Quand l'Attention Déraille...

Si en général chacun d'entre nous garde le contrôle de ses capacités attentionnelles, certaines expériences les mettent à rude épreuve ! Lors d'un spectacle de magie, l'illusionniste déploie tout son talent pour exploiter les limites de notre attention dans son intérêt. Au point de nous empêcher de remarquer l'évident... À la différence de cet "aveuglement attentionnel", l'hypnose nous plonge dans un état de concentration mentale tellement intense que nous sommes déconnectés du présent. Sa signature cérébrale est très spécifique : entre attention et éveil, vision et imaginaire, détente mentale et relaxation physique.

Le Cerveau Dupé par l'Illusionnisme

Aussi puissant soit-il, le cerveau est incapable de prendre en compte toutes les informations de l'environnement. Il peut être tellement absorbé par une tâche qu'il rate des données essentielles ! Les magiciens le savent et utilisent nos limites attentionnelles pour manipuler nos perceptions.

Si la magie nous fascine, c'est parce qu'elle transforme la réalité en jouant avec nos sens et en manipulant nos perceptions. Quel est le "truc" derrière la disparition et la réapparition d'une colombe, le tour de la femme sciée, la lévitation d'objets ? Les magiciens utilisent des techniques sophistiquées et disposent d'une dextérité manuelle hors du commun.
Mais des travaux récents en psychologie cognitive et en neurosciences montrent qu'il y a aussi tromperie cérébrale ! Les experts en illusions savent manipuler l'attention de leur auditoire à des moments clés de leur performance. Et cela, beaucoup plus facilernent qu'on ne pourrait le croire. Pour comprendre ce phénomène, Daniel Simons, professeur de psychologie à l'université de l'Illinois, a créé une vidéo très astucieuse : on y voit un groupe de personnes, la moitié portant un t-shirt blanc et les autres un t-shirt noir, qui se passent un ballon. La consigne donnée aux sujets est de compter uniquement les passes entre les joueurs vêtus en blanc. Avant de lire la suite de cet article, un conseil : allez sur http://goo.gl/5Kty3, et visionnez la vidéo en question en comptant les passes.

CONCENTREZ-VOUS... VOUS N'AVEZ RIEN VU

Combien de passes avez-vous noté ? Si vous avez été attentif, vous avez sans doute trouvé le bon chiffre. Mais avez-vous remarqué quelque chose d'anormal en dehors de l'activité des joueurs ? Retournez visionner la vidéo, cette fois sans focaliser votre attention sur les passes, en observant tout ce qui se produit. Cet effet étonnant a été observé chez les sujets de Daniel Simons. Lorsqu'il leur demande s'ils ont remarqué quelque chose sur la vidéo, la moitié d'entre eux répondent par la négative. Ils refusent aussi de croire qu'un gorille a fait la moindre apparition quand le chercheur le leur explique. Pourtant, le goriile - un homme déguisé - a été très présent et actif. À se demander comment il est possible de le rater... Telle quelle, la vidéo n'est pas applicable par un magicien, qui ne peut se permettre de ne tromper que la moitié de l'audience. Mais adapté plus subtilement qu'avec un gorille, cet effet devient un atout redoutable pour d'habiles illusionnistes. Le phénomène en question s'appelle "change blindness" (ou "inattentional blindness"), qu'on peut traduire par "aveuglement au changement". Lorsque notre attention est focalisée - conversation tendue, scène émouvante au cinéma, tour de magie, etc, le cerveau est tellement absorbé qu'il est comme aveuglé, ignorant les autres informations. Les conditions sont réunies pour qu'un événement évident et normalement inratable, comme un gorille dans un jeu de ballons, se produise sans qu'on le remarque. Avec leur expérience et leur talent, les magiciens utilisent ainsi l'aveuglement au changement à nos dépens.

