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La Maladie de Parkinson

Des Cellules Cérébrales touchées par Parkinson sont régénérées

C.L. - SCIENCES ET AVENIR N°866 > Avril > 2019

Et si Parkinson naissait dans l'Appendice ?

P.K. - SCIENCES ET AVENIR N°863 > Janvier > 2019

Parkinson : l'Incroyable Hypothèse
NEUROPHYSIOLOGIE

Et si la maladie de Parkinson n'était pas une pathologie du cerveau, mais... une maladie infectieuse, qu'un pathogène déclencherait dans les intestins ? Emise depuis une dizaine d'années, cette hypothèse "incroyable" commence à devenir crédible. Or, une infection, ça se soigne !

Autour du côlon, il existe un grand nombre de cellules de type neuronal. Or, il a été découvert sur ces neurones instestinaux des lésions identiques à celles constatées dans le cerveau des patients souffrant de Parkinson. Mieux, ces lésions précéderaient l'apparition d'un Parkinson (->).

La maladie de Parkinson ? L'image qui vient naturellement à l'esprit est celle, pénible, de malades pris de tremblements et ayant teutes les peines à semouvoir. Parce que leur cerveau se dégrade et, plus précisément, les neurones qui commandent le mouvement. Sans que l'on sache très bien pourquoi : l'origine de cette maladie neurodégénérative - comme l'Alzheimer reste en effet incertaine, ce qui recule d'autant la possibilité d'en venir à bout. Pourtant, il y a moins de dix ans, le chercheur allemand Heiko Braak formulait une hypothèse littéralement "incroyable" tellement elle allait à l'encontre de la vision classique de la maladie de Parkinson. Qu'on en juge : selon lui, non seulement la maladie de Parkinson serait la conséquence d'une... banale infection par une bactérie ou un virus ; mais la dégénérescence des neurones du cerveau caractéristique de cette maladie ne serait qu'une conséquence ultime - et fatale - d'un long processus amorcé des années auparavant dans... les intestins. À peine émise, cette hypothèse "incroyable" fut aussitôt rejetée par les scientifiques. Trop iconoclaste ! Et surtout, les médecins ont couramment affaire à la maladie de Parkinson puisqu'elle touche plus d'une personne sur mille ; or, "s'il s'agissait d'une maladie infectieuse, on le saurait", affirmaient-ils.
Mais Heiko Braak n'est pas un simple amateur. Au début des années 1990, c'est lui qui décrivit l'évolution de la maladie d'Alzheimer au niveau cellulaire. Anatomiste, son travail quotidien consiste à examiner des coupes cellulaires de personnes autopsiées. Or, en 2003, surprise : il s'aperçoit que certaines personnes ont développé des lésions neuronales typiques de la maladie de Parkinson dans d'autres zones du cerveau que celle où ces lésions sont traditionnellement observées ("la substance noire"), alors même que ces patients n'avaient pas été diagnostiqués malades.

FAITS & CHIFFRES
La maladie de Parkinson touche 1 % des plus de 60 ans et plus de 4 millions de personnes dans le monde. La dégénérescence de neurones producteurs de dopamine dans le cerveau se traduit par des tremblements, une rigidité musculaire et des difficultés à se mouvoir.

LES INDICES S'ACCUMULENT

De constatations en constatations, l'idée se forme alors en lui que la maladie pourrait peut-être apparaître en dehors de la substance noire, où elle ne migrerait qu'ensuite, à mesure de son évolution. Ce que l'examen attentif d'autres coupes va peu à peu lui confirmer : d'autres neurones du corps humain, ceux situés au niveau des intestins, présentent des lésions typiquement parkinsoniennes alors que la substance noire, elle, est indemne. En clair : la maladie est apparue ailleurs que dans le cerveau et avant de frapper celui-ci ! Et voilà qui change tout. Car dès lors, c'est une toute nouvelle vision de la maladie de Parkinson qui surgit : elle pourrait avoir une origine infectieuse, probablement au niveau du système digestif. La maladie ne serait donc pas nécessairement une fatalité liée à l'âge ou à la génétique. Et, surtout, comme la plupart des infections, il serait possible de la guérir ! Encore fallait-il que cette hypothèse cesse d'être "incroyable". Or, les indices en ce sens ne cessent de s'accumuler et la communauté scientifique n'écarte plus du tout la possibilité qu'elle voit juste.

