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Que Savez-vous de la Mer ? |
"La mer, pour les Français, c'est ce qu'ils ont dans le dos quand ils regardent la plage." Qui a osé persifler ainsi ? Eric Tabarly ! Le célèbre navigateur français était sans doute bien placé pour faire ce constat acidulé du peu d'intérêt de ses compatriotes pour la chose maritime.
Le souvenir qu'il a laissé est d'ailleurs révélateur de notre rapport à la grande bleue. Car si l'on se souvient de ses exploits sportifs à bors des Pen Duick, on sait moins qu'il était un ancien de l'Ecole navale et faisait partie de la Marine nationale. Ce qui rejoint la thèse de l'historien Etienne Taillemite, membre de l'Académie de marine, qui soutient que l'intérêt des Français pour la mer, récent, aurait tendance à la cantonner à un espace ludique, de plaisance ou de compétition. Lors d'un sondage Ifop de fin 2006, 46 % des Français déclaraient s'intéresser aux sports et aux loisirs nautiques plutôt qu'à l'activité économique et sociale du secteur maritime (40 %) ou à la Marine nationale (28 %). Mais le courant change. Car une autre préoccupation dépasse toutes les autres : celle de l'environnement et de la Sécuriité maritime (65 %). La prise de conscience du risque lié aux pollutions, à l'effondrement des stocks de poissons ou encore au changement climatique conduit en effet à un regain d'intérêt pour la mer. Or il y a encore beaucoup à faire, tant notre connaissance de ces vastes étendues qui recouvrent les deux tiers de la planète bleue reste parcellaire. Et vous, que savez-vous sur le sujet ? Jetez-vous à l'eau.
Muriel de Vericourt - SCIENCE & VIE > Juillet > 2008 |
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On a Réalisé que 90 % des Espèces Marines étaient encore Inconnues |
Nos tests vous ont livré les secrets de la mer ? Mais il en reste bien d'autres à découvrir, explique Louis Legendre, directeur du Laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer.
Science & Vie : L'océan a-t-il encore besoin d'être exploré ?
Louis Legendre : La recherche montre sans cesse à quel point l'océan reste peu connu. Des analyses génomiques menées sur un seul litre d'eau ont, par exemple, révélé une foule d'espèces... dont 90 % étaient inconnues ! On ne connaîtrait donc qu'une espèce marine sur dix. De plus, même les spectaculaires avancées de l'exploration ne nous permettent d'avoir accès qu'à une infime partie des milieux marins. Songez que les neuf-dixièmes de la biomasse des océans sont constitués d'organismes qu'on ne peut observer qu'au microscope. L'océanographie n'est pas seulement dans une logique d'exploration. On cherche aussi à étudier les mécanismes et à prédire le fonctionnement des océans, avec des appareils qui mesurent au-delà de ce que l'on voit.
S&V: Comment l'instrumentation fait-elle progresser la recherche océanographique ?
L L. : La technique et la connaissance fondamentale ont avancé ensemble. Un exemple : les satellites sont des outils formidables, mais ce qu'ils "voient" correspond à ce qui est émis sur... 1 mm de profondeur pour la température, et quelques dizaines de mètres pour la couleur (phytoplancton) ! D'où l'importance de dispositifs immergés innovants, qui révolutionnent notre connaissance de l'océan. Dont des sous-marins autonomes de 3 m de long, qui décrivent des mouvements sinusoïdaux sous l'effet des courants et des changements de densité de l'appareil. Ils enregistrent ainsi des informations qu'ils transmettent par liaison satellite à chaque fois qu'ils remontent en surface. Grâce à ce genre d'outils, on commence à "voir" à l'intérieur de l'océan, en continu. Une révolution !
S&V: Les décideurs sont-ils attentifs à l'intérêt de l'exploration des milieux marins ?
L.L. : Au cours de ces dernières années, l'océanographie a pris énormément d'importance, notamment dans le cadre de l'étude du changement climatique. Pour bâtir les modèles d'évolution du climat, on ne peut pas passer à côté des deux tiers de la surface de la Terre ! Par ailleurs, l'étude de la biodiversité génère un intérêt croissant, non seulement dans une optique fondamentale mais aussi du fait de ses applications pharmaceutiques et alimentaires. Ces deux aspects sont venus irriguer la recherche.
S&V : Quel grand défi doivent encore relever les scientifiques dans ce domaine ?
L.L. : L'un des impératifs consiste à harmoniser les connaissances développées par les scientifiques spécialisés dans la gestion des stocks, par les géochimistes et par les chercheurs qui se sont intéressés à l'écologie des organismes. Ces trois grands axes de la recherche océanographique devront absolument converger dans les plus brefs délais si l'on veut pouvoir offrir des réponses au changement climatique et à l'effondrement des ressources biologiques lié aux activités humaines.
Propos recueillis par MRV. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2008 |
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