Index SCIENCES -> MÉDECINE -> NUTRITION 
   
 
Manger BIO

Le BIO à travers 2 Ans d'Essais


60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS HS N°209 > Juin-Juillet > 2021

L'Irréssistible Ascension du BIO

A.-C.P. et A.L. - ÇA M'INTÉRESSE N°477 > Novembre > 2020

Où Acheter BIO ?


P.C. - 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS N°558 > Avril > 2020

Le BIO plus Riche en Antioxydants grâce aux Attaques des Insectes

R.M. - SCIENCES ET AVENIR N°877 > Mars > 2020

BIO : La Révolution dans nos Assiettes

Dossier réalisé par Marie-Noëlle Delaby et Sylvie Riou-Milliot avec Cécile Coumeau.

SCIENCES ET AVENIR N°832 > Juin > 2016

Les Produits BIO

SCIENCE & VIE HS N°274 > Mars-Avril > 2016

Le Bio passé au Crible

4 Français sur 10 affirment consommer au moins une fois par mois des produits "bio". Or, que valent exactement ces produits : sont-ils si bons pour la santé ? Écologiques ? Leur prix élevé se justifie-t-il ? ... Le point en 10 questions.

Scandale de la viande de cheval, étude polémique du Pr Séralini sur le maïs OGM, mais aussi crise de la vache folle... L'époque est à la remise en question de l'industrie agroalimentaire, et au passage à la loupe de ce que contiennent nos assiettes. Dans ce contexts, le concept de "bio", avec son retour à des modes de production "naturels" (absence de produits chimiques et de manipulations génétiques, mode d'élevage plus proche de la vie sauvage...), séduit.

LES PRO ET LES ANTI... En 2010, la marché mondial de l'alimentation labellisée bio pesait 45 milliards d'euros, soit 10 % de plus que l'année précédente. En France, troisième marché national du bio derrière les États-Unis et l'Allemagne, 8 % de la population consomment régulièrement des produits bio, et 43 % en achètent au moins une fois par mois (principalement des fruits et légumes frais et des produits laitiers). Même les produits non alimentaires (cosmétiques, produits ménagers, textiles...) se déclinent maintenant en bio, et un Français sur deux en a acheté en 2012. Enfin, le plan Bio 2017, lancé par le ministère de l'Agriculture l'été dernier,vise l'intruduction, en 4 ans, de 20 % de produits estampillés bio dans les menus de la restauration collective.
Mais les vertus desdits produits ne convainquent pas tout le monde. Si 77 % des non-acheteurs évoquent le prix élevé de ces produits, ce n'est pas la seule explication. Ainsi, les données de la récente étude française Nutrinet le confirment : il existe une véritable scission entre un grand nombre de consommateurs "pro-bio", qui associent toutes les vertus à ce mode de consommation (santé, préservation de l'environnement, goût...), et les "anti-bio" qui n'y voient qu'un attrape-gogos marketing. Des jugements aussi opposés ne sont pas surprenants. Car sur le bio, les informations manquent. Modes de production exacts, effets sur la santé et sur l'environnement, fiabilité des labels, justification du coût... À toutes ces questions, les réponses sont souvent parcellaires et biaisées. Science & Vie a donc enquêté et analysé les dernières publications scientifiques, que chacun puisse avoir en main des arguments clairs et fiables, pour faire ses choix.

LE BIO, C'EST QUOI ? D'après la législation européenne, ne peuvent être qualifiés de "bio" que les produits alimentaires qui, dans leur mode de production, respectent une infinité de règles au premier rang desquelles figurent l'interdiction de recourir aux OGM, aux pesticides et aux engrais chimiques. La viande n'est, elle, dite bio que si son alimentation l'est aussi à 100 %, et est au moins produite à 50 % sur la ferme. Les hormones de croissance sont interdites et les traitements antibiotiques limités à un strict minimum thérapeutique ; les conditions d'élevage doivent favoriser le "bien-être" des animaux. Concernant les produits transformés (plats préparés, biscuits...), ils doivent être constitués d'au moins 95 % d'aliments bio. En France, des associations de producteurs ont des définitions encore plus strictes du bio, désignées par des labels spécifiques.

LES LABELS SONT-ILS FIABLES ?

