Rejoindre la surface de la Terre lors d'une éruption volcanique ou refroidir et se solidifier à des kilomètres de profondeur : le destin du magma, cette roche en fusion qui traverse la croûte terrestre, est incertain. Qu'est-ce qui le détermine ? Le flux et le volume de magma injecté dans la chambre magmatique ("poche" souterraine où est stockée la roche liquide), répond Luca Caricchi (université de Genève). Or, ces deux paramètres peuvent être mesurés en étudiant le nombre et l'âge des zircons, des minéraux cristallisant dans le magma lorsqu'il refroidit. De quoi mieux prédire, notamment, les éruptions volcaniques.
À Izmit, en Turquie, le tremblement de terre qui a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés en août 1999 a été précédé, de trois quarts d'heure environ, de signes annonciateurs jusqu'alors insoupçonnés. Ils viennent d'être exhumés des enregistrements sismiques par Michel Bouchon (Institut des sciences de la Terre de Grenoble) et ses collègues turcs. Envisagée en théorie, l'existence de tels indices précurseurs n'avait jamais encore pu être observée dans les faits. Dans ce cas précis, les sismologues ont détecté une succession d'une quarantaine de vibrations de plus en plus rapprochées et d'amplitude croissante, imperceptibles pour la population. Ceci indique que le séisme a été précédé d'un glissement lent de la faille, à 15 km de profondeur. Ce glissement s'est accéléré d'abord progressivement pendant une quarantaine de minutes, puis brutalement lors des deux dernières minutes précédant le séisme. Cette phase de préparation ayant commencé presque une heure avant la catastrophe, elle laisse envisager la possibilité d'alerter la population. Reste à savoir si ces signes sont aussi présents dans d'autres tremblements de terre majeurs. Deux séismes tout aussi bien documentés que celui d'Izmit, à Taïwan et en Californie, ne présentent par exemple pas de signal sismique similaire.
Testés avec succès au Piton de la Fournaise, une méthode totalement inédite permet enfin de prédire les éruptions longtemps à l'avance. Son secret ? L'écoute du bruit des vagues... Jeudi 23 septembre 2010, réunion de crise dans la salle de contrôle de l'Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise, sur l'île de la Réunion. Les sismologues viennent de voir s'afficher sur leurs écrans le signe précurseur qu'ils attendaient : l'avalanches de calculs effectués en temps réel grâce aux 15 capteurs sismiques installés autour du cratère indique le volcan est en train de se réveiller. En clair, la petite île de l'océan Indien peut s'attendre à une éruption dans les toutes prochaines semaines. Une précieuse information qui laisse le temps de se préparer...
Le secret de cette méthode qui, radicalement, change la donne ? L'écoute attentive des plus infimes murmures qui sourdent de la Terre. De fait, notre planète vibre d'un bruit permanent. Placez un sismomètre sur le sol, il enregistre un signal continu : le bruit de fond sismique, un bourdonnement a priori chaotique et incohérent qui trahit la présence de vibrations ténues provenant des profondeurs de la Terre. Ce bruit sismique est très discret : les vitesses de vibration sont de l'ordre du micromètre/seconde. Et son origine, bien que surprenante, est connue : il provient de l'agitation des océans. Si les théories des différentes interactions entre la houle, les vagues et la terre solide sont encore débattues, on sait, en effet, que l'interaction entre les vagues qui se rencontrent en pleine mer engendre une variation de pression sur toute la colonne d'eau, qui agit sur le sol océanique. CAPTER L'ÉCHO DES VAGUES Pour les sismologues, en effet, chaque grande secousse (séisme, éruption volcanique...) s'apparente à un violent coup de projecteur à l'intérieur de la Terre en générant des ondes puissantes qui se propagent dans le sol. Or, lorsque l'onde est enregistrée dans un capteur dont la distance à la source est connue, cela permet de calculer sa vitesse de propagation. Et puisque celle-ci varie en fonction des structures géologiques traversées, cela permet d'interpréter la nature du sous-sol. Le problème (si l'on ose dire...), c'est qu'entre chacun de ces événements violents, les ténèbres retombent sur les entrailles de la Terre. "L'une des frustrations historiques de la sismologie est qu'il faut toujours attendre des tremblements de terre comme source d'énergie", confirme Michael Ritzwoller, de l'université du Colorado (Boulder, États-Unis). D'autant que lesdits séismes se répètent en général dans les mêmes régions, laissant le reste dans l'ombre. Autant de raisons qui mettent à mal l'usage systématique de ces grosses secousses pour repérer les éventuels mouvements géologiques profonds