Monde ANIMAL (Eucaryotes Invertébrés) : ARTHROPODES, Hexapoda,
Insecta : Près de 1,3 million d'espèces (près de 10.000 nouvelles espèces inventoriées par an).
Pterygota, Neoptera, Holometabola, Hymenoptera (entre 1 et 5 millions d'espèces, une centaine de familles)

La Puce qui Espionne les Abeilles
Apocrita, Aculeata, Apoidea, Anthophila (7 familles, env 20.000 espèces)

La Puce qui Espionne les Abeilles

Des biologistes ont infiltré les ruches à l'aide de mouchards munis de puces électroniques. En septembre, 10.000 apiculteurs et 500 scientifiques réunis au congrès Apimondia 2009 avaient confirmé le déclin des insectes.

Europe, États-Unis, Chine, Amérique latine... Partout, les abeilles sont en danger ! Entre 20 et 30 % des colonies succombent tous les ans. Or, la disparition de l'abeille domestique Apis mellifera et de ses cousines sauvages bouleverse l'agriculture mondiale, bien au-delà de la filière du miel. Elles pollinisent en effet les trois quarts des espèces végétales que nous consommons (tomates, fraises, poires, pommes, abricots, tournesol, café...), une activité qui "pèse" 153 milliards d'euros par an.
Problème : on ne connaît pas la cause précise de leur déclin, certainement plurifactorielle. Pesticides répandus par les agriculteurs et accusés de contaminer les butineuses ; parasites de la ruche, comme l'acarien Varroa destructor ; uniformisation des sources de nourriture dans l'environnement... Tous présumés coupables !
Pour confondre l'un des principaux suspects, un pesticide appelé fipronil pulvérisé pour protéger les cultures des insectes ravageurs, des chercheurs français ont mis au point une méthode d'investigation high-tech. En 2007, deux équipes de l'Inra de Charente-Maritime et de l'Acta (Association de coordination technique agricole), dans la banlieue de Lyon, ont équipé 500 abeilles de puces électroniques. Appelées "étiquettes RFID", pour Radio Frequency IDentification, elles sont déjà employées depuis une dizaine d'années dans l'industrie et le transport, pour tracer les marchandises concurrençant les traditionnels codes-barres. Mais c'est leur miniaturisation récente qui a permis de les fixer sur le tout petit thorax des insectes... Les biologistes ont fait absorber du fipronil à certaines butineuses ainsi harnachées. Ils les ont ensuite relâchées sous une serre expérimentale qui abritait leur ruche équipée de lecteurs radio. Ces derniers enregistraient alors toutes leurs allées et venues entre le nid et un nourrisseur artificiel situé 20 m plus loin. Résultat : les insectes "sous" fipronil ont effectué moins de vols de butinage et leurs trajets ont été plus longs, vraisemblablement à cause de problèmes d'orientation. L'expérience révèle donc, pour la première fois en conditions semi-naturelles, l'effet délétère du fipronil, interdit en France mais toujours autorisé au niveau européen. Cetteétude a séduit les éthologues qui vont utiliser cette méthode inédite pour étudier le comportement des insectes.Leur idée ? Envoyer ces abeilles taguées espionner des ruches en pleine nature. Le projet, coordonné par l'Acta avec le Centre de traitement de l'information scientifique, le CNRS, l'Inra et l'université Paul-Sabatier de Toulouse est doté d'un budget de 423.000 €.

L'enfumage des espionnes. Protégés des piqûres grâce à leurs combinaisons et à la fumée qui calme les insectes, les biologistes prélevent un cadre (avec 3000 abeilles et des centaines de larves) dans la ruche d'élevage. 150 "taupes" recrutées par jour Au labo, l'ingénieur Julie Fourrier prélève les jeunes abeilles, les immobilise dans une cage à piston et dépose une goutte de colle arabique entre leurs ailes. Après 3 secondes de séchage, la puce RFID est fixée.

La surveillance électronique permettra de mieux les protéger

À l'été 2009, trois sites sont équipés du dispositif : 1800 butineuses sont identifiées électroniquement et plus de 200.000 entrées et sorties enregistrées sur chaque ruche ! "Nous suivons chaque abeille individuellement, ce qui est indispensable pour comprendre ce qui se passe au niveau de la colonie. Et cela 24 h/24, de manière automatisée, de leur naissance à leur mort, détaille le biologiste Axel Decourtye. Nous avons ainsi accès à une histoire de vie des butineuses, avec une somme d'informations inégalée à ce jour". Des données considérables, toujours en cours d'analyse... Mais qui révèlent déjà des mœurs inattendues chez les abeilles, bien plus dissolues que ce que l'on soupçonnait ! Ainsi, on apprend que si certaines ouvrières effectuent bien leur premier vol dès l'âge de 5 ou 6 jours, d'autres, beaucoup moins pressées d'aller bosser, restent au chaud dans la ruche pendant près de 20 jours ! Même inégalité pour la durée des vols. Pendant que les plus motivées butinent des heures durant, d'autres rentrent au bercail quelques minutes à peine après leur sortie, l'air de rien. Même si, à l'intérieur du nid, les activités ne manquent pas, entre nourrissage de la reine ou construction des alvéoles... Et on connaît désormais la durée de vie des abeilles. Trente jours, comme on l'enseignait précédemment ? Pas forcément... L'âge moyen du trépas se situe autour de 23 jours, mais certaines vivent jusqu'à l'âge canonique de 50 jours !

Grâce à sa fiabilité, la méthode RFID relègue au rang de vieillerie les étiquettes colorées et numérotées dont se servaient jusqu'à présent les éthologues pour suivre les butineuses dans leurs déplacements, et qui ont permis des découvertes historiques. Comme l'explication de la danse des abeilles, par laquelle elles se communiquent la position d'une source de nourriture, et qui valut le prix Nobel à l'Autrichien Karl von Frisch en 1973. Aujourd'hui, la surveillance électronique d'Apis mellifera permet d'envisager une meilleure protection, sur mesure. Ainsi, la campagne 2009 a révélé que 68 % des ouvrières ont passé au moins une nuit dehors. Une surprise, car on les pensait plutôt du genre couche-tôt ! Cette révélation réduit à néant certaines mesures. Comme, par exemple, les opérations de démoustication à la Réunion qui se font la nuit, justement pour épargner les abeilles... Une stratégie finalement mortelle pour les noctambules de la ruche.

NOS RÉFÉRENCES : "L'Etrange Silence des abeilles. Enquête sur un déclin inquiétant", Vincent Tardieu, éd. Belin, Pour la science.

P.L. - Photos P.P. - ÇA M'INTÉRESSE > Mars > 2010
 

   
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