>QUAND LA MAGIE INSPIRE LES NEUROSCIENCES
Les techniques de magie constituent une source d'inspiration phénoménale pour les recherches en sciences cognitives
. Par exemple, l'utilisation de l'humour par le magicien est un moyen de diversion habituel pour réussir de nombreux tours de passe-passe. Cet artifice vous distrait, votre attention n'est alors plus assez performante pour déceler la mécanique du tour. Dans quelle mesure l'action de rire diminue nos capacités attentionnelles ? C'est à cette question que devront répondre les neuroscientifiques, en examinant avec l'IRMf l'activité cérébrale d'un individu regardant une scène mêlant magie et humour.
Notre émerveillement face à un tour s'explique la plupart du temps par le fait que notre raison ne l'explique pas. Une étude dirigée par Gustav Kuhn a permis, en utilisant des tours de magie, d'établir une relation entre le traitement de la causalité et l'activation de zones cérébrales. Trois types de tour étaient proposés : le "vrai" tour de magie (la disparition d'une pièce dans une main par exemple), le tour de magie associé à l'effet de surprise (pour faire disparaître la pièce, le magicien la place dans sa bouche) et la situation de contrôle de la causalité (pas de tour de magie). Dans les conditions du vrai tour de magie et de l'effet de surprise, la région la plus activée est le cortex préfrontal dorso-latéral gauche (cf. image A). Ces régions cérébrales sont associées aux contradictions entre les événements attendus et ceux observés. Dans les conditions du contrôle de la causalité (pas de tour), le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal ventral gauche (cf. image B) s'activent. Cette observation tend à confirmer le rôle du cortex préfrontal dorso-latéral gauche dans le traitement d'informations enfreignant les relations de causalité

FAIRE DIVERSION : TOUT L'ART DU MAGICIEN

"Pour comprendre comment les tours de magie sont perçus, il faut identifier les théories neuronales sous-jacentes", souligne le neurophysiologiste Stephen Macknik dans un article de 2009 portant sur les relations entre les sciences cognitives et les tours de magie (lire l'entretien ci-dessous). Par exemple, dans la vidéo du gorille, les observateurs dupés et non dupés ont passé autant de temps (à la seconde près) à regarder la vidéo. De plus, la distance entre l'écran vidéo et le participant ne modifie pas l'effet observé. Ce n'est donc pas le regard qui a été manipulé, mais bien l'attention du participant.

"LES MAGICIENS UTILISENT NOS RESSOURCES ATTENTIONNELLES À NOS DÉPENS"
- Les magiciens utilisent à leur profit les mécanismes cérébraux et cognitifs pour détoturner l'attention des spectateurs. Est-il possible de résister à cette capture attentionnelle ?
- Oui et non. Si vous savez que quelque chose de surprenant est sur le point de se produire, que ce soit dans un tour de magie ou dans la vie quotidienne, vous pouvez vous y préparer et tenter de résister aux distracteurs. Ainsi, les travaux de mon équipe montrent que plus vous fixez une cible, moins vous êtes sensible aux distracteurs situés à proximité et au risque de voir votre attention capturée. Mais on ne peut pas fondantentalement changer la façon dont ces mécanismes fonctionnent, et sont ancrés dans nos modes d'interaction avec le monde environnant.
- D'après vos études, quel en le truc le plus efficace des magiciens pour tromper notre attention ?
- Le meilleur moyen, pour les prestidigitateurs, est de nous laisser faire leur travail pour eux ! Dans une forme mentale de jiu-jitsu, les magiciens nous trompent en exploitant nos propres pouvoirs attentionnels à nos dépens. Ils font en sorte que vous soyez convaincu de porter votre attention sur le meilleur endroit pour découvrir le truc. alors qu'en fait vous êtes en train de vous focaliser sur les faux indices et le mauvais endroit, même si le tour de magie se produit juste devant vous.
- La recherche sur les tours de magie aide à mieux comprendre les mécanismes cérébraux de l'attention. Pensez-vous que les résultats en neurosciences peuvent à leur tour aider les magiciens à améliorer leurs capacités et créer de nouveaux tours ?
- Oui. La recherche a pour but d'aider les personnes qui souffrent de déclin cognitif, mais à mesure que l'on découvre les principes fondamentaux de l'attention et de la vigilance, il ne fait aucun doute que les magiciens vont appliquer ces nouveaux principes pour perfectionner leurs tours.

Diane M. Beck, de l'université Princeton, et trois collègues neuroscientifiques de l'University College de Londres, se sont intéressés au phénomène d'aveuglement du cerveau. Equipés d'un stimulateur magnétique transcrânien, qui stimule ou perturbe des zones précises du cerveau par un champ magnétique, les volontaires passent des tests de reconnaissance. Des visages défilent rapidement sur un écran, et ils doivent repérer si deux visages successifs sont différents. Normalement, ils réussissent à les distinguer. Mais si leur attention est focalisée sur un point lumineux entre deux photos, ils commettent des erreurs ou mettent plus longtemps à répondre correctement. Les mêmes baisses de performance se produisent lorsque le stimulateur magnétique active le cortex pariétal droit. C'est cette zone qui serait responsable de l'aveuglement au changement. Ce résultat peut surprendre, car le cortex pariétal droit ne traite pas les informations visuelles. Il s'explique pourtant puisque cette partie du cerveau est impliquée dans la conscience sensorielle et la concentration.

