Allergies : Fléau du XXIème Siècle |
Allergies : L'Épidémie Mondiale a Commencé |





M.G. et R.S.-M. - SCIENCES ET AVENIR N°807 > Mai > 2014 |
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Allergies : Fléau du XXIème Siècle |
En 2015, un Européen sur deux sera atteint d'allergies ! Autant dire qu'elles sont vouées à devenir un véritable enjeu de santé publique. Les causes de cette "explosion" ? Elles sont tout autour de nous...
"Rhume des foins", eczéma, asthme... Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les allergies représentent désormais la 4ème maladie la plus fréquente. Et elles ne cessent de gagner du terrain dans les pays développés : selon le réseau européen de recherche GA2LEN, Global Allergy and Asthma Europeau Network, une personne sur deux pourrait être affectée en Europe d'ici à 2015.

"Leur progression dans les pays développés a été très importante entre les années 70 et 90, explique Françoise Neukirch, épidémiologiste à l'lnserm. Les études récentes montrent un plafonnement a un niveau très élevé de l'asthme de l'adulte, tandis que la rhinite allergique (le fameux "rhume des foins") continuerait d'augmenter. Et les allergies des plus jeunes sont globalement en expansion."
Concrètement, les allergies sont une réaction de défense paradoxale de l'organisme à des substances dites allergènes : acariens, squames de chats et chiens, pollens, protéines de l'ouf, médicaments... Paradoxale parce que ces substances a priori inoffensives sont identifiées, à tort, comme des "ennemis" par le système immunitaire, qui déclenche alors une réaction inflammatoire exagérée et inappropriée.
DES MILIEUX TROP ASEPTISÉS : Aujourd'hui, on sait que l'âge est un facteur clé : le nourrisson souffre surtout de dermatite atopique (une forme d'eczéma), l'enfant d'asthme puis, en grandissant, de rhinite allergique. Les allergies alimentaires sont plus fréquentes chez l'enfant que chez l'adulte. L'atopie - la prédisposition héréditaire à développer une hypersensibilité à des allergènes - jouerait un rôle majeur dans cette "marche allergique".
Reste que l'hérédité n'explique pas l'explosion allergique dans les pays développés. Il faut donc chercher ailleurs. "Dans ces pays, l'exposition aux allergènes a augmenté, notamment dans les appartements isolés et mal aérés, mais aussi à cause d'une diversification alimentaire précoce, qui met plus tôt le nourrisson en contact avec des allergènes plus nombreux, constate Françoise Neukirch. Mais d'autres facteurs liés à l'environnement et au mode de vie interviennent" (n°4 <-). Les conditions d'hygiène dans lesquelles sont élevés les enfants, par exemple. Selon l'hypothèse dite hygiéniste, les allergies émergent plutôt en milieu trop aseptisé : les infections de la petite enfance et une faible consommation d'antibiotiques protègent des allergies, en "orientant" la maturation du système immunitaire vers la défense contre les infections. Des recherches ont même montré que la vie à la ferme avant 3 ans est protectrice, grâce à la proximité des animaux et à la consommation de lait non-stérilisé. "En outre, une interaction entre des facteurs alimentaires et génétiques peut être impliquée. Depuis peu, on s'intéresse au rôle de l'obésité et du niveau d'activité physique", ajoute Françoise Neukirch.
Autre facteur en question : la qualité de l'air. On sait que l'ozone ou les oxydes d'azote engendrent une hyperréactivité des bronches chez les asthmatiques. En outre, les allergies respiratoires sont moins fréquentes en Europe de l'Est, où la pollution industrielle est pourtant forte, qu'en Europe de l'Ouest, où la pollution automobile domine. Un constat qui résonne avec des études menées sur les particules émises par les moteurs Diesel, suspectées d'aggraver la sensibilisation aux allergènes, même si leur rôle dans la progression des allergies reste à confirmer. "La pollution n'explique pas l'augmentation de la prévalence de cette pathologie", prévient ainsi Françoise Neukirch. Difficile aussi de mesurer l'effet des interactions entre certains polluants et allergènes. Les oxydes d'azote sont par exemple susceptibles de modifier la paroi des pollens et, par là, leur pouvoir allergisant.

Or, les allergies aux pollens se développent. "Nous disposons de données depuis 1987, explique Michel Thibaudon, directeur du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). Pour les arbres à chatons comme le noisetier, le démarrage de la pollinisation est de plus en plus précoce dans plusieurs pays d'Europe (de 12 à 18 jours gagnés en 20 ans). La durée de la pollinisation et la quantité de pollens augmentent également (n°5 ->)".
L'ENJEU : DÉSENSIBILISER : La faute au réchauffement climatique ? Si de rares études l'attestent pour certains pollens (n°6), rien ne permet de l'affirmer de manière générale. Reste que "les pollens sont des marqueurs du changement climatique, note Michel Thibaudon. Les canicules réduisent le nombre de jours à risque liés aux pollens de graminées, en raison de la désertification des zones herbeuses. En revanche, on assiste petità petit à la remontée vers le Nord de végétaux allergisants." Conséquence : le risque d'une expansion des allergies aux pollens est sérieusement pris en compte. Dans ce contexte, la mise au point de nouveaux traitements représente un enjeu majeur de santé publique. En particulier celle de nouveaux modes de désensibilisation, seuls traitements curatifs disponibles. La France n'est donc pas prête d'arrêter de renifler...

QUI EST TOUCHÉ PAR LES ALLERGIES ? Les allergies progressent surtout dans les pays développés, où près d'un quart de la population souffrirait du fameux "rhume des foins". Les enfants sont en première ligne, avec un doublement des cas d'asthme, de rhinite ou d'eczéma entre les années 70 et 90 dans le monde. Ces études sont cependant à interpréter avec précaution, car leurs méthodologies sont variables.
M.M. - SCIENCE & VIE > Mai > 2007 |
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