Grands Fonds de Papouasie-Nouvelle-Guinée

Curieuses Rencontres dans les Abysses

Chaque année, des milliers d'espèces marines sont inventoriées. Sur des millions encore à découvrir...

Parmi les plus de 8000 espèces dénichées par la mission "Planète revisitée" dans les eaux de Papouasie-Nouvelle-Guinée : 1, Crabe du genre Banareia. 2, Gastéropode Calpurnus verrucosus. 3, Crustacé stomatopode Odontodactylus scyllarus. 4, Micro-gastéropode marin de la famille des Cystiscidae.

Il y a quelques mois, les équipes du Museum national d'histoire naturelle posaient leurs bagages après 2 mois d'exploration des eaux de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les lourdes malles de la mission "Planète revisitée" contenaient un trésor : conservées dans l'éthanol, 400 espèces de coraux, 1450 de crustacés décapodes, 4500 de mollusques, 320 d'échinodermes, 1300 de poissons et 300 d'algues. Parmi les vedettes, un crabe poilu, inconnu au bataillon, comme bien d'autres animaux marins récoltés pour la plupart la nuit au cour du triangle de Corail, région abritant la plus grande biodiversité marine du monde. Les chercheurs ont estimé que 500 à 1000 des espèces qui composent leur butin sont probablement inconnues de la science. Il faudra plusieurs années pour connaitre les noms des nouveaux venus dans les collections du Museum.
Chaque année sont ainsi décrites 1600 "nouvelles" espèces, du phytoplancton aux baleines. "Et pour cause : l'exploration du système marin et des milieux profond, en particulier, est récente, explique Sarah Samadi, professeur au Museum. Sans compter que de nouveaux outils comme le séquençage ADN nous permettent de mieux analyser ce que nous rapportons". Une récente étude de la commission Océan de l'Unesco estime que 226.000 espèces marines sont connues, sur un total probable de 700.000 à 1 million. Certains scientifiques, avec une autre méthode de calcul, avancent même le nombre de 100 millions.

Il faudra 1000 ans ! Les chercheurs s'accordent à dire que certains groupes, méconnus et délaissés jusqu'à il y a peu, seront probablement une corne d'abondance. "On estime que lorsqu'on fait un prélèvement de sédiments en milieu profond, entre 50 et 90 % des espèces récoltées sont nouvelles", explique Lénaïck Menot, chercheur à l'Ifremer Bretagne. En moyenne, le laps de temps entre la récolte et la publication scientifique consacrée à une nouvelle espèce s'établit à 21 ans. "S'il nous en reste près de 2 millions à découvrir, au rythme actuel de description et d'identification, il faudra 1000 ans", lance Lénaïck Menot. En cause, la rareté des taxonomistes. Les scientifiques récoltent plus que ce que la communauté mondiale est capable d'étudier. Pas de raison pour autant de lever le pied. Les chercheurs en sont convaincus : il faut conserver les échantillons et essayer de réduire le temps d'attente sur les étagères. "Certains écosystèmes très riches vont subir un jour ou l'autre de grosses pressions : nous avons les moyens techniques d'essayer d'évaluer les richesses sous-marines avant qu'elles ne soient menacées", explique Sarah Samadi, évoquant les ressources minérales des milieux profonds qui attireront inévitablement l'appétit des humains. Connaissance et préservation sont d'ailleurs parfois d'une utilité immédiate. En 30 ans d'exploration, plus de 300 substances intéressant la médecine ont été identifiées dans la faune sous-marine de la Nouvelle-Calédonie. Les gynmochromes, pigments d'un échinoderme que l'on pensait disparu il y a 140 millions d'années, se sont ainsi révélés les premières molécules inhibant la réplication du virus de la dengue.

C.C. - SCIENCES ET AVENIR HS N°176 > Octobre-Novembre > 2013
 

   
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