Globalement, oui. Le respect des règles européennes, garanties par le label européen la feuille étoilée et le label français AB, est contrôlé par des organismes certificateurs agréés. Ces derniers contrôlent, par des visites planifiées et inopinées, au moins 3 fois tous les 2 ans les agriculteurs bio, et au moins 2 fois par an les entreprises de transformation des produits bio : inspection des locaux, prélèvements, analyses des factures... Au final, 5 % des produits contrôlés se voient refuser le label. Concernant les importations, les produits provenant de pays ayant une législation jugée équivalente bénéficient automatiquement de ces labels ; les autres sont soumis à des contrôles, et doivent obtenir une autorisation du ministère de l'Agricuhure valable un an. La situation des labels privés est variable : Biocohérence et Demeter sont accordés aux produits respectant la législation européenne, et les règles supplémentaires qu'ils imposent sont contrôlées par des organismes agréés. Le label Nature Et Progrès, lui, ne garantit pas le respect des règles européennes : les contrôles sont effectués par les membres de l'association.

L'AGRICULTURE BIO EST-ELLE MEILLEURE POUR L'ENVIRONNEMENT ?

Sans conteste, oui. Même si les bénéfices varient selon le milieu (montagne ou basse altitude...), le type d'agriculture (élevage, viticulture, maraichage...), et les critères étudiés. Bien sûr, en termes d'émission de gaz à effet de serre, il vaudra toujours mieux acheter un produit conventionnel local et de saison qu'un produit bio cultivé sous serre importé par avion... Mais à situation équivalente, le bio a presque toujours l'avantage. Sauf quelques exceptions à noter, comme une émission plus importante de gaz à effets de serre par les élevages de porcs bio. Pour le reste, le bilan est très positif. Ainsi, l'absence totale d'herbicides, l'utilisation de pesticides naturels pour la plupart très facilement biodégradables, et le recours moins important à des engrais contenant des nitrates permettent de préserver la qualité des eaux des rivières et des nappes phréatiques. L'alimentation locale du bétail, l'utilisation d'engrais organiques qui favorisent la capture du CO2 par les sols, et la plantation de haies diminuent le bilan carbone des exploitations bio. Surtout, l'absence d'engrais de synthèse, issus de l'industrie pétrochimique, diminue fortement le bilan énergétique du bio. Les sols sont également plus fertiles et plus stables, notamment grâce à l'utilisation d'engrais organiques. Enfin, et ce n'est pas un des moindres avantages, de nombreuses études ont révélé une plus grande biodiversité sauvage et domestique dans et autour des champs bio. Notamment grâce à la présence de prairies dans les systèmes d'élevage, à une moindre protection contre les insectes et à l'utilisation d'un plus grand nombre d'espèces végétales.

L'ALIMENTATION BIO EST-ELLE MEILLEURE POUR LA SANTÉ ?

En l'absence d'études pour le démontrer - il faudrait suivre durant des dizaines d'années la santé et l'alimentation de milliers de personnes -, seules des hypothèses sont pour l'instant avancées. L'absence de pesticides et herbicides chimiques, en particulier, semble a priori un avantage. L'exposition alimentaire à ces derniers est en effet de plus en plus suspectée d'être néfaste pour la santé (cancers, perturbation endocrinienne...). Pour autant, les produits naturels utilisés en bio ne sont pas forcément dénués de toxicité : la roténone, pesticide naturel produit par des plantes, a par exemple été interdite en 2011 car elle augmente le risque de maladies neurologiques chez les agriculteurs. Mais ces pesticides naturels sont beaucoup moins nombreux (il n'existe notamment aucun herbicide bio), et pour la plupart rapidement biodégradables. Il n'en reste donc quasiment aucune trace sur les produits dans les rayons. L'hypothèse d'un bénéfice nutritionnel est en revanche beaucoup plus faible. Certes, des concentrations un peu plus élevées en phosphore, vitamine C et polyphénols (antioxydants) sont, pour différentes raisons, retrouvées dans plusieurs fruits et légumes bio ; on trouve aussi souvent davantage d'oméga-3 dans le lait bio (car l'alimentation des vaches est plus concentrée en fourrages). Mais les différences observées varient énormément en fonction des produits : ainsi, les céréales bio sont moins riches en protéines que les non bio, du fait d'une moindre fertilisation azotée. Dernier avantage prêté au bio : l'absence d'additifs chimiques (colorants, exhausteurs de goût...) dans les produits transformés. Si ces derniers ne représentent pas un danger démontré pour la santé, leur multiplication dans de nombreux produits industriels fait l'objet d'une suspicion légitime. Les produits transformés bio permettent en cela de se prémunir des risques potentiels... qui restent cependant faibles. Au final, il est donc possible que le bio offre un léger bénéfice pour la santé des consommateurs réguliers, mais cela reste encore à démontrer.

