Grâce à une technique inédite, des chercheurs australiens ont récupéré de l'ADN à partir de fragments d'œufs fossiles. Un procédé prometteur dans l'étude de l'évolution et de la biodiversité. Michael Bunce s'en étonne encore : "jusqu'à présent, la précieuse molécule partait à la poubelle !" Ce chercheur de l'université de Murdoch, à Perth, Australie, parle de l'ADN d'oiseaux disparus que son équipe a, la première, eu la bonne idée de récupérer là où personne ne le cherchait : dans les fragments d'œufs fossiles existant en abondance dans la nature et couramment utilisés dans les laboratoires du monde entier, que ce soit pour la paléoécologie, l'étude des régimes alimentaires passés ou la datation. Presque de banales coquilles en somme, mais que personne n'avait encore songé à exploiter afin d'en tirer du matériel génétique. Pour une raison simple : elles contiennent à peine 3 % de matériel organique (donc d'ADN), contre 97 % de carbonate de calcium. DES ŒUFS DE 19 000 ANS Non seulement ils ont obtenu des séquences d'ADN à partir d'un matériau totalement inattendu, en l'occurence 18 fragments d'œufs fossilisés d'Australie, de Nouvelle-Zélande et de Madagascar, dont certains sont âgés de 19.000 ans. Mais en plus, les nucléotides (les briques de l'ADN) qu'ils ont isolés se révèlent d'une excellente qualité ! De quoi livrer, à qui voudra dorénavant les étudier, quantité d'informations sur leurs propriétaires à plumes. ADN TRÈS CONCENTRÉ Comment une telle idée a-t-elle pu germer dans l'esprit des chercheurs ? "Deux des cosignataires de l'étude sont coutumiers des paris osés, note Ludovic Orlando. En 2003, Thomas Gilbert et Eske Willerslev de l'université de Copenhague avaient déjà retrouvé de l'ADN de mammouth dans... une simple poignée de terre congelée de Sibérie." DEUX ESPÈCES ÉTEINTES Son équipe a ainsi récupéré de l'ADN de plusieurs volatiles, dont deux espèces éteintes emblématiques, cousines des autruches. Le Moa (Dinornis ->), qui pouvait atteindre 3 m de haut pour 200 kg, disparu au XVè siècle de Nouvelle-Zélande où il était chassé par les Maori. Et l'oiseau-éléphant de Madagascar (<- Aepyomis et Mullerornis), l'oiseau le plus lourd avec sa demi-tonne - dont un seul œuf aurait suffi à préparer une omelette pour 30 personnes -, qui n'existerait plus depuis les années 1600 à la suite de la colonisation européenne. Les deux espèces font partie du groupe des ratites, "des oiseaux terrestres de grande taille, incapables de voler, ayant un long cou et des pattes très puissantes adaptées à la course", précise Véronique Barriel, maître de conférence - au Muséum national d'histoire naturelle à Paris.
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