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La France Accro aux Antibiotiques

La France est de nouveau Accro aux Antibiotiques

C'est reparti ! La France replonge dans les antibiotiques. Poudres, sirops, gélules, comprimés... La consommation de médicaments repart à la hausse.

Dans son dernier rapport, basé sur les chiffres de l'année 2012, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé indique en effet une augmentation de 5 % sur les 4 dernières années. Un étonnant renversement de tendance, quand on sait que depuis le tournant du XXIè siècle, nous étions enfin partis sur la bonne voie : -16,5 % entre 2000 et 2008. Voilà donc le pays de Pasteur retombé dans ses vieux travers : surconsommer des médicaments efficaces pour lutter contre les infections bactériennes, y compris en les utilisant, très souvent, à contre-emploi lors d'infections virales.
Certes, la France ne détient plus le record européen du plus gros consommateur d'antibiotiques, titre auquel elle pouvait prétendre jusqu'au début des années 2000. Devant elle, désormais, on trouve la Grèce, la Belgique et le Luxembourg. Mais elle reste encore très au-dessus de la moyenne européenne. C'est simple, il faudrait diminuer de 25 % les prescriptions pour espérer enfin atteindre le milieu du tableau ! Or, cette attitude désinvolte nous expose, et par ricochet nos voisins européens également, à l'émergence de bactéries résistantes aux traitements. En effet, selon un mécanisme biologique bien connu, plus un antibiotique est utilisé, plus les microbes apprennent à lui résister.

En Europe, 25.000 décès par an sont liés à des infections bactériennes résistantes, contre lesquelles on ne dispose plus de trailement efficace... Un chiffre qui devrait être multiplié par 10 dans 10 ans, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Mais si les conséquences néfastes de la surconsommation sont à ce point connues, pourquoi la demande repart-elle à la hausse en France, après une nette amélioration ? Que s'est-il passé ?
Il y a d'abord eu l'arrêt d'une campagne d'information dont le slogan "Les antibiotiques, c'est pas automatique" - avait réussi à marquer les esprits. Un peu plus de 5 ans après sa fin, son effet s'est sérieusement émoussé... Et aucun message aussi n'est venu le remplacer. Voilà pour le grand public. Du côté des médecins ? On peut incriminer le quasi abandon des tests de diagnostic rapide des angines, à partir du moment où l'assurance-maladie a cessé d'organiser des sessions de sensibilisation. Ces examens permettaient de différencier les infections provoquées par des bactéries de celles provoquées par des virus. Combien de parents continuent d'exiger des antibiotiques pour un simple rhume, persuadés que sans cela leur enfant ne guérira pas ? Et si les pharmaciens ont désormais le droit de pratiquer ces tests, on imagine mal comment ils arriveront à faire renoncer à sa prescription un malade qui sort d'un cabinet médical armé de son ordonnance.
Mais, surtout, depuis le mois d'avril, il n'y a plus de pilote dans l'avion. Le comité de suivi du Plan antibiotiques, autrement dit l'instance chargée de surveiller et de mettre en musique les campagnes de réduction de la consommation de médicaments sur tout le territoire, a tout simplement... disparu, victime collatérale d'un plan d'économies, comme près de 100 autres commissions dans tous les domaines. Pour les infectiologues qui regardent les courbes de consommation remonter avec inquiétude, c'est le coup de massue final. Si la pertinence économique d'une telle decision est sans doute valable à court terme, à long terme, nous risquons tous d'en payer le prix.

C.T. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2013
 

   
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