LE VIN BIO A-T-IL DES VERTUS PARTICULIÈRES ?

Nombre d'amateurs se plaisent à croire que le vin bio donnerait moins mal à la tête... Mais un tel bénéfice n'est en fait valable que pour une minorité de personnes. Dans les vins bio, le taux maximal autorisé de sulfites (des conservateurs particulièrement présents dans les vins blancs) est certes plus faible (d'un tiers dans les rouges, et d'un quart dans les rosés et blancs). Mais contrairement à une idée populaire, ces derniers ne sont en fait responsables de maux de tête que chez les (rares) personnes intolérantes. Pour la majorité d'entre nous, c'est simplement l'excés d'alcool - qu'il soit bio ou pas - qui est en cause.

LES ÉLEVAGES BIO GARANTISSENT-ILS LE BIEN ÊTRE ANIMAL ?

Difficile de répondre rigoureusement, car il manque des études scientifiques de grande envergure comparant le bien-être des animaux élevés en bio avec celui d'animaux élevés dans d'autres systèmes. La comparaison des cahiers des charges de l'agriculture biologique (AB) et du Label Rouge, cet autre label "garantissunt des conditions d'élevage acceptables du point de vue du bien-être animal", fournit cependant des indices. Sur la base de cette comparaison, l'ONG Protection mondiale des animaux de ferme (PMAF) tend à juger le bio bénéfique... pour certains animaux. Ethologues et ingénieurs agronomes de cette association ont comparé les exigences des deux labels en termes de logement, accès au plein air, alimentation, abattage... pour différentes espèces (moutons, poules pondeuses, porcs...). Avantage principal du bio selon eux : l'élevage en liberté, systématiquement exigé pour certains animaux comme l'agneau et le porc. Mais pour d'autres espèces, comme les volailles ou les bovins, les deux labels sont équivalents. Et dans certains cas, c'est même le Label Rouge qui l'emporte. Par exemple, si les volailles bio ont accès à un parcours "herbeux", en Label Rouge, celui-ci est arboré, leur permettant de se mettre à l'abri. De plus, la majorité des cahiers des charges Label Rouge limite le temps de transport des animaux (à huit, six, trois ou deux heures selon les espèces), ce qui n'est pas le cas pour le label AB. Malgré l'attention portée au bien-être des animaux, ces deux labels n'en tolèrent pas moins certaines pratiques qui ne ménagent pas les bêtes : dans les élevages de mouton AB comme Label Rouge, la castration est, par exemple, autorisée.

LE PRIX ÉLEVÉ DU BIO EST-IL JUSTIFIÉ ?

Oui. Le prix de 20 à 30 % plus élevé des produits bio est lié à des rendements plus faibles, à un besoin en main-d'ouvre plus important et au coût de la certification, les producteurs payant les organismes de contrôle qui leur attribuent (ou non) le label bio. Globalement, le bio, sans engrais ni pesticide de synthèse, produit 25 % de moins à l'hectare que l'agriculture conventionnelle. Du coup, l'offre de produits biologiques est quantitativement plus faible par rapport à la demande des consommateurs, ce qui fait augmenter les prix. Autres conséquences d'une offre limitée par les rendements inférieurs à ceux de l'agriculture conventionnelle : les subventions sont moindres (car ajustées aux rendements), les économies d'échelle faibles et les réseaux de distribution peu développés. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) s'attend cependant à un "accroissement de la demande qui devrait se traduire par des innovations technologiques et des économies permettant de réduire les coûts".

LES PRODUITS BIO ONT-ILS MEILLEUR GOÛT ?

Pas forcément. Si des études ont montré que certains légumes et fruits bio ont de meilleures qualités organoleptiques (goût, apparence, couleur, arôme, fermeté), le goût d'un aliment dépend aussi de caractéristiques propres : variété, degré de mûrissement à la récolte, race et âge d'abattage des animaux... Interviennent aussi les conditions de stockage, de transport, de transformation... et les préférences de chacun, le goût étant pour partie une affaire subjective. Le mode de production bio peut néanmoins influer sur le goût. D'une part parce que les végétaux ainsi produits contiennent moins d'eau, augmentant leur concentration en substances aromatiques, et parce que les variétés cultivées sont souvent sélectionnées pour leur goût et leur rusticité. Pour les viandes bio et les produits laitiers, leurs éventuelles meilleures qualités organoleptiques pourraient résulter d'une alimentation plus diversifiée des animaux et d'un pâturage plus fréquent. Autre influence du bio sur le goût, l'effet de halo, autrement dit des préjugés positifs qui peuvent fausser notre appréciation finale. Un effet indirect prouvé par plusieurs études récentes.

