Monde ANIMAL - Eucaryotes - Invertébrés
ARTHROPODES, Pancrustacea, Crustacés (7 Ordres, + de 50.000 espèces) |
Le Monde des Triops
Branchiopoda, Notostraca, Triopsidae (2 genres, entre 10 et 20 espèces) |
Même s'il ne vit que deux mois maximum, le triops est un compagnon idéal et facile à élever à la maison.
Même si les conditions sont meilleures au printemps et en été, on peut élever des triops toute l'année. Ce petit crustacé s'achète en magasin sous forme d'ouf à faire naître chez soi. Une fois dans l'eau, les oufs apparaissent au bout de deux à trois jours.
Après leur éclosion, les bébés triops sont microscopiques, mais grandissent en quelques jours seulement. Pour créer un espace de vie parfait, il faut un aquarium, un thermomètre, une lampe chauffante, de l'eau en bouteille et du sable fin bien lavé. L'eau doit être chauffée à 25°C !
Côté nourriture, une pincée de poudre d'algues bleues tous les 2 jours suffit.
Origine : Australie
Taille : 4 à 6 centimètres
Espérance de vie : 1 à 2 mois.
SCIENCE & VIE DÉCOUVERTES N°169 > Janvier > 2013 |
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L'invasion du Fossile Vivant : le Triops |
Le triops, un petit crustacé envahissant, est devenu la bête noire des riziculteurs. Mais les scientifiques ont trouvé des méthodes originales pour concilier la protection des rizières avec la survie de ce joyau de l'évolution aux étonnantes facultés d'adaptation.
Un fossile vivant, le triops, va peut-être bientôt disparaître. Son crime : il colonise les rizières. Ce petit crustacé est un fleau pour les riziculteurs : certes, il ne s'attaque pas directement aux plants de riz, mais sa façon de s'alimenter se révèle particulièrement nuisible. "Pour chercher sa nourriture, du phytoplancton ou des matières minérales et organiques en suspension dans l'eau, le triops creuse la boue avec ses pattes", explique le biologiste Alain Thiéry (faculté des sciences d'Avignon), unique spécialiste français du triops. "Puis il conduit le cordon de boue agglutiné vers son ventre pour le digérer."
Les riziculteurs accusent le triops de troubler l'eau, donc de réduire la photosynthèse, ce qui expose les jeunes plants de riz à une mort certaine. On le soupçonne même de déraciner les plantules. Toutefois, les écologistes soulignent la place du triops dans l'écosystème des rizières, où il fait partie de la chaine alimentaire. "Il constitue la proie principale des hérons", explique Alain Thiéry.
Triops cancriformis, qui appartient à l'ordre des notostracés, est un formidable vestige de l'évolution. L'espèce existait déjà au Trias (il y a de 245 à 205 millions d'années), et le genre Triops, encore plus ancien, remonte au Permien (de 295 à 245 millions d'années).
Les triops ne mesurent pas plus de 10 cm et vivent de deux à trois mois. "On ne les trouve que dans des milieux temporairement inondés, explique Alain Thiéry. Les oufs doivent respecter une phase de diapause, c'est-à-dire une période d'arrêt de leur développement, provoquée par une dessiccation. C'est la raison pour laquelle on n'en trouve pas dans les lacs". Aujourd'hui, quatre espèces se partagent la planète : Triops granarius, qui vit en Afrique et en Asie, Triops longicaudatus, qui occupe les Amériques, Hawaii, le Japon et la Nouvelle-Calédonie, Triops australensis, d'Australie et de Madagascar, enfin, Triops cancriformis, qui se répand de l'Afrique du Nord au Groenland, en passant par l'Europe occidentale et la Russie. C'est surtout le dernier nommé qui intéresse les scientifiques. En France, l'espèce est courante dans l'Est et dans les régions littorales, en particulier en Camargue.