LE CERVEAU EST FACILEMENT "AVEUGLÉ"

"Le phénomène d'aveuglement attentionnel démontre que nous échouons souvent à voir des événements inattendus, confirme Gustav Kuhn, chercheur en psychologie au Goldsmiths College de Londres. Ce que nous percevons est souvent largement déterminé par ce que nous nous attendons à voir". Lui-même magicien, il a montré à 38 étudiants une vidéo dans laquelle il exécute l'illusion de la balle disparue (http://goo.gl/ilHMi). Dans ce tour de magie, l'artiste lance la balle en l'air et la rattrape, deux fois d'affilée. Au troisième lancer, la belle semble disparaître alors qu'elle reste dans la main droite du magicien. 68 % des participants sont abusés par le tour, soutenant avoir perçu la balle quittant la main avant de disparaître. Pour comprendre ce qui réussit à tromper autant de personnes, Gustav Kuhn a filmé leurs mouvements oculaires durant le tour. La plupart d'entre elles jettent un rapide coup d'oil au visage du magicien avant qu'il ne lance la balle. Lorsqu'il montre aux étudiants une autre vidéo du tour, dans laquelle le magicien ne suit pas du regard le troisième lancer, moins d'un tiers seulement est abusé.
Stephen Macknick s'intéresse lui-aussi à la diversion, au fondement même de l'art du magicien. Pendant le laps de temps où votre regard est détourné, l'illusionniste réalise deux actions : l'une pour réussir son tour, à l'insu du spectateur, et l'autre pour réaliser la diversion. Dans une étude publiée en 2013, le chercheur s'est centré sur le tour de magie classique de la balle et des gobelets. Le principe est simple : trois gobelets retournés et une balle, le but étant de deviner l'emplacement de la balle sous l'un des gobelets après les multiples déplacements opérés par l'illusionniste. Que celui-ci ait le visage couvert ou non, les spectateurs obtiennent les mêmes probabilités de bonne réponse. Une observation assez surprenante : en effet, l'orientation du regard du magicien, assimilée à la diversion sociale, est souvent utilisée comme indice par les spectateurs pour "deviner" ou confirmer leur impression - ce que Gustav Kuhn a démonté avec la balle disparue. C'est donc un outil très persuasif lors des tours de magie, dont les ptestidigitateurs usent et abusent.

PERCEVOIR SANS RÉELLEMENT VOIR

Cette technique très utilisée repose sur les mécanismes de la perception. "Nous interagissons avec un environnement changeant sans cesse, et nous avons besoin de répondre très rapidement aux nouvelles situations, explique Gustav Kuhn. De plus, il y a toujours un délai qui sépare l'événement lui-même et son enregistrement par le cerveau. Le temps de percevoir un événement, il a déjà disparu. Un moyen de compenser ce délai est de prédire l'issue de l'événement. Le système visuel s'appuie donc sur des "heuristiques" qui permettent ces prédictions et qui s'observent surtout dans des situations nécessitant une réaction rapide. Par exemple, les joueurs de tennis expérimentés utilisent comme heuristique la posture du corps de leur adversaire pour prédire la prochaine trajectoire de la balle".
Dans la première version de la balle disparue, les étudiants abusés ont anticipé le troisième déplacement de balle en s'appuyant sur le regard du magicien. La balle n'ayant pas bougé de la main, mais le regard le laissant supposer, ils l'ont perçue en l'air (sans l'avoir réellement vue), avant qu'elle ne leur semble disparaître. Mouvements mimés ou mouvements réels, comment fait notre cerveau pour les repérer ? L'illusion perceptive trouve probablement son origine dans notre organisation cérébrale. D'après des études menées par l'équipe de Bart Krekelberg, alors au Salk Institute for Biological Studies de Californie, les circuits neuronaux activés dans le cortex visuel pendant un mouvement réel ou un mouvement simulé sont les mêmes. On comprend mieux comment la magie nous berne, jouant avec les ressources attentionnelles et perceptives des spectateurs. A se demander si nous avons raison de nous fier au cerveau et à ses capacités de traitement de l'information...

