L'ancêtre de tous les animaux lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.

SVJ : Capsaspora owczarzaki ?
Capsaspora owczarzaki : Waouh, c'est la première fois que j'entends mon nom prononcé correctement !

C'est l'entrainement, trois semaines que je tourne dans la jungle en le hurlant. Vous n'êtes pas facile à dénicher !
Pour vivre heureux, vivons cachés dans le sang d'un escargot tropical, c'est ma devise.

Vous n'auriez peut-être pas laisser l'équipe barcelonaise d'Inaki Ruiz-Trillo analyser vos gènes, alors. Les paparazzis sont à vos trousses depuis que ces scientifiques vous ont attribué le titre de "plus proche parent connu des animaux".
Oh, je ne suis qu'un simple filastérien. Un cousin des amibes, un petit être tentaculaire de rien du tout.

Quoi, une bactérie ?
Pas d'insultes, hein ! Je ne suis composé que d'une cellule, comme les bactéries, mais j'ai un noyau, moi, avec mon ADN dedans, comme les animaux !

Si je puis me permettre, nous les animaux sommes constitués de milliers, voire des milliards de cellules.
Et pour que vous en arriviez là, des bestioles dans mon genre ont dû faire amies-amibes il y a 800 millions d'années, alors respect ! Elles se sont regroupées pour former des colonies, puis de véritables organismes. Cela reste l'un des plus grands mystères de l'évolution. Mystère dont je suis, en toute modestie, l'une des clés.

D'après Iñaki Ruiz-Trillo, vous possédez en effet certains gènes que l'on croyait propre aux animaux. Le gène de l'intégrine, par exemple, une sorte de glu qui sert à maintenir les cellules ensemble. Un peu comme le mortier entre les briques d'un mur. Mais quel usage une brique solitaire peut-elle faire d'une telle colle ?
Qu'est-ce que j'en sais, moi, je ne suis pas biologiste moléculaire ! Et à vrai dire, on s'en fiche. L'intêrét de cette découverte, c'est de montrer que le passage d'une seule cellule à un organisme pluricellulaire a été bien plus facile qu'on ne le pensait ! Pour reprendre votre métaphore de maçon, les briques produisaient sans doute cette substance avant même de commencer à s'empiler. Elles n'avaient pas besoin de mortier alors, et cette protéine leur servait à autre chose. Mais quand le mur a commencé à se monter, l'intégrine a été détournée de son usage initial pour servir de mortier. Vous comprenez ? La nature a bricolé la glu qui maintient vos cellules entre elles avec ce qu'elle avait sous la main !

C'est comme les ancêtres des dauphins, dont les nageoires se sont formées à partir de pattes ?
Exactement. Du bricolage.

J'ai une dernière question. Vous m'avez l'air bien, seule dans votre escargot. Qu'est-ce qui a poussé ces ancêtres des animaux, qui vous ressemblaient tant, à se regrouper ?
Ils en ont tiré bien des avantages ! Certes, ils ont renoncé à leur capacité de vivre seuls. Mais, en contrepartie, chaque cellule pouvait compter sur l'aide de toutes les autres, ce qui leur a permis de se spécialiser, certaines dans la reproduction, d'autres dans la nutrition ou le déplacement. Un organisme de mille cellules est beaucoup plus efficace que mille cellules individuelles : c'est une armée de spécialistes là où nous, les protistes, ne formons qu'une bande de touche-à-tout.

Vous êtes amer ?
Mettez-vous à ma place : il y a 800 millions d'années, nous étions au top de l'évolution. Depuis que les animaux multicellulaires sont apparus, ils ont prospéré (7 millions d'espèces) et nous ont chassés de la plupart des niches écologiques que nous occupions. Moi, pour survivre, j'ai dû me réfugier dans un escargot. Quelle ironie !