Les Secrets du Langage

Combien existe-t-il de Langues dans le Monde ?

TOUT COMPRENDRE MAX N°27 > Janvier-Mars > 2020

L'Apprentissage de la Langue Commence Avant la Naissance

Dès leur venue au monde, les bébés crient dans leur langue maternelle... Le cri des bébés possède l'accent tonique propre à sa langue maternelle.

Une étude franco-allemande a en effet enregistré et comparé les cris de soixante nouveau-nés pour moitié issus de familles françaises, et pour l'autre de familles allemandes. Résultat : une nette préférence pour les mélodies ascendantes chez les bébés français, et descendantes chez les bébés allemands, l'accent tonique se plaçant respectivement à la fin et au début du cri. Cette différence attesterait l'existence d'un apprentissage prénatal des rythmes et des mélodies de la langue durant le demier trimestre de la grossesse.

C.M. - SCIENCE & VIE > Janvier > 2010

Les Secrets du Langage : Lire, parler, partager...

Vous venez de lire ce titre ? Sans le savoir, vous êtes déjà sous le charme. Car la parole, qu'elle soit lue, écrite ou parlée, est magique : elle peut, en quelques mots, faire surgir dans notre cerveau des idées abstraites, des images, transférer des connaissances d'un humain à un autre. D'un humain seulement ? Sans conteste, c'est le langage qui fait l'homme, répondent les spécialistes. Les animaux communiquent bien sûr, parfois avec des systèmes très sophistiqués, comme les abeilles, mais ils n'ont pas cette variété de mots et de syntaxes qui donnent au langage sa capacité à exprimer tant de messages avec une infinité de sens possibles.

Ce n'est pas faute d'avoir essayé de leur apprendre. Dans les années 60, des expériences américaines ont tenté de faire parler des grands singes en les élevant comme des humains. En vain. D'abord, il y a une limite à leur appareil vocal : les chimpanzés par exemple ne peuvent produire que 12 phonèmes quand une langue humaine en compte jusqu'à 50 et que notre oreille peut en différencier 100. Ensuite, même avec des mots-objets, les singes parviennent à apprendre les symboles, mais pas à les combiner pour faire des phrases dignes d'un langage.
Pourquoi, alors, le bébé humain joue-t -il si vite et facilement avec des milliers de mots ? Parce que son cerveau est préformaté pour le langage, assurent les chercheurs. Son babillage, qui commence vers l'âge de 7 mois jusqu'à environ un an, serait d'ailleurs un galop d'essai destiné à entraîner sa bouche à exprimer des mots, certes très rudimentaires, mais déjà présents dans le centre du langage de son hémisphère gauche. La preuve ? Elle est avancée par la psychologue Laura-Ann Petitto, de l'université de Dartmouth, au New Hampshire : quand il babille, sa bouche est plus ouverte à droite, ce qui n'est pas le cas quand il sourit ou quand il vocalise. Or, de manière générale, le côté droit du corps est contrôlé par le cerveau gauche et vice versa.
Bien plus tôt encore, dès son tout premier jour, bébé est capable de discriminer la parole humaine des sons environnants. Pas de doute, le cerveau humain est "doué" pour le langage : extraire des mots d'un flux continu de parole, deviner la règle suivant laquelle ils ont été formulés, faire des analyses statistiques pour reconnaître les mots et les non-mots : de nombreuses expériences ont montré que tout ça n'est pour lui qu'un jeu d'enfant, qui relève pourtant de mécanismes complexes. Les chercheurs les déchiffrent en vue d'améliorer l'apprentissage des langues et de la lecture, et de soigner les troubles du langage. Ils proposent au passage quelques jeux simples et amusants pour comprendre comment la magie opère.