LA DIFFICULTÉ DE SIMULER LES ACTIONS

"Il est effectivement très facile d'être abusé par des tours de magie. Mais cela ne signifie pas qu'il est toujours facile d'abuser quelqu'un, nuance Gustav Kuhn. Les magiciens se consacrent durant des années à perfectionner leur art et à étudier les mécanismes exacts par lesquels les spectateurs peuvent être trompés". L'essentiel des compétences du magicien ? Pouvoir convaincre son audience qu'il poursuit une action parfaitement normale - une balle lancée en l'air - alors que l'issue de cette action est complètement différente - la belle reste cachée dans la main. Simuler des actions est en fait plus difficile que de les effectuer réellement, comme nous y sommes habitués. C'est tout le talent du magicien...
De son côté, le spectateur peut-il aussi améliorer sa résistance aux trucs et astuces du magicien ? Apparemment oui... L'étude de Stephen Macknik sur le tour de la balle et des gobelets illustre l'effet positif de l'entraînement sur les processus attentionnels : plus un spectateur regarde ce tour de magie, plus il augmente sa capacité à identifier le gobelet sous lequel la balle est cachée.

LES CAHIERS DU MONDE DE L'INTELLIGENCE N°1 > Août-Septembre-Octobre > 2013

Que Devient notre Cerveau sous Hypnose ?

Sommeil ? Veille ? Ou ni l'un ni l'autre, comme l'indiquent aujourd'hui plusieurs études ? Un cerveau hypnotisé plonge dans un état qui mélange éveil et imaginaire, attention et détente mentale. Une signature cérébrale très spécifique, qui varie également selon le niveau de réceptivité de chacun.

Souvent associée aux pratiques des illusionnistes, l'hypnose alimente de nombreux fantasmes, dont celui de la "marionnette" dont l'esprit serait contrôlé. Cette technique, mal connue du grand public, est pourtant pratiquée par de nombreux professionnels de santé, bien loin des scènes du music-hall.
Aujourd'hui, les psychothérapeutes, mais également les médecins addictologues, les urgentistes du SAMU ou encore les dentistes y ont recours. En effet, en induisant un état modifié de la conscience, l'hypnose aide à soulager la douleur, le stress et l'anxiété. Et ce n'est pas tout : elle permet également de combatre des traumatismes, des phobies ou des addictions.

UNE SIGNATURE CÉRÉBRALE UNIQUE

Comment expliquer l'état hypnotique ? Et surtout, quelle est sa signature cérébrale ? Cet état est précisément le même que celui qui vous emporte lorsque vous tournez les pages d'un livre en pensant à autre chose. Vos yeux suivent les lignes, mais votre esprit est ailleurs. Pas besoin de grande démonstration, donc, pour nous faire glisser dans un état hypnotique. Pourtant, cet état a quelque chose de très spécial. Le cliché d'un cerveau hypnotisé ne ressemble en rien à celui d'un cerveau à moitié endormi. ll serait au contraire dans un état d'éveil particulier.
"Trois ingrédients forment une activation corticale spécifique de l'hypnose : les processus attentionnels et d'éveil, la vision et l'imaginaire, la détente mentale et la relaxation physique, indique Antoine Bioy, hypnothétapeute et professeur à l'université de Bourgogne. Cet état cérébral ne se retrouve ni dans le sommeil, pas plus que dans la relaxation ou la distraction". Un état unique ? Pas tout à fait. "Dans cettains états de méditation profonde chez les moines bouddhistes, des chercheurs ont décrit des activations assez semblables, précise l'hypnothérapeute. La petite différence concerne le cortex visuel, moins mobilisé dans la méditation profonde".

DES LIENS ÉTROITS ENTRE CONTRÔLE EXÉCUTIF ET ATTENTION

Depuis quelques années, les études se multiplient pour révéler une mécanique encore mystérieuse. Comment expliquer, par exemple, que certains individus soient plus sensibles que d'autres à l'hypnose ? C'est précisément ce à quoi s'intéresse David Spiegel, chercheur à l'université Stanford et référence mondiale sur le sujet. D'après de récents travaux, notre faculté à être hypnotisé dépend exclusivement de notre configuration neuronale. "Nous avons identifié une différence de fonctionnement cérébral entre les individus hautement et peu hypnotisables pendant l'état de repos", explique le chercheur.
L'imagerie par résonance magnétique (IRM) met ainsi en évidence des relations très fortes entre les aires associées au contrôle exécutif et celles liées à l'attention, chez les personnes très réceptives à l'hypnose. Celles-ci présentent une connectivité accrue entre leur cortex préfrontal dorsolatéral gauche (dlPFC), impliqué dans le contrôle exécutif des tâches, et leur cortex cingulaire dorsal antérieur (dACC), qui joue un rôle dans l'attention, notamment la détection de conflits, détaille David Spiegel. À l'inverse, chez les personnes peu hypnotisables, ces deux régions fonctionnent indépendamment". L'effet de l'activité coordonnée entre ces deux aires reste à explorer, mais il semble qu'elle permette de moduler les sensations perçues.