DES PATTES POUR RESPIRER
Comme son nom l'indique, le triops a trois yeux (de opsis, vision, vue, en grec) : deux yeux composés, très proches l'un de l'autre, et un oil "nauplien" (cyclopéen), constitué de cellules dermiques, situé en arrière des deux premiers.
Une carapace brune et translucide protège le corps plat du crustacé, qui ressemble à un limule. Ses 57 paires de pattes jouent un rôle actif dans la recherche de la nourriture. "Le triops utilise aussi ses pattes dans la fonction respiratoire, ajoute Alain Thiéry. Elles servent de supports aux branchies". Le dernier segment abdominal, le telson, porte une paire de filaments articulés appelée furca. La taille des triops est très variable, selon le milieu dans lequel ils vivent. Les mâles sont généralement plus petits que les femelles.
Mais ce n'est pas la seule originalité du triops. Ce qui intrigue encore davantage les scientifiques, c'est son mode de reproduction et son appareil génital, tout à fait extraordinaires. Les populations de triops sont composées de mâles, de femelles et d'hermaphrodites. Chez les femelles du Nord de l'Europe centrale, les ovaires contiennent à la fois des ovules et des lobes capables de donner des spermatozoïdes. Mais plus on descend vers le Sud, plus les mâles sont nombreux. La fécondation est alors assurée par l'accouplement. On rencontre aussi des cas de parthénogenèse : l'ovule se développe sans avoir été fécondé.
Les oufs, rouges et sphériques, peuvent rester émergés jusqu'à neuf ans et éclore ensuite au contact de l'eau. Quand le milieu s'assèche, les oufs sont transportés par le vent ou la boue sur les pattes des animaux, ou encore mangés par des oiseaux. Ils se dispersent ensuite et éclosent ailleurs, parfois dans des zones qui n'ont jamais été inondées auparavant. Il suffit alors que le milieu devienne favorable pour que le triops apparaisse. Un milieu favorable : Les rizières camarguaises, alternativement inondées et asséchées, offrent un milieu ideal à la reproduction du triops (ci-contre, des oufs dans leur poche de mucus).
DES ANTENNES POUR NAGER
À l'éclosion, les triops sont de petites larves roses de 1 mm, qui nagent avec leurs antennes. Deux semaines plus tard, ils mesurent 1 cm. Et, au 23 ème jour, les femelles sont déjà capables de porter les oufs qui donneront la génération suivante.
Aux yeux des riziculteurs, ses étonnantes facultés d'adaptation font du triops un redoutable envahisseur. Et les tentatives d'éradication ne réduisent jamais à néant les populations de crustacés. Les exploitants ont vainement essayé de drainer les rizières dès que les champs sont "remis en eau", de nouveaux triops éclosent. Deuxième stratégie la lutte chimique. Mais les pesticides ne sont pas absolument efficaces. A peine une population de triops est-elle traitée que les oufs non détruits donnent une nouvelle génération. Le temps qu'on la détecte, les triops ont déjà pondu...
La biologiste Paola Mosconi Bernardini (université de Pavie, Italie) a adopté une autre démarche, issue de ses analyses sur la reproduction du triops. Elle a découvert que l'éradication n'est efficace que si l'on y procède entre le neuvième et le 17eme jour qui suivent l'inondation de la rizière.
En effet, les oufs éclosent au plus tard le neuvième jour et les jeunes n'atteignent pas la maturité sexuelle avant le vingt et unième jour. Il faut donc éliminer les triops avant le dix-septième jour, dans l'espace de temps qui précède la ponte. Cette méthode est malheureusement loin d'être idéale, car un traitement aux pesticides ou au sulfate de cuivre affecte gravement l'écosystème.
De toute façon, ils sont certes présents dans les rizières, mais ils ne sont pas si envahissants qu'on veut le laisser croire. Une chance pour le fossile vivant, qui, comme beaucoup d'autres animaux, aurait bien pu disparaître face aux impératifs économiques.
SCIENCE & VIE > Février > 1999 |
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