire, en rotation autour d'une étoile. Confrontés à ces étranges nouvelles venues flottant dans l'espace, dont une vingtaine de spécimens a d'ores et déjà été découverte, les scientifiques ont logiquement imaginé qu'elles aussi s'étaient formées de cette manière. Seule différence : elles auraient été éjectées loin de leur étoile en raison d'interactions avec les autres planètes du disque, ou du passage d'une étoile à proximité. Oui, mais la découverte par Ray Jayawardhana et Valentin Ivanov le 29 juin dernier du couple de planètes flottantes jumelles chamboule tout. "Il est très improbable qu'elles aient pu être éjectées d'un disque protoplanétaire dans la même direction et à la même distance dans le ciel, explique Valentin Ivanov. D'autant qu'elles sont très distantes l'une de l'autre et faiblement liées."
Les deux planètes se seraient elles alors formées toutes seules ? En 2004, on se rappelle qu'une équipe internationale menée par le Français Gael Chauvin de l'ESO obtenait la première image d'un objet de masse planétaire en orbite autour... d'une naine brune (une étoile ratée). Une première bizarrerie qui posait déjà la question. "Cette naine brune ne semble pas assez massive pour avoir pu créer dans son disque un mastodonte gazeux comme celui qui lui tourne autour", souligne Christophe Dumas, autre astronome de l'ESO membre de l'équipe.

N'EST PAS PLANÈTE QUI VEUT

De fait, le mastodonte en question est cinq fois plus massif que Jupiter. Alors quoi ? Eh bien, "le couple de planètes flottantes - tout comme notre découverte de 2004 - s'est en fait probablement formé de la même manière que... les étoiles, poursuit Christophe Dumas. Autrement dit, par "fragmentation et effondrement d'un nuage moléculaire de gaz et de poussières. De même, sûrement, que toutes les planètes flottantes découvertes jusqu'ici."
Ces mastodontes gazeux ont donc la forme de planètes, la masse de planètes, mais ils se seraient formés comme des étoiles. Ce qui signifie que les nuages moléculaires seraient capables de générer aussi bien des étoiles géantes ultra-chaudes de plusieurs dizaines de fois la masse de notre Soleil que ces petits objets plutôt froids de masse planétaire. Alors que Pluton vient d'être reléguée au rang de "planète naine" par la communauté des astronomes, il se pourrait bien que ceux-ci refusent également d'admettre les nouvelles arrivées dans le club très fermé des "planètes". Certains estiment en effet que leur formation, à la manière des étoiles les en exclut d'office. N'est décidément pas planète qui veut !

C.M. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2006
 

   
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