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Le Monde des Suites (Fibonacci)

La Suite de Fibonacci et ses Manifestations dans la Nature

F.C. - FRUITS ET ABEILLES N°4 > Avril > 2019

Les Suites : les Virtuoses de l'Ubiquité

QUI SONT-ELLES ?

Les suites se trouvent partout, dans la succession des chiffres de Π, dans celle des nombres entiers, des nombres pairs, des nombres premiers, etc.
Elles peuvent être définies par récurrence : le terme suivant est fonction des termes précédents. Par exemple, dans la suite de Fibonacci, le terme suivant est obtenu en prenant la somme des deux qui le précèdent : 0 et 1 étant les deux premiers termes, on pose 0 + 1 pour obtenir le troisième, soit 1, 1 + 1 pour obtenir le quatrième, etc., ce qui aboutit à la suite : 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21...
Parmi les suites les plus évidentes, on peut aussi citer celles où le terme suivant s'obtient en ajoutant toujours la même valeur au terme précédent (suite arithmétique). Par exemple, partant de 1, si l'on ajoute 2, on obtient la suite des nombres impairs (1, 3, 5, 7...). Quant aux suites géométriques, elles s'obtiennent en multipliant le terme précédent par une même valeur, comme dans les puissances de 2 (2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, 512...).
La suite des décimales d'un nombre irrationnel, tel que Π, semble aléatoire. Pourtant, elle ne l'est pas, car deux personnes qui la calculeraient chacune de son côté trouveraient le même résultat. Ainsi, il s'agit d'une suite de chiffres bien définie. Certaines suites, comme celle des décimales d'un nombre rationnel (le résultat d'une fraction), sont périodiques : la même séquence revient périodiquement. Prenons le nombre 22/7 (l'approximation rationnelle classique de Π) : il est égal à 3,1428571428571428571428. Il y a ainsi une infinité de suites toutes différentes...

OÙ SONT-ELLES NÉES ?

Le concept de suite émerge dès que l'on s'intéresse à la mesure d'un phénomène périodique, cycle de la Lune par exemple, ou lorsque les mathématiciens commencent à utiliser des approximations successives. Ainsi, quand Archimède (287-212 avant notre ère) tente de calculer le périmètre d'un disque à l'aide de polygones dont les dimensions approchent de plus en plus celles du cercle : le périmètre des polygones représente une suite dont les termes sont des approximations successives du nombre Π à mesure que le nombre de côtés des polygones augmente (schéma).
La suite d'entiers la plus connue est sans doute celle, déjà citée, du mathématicien Fibonacci (vers 1175 - vers 1250). Elle est née d'un problème sur la reproduction des lapins dont il a posé les termes de la façon suivante : si l'on possède initialement un couple de lapins, combien de couples obtient-on en douze mois si chaque couple engendre tous les mois un nouveau couple à compter de son deuxième mois d'existence ? Résultat : 144. La suite se présente ainsi : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144. Elle est en perpétuelle augmentation : la population de lapins est infinie...
Un peu plus tard, l'Encyclopédie raisonnée de D'Alembert et Diderot (1751) consacre plusieurs pages aux suites et aux séries - soit la somme des termes d'une suite -, dont le plincipal intérêt semble être leur convergence : "Suite et série : se dit d'un ordre ou d'une progression de quantités qui croissent ou décroissent suivant quelques lois. Lorsque la suite va toujours en s'approchant de plus en plus de quelque quantité finie, on l'appelle suite convergente et si on la continue à l'infini, elle devient égale à cette quantité".
Les suites et des séries permettront dans les siècles suivant la naissance d'un domaine majeur des mathématiques : l'analyse complexe.

À QUOI SERVENT-ELLES ?