UN "SECOND CERVEAU"

Le plus spectaculaire d'entre eux ? L'observation récente de cas de régression des symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson à la suite d'un traitement par des antibiotiques visant la bactérie intestinale Clostridium difficile. (La bactérie intestinale Clostridium difficile pourrait être un vecteur de la maladie. Traité par antibiotiques, un parkinsonien a en effet vu ses symptômes spectaculairement régresser. ->)
Ainsi cet homme de 73 ans, diagnostiqué parkinsonien depuis quatre ans, venu se faire soigner pour une constipation chronique dans une clinique spécialisée dans les troubles digestifs à Sydney. "Nous supposions que sa constipation était la conséquence d'une infection intestinale. Après quelques semaines sous antibiotiques, son transit était redevenu normal, raconte Thomas Borody, le gastro-entérologue qui l'a soigné. Mais surtout, la personne qui prenait soin de ce patient à domicile est venue me raconter à quel point les symptômes de sa maladie avaient régressé. L'homme pouvait à nouveau faire des gestes de la vie courante comme s'essuyer avec une serviette au sortir de la douche !" Partie la rigidité musculaire, maîtrisés les tremblements : après un an de traitement ininterrompu, le malade avait retrouvé une véritable autonomie dans sa vie quotidienne.
Thomas Borody n'est pas neurologue, et encore moins expert de la maladie de Parkinson. Il s'en est donc ouvert à ses collègues spécialistes qui, après examen, ont confirmé l'amélioration spectaculaire de l'état du malade. Quand d'autres patients se sont présentés à Thomas Borody avec les mêmes symptômes (la constipation est l'un des effets collatéraux lesplus fréquents de la maladie), lemédecin décida avec les neurologues de rééditer l'expérience et de suivre les malades de près. À ce jour, ils sont huit à avoir été ainsi traités. Et un seul n'apas répondu au traitement antibiotique. Pour tous les autres, le retour à un transit digestif normal s'est accompagné d'une régression des symptômes de la maladie de Parkinson.
L'observation clinique rejoint donc le postulat de Braak : quelque chose se trame au niveau des intestins des patients. Pour les neurologues, ce n'est pas absurde, car les intestins sont entourés d'un nombre si grand de neurones (il y en a autant que dans la moelle épinière), qu'ils ont été surnommés le "second cerveau". Et plusieurs observations récentes renforcent encore cette idée. En 2010, une équipe de médecins français a par exemple découvert, en étudiant des biopsies de côlons de parkinsoniens, que les lésions habituellement observées dans le cerveau des malades se retrouvent à l'identique dans les neurones qui entourent l'appareil digestif. "En outre, plus les lésions des neurones digestifs sont nombreuses, plus les symptômes de la maladie sont sévères", ajoute Michel Neunlist, qui dirige l'unité Inserm "Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives" à Nantes.
Plus troublant encore, "il semble que les neurones intestinaux soient affectés des années avant le cerveau, et même bien avant les premiers symptômes de la maladie, explique Michael Gershon,le chercheur américain de l'université Columbia à qui l'on doit l'expression de "second cerveau". Certains font donc l'hypothèse que la maladie de Parkinson se déclare d'abord dans les intestins avant de 'remonter' vers le cerveau." Ce qui, au passage, expliquerait pourquoi les patients se rappellent souvent avoir eu des troubles digestifs pendant des années avant de ressentir les premiers symptômes de la maladie.

ET SI C'ÉTAIT UN PRION ?

Si l'on assemble les différentes pièces du puzzle, à quoi ressemblerait le nouveau scénario de la maladie de Parkinson ? "Le plus probable à mon sens est que tout cela commence par une infection, sans doute d'origine alimentaire, avance Thomas Borody. Les bactéries produisent des millions de molécules. Certaines peuvent traverser la barrière intestinale et se retrouver dans le corps humain". C'est ainsi qu'un composé toxique atteindrait et attaquerait les neurones de l'appareil digestif. Quelle que soit l'origine de l'infection, la toxine venue de l'extérieur bloquerait la dégradation d'une protéine naturellement présente dans le corps humain, l'alpha-synucléine. On sait que, chez les malades, cette protéine s'accumule jusqu'à former des structures visibles au microscope (les corps de Lewy). Ce sont ces structures qui causeraient la mort des neurones. Peu à peu, ces agrégats de protéines se répandraient dans le système nerveux. Le moteur de cette transmission fait lui aussi l'objet de suppositions.

