Connue pour favoriser les liens sociaux, l'ocytocine, surnommée "hormone de l'amour", influence aussi notre capacité à nous souvenir des visages. Des analyses comportementales et génétiques, menées par une équipe anglo-finlandaise auprès de 200 familles, l'ont révélé : la difficulté à se rappeler un visage déjà vu est liée à une simple variation du gène codant pour le récepteur de cette hormone. De quoi ouvrir des pistes pour la prise en charge de l'autisme, où le traitement de l'information sociale est perturbé.
Le campagnol est un petit rongeur monogame. Or, un chercheur a découvert que l'attachement qui lie les deux partenaires laisse une empreinte au niveau de leurs gènes. Une preuve inédite en faveur de la "profondeur" des sentiments. L'ADN est décompacté par une réaction chimique, ce qui améliore la réceptivité du cerveau à deux molécules liées à l'attachement... ...c'est ce qui explique la fidélité du campagnol. Ne dit-on pas, lorsqu'on est amoureux, qu'on a l'autre dans la peau ? Peut-être devrait-on dire qu'on l'a... dans les gènes ! C'est du moins le cas pour le campagnol des prairies, un petit rongeur nord-américain qui a la particularité d'être monogame : après l'accouplement, il reste toute sa vie auprès de son partenaire. Or, Mohamed Kabbaj, de l'université de Floride (États-Unis), a découvert que chez cet animal, l'attachement qui le lie à son "âme sour" dès le premier acte sexuel se traduit, au plus profond de lui, par une modification de son ADN - ou un changement dans sa configuration, qualifié d'épigénétique. L'affection est bel et bien une histoire d'alchimie. LA CHIMIE DE L'ATTACHEMENT Depuis plusieurs années on connaissait l'importance de deux molécules, l'ocytocine et la vasopressine, dans les mécanismes neurobiologiques d'attachement chez les mammifères, notamment entre la mère et son petit. Et justement, le processus épigénétique mis au jour par Mohamed Kabbaj a pour effet d'augmenter la réceptivité à ces molécules d'une zone cérébrale de la femelle du campagnol, le noyau accumbens. Plus précisément, après l'accouplement, il s'y produit une augmentation d'une réaction chimique, appelée acétylation de l'ADN : de plus en plus de groupes acétyles (COCH3) viennent "décompacter" l'ADN enroulé dans les cellules, juste au niveau des gènes codant pour les récepteurs à l'ocytocine et à la vasopressine, ce qui a pour effet de faciliter l'expression de ces gènes. Ce n'est donc pas, comme on pouvait le croire, une hausse de la concentration de l'ocytocine et de la vasopressine dans le cerveau qui entraine le mécanisme d'attachement, mais une augmentation de la réceptivité du cerveau à ses molécules. Le chercheur a alors vérifié si, même en l'absence d'accouplement, on pouvait provoquer artificiellement l'attachement de deux campagnols. Eh bien oui ! Si l'on injecte une drogue, la trichostatine A, capable d'augmenter l'acétylation de l'ADN, chez une femelle ayant seulement cohabité quelques heures avec un elle devient alors sa fidèle compagne... Pour Mohamed Kabbaj, ces résultats en annoncent d'ores et déjà d'autres : "Si nous avons élucidé les bases d'initiation de la monogamie, il est très probable que d'autres mécanismes entrent en jeu dans son maintien".
Connue pour favoriser l'amour maternel, l'harmonie au sein du couple, l'orgasme... l'Ocytocine serait-elle alors la clé biologique de la paix entre les hommes ? En 2010, des expériences ont tranché. Surprise : cette hormone engendre aussi une forme d'agressivité. Que serions-nous sans l'ocytocine ? Des êtres moins humains que nous le sommes, au meilleur sens du terme. Cette hormone, produite essentiellement par l'hypothalamus (ocytocine sous forme cristallisée ->), une partie interne du cerveau, est impliquée dans nombre de nos comportements parmi les plus bénéfiques : elle favorise l'attachement de la mère à ses enfants, les contractions de l'accouchement, la lactation, ainsi que l'intensité de l'orgasme, la générosité ou encore la quiétude au sein du couple. Au point qu'on l'a surnommée la "molécule de l'amour". Mais jusqu'où s'étend l'influence de l'ocytocine ? Cette hormone pourrait-elle être la clé biologique de la paix entre tous les hommes ? Au mois de juin 2010, une découverte a enfin permis d'apporter une réponse, aussi réjouissante que... décevante. L'équipe de Carsten De Dreu, du département de psychologie de l'université d'Amsterdam, a en effet montré que si la "molécule de l'amour" promeut bien l'altruisme, cette noble attitude se limite toutefois au groupe auquel appartient l'individu sous son influence. Darwin parlait "d'altruisme de clocher", d'autres d'esprit de corps ou de "supporter". RECHERCHE ACTIVE DE SÉCURITÉ "D'autres études ont montré que l'attachement, via le contact physique, les compliments, déclenche la sécrétion d'ocytocine, répond Carsten De Dreu. Nous pensons donc que la recherche active de protection et de sécurité au sein d'un groupe peut, en retour, promouvoir l'agression défensive d'autres groupes perçus comme une menace". Une hypothèse partagée par Elissar Andari, du Centre de neuroscience cognitive de l'université Lyon-1. La chercheuse a montré en mai dernier que l'inhalation d'ocytocine améliore les capacités d'interactions sociales des autistes légers. Invités à échanger des passes de ballon avec deux joueurs, l'un retournant toujours la balle, l'autre la passant systématiquement au troisième joueur, les autistes ne font pas la distinction entre le "gentil" et le "méchant" joueur... Sauf sous l'influence de l'ocytocine. Là, ils ne jouent plus qu'avec le "gentil" ! "Si l'ocytocine induisait uniquement l'altruisme et non pas l'altruisme de clocher, explique la chercheuse, elle aurait dû augmenter la coopération avec les deux partenaires".
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