Des Chiffres et des Mots

L'articulation, qui permet le langage, existait déjà chez Homo sapiens à l'époque de l'expansion de l'art (-50.000 ans). Les scientifiques les plus prudents datent donc l'apparition du langage aux alentours de -100.000 ans. Mais de récentes études concluent que Homo ergaster (-1,8 million d'années), très proche d'Homo erectus (-1 million d'années), maîtrisait des formes de langage articulé. D'une part, la position basse de son larynx était propice au langage ; d'autre part, la fabrication d'habitat ou d'outils nécessitait des techniques impliquant une communication élaborée. Pour la même raison, il semble probable que Homo habilis (- 2,4 millions d'années), premier à avoir su façonner des outils, parlait déjà.

Nous sommes faits pour la GRAMMAIRE
Selon le linguiste américain Noam Chomsky, c'est une science innée chez l'homme. Avant cinq ans, les enfants utilisent une grammaire complexe pour former ou comprendre des phrases qu'ils n'ont jamais rencontrées auparavant, alors même qu'ils n'en ont pas encore reçu l'enseignement. Nous serions prédisposés à connaître a priori certaines structures de la langue.

L'aire de BROCA nous fait parler
Une idée vous vient en tête et vous voulez la partager ? Cette traduction de la pensée en parole se fait dans la région frontale inférieure gauche du cortex cérébral : cette zone, dite de Broca, a été découverte en 1861 par le neurochirurgien français Paul Broca.

On dénombre de 5000 à 6000 langues dans le monde
Le mandarin est la plus parlée avant l'anglais, l'hindi, l'espagnol ou l'arabe. Selon l'Unesco, 2500 langues sont menacées de disparition. 200 d'entre elles sont parlées par moins de dix personnes. En 2008, une des plus vieilles, l'eyak, a disparu avec le décès en Alaska de son dernier locuteur. En France métropolitaine, 13 langues sont en danger, dont le languedocien, le breton ou le picard.

Le LARYNX est notre instrument de musique
Il est composé de cartilages, de deux cordes vocales, de ligaments et de muscles. Lorsqu'on émet un son, les cordes vocales se rapprochent et vibrent sous l'effet de l'air expulsé de nos poumons. Les cavités de résonance du nez, de la bouche et du pharynx assurent la modulation des sons. Le larynx fonctionne à la fois comme un instrument à corde et à vent.

L'aire de WERNICKE nous fait comprendre
Lorsqu'on vous parle, votre cerveau perçoit d'abord des sons. Leur traduction en mots, en idées, se réalise dans la partie postérieure du lobe temporal gauche : la zone de Wernicke a été découverte en 1874 par ce neurologue et psychiatre polonais.

À 2 ans, notre vocabulaire est de 250 MOTS
Soit ce que peut comprendre un chien, selon une étude de l'université de Colombie britannique à Vancouver. D'après le Laboratoire de psychologie expérimentale de l'université Rennes 2, le vocabulaire acquis à l'école est de 4500 mots en CP (avec des disparités de 1000 à 8000 mots) et 9000 en fin de CM2. Il atteint 17.000 mots en 3è. Un adulte possède un vocabulaire de 50.000 à 100.000 mots.

Découvrez comment Fonctionne notre Langage en 7 exercices

Lapsus, mots sur le bout de la langue, confusions... nos petits écarts de langage en disent long sur la façon dont notre cerveau fonctionne. La preuve par les jeux...