LES PRODUITS NON ALIMENTAIRE PEUVENT-ILS VRAIMENT ÊTRE BIO ?

Oui, certains produits non agricoles (vêtements, produits ménagers, savons, jouets ou encore cosmétiques) peuvent aussi être "bio". Sachant que ce n'est pas tout le produit qui est bio, et que ce sont seulement certains de ses ingrédients qui doivent provenir de l'agriculture biologique. Ainsi, un vêtement "biologique" doit être formé de fibres naturelles (coton, lin...) cultivées en bio. Les cosmétiques et produits ménagers bio doivent, eux, contenir un pourcentage significatif d'ingrédients provenant de l'agriculture biologique et peu ou pas de substances chimiques de synthèse. Sauf, qu'en pratique, alors que les fruits et légumes bio sont facilement repérables grâce à un nombre limité de logos, les autres produits font l'objet de dizaines de labels. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en a recensé récemment plus de 60 rien que pour les textiles. Or, seuls certains respectent les exigences des labels bio de l'agroalimentaire (COTS, Demeter, BioRe, Eko, Krav...). Quand d'autres mettent l'accent sur les conditions équitables de production ou sur le fait que les produits respectent l'environnement (sans exiger l'usage de produits issus de la filière bio).

LE BIO FAIT-IL PESER UN RISQUE BACTÉRIENS ?

Rien ne semble pour l'instant l'indiquer, même si cette question occupe particulièrement les esprits depuis l'épidémie d'infections à la bactérie E. Coli, provenant de graines germées bio, qui a fait une cinquantaine de morts en Europe durant l'été 2011. Certes, l'agriculture bio utilise moins de produits phytosanitaires et d'antibiotiques, elle fertilise les champs avec des déjections animales, interdit la stérilisation de ses produits par rayonnements ionisants... Autant d'opportunités, a priori, pour les bactéries de s'installer sur les fruits et légumes et dans les produits animaux. Mais une revue de la littérature scientifique publiée en 2012 n'en conclut pas moins à l'absence de différence significative dans le nombre d'infections bactériennes entre produits bio et conventionnels. Par contre, une autre tendance est observée, à l'avantage du bio : viandes de poulet et de porc ont un risque moins élevé de contenir des bactéries résistantes aux antibiotiques. Quant au risque lié aux toxines produites par des champignons microscopiques, dont la consommation peut induire une intoxication, voire une augmentation du risque de cancer, les études sont contradictoires : certaines mettent en avant un risque supérieur en agriculture biologique... d'autres inférieur. Celui-ci dépend donc probablement plus du type de produits étudié, et des techniques spécifiques de conservation employées par les agriculteurs, que d'une différence entre agricultures bio ou non. En résumé, il n'y a pas matière à s'inquiéter. Il faut dire que des contrôles très stricts sont menés, en Europe, sur tous les produits bio et conventionnels.

POURRAIT-ON NOURRIR TOUTE LA PLANÈTE AVEC DU BIO ?

Si des premières études ont laissé penser que le bio produisait, dans les pays développés, presque autant que l'agriculture conventionnelle (92 % de son rendement), et plus dans les pays en développement (80 % de plus), des travaux plus récents et mieux conçus ont révélé que, globalement, l'agriculture "verte" produit de 20 à 30 % moins. En cause : un apport d'azote plus faible dans le bio, qui se passe d'engrais chimiques. Or, si le bio produit moins, cela signifie que pour produire une quantité de récolte égale, il faudra davantage de terres. Généraliser le bio nécessiterait donc, à production égale, 30 % de terres en plus qu'aujourd'hui. Impossible... sauf à augmenter la déforestation. De plus, pratiqué à grande échelle, le bio n'aurait pas assez de sources d'engrais organiques, fumier et lisier provenant de l'élevage. De même, le compost et d'autres formes d'engrais nécessitent de cultiver des végétaux fixant de l'azote (haricots, trèfle...). Ce qui consomme encore de la terre et de l'eau... "Il n'est pas possibie de nourrir 6 milliards de personnes aujourd'hui sans une utilisation judicieuse d'engrais chimiques", juge le directeur général de la FAO. Sauf à changer en profondeur les modes de production et habitudes alimentaires.

E.A. et K.B. - SCIENCE & VIE N°1156 > Janvier > 2014
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net