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Et si la maladie de Parkinson n'était pas une pathologie du cerveau, mais... une maladie infectieuse, qu'un pathogène déclencherait dans les intestins ? Emise depuis une dizaine d'années, cette hypothèse "incroyable" commence à devenir crédible. Or, une infection, ça se soigne ! Autour du côlon, il existe un grand nombre de cellules de type neuronal. Or, il a été découvert sur ces neurones instestinaux des lésions identiques à celles constatées dans le cerveau des patients souffrant de Parkinson. Mieux, ces lésions précéderaient l'apparition d'un Parkinson (->). La maladie de Parkinson ? L'image qui vient naturellement à l'esprit est celle, pénible, de malades pris de tremblements et ayant teutes les peines à semouvoir. Parce que leur cerveau se dégrade et, plus précisément, les neurones qui commandent le mouvement. Sans que l'on sache très bien pourquoi : l'origine de cette maladie neurodégénérative - comme l'Alzheimer reste en effet incertaine, ce qui recule d'autant la possibilité d'en venir à bout. Pourtant, il y a moins de dix ans, le chercheur allemand Heiko Braak formulait une hypothèse littéralement "incroyable" tellement elle allait à l'encontre de la vision classique de la maladie de Parkinson. Qu'on en juge : selon lui, non seulement la maladie de Parkinson serait la conséquence d'une... banale infection par une bactérie ou un virus ; mais la dégénérescence des neurones du cerveau caractéristique de cette maladie ne serait qu'une conséquence ultime - et fatale - d'un long processus amorcé des années auparavant dans... les intestins. À peine émise, cette hypothèse "incroyable" fut aussitôt rejetée par les scientifiques. Trop iconoclaste ! Et surtout, les médecins ont couramment affaire à la maladie de Parkinson puisqu'elle touche plus d'une personne sur mille ; or, "s'il s'agissait d'une maladie infectieuse, on le saurait", affirmaient-ils.
LES INDICES S'ACCUMULENT De constatations en constatations, l'idée se forme alors en lui que la maladie pourrait peut-être apparaître en dehors de la substance noire, où elle ne migrerait qu'ensuite, à mesure de son évolution. Ce que l'examen attentif d'autres coupes va peu à peu lui confirmer : d'autres neurones du corps humain, ceux situés au niveau des intestins, présentent des lésions typiquement parkinsoniennes alors que la substance noire, elle, est indemne. En clair : la maladie est apparue ailleurs que dans le cerveau et avant de frapper celui-ci ! Et voilà qui change tout. Car dès lors, c'est une toute nouvelle vision de la maladie de Parkinson qui surgit : elle pourrait avoir une origine infectieuse, probablement au niveau du système digestif. La maladie ne serait donc pas nécessairement une fatalité liée à l'âge ou à la génétique. Et, surtout, comme la plupart des infections, il serait possible de la guérir ! Encore fallait-il que cette hypothèse cesse d'être "incroyable". Or, les indices en ce sens ne cessent de s'accumuler et la communauté scientifique n'écarte plus du tout la possibilité qu'elle voit juste. Le plus spectaculaire d'entre eux ? L'observation récente de cas de régression des symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson à la suite d'un traitement par des antibiotiques visant la bactérie intestinale Clostridium difficile. (La bactérie intestinale Clostridium difficile pourrait être un vecteur de la maladie. Traité par antibiotiques, un parkinsonien a en effet vu ses symptômes spectaculairement régresser. ->) ET SI C'ÉTAIT UN PRION ? Si l'on assemble les différentes pièces du puzzle, à quoi ressemblerait le nouveau scénario de la maladie de Parkinson ? "Le plus probable à mon sens est que tout cela commence par une infection, sans doute d'origine alimentaire, avance Thomas Borody. Les bactéries produisent des millions de molécules. Certaines peuvent traverser la barrière intestinale et se retrouver dans le corps humain". C'est ainsi qu'un composé toxique atteindrait et attaquerait les neurones de l'appareil digestif. Quelle que soit l'origine de l'infection, la toxine venue de l'extérieur bloquerait la dégradation d'une protéine naturellement présente dans le corps humain, l'alpha-synucléine. On sait que, chez les malades, cette protéine s'accumule jusqu'à former des structures visibles au microscope (les corps de Lewy). Ce sont ces structures qui causeraient la mort des neurones. Peu à peu, ces agrégats de protéines se répandraient dans le système nerveux. Le moteur de cette transmission fait lui aussi l'objet de suppositions. L'une des plus célèbres et des plus intriguantes est "l'hypothèse prion" : nous serions face à une maladie du même type que... celle de la vache folle ! Le découvreur même du prion et prix Nobel 1997, Stanley Prusiner, prend cette idée très au sérieux : "Il est possible que l'alpha-synucléine soit une protéine prion qui forme des agrégats et se transmet à des cellules saines, propageant la maladie" écrivait-il dès 2009. TRÈS LENTE INCUBATION... L'idée serait donc que la protéine subit un changement, chimique ou de forme tridimensionnelle, et que ce soit ce changement, peut-être directement provoqué par l'infection, qui amorce la propagation des agrégats toxiques d'un neurone à l'autre. Lesquels agrégats finiraient par atteindre le cerveau, et notamment la "substance noire" : une fois cette zone touchée, c'est le début de la fin, la perte des neurones entraînant les signes cliniques de la maladie tels que les tremblements ou la rigidité musculaire. Le tout pourrait prendre plusieurs dizaines d'années.