Le 29 mars 2006. Dominique de Villepin annonçait "le Conseil constitutionnel rendra sa démission... décision, demain". Valéry Giscard d'Estaing s'exclamait quant à lui, à propos d'une élection : "Une érection, ça se prépare !" Ces lapsus sont révélateurs de la manière dont fonctionne le langage. Car la langue ne fourche pas au hasard : soit les mots sont très ressemblants (taille identique, syllabes communes), ce qui est l'une des preuves que notre cerveau va piocher le mot recherché dans un dictionnaire où ils sont classés selon différents critères. notamment leur forme : soit on inverse des phonèmes "le chour est faud", ce qui montre qu'ils doivent être "enfilés" comme des perles au moment d'être produits en mot et que le mot n'est pas encodé d'un tenant ; soit on amalgame "une idée à pieuser", mélange de piocher et creuser), mais toujours avec des mots sémantiquement (de sens) proches. Et ce, à l'oral, à l'écrit, au clavier, à la lecture ou à l'écoute, car la production de la parole partage avec les autres fonctions du langage de nombreuses structures en commun. Depuis une trentaine d'années, des linguistes et des psychologues cognitifs décortiquent nos lapsus et notre comportement linguistique pour analyser la manière dont se produit le langage. Pas besoin d'imagerie ou d'accidents cérébraux, de nombreux petits exercices nous donnent un accès direct aux méandres de notre cerveau. À vous de jouer !

1) Sur le bout de la langue

Donnez le nom en moins de 5 secondes :
- de l'objet en bois sur lequel un peintre pose une toile ;
- du poisson carnivore d'Amérique du Sud.

Si vous avez trouvé immédiatement, bravo ! Sinon, vous avez sans doute eu le mot "sur le bout de la langue". Rarement utilisé, il est enfoui trop loin dans votre cerveau. Car vous le connaissez. Vous en savez même beaucoup à son sujet. Faites l'expérience la prochaine fois que vous verrez quelqu'un avoir un mot sur le bout de la langue. Demandez-lui de vous dire le genre (féminin/masculin), la première lettre ou le premier son. Il pourra sans doute répondre à au moins l'un des trois. Chaque mot est en effet classé dans notre dictionnaire mental suivant ses propriétés grammaticales et phonologiques. Mais ces deux propriétés ne sont pas encodées ensemble : ceux qui se souviennent du genre ne savent pas toujours donner le son du début.

2) Entraînez-vous à dire le plus vite possible :

- Un chasseur sachant chasser fit sécher ses chaussettes sur une souche sèche.
En faisant la liaison :
- Je veux et j'exige, j'exige et je veux.
- Papier, panier, piano (à répéter trois fois).
- Si six cent scies scient six cents saucisses, six cent scies scieront six cent six saucissons.

Dur dur ! Et pour cause, vous demandez à votre cerveau d'articuler des sons qui se ressemblent de façon rapprochée dans le temps. Or pour produire un mot, vous devez choisir les sons à "enfiler" les uns derrière les autres. Les sons produits et les sons à produire se bousculent au portillon. Lorsqu'ils sont très proches, ils sont plus difficiles à discriminer les uns des autres. Vous mettez plus de temps à choisir entre 5 et ch qu'entre 5 et t. Tellement plus de temps, d'ailleurs, que vous finissez par produire le son suivant sans avoir fini de choisir le précédent... Au bout d'un moment le système déraille. De plus, à la sortie, l'appareil phonologique n'est pas entraîné à bouger les articulations pour produire de tels sons.

3) Holorime

Lisez à voix haute le poème suivant à quelqu'un. Puis demandez-lui de vous dire ce qu'il comprend.
- Des visages sans visage dévisagent cent visages. Des visages s'envisagent, dévisagent son visage.

Dans une phrase normale, le contexte permet de lever l'ambiguïté sans effort entre les nombreuses homophonies de la langue française (ex. : verre/vert/vers/vair, ver). Pour cette "holorime", seule l'orthographe permet de lever l'ambiguïté. Cela montre qu'à la lecture le cerveau peut aussi relier directement le mot au sens sans passer par le son.

4) Méli-mélo de letttes ou le cerveau devin

Lisez le texte ci-dessous, sans vous appesantir sur les fautes...
- Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dans un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dans un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot. La peruve.
- On pxxt moxtrxr lx mxxe chxse xn remplxxxnt qxelxxes lettxxes au hxxard xar dxx x. L'exxenxiel ext de ne pxs mxdifxer la lxxguxxr des mxts. Pr Ilrs vtr cry st cpbl d rcnsttr chq mt n l'bsnc ds vylls.

