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Tchernobyl : le Cour des Enfants est sous Surveillance

Plus de vingt ans après l'explosion du réacteur, la première étude susceptible de faire le lien entre radioactivité et troubles cardiaques chez les enfants vient de commencer. Ses conclusions pourraient bouleverser les normes de la radioprotection. Dans les écoles des zones contaminées russes, les médecins étudient le lien entre la radioactivité détectée chez les enfants et les troubles cardiaques.

Plus de vingt ans ont passé depuis l'explosion de la centrale de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Pourtant, le bilan sanitaire fait toujours l'objet de vives polémiques. L'une d'elles porte sur un lien entre césium 137 qui se concentre dans les aliments et les troubles cardiaques chez les enfants vivants sur les territoires contaminés. Or, voilà que, pour la première fois, une large étude médicale, chapeautée par l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), se donne les moyens de trancher. Il était temps car cette question est brûlante depuis le début des années 1990. À cette époque, Youri Bandazhevsky, médecin biélorusse à la tête de l'Institut de recherche de Gomel, situé au cour des territoires contaminés, s'étonna de la fréquence de troubles du rythme cardiaque chez les enfants.

HYPOTHÈSE À CONFIRMER

Emprisonné puis finalement libéré par les autorités biélorusses dérangées par son travail, le médecin n'a jamais pu apporter la preuve de son hypothèse : le césium 137 s'attaque au muscle cardiaque des enfants. Or, les spécialistes de la radioprotection n'ont cessé d'être intrigués par ce lien. Car il serait en totale contradiction avec les normes éditées par la Commission internationale de la protection radiologique (CIPR). Celle-ci considère que le césium est un radioélément se diffusant uniformément dans le corps à la différence par exemple de l'iode 131 qui, lui, se fixe préférentiellement sur la thyroïde et provoque des cancers. Même chose pour le Comité des académies nationales de sciences et de la médecine, qui continue de considérer que le risque de voir apparaître une maladie augmente proportionnellement à la dose de radiation reçue. Or, ce modèle s'appuie sur l'étude des survivants de Nagazaki et Hiroshima, victimes d'une exposition massive et courte aux rayons. Un modèle qui n'est peut-être pas applicable aux populations voisines de Tchernobyl qui, elles, se contaminent à petit feu en consommant des aliments chargés de césium 137 depuis plus de vingt-trois ans. L'étude de l'IRSN est donc importante. Elle inclura 18.000 enfants et adolescents dont la moitié vit sur les territoires contaminés. Amorcée en mai dernier, elle est menée dans la région de Bryansk, petit bout de terre russe coincé entre la Biélorussie et l'Ukraine, à moins de 200 km de la centrale de Tchernobyl. "Dans ces territoires où vivent toujours plus de 110.000 personnes, les équipes médicales se rendent désormais dans les écoles avec tout le matériel nécessaire à la détection du césium 137 dans l'organisme et au diagnostic des éventuelles arythmies cardiaques", explique Jean-René Jourdain, pharmacologue spécialiste de médecine nucléaire à l'IRSN et responsable de l'étude.

ALIMENTS CONTAMINÉS

Ces moyens techniques doivent permettre de différencier les enfants qui souffrent d'une malformation de naissance de ceux dont le cour a été détérioré par la consommation répétée d'aliments contaminés. Car jamais les familles n'ont cessé de consommer les produits issus de leur terre comme le gibier, les baies ou les champignons. Par habitude bien sûr, mais aussi par manque de moyens. Les denrées importées des territoires non contaminés sont chères, et les revers de l'économie russe ont encore renforcé ces difficultés. Pourtant, Vladimir Doroshenko, responsable des services de santé dans la région et associé à l'étude, se veut rassurant : "Selon nos estimations, à peine 0,5 % des personnes présentent des niveaux de contaminations au césium dépassant de une à cinq fois les limites d'exposition de 1 millisievert (mSv) par an fixé pour la population générale."
Dans l'étude, tous les enfants avec arythmie cardiaque subiront des examens de dosimétrie plus poussés que la population générale. Car il s'agira d'estimer le taux de césium par gramme de muscle cardiaque et de le comparer avec la concentration dans les autres organes. "Une comparaison qui est la pierre angulaire de notre démonstration, poursuit Jean-René Jourdain, car si les concentrations dans les autres muscles sont aussi élevées sans provoquer de détérioration, le lien entre césium et arythmie ne pourra pas être fait." Les résultats définitifs sont attendus d'ici quatre ans et seront examinés avec la plus grande attention par les associations, telles Greenpeace ou la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), qui dénoncent depuis plus de vingt ans le manque de reconnaissance des pathologies liées à la radioactivité.

FAITS & CHIFFRES

Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl explose. Pendant plusieurs jours, des particules radioactives, dont l'iode 131 et le césium 137 s'échapperont. 220.000 personnes seront relogées en dehors des zones les plus contaminées d'une superficie de 1500 km². Des millions de personnes continuent à vivre dans un environnement radioactif.

C.T. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2009
 

   
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