À peu près à tout. Qu'il s'agisse de calculer les intérêts d'intérêts, les approximations géométriques d'une longueur ou d'une aire... Dès lors que l'on est en présence d'une croissance exponentielle (augmentation d'une population, étude d'une épidémie, décroissance radioactive, etc.), la suite géométrique est un outil privilégié.
On retrouve aussi les suites dans des problèmes de dénombrement. Par exemple, le nombre maximal de parts que l'on peut obtenir en coupant verticalement, horizontalement ou en oblique un gâteau à l'aide de n coups de couteau est la suite des "parts de gâteau" : 1, 2, 4, 8, 15, 26, 42, 64, 93, 130 (le terme général de la suite s'écrit (n³+5n+6)/6). Quand on calcule le nombre de manières de paver une grille de deux cases de haut et de n cases de large avec deux sortes de pavés, on retrouve les termes de la suite de Fibonacci.
La suite de Fibonacci est aussi liée au nombre d'or : le quotient entre deux termes consécutifs de la suite s'approche de plus en plus du nombre d'or à mesure que l'on va loin dans les termes de la suite. Enfin, de façon très étonnante, elle se retrouve dans les spirales de certaines plantes. Ainsi, les ananas ont 8 spirales d'écailles dans un sens, 13 dans l'autre, les fleurs de tournesol 21 spirales de capitules dans un sens, 34 dans l'autre. Idem pour les écailles de pommes de pin ou les fleurettes des choux romanesco : les nombres varient selon les espèces, mais on retrouve toujours 21 et 34, 34 et 55, 55 et 89, voire 89 et 144, soit des nombres consécutifs de la suite de Fibonacci. Un mystère que les chercheurs en phyllotaxie - discipline qui étudie l'arrangement des feuilles ou fleurs sur les végétaux ont éclairci en modélisant la croissance de ces plantes. En prenant en compte le fait qu'un nouvel élément a besoin d'un espace vital pour apparaître et croître, ils ont montré que la disposition selon la suite de Fibonacci était la plus efficace.

LEURS PETITES HISTOIRES

L'ubiquité des suites est étonnante. Outre celle de Fibonacci, d'autres suites d'entiers passionnent les mathématiciens. Par exemple celle dite de Thue-Morse. Elle est née d'un questionnement du mathématicien norvégien Axel Thue (1863-1922) : est-il possible de trouver une séquence binaire (uniquement constituée de 0 et de 1) qui ne contienne jamais trois blocs identiques successifs ? L'une des suites à vérifier cette propriété s'écrit : 011010011001011010010110... Pour l'obtenir, on part de 0 puis on applique la règle suivante : 0 est remplacé par 01 et 1 par 10. En commençant par 0, on obtient 01 -> 0110 -> 01101001 -> 0110100110010110 etc., jusqu'à la séquence finale. Cette suite se retrouve dans de nombreux domaines apparemment sans lien, comme la manière de définir une partie nulle aux échecs ou de coder les kolam indiens, un art très ancien qui consiste à tracer des dessins géométriques sur le sol.
En 1937, Lothar Collatz, un Allemand, inventa quant à lui le problème 3x + 1. Partant d'un nombre entier initial x, il consiste à appliquer la règle suivante : diviser l'entier par 2 s'il est pair et faire l'opération 3x + 1 s'il est impair. La conjecture énoncée par Collatz, baptisée depuis conjecture de Syracuse, est que, dans la suite d'opérations, vous arriverez fatalement au nombre 1. Des arguments statistiques laissent penser qu'elle est vraie, mais elle n'a jamais été démontrée.
Les suites suscitent un tel engouement qu'elles font l'objet de concours. L'Américain Neil Sloane a commencé à les collectionner au milieu des années 1960. Il les a mises en ligne, et son site est aujourd'hui la référence. À partir des premiers termes d'une suite, celui-ci permet de trouver à laquelle ils appartiennent. La collection de Sloane comprend 150.000 suites et augmente chaque jour. La suite de Fibonacci est cataloguée sous la référence A000045.
Un petit jeu en guise de conclusion. Complétez la suite 1, 11, 21, 1211... Si vous y cherchez une logique mathématique, vous ne trouverez pas : il s'agit de la "suite énoncé" ou "audio-active". Chaque terme est simplement obtenu en énonçant le terme précédent (1 -> "un 1", soit 11 ; le terme 11 s'énonce "deux 1", soit 21, etc) !

P.P. - SCIENCES ET AVENIR H.S. > Octobre-Novembre > 2009
 

   
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