Pour identifier la présence de lésions dans le cerveau et estimer leur importance, il suffit de regarder dans... le tube digestif. C'est en analysant des biopsies du côlon chez des patients atteints de la maladie de Parkinson que Pascal Derkinderen et ses collègues (Inserm et CHU, Nantes) ont remarqué des anomalies dans les neurones du gros intestin, qui évoquent celles observées dans le cerveau des patients. "Dans la forme et dans l'aspect : agrégats d'une protéine dans le corps cellulaire des neurones ou dans leurs prolongements", rapporte le chercheur. Plus fort : l'importance des lésions se trouve corrélée à la sévérité de la maladie. De quoi espérer rendre le diagnostic plus précis quant au stade d'avancée de la maladie et mettre en place un outil plus puissant que l'imagerie cérébrale pour visualiser indirectement l'activité du cerveau. Un outil précieux, car "la perte des neurones à dopamine, typique pour le Parkinson, observée avec certaines techniques d'imagerie cérébrale ne permet pas aujourd'hui de conclure ni sur l'évolution ni sur la sévérité de la maladie", explique Pascal Derkinderen.
Pour la première fois en France, une thérapie génique est testée sur six patients atteints par la maladie de Parkinson. La production de dopamine est augmentée dans les neurones encore intacts de la zone cérébrale touchée (flèche). L'essai clinique, qui a commencé à l'hôpital Henri Mondor (Créteil), consiste à intégrer dans l'ADN des neurones encore intacts trois gènes capables de relancer la production de dopamine, le neurotransmetteur qui vient à manquer chez ces malades. Ces gènes pénètrent dans les cellules grâce à un virus, sans danger pour l'homme, qui est injecté directement dans la zone cérébrale touchée (Locus niger) par le manque de dopamine. Déjà expérimentée sur des primates, cette méthode a permis d'améliorer certaines capacités motrices et de corriger le taux de dopamine dans le cerveau, jusqu'à 12 mois après l'injection. Selon Béchir Jarraya, l'auteur principal de l'étude, la thérapie pourrait aussi compléter les traitements par L-Dopa, médicament de référence contre la maladie : "Après quelques années de ce traitement, des complications motrices apparaissent et nous avons montré sur nos modèles que la thérapie génique préviendrait aussi ces symptômes. "En France, la maladie de Parkinson touche plus de 100.000 personnes.
La rasagiline réduit les symptômes, mais elle freine aussi la destruction des neurones (flèche) caractéristique de la maladie. Détient-on enfin le premier médicament capable de ralentir la progression de la maladie de Parkinson ? C'est ce que suggère une étude menée par l'équipe d'Olivier Rascol (Inserm/CHU Toulouse), en collaboration avec celles de Warren Olanow (Etats-Unis) et du laboratoire Teva (Israël). La rasagiline est prescrite pour réduire les symptômes de la maladie (tremblements, raideurs, etc.) quand ils deviennent trop handicapants. Or des études récentes semblent démontrer qu'elle aurait également un effet protecteur des neurones ciblés par la maladie. "Nous avons voulu voir si elle ne pouvait pas aussi ralentir la progression de la dégénérescence", expose Warren Olanow. 1176 patients ont donc été divisés en deux groupes : l'un a reçu un placebo pendant neuf mois, puis de la rasagiline les neuf mois suivants. L'autre a été traité pendant dix-huit mois avec de la rasagiline. Sans surprise, au bout des neuf premiers mois, l'état des patients sous rasagiline s'était amélioré. Mais plus étonnant, après dix-huit mois et alors que tous les patients étaient sous rasagiline, la différence entre les deux groupes a persisté. Or "si la rasagiline jouait seulement sur les symptômes, son effet au bout des dix-huit mois aurait dû être identique dans les deux groupes", affirme Warren Olanow. Conclusion, elle doit aussi freiner leur aggravation. Un effet qui reste à confirmer par un suivi des malades.
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