INTESTINS ET CERVEAUX FRAPPÉS DU MÊME MAL
Le cerveau des personnes atteintes par la maladie de Parkinson comporte des régions où les neurones sont détruits (flèche, à gauche). Leur destruction est probablement liée à l'accumulation d'une protéine, l'alpha-synucléine, qu'une bactérie ou un virus empêcherait de se dégrader. Résultat : la protéine forme des agrégats (corps de Lewy - milieu, en bleu, vus au microscope électronique). Or, des agrégats semblables (en bleu, à droite) ont été observés dans les neurones entourant le côlon. Et plus la maladie est avancée, plus les agrégats protéiques sont visibles.

L'une des plus célèbres et des plus intriguantes est "l'hypothèse prion" : nous serions face à une maladie du même type que... celle de la vache folle ! Le découvreur même du prion et prix Nobel 1997, Stanley Prusiner, prend cette idée très au sérieux : "Il est possible que l'alpha-synucléine soit une protéine prion qui forme des agrégats et se transmet à des cellules saines, propageant la maladie" écrivait-il dès 2009.

TRÈS LENTE INCUBATION...

L'idée serait donc que la protéine subit un changement, chimique ou de forme tridimensionnelle, et que ce soit ce changement, peut-être directement provoqué par l'infection, qui amorce la propagation des agrégats toxiques d'un neurone à l'autre. Lesquels agrégats finiraient par atteindre le cerveau, et notamment la "substance noire" : une fois cette zone touchée, c'est le début de la fin, la perte des neurones entraînant les signes cliniques de la maladie tels que les tremblements ou la rigidité musculaire. Le tout pourrait prendre plusieurs dizaines d'années.
Le scénario est séduisant, mais les zones d'ombre demeurent nombreuses. En vrac, l'idée d'une infection sera difficile à soutenir tant qu'on n'aura pas trouvé l'agent responsable (qu'il s'agisse d'une bactérie, d'un virus, voire d'une quelconque toxine) ; le mécanisme exact de diffusion des amas protéiques dans le corps humain demeure mystérieux ; la séquence des événements, différente chez certains patients, ne fait pas consensus, etc. Mais si les indices continuaient à s'accumuler en faveur de l'hypothèse de Braak, les malades pourraient en profiter sans même attendre que toutes les inconnues soient levées. "Si l'origine digestive se confirmait, nous pourrions détecter la maladie à un stade très précoce grâce aux biopsies déjà pratiquées lors de coloscopies, estime Thibaud Bouvier, médecin-chercheur à Nantes. Ce qui permettrait de tester à nouveau un grand nombre de molécules neuro-protectrices sur lesquelles reposaient de grands espoirs, mais qui ont été tous déçus, peut-être parce que les traitements ont été administrés à des stades trop tardifs de la maladie".
Dans la clinique de Thomas Borody, on pense appliquer une technique qui a déjà fait ses preuves pour divers troubles intestinaux : la transplantation fécale. Il s'agit de transmettre la flore intestinale d'une personne saine à une personne malade. "C'est la seule solution pour se débarrasser de certaines bactéries pathogènes, explique Thomas Borody. Avec les traitements antibiotiques, il subsiste toujours des spores qui permettent aux bactéries pathogènes de revenir lorsqu'on arrête le traitement". Et si cela marchait, cela confirmerait qu'il s'agit bien d'une histoire de bactéries. Bien plus que la validation d'une hypothèse audacieuse, ce serait un véritable changement de paradigme, fertile en perspectives thérapeutiques. Car il autoriserait de rêver à un traitement de la maladie de Parkinson avant même l'apparition des premiers symptômes. Et quitte à rêver, pourquoi ne pas rêver aussi de transposer le concept à d'autres maladies neurodégénératives ?

DES INFECTIONS PARTOUT ?
L'hypothèse infectieuse pourrait concerner d'autres maladies neurodégénératives. Thomas Borody a ainsi observé que la transplantation fécale pouvait aider des personnes atteintes de sclérose en plaques. Par ailleurs, on retrouve aussi dans la maladie d'Alzheimer et l'autisme des accumulations d'une protéine anormale, aussi bien dans le cerveau qu'autour des intestins... Certains médecins se posent la question pour la maladie de Huntington ou le syndrome de Guillain-Barré. Il y a une autre maladie, du métabolisme celle-là, que l'on pourrait lier à une affection : le diabète. Des fragments bactériens ont en effet été récemment découverts à l'intérieur du corps humain, dans la circulation sanguine et dans les tissus adipeux. Et ce sont ces fragments qui pourraient bien être responsables de l'inflammation et de la réaction immunitaire à l'origine du diabète..

