Les Stigmates Français de Tchernobyl

Les campagnes de mesures effectuées sur l'Est de la France témoignent de l'importance des dépôts radioactifs dus au nuage de Tchernobyl. On attend les résultats d'une étude épidémiologique.

Quinze ans ! Il aura fallu attendre quinze ans après Tchernobyl pour que les pouvoirs publics français publient les chiffres détaillés de la contamination...
À l'époque, la France prétendait que le "nuage" radioactif n'avait pas survolé son territoire. Une contre-vérité qui fit naître la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRII-RAD).

Aujourd'hui, les sols français portent encore les stigmates de l'accident du 26 avril 1986, et la Corse en est la première victime. C'est ce que démontre une étude présentée par l'institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) à l'occasion du Congrès international de radioécologie et d'écotoxicologie des milieux continentaux et estuairiens (Ecorad 2001). Au printemps, les chercheurs de l'IPSN et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) ont effectué une campagne de mesures de la contamination des sols en césium 137.

Ils en ont déduit les quantités de césium 137 et d'iode 131 déposées par les vents en mai 1986. Alors que la contamination moyenne avant l'accident (due aux essais nucléaires atmosphériques autour du globe) était de l'ordre de 5000 becquerels par mètre carré (5000 Bq/m²), certains sites entre Aléria et Porto-Vecchio ont reçu des dépôts de césium 137 supérieurs à 35.000 Bq/m².

Cette étude très officielle conforte donc les résultats des carottages de sol effectués entre 1988 et 1993 par la CRII-RAD, et qui mesuraient jusqu'à 32.000 Bq/m² à Ghisonaccia, deux ans après l'explosion.

Elle nous apprend aussi qu'en montagne, lors de la fonte des neiges, la contamination au césium s'est concentrée sur de petites zones de quelques centimètres à quelques mètres carrés.

La radioactivité de ces "points chauds" dépasse encore 500.000 Bq/m² mais selon Jérôme Joly, du département de protection de l'environnement à l'IPSN, ce césium ne présenterait pas de danger pour la santé humaine, à moins de camper plusieurs semaines sur place.

Quant à l'iode 131, suspecté d'avoir provoqué des cancers de la thyroïde, il a rapidement disparu (sa demi-vie est de huit jours contre trente ans pour le césium 137) mais sa radioactivité était de cinq à dix fois plus importante que celle du césium 137 après l'explosion.

Appuyées par la CRII-RAD, une centaine de personnes atteintes de cancer de la thyroïde ont porté plainte. Les premiers résultats d'une étude épidémiologique commandée par le ministère de la Santé devraient être publiés fin 2001.

M. C. Ont collaboré à cette rubrique Matthieu Crocq, Sylvie Redon-Clauzard.

 

SCIENCE & VIE > Novembre > 2001
 

   
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