Comment peut-on Savoir si une Espèce est Menacée ?

Vous vous rappellez peut-être les dauphins du Yang-tze dont on annonçait la disparition en août... pour découvrir un survivant quelques semaines plus tard. L'espèce n'est donc pas éteinte, mais sûrement proche de disparaître.

C'est d'ailleurs dans la catégorie "en danger critique d'extinction" qu'elle se trouve classée dans la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui regroupe 83 États, 110 organismes publics et quelque 800 ONG. Car c'est essentiellement cette liste qui permet de savoir si une espèce est en voie de disparition. C'est elle qui en dresse l'inventaire via un réseau de 7000 experts qui s'intéressent à l'état de conservation de plus de 41.400 espèces animales et végétales connues. Et 16.306 d'entre elles seraient aujourd'hui menacées.

UN CONSENSUS D'EXPERTS

L'évaluation de la conservation d'une espèce se fait sur décision des spécialistes de l'UICN, qui constituent un dossier regroupant les connaissances disponibles. Lorsqu'ils aboutissent à un consensus, l'espèce est classée dans l'une des 9 catégories de la liste, de "pré-occupation mineure" à "en danger critique d'extinction", en passant par "vulnérable", "en danger", voire "éteinte".
Le classement dépend de nombreux critères : la taille de la population, son taux de déclin, son aire d'occupation, ou encore la fragmentation, voire la disparition de son habitat naturel. Ces critères sont quantitatifs et combinatoires. Ainsi, le gavial du Gange, à la mâchoire étroite et allongée, est passé de la catégorie "en danger" à "en danger critique d'extinction" pour plusieurs motifs : en plus d'avoir perdu une partie de son habitat fluvial, sa population a été réduite de 58 % durant les dix dernières années. Seuls 182 individus ont été recensés en 2007, en Inde et au Népal, exposés à la consanguinité et à la décimation soudaine en cas d'épidémie ou de catastrophe naturelle. Sans oublier la fragmentation de leur aire de répartition, qui menace leur reproduction. Lorsque les données sont insuffisantes, l'espèce est classée dans la catégorie "données insuffisantes". "Le but de l'inventaire est d'être le plus objectif possible, explique Florian Kirchner, chargé de mission à l'UICN. Près de 44 % des mammifères marins européens sont classés dans cette catégorie. C'est inquiétant car nous suspectons que beaucoup sont menacés, sans pouvoir en apporter la preuve. Ils ne figurent donc pas dans la liste des espèces en voie de disparition..."

Reste que cet inventaire est loin d'être exhaustif puisqu'on estime à 1,8 millions le nombre d'espèces animales et végétales dans le monde. Les moins bien représentées dans la Liste rouge sont les plantes et les invertébrés. Seuls 4 116 invertébrés ont jusqu'ici pu être évalués, alors qu'on en connaît 1,2 million ! Quant aux plantes, si près de 300.000 espèces sont décrites, seules 12.043 sont évaluées. "La liste n'en demeure pas moins un bon outil, assure Philippe Chardonnet, expert des antilopes. Nous la développons chaque année afin qu'un plus grand nombre d'espèces soit pris en compte."

LENTE GESTATION MÉTHODOLOGIQUE

La classification de l'état de conservation des espèces par l'UICN a vu le jour au début des années 1960. Les évaluations étaient alors plus subjectives. La nécessité d'élaborer un outil plus fiable et plus rigoureux est apparue à la fin des années 1980. Durant quatre ans, plus de 800 membres de la Commission de sauvegarde des espèces de l'UICN, ainsi que de nombreux scientifiques se sont consultés afin de déterminer les catégories et les critères de la Liste rouge. Une version de la méthodologie a été adoptée en 1994 puis révisée en 2001. Outre son importance écologique, cette liste permet aux États de définir les priorités de leur politique de conservation.

E.C. - SCIENCE & VIE > Mars > 2008
 

   
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