MATHIEU NOWAK - SCIENCE & VIE > Novembre > 2011

La Maladie de Parkinson se Voit dans... l'Intestin
NEUROPHYSIOLOGIE

Pour identifier la présence de lésions dans le cerveau et estimer leur importance, il suffit de regarder dans... le tube digestif.

C'est en analysant des biopsies du côlon chez des patients atteints de la maladie de Parkinson que Pascal Derkinderen et ses collègues (Inserm et CHU, Nantes) ont remarqué des anomalies dans les neurones du gros intestin, qui évoquent celles observées dans le cerveau des patients. "Dans la forme et dans l'aspect : agrégats d'une protéine dans le corps cellulaire des neurones ou dans leurs prolongements", rapporte le chercheur. Plus fort : l'importance des lésions se trouve corrélée à la sévérité de la maladie. De quoi espérer rendre le diagnostic plus précis quant au stade d'avancée de la maladie et mettre en place un outil plus puissant que l'imagerie cérébrale pour visualiser indirectement l'activité du cerveau. Un outil précieux, car "la perte des neurones à dopamine, typique pour le Parkinson, observée avec certaines techniques d'imagerie cérébrale ne permet pas aujourd'hui de conclure ni sur l'évolution ni sur la sévérité de la maladie", explique Pascal Derkinderen.

V.B. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2010

Contre la Maladie de Parkinson, une Thérapie Génique s'annonce Prometteuse
IMMUNOLOGIE

Pour la première fois en France, une thérapie génique est testée sur six patients atteints par la maladie de Parkinson. La production de dopamine est augmentée dans les neurones encore intacts de la zone cérébrale touchée (flèche).

L'essai clinique, qui a commencé à l'hôpital Henri Mondor (Créteil), consiste à intégrer dans l'ADN des neurones encore intacts trois gènes capables de relancer la production de dopamine, le neurotransmetteur qui vient à manquer chez ces malades. Ces gènes pénètrent dans les cellules grâce à un virus, sans danger pour l'homme, qui est injecté directement dans la zone cérébrale touchée (Locus niger) par le manque de dopamine. Déjà expérimentée sur des primates, cette méthode a permis d'améliorer certaines capacités motrices et de corriger le taux de dopamine dans le cerveau, jusqu'à 12 mois après l'injection. Selon Béchir Jarraya, l'auteur principal de l'étude, la thérapie pourrait aussi compléter les traitements par L-Dopa, médicament de référence contre la maladie : "Après quelques années de ce traitement, des complications motrices apparaissent et nous avons montré sur nos modèles que la thérapie génique préviendrait aussi ces symptômes. "En France, la maladie de Parkinson touche plus de 100.000 personnes.

L.F. - SCIENCE & VIE > Décembre > 2009

Un Médicament Freine la Maladie de Parkinson

La rasagiline réduit les symptômes, mais elle freine aussi la destruction des neurones (flèche) caractéristique de la maladie.

Détient-on enfin le premier médicament capable de ralentir la progression de la maladie de Parkinson ? C'est ce que suggère une étude menée par l'équipe d'Olivier Rascol (Inserm/CHU Toulouse), en collaboration avec celles de Warren Olanow (Etats-Unis) et du laboratoire Teva (Israël). La rasagiline est prescrite pour réduire les symptômes de la maladie (tremblements, raideurs, etc.) quand ils deviennent trop handicapants. Or des études récentes semblent démontrer qu'elle aurait également un effet protecteur des neurones ciblés par la maladie. "Nous avons voulu voir si elle ne pouvait pas aussi ralentir la progression de la dégénérescence", expose Warren Olanow. 1176 patients ont donc été divisés en deux groupes : l'un a reçu un placebo pendant neuf mois, puis de la rasagiline les neuf mois suivants. L'autre a été traité pendant dix-huit mois avec de la rasagiline. Sans surprise, au bout des neuf premiers mois, l'état des patients sous rasagiline s'était amélioré. Mais plus étonnant, après dix-huit mois et alors que tous les patients étaient sous rasagiline, la différence entre les deux groupes a persisté. Or "si la rasagiline jouait seulement sur les symptômes, son effet au bout des dix-huit mois aurait dû être identique dans les deux groupes", affirme Warren Olanow. Conclusion, elle doit aussi freiner leur aggravation. Un effet qui reste à confirmer par un suivi des malades.

M-C.M. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2009
 

   
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