annonciateurs de catastrophes sismiques ou volcaniques. Ce qui n'est pas le cas si on écoute le murmure permanent de la houle... UN SIGNAL REPÉRÉ À 1000 KM "Ce signal est si ténu que Keiiti Aki lui-même doutait qu'il serait possible de le retrouver", se souvient Michel Campillo, sismologue de l'université Jules-Fourrier de Grenoble. Lui était persuadé du contraire. Inspiré par les travaux sur du bruit thermique - plus diffus encore que le bruit sismique -, ce spécialiste du traitement du signal pressentait qu'en écoutant les murmures de la Terre sur une période assez longue, et en mobilisant les traitements statistiques du bruit les plus performants, l'aiguille dans la botte de foin pouvait être retrouvée. La suite allait lui donner raison... Après avoir testé, en 2005, sa méthode statistique sur les craquements qui se produisent à la suite d'un séisme, c'est le succès dès l'année suivante : avec Nikolai Shapiro de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), il trouve la corrélation entre les bruits de fond enregistrés sur deux stations éloignées de 1000 km ! Un an après le décès accidentel de Keiiti Aki, son idée émise cinquante ans plus tôt est en passe d'être vérifiée. Pour la première fois, on a entendu résonner un soupir de la Terre parmi ses irmombrables murmures qu'elle exhale. La découverte fait immédiatement grand bruit chez les sismologues. Un tel signe précurseur d'une éruption promet de pouvoir surveiller l'activité des volcans bien plus en profondeur que ne le permettent les méthodes sismiques traditionnelles et les mesures géodésiques de déformations par GPS, inclinomètre ou extensomètre. Dès lors, les choses vont aller vite. Récompensé par le prestigieux prix Keiiti Aki, Florent Brenguier est nommé, en 2009, coordinateur scientifique de l'ambitieux programme Undervolc (Understanding Volcanoes) déployé à la Réunion, qui rassemble une trentaine de chercheurs du monde entier et dont l'un des objectifs est de valider la méthode du bruit sismique. ET LES VOLCANS EXPLOSIFS ? Le travail n'est pourtant pas fini. L'objectif du programme Undervolc, à l'horizon 2012, est de développer un algorithme dédié à cette nouvelle méthode d'analyse du bruit sismique afin de l'appliquer à d'autres volcans. Car tous ne ressemblent pas au Piton de la Fournaise. "La méthode du bruit est prometteuse mais n'a cependant pas encore été testée de manière approfondie sur des volcans explosifs, souligne Bernard Chouet, de l'USGS, l'organisme de surveillance géologique américain. Il est donc prématuré d'émettre un pronostic sur son potentiel prédictif pour ce type de volcan. Mais le Merapi, très actif, paraît être un excellent candidat pour le vérifier". EN SAVOIR PLUS : Le site de l'Institut de physique du globe de Paris : http://www.ipgp.fr/
Surveiller les polluants atmosphériques permettrait de prévoir les tremblements de terre. C'est ce que pense Shih-Chieh Hsu, de l'université de Taipei, qui a épluché les relevés de la qualité de l'air dans les jours précédant deux séismes majeurs à Taïwan. Ce qu'il a mis en évidence ? Une multiplication par dix de la concentration en dioxyde de soufre dans l'atmosphère quelques heures avant. Pour l'auteur, qui écarte, sur la base de données météorologiques, l'hypothèse d'une pollution industrielle, ce soufre serait libéré au niveau des failles.
Prendre de vitesse un tremblement de terre ! C'est ce que vient de réaliser l'équipe dirigée par Fenglin Niu, de l'université Rice aux États-Unis, qui a détecté un signe avant-coureur d'un séisme dix heures avant que celui-ci n'ait lieu. Jusqu'à présent, les systèmes d'alertes ne donnaient que quelques secondes d'avance sur les secousses les plus destructrices. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont utilisé les installations de l'observatoire en profondeur de la faille de San Andreas, en Californie, qui comprend deux puits de forage, dont un traverse la faille. À l'aide d'appareils de mesure d'une grande sensibilité installés à 1 kilomètre sous la surface, les géologues sont parvenus à observer d'infimes variations dans la vitesse des ondes sismiques et à les relier aux changements de pression à laquelle est soumise la roche. Une relation entre vitesse et pression connue de longue date par des expériences en laboratoire, mais qu'il a toujours été délicat de mettre en évidence in situ. Cette fois, les scientifiques ont ainsi pu détecter de minuscules modifications de pression qui ont précédé un tremblement de terre de magnitude 3. Reste à vérifier que ces signes précurseurs peuvent bien être mesurés dans d'autres régions du globe où sévissent des séismes, afin de servir de base à un système d'alerte.
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