Cet énoncé présenté à un enfant de 6 ans en cours d'apprentissage est incompréhensible. Une fois qu'il a atteint un bon niveau de lecture, le cerveau ne lit plus lettre après lettre de manière séquentielle mais reconnaît en même temps une lettre et son contexte (la syllabe, le mot). Il peut alors utiliser la forme du mot pour le récupérer dans son "dictionnaire" : sa longueur et quelques lettres suffisent pour le reconnaître. Enfin, la chaîne de lettres, avec ou sans voyelles, partage probablement, à une étape de traitement, le même code car elle reste compréhensible. Mais si l'ordre des consonnes change, c'est fichu.

5) Mots en cascade : l'effet d'amorce

Posez les questions suivantes à votre entourage et notez leur réponse
- Combien d'animaux Moïse a mis dans l'Arche ?
- De quelle couleur sont les nuages ?
- De quelle couleur est la neige ?
- Que boit la vache ?

À la question n°1, ont-ils répondu deux ? C'est la réponse la plus fréquente (sans doute car on imagine les animaux monter deux par deux dans l'Arche)... mais fausse. Moïse n'a rien à voir avec l'Arche de Noé. Le cerveau est induit en erreur : on attire son attention sur une information principale (le nombre) et on amorce la représentation de Noé en parlant d'animaux, d'un personnage biblique et d'Arche. Car dans le cerveau, tout se passe comme si, quand on met le projecteur sur un mot, tous les autres mots associés sont en même temps éclairés. Idem pour la dernière question. On allume "blanc" et "vache" et le terme "lait" se met à scintiller dans le cerveau... qui pourtant sait très bien qu'une vache boit de l'eau.

6) La voix muette

Lisez mentalement le texte suivant avec l'accent british.
- Ung joor vare meedee ger preelotobus poor la port Changparay. Eel aytay congplay, praysk. Jer mongtay kang maym ay lar jer ay ger vee ung ohm ahvayk ung long coo ay ung chahrpo hangtooray dunn saughrt der feessel trayssay. Sir mirssyer sir mee ang caughlayr contrer ung ingdeeveeduh kee luhee marshay suhr lay peehay, puhee eel arlah sarsswar.

Pour réussir à lire ce texte, vous avez nécessairement converti les lettres (graphèmes) en sons (phonèmes) et fait appel à la "voie phonologique". Même pour un texte écrit normalement, le cerveau fait cette transformation automatiquement. Cela a été montré avec des exercices de classification de mots par famille. Les homophones sont souvent classés de façon erronée. Ainsi, s'il n'est pas attentif, le cerveau traitera le "saut" comme un "seau", et le classera avec "pelle". Ce qui montre l'existence d'une petite voix muette dans le cerveau qui accède au sens d'un graphème via le son.

Colonne 1
Colonne 2
Vert
Rouge
Jaune
Bleu
Rouge
Jaune
Bleu
Vert
Jaune
Rouge
Bleu
Vert
Rouge
Jaune
Vert
Rouge
Jaune
Bleu

Vert
Rouge

7) Test de Stroop

Pour chaque mot suivant, dites le plus vite possible la couleur que vous percevez. Chronométrez le temps pour la colonne 1 et comparez avec la colonne 2.

Pour la 1re colonne, vous n'avez aucune difficulté à répondre, car mot et couleur correspondent.

Pour la 2e, le mot que vous souhaitez produire (la couleur) entre en conflit avec celui que le cerveau traite par automatisme (le mot lu).

Cela reflète comment les mots se battent entre eux au moment où l'on cherche à produire le mot juste. L'attention requise pour que le processus non automatique "passe devant" le processus automatique est importante.

Dossier : Frederika Van Ingen, Adélaïde Robert-Géraudel, avec Margaux Girard

ÇA M'INTÉRESSE > Octobre > 2009
 

   
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