CONCENTRATION SURDÉVELOPPÉE

On pourrait s'imaginer que sous hypnose, notre cerveau est endormi. Loin de là ! Plusieurs études montrent que c'est exactement l'inverse qui se produit : nous sommes plongés dans un état de concentration mentale tellement intense que nous nous retrouvons momentanément déconnectés du présent, indifférents à la réalité extérieure. Pour David Spiegel, "l'hypnose est à la conscience ce qu'un téléobjectif est à un appareil photo - vous vous focalisez sur des détails, mais vous avez moins conscience du contexte". Chez les personnes particulièrement sensibles à l'hypnose, le fonctionnement en tandem du dlPFC et du dACC traduirait donc une meilleure capacité à se concentrer sur un élément précis en faisant abstraction du reste. Un phénomène qui s'applique à l'hypnose, mais qu'on retrouve aussi dans la vie quotidienne. D'après David Spiegel, "les personnes hautement hypnotisables se retrouvent spontanément absorbées par un bon livre ou un film".

DES SOUVENIRS EFFACÉS À LA DEMANDE

Aussi naturel soit-il, l'état dans lequel nous plonge l'hypnose transforme la façon dont on interagit avec le monde. En grande partie parce qu'avec l'hypnose, la volonté s'échappe. Dans une étude publiée en 2008, des chercheurs israéliens ont proposé une séance d'hypnose à des volontaires, alors qu'ils étaient sous IRM. Il leur était ensuite demandé d'oublier volontairement certains éléments d'une scène vue une semaine plus tôt. Résultat : leurs souvenirs s'effacent, sur simple demande ! Les personnes les plus sensibles à l'amnésie posthypnotique montrent une activation spécifique dans une zone du lobe frontal chargée d'inhiber le processus de rappel, comme si cette zone interdisait aux autres structures de s'activer. Cet état altère sûrement les processus de prise de conscience et d'attention, Avi Mendelsohn, à l'époque doctorant au Weizmann Institute of Science et aujourd'hui chercheur à la Mount Sinai School of Medicine de New York. C'est peut-être ce processus de veto qui se produit dans la vie quotidienne lorsque l'on ne veut pas se remémorer certains souvenirs". Bref, l'état hypnotique ne serait pas si éloigné de la façon dont on fonctionne dans la vie quotidienne...

LA SUGGESTIBILITÉ EST INHÉRENTE À L'ÊTRE HUMAIN

Président de l'AFEHM (Association française pour l'étude de l'hypnose médicale), Jean-Marc Benhaiem est directeur du diplôme universitaire d'hypnose médicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il décrypte les effets de la suggestibilité, au cour de l'hypnose.

Quels sont les effets de l'hypnose sur notre cerveau ?
L'hypnose ne fonctionne pas comme un médicament que l'on administre et qui viendrait modifier le cerveau. Cette technique agit en plusieurs phases : dans un premier temps, on place le patient dans une certaine confusion, on désactive ses processus attentionnels pour qu'il abandonne son mode de fonctionnement précédent. Dans l'étape suivante, les processus attentionnels sont réactivés et on assiste à une sorte d'ouverture qui peut permettre de résoudre le problème. C'est en passant par ces deux phases que le patient peut modifier sa perception.

Comment expliquer qu'il existe différents degrés de suggestibilité ?
La suggestibilité est à la base de processus d'apprentissage. Par exemple, un enfant qui ne serait pas suggestible n'apprendrait rien. Il est obligé de se rendre malléable et sensible pour apprendre. La suggestibilité est donc inhérente à l'être humain, elle est absolument nécessaire et fait partie du développement. C'est au cours de la vie, suivant les expériences, qu'elle va évoluer, restant très forte chez certains et diminuant chez d'autres.

Traite-t-on de la même manière des patients sensibles à la suggestion et ceux qui sont moins réceptifs ?
Les personnes très suggestibles vont réagir facilement à des suggestions directes : "votre main est comme anesthésiée, votre pied est comme un morceau de bois"... Les personnes peu suggestibles, quant à elles, suractivent la région qu'on cherche à insensibiliser lorsqu'on leur fait des propositions directes. En revanche, on s'aperçoit que le reste de leur corps est analgésié. Ces personnes ont donc bien une réaction à l'hypnose, mais elle est paradoxale. Avec elles, il faut attirer leur attention ailleurs, grâce à des suggestions indirectes.

LES CAHIERS DU MONDE DE L'INTELLIGENCE N°1 > Août-Septembre-Octobre > 2013
 

   
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