Les bonobos réagissent au son de la voix d'un compagnon perdu de vue depuis cinq ans.

Ils le reconnaissent ! Du jamais vu chez les grands singes. Mais passé huit ans, plus rien. Ne peuvent­ils pas retenir l'information plus longtemps ? Ou leur voix change­t­elle ?

Gorilles, babouins, chimpanzés tous les grands singes pratiquent l'infanticide... sauf le bonobo.

Cette espèce serait même la preuve du succès de la stratégie de multiplication des partenaires. La femelle bonobo compte en effet beaucoup plus de partenaires sexuels que l'espèce voisine des chimpanzés, rendant totalement inutile l'infanticide. La compétition ne se passe plus entre mâles mais entre spermatozoïdes de chaque individu, ce qui a amené à l'augmentation de la grosseur des testicules. Alors que le chimpanzé pèse en moyenne 45 kg contre 40 kg pour un bonobo, celui-ci a des bourses 15 % plus grosses.

Les bonobos sont connus pour être des créatures pacifiques. Ainsi, pour régler les conflits, ils ont plus volontiers recours aux rapports sexuels qu'à la bagarre.

Les mâles entretiennent des amitiés platoniques avec les femelles et restent attachés à leur mère, même à l'âge adulte. D'où vient cette bonhomie ? Selon les chercheurs de l'Institut Max-Planck de Leipzig [Allemagne), elle s'expliquerait par le maintien, même après la puberté, d'un taux élevé d'hormones thyroïdiennes - ce qui n'est le cas ni chez les chimpanzés, plus agressifs, ni chez les hommes.
À partir d'échantillons d'urine de 96 bonobos et de 100 chimpanzés, âgés de 1 à 56 ans et vivant en captivité, les scientifiques ont observé que la chute de ces hormones survient bien plus tard chez les premiers (vers 20 ans) que chez les seconds (vers 10 ans). Selon eux, ce décalage correspondrait au retard, constaté, du développement des fonctions cognitives chez les bonobos, et expliquerait également leur non-agressivité. En quelque sorte, ces singes resteraient d'éternels enfants. Mais le plus intéressant, selon Verena Behringer, la chercheuse à l'origine de cette découverte, c'est que "la baisse du taux d'hormones thyroïdiennes des humains modernes, qui a lieu entre 12 et 15 ans, se situe entre celle des chimpanzés et celle des bonobos. Ce qui ouvre la possibilité de spéculer sur le rôle de ces hormones dans l'évolution".

Les bonobos partagent plus volontiers leur nourriture avec des congénères étrangers qu'avec les membres de leur propre groupe. Tel est le surprenant résultat d'une expérimentation développée par deux chercheurs de l'université Duke (États-Unis).

Quinze individus issus de 2 groupes différents, n'ayant eu entre eux que des contacts visuels et sonores (comme c'est le cas dans la nature), ont été soumis à divers tests. Dans les premiers, les singes disposaient de nourriture qu'ils pouvaient choisir de déguster seuls ou de partager en libérant un compagnon enfermé dans une pièce adjacente - membre de leur groupe ou étranger. Non seulement les bonobos se sont révélés enclins à renoncer à de la nourriture au profit d'une relation avec un congénère, mais ils ont en outre privilégié les étrangers. Dans un second temps, ils pouvaient toujours délivrer un congénère mais sans pouvoir prendre leur repas avec lui. Malgré cela, les singes ont continué à aider leurs semblables. Pour les deux chercheurs, cette étude renforce l'idée selon laquelle l'altruisme n'est pas le propre de l'homme. Et ne prend donc sa source ni dans le langage, ni dans les règles de coopération et d'affrontement, ni encore dans les normes sociales, mais dans une forme de sélection privilégiant la tolérance et la création de lien social en dehors du groupe.

Kanzi, le bonobo déjà célèbre pour son apprentissage du langage, continue à défrayer la chronique scientifique : un article paru cet été détaille comment ce singe élevé en captivité taille ses outils de diverses façons selon leur usage, comme les premiers Homo.

Les chercheurs du Great Ape Trust, aux États-Unis, ont mis Kanzi, un mâle de 30 ans, et sa compagne Pan Banisha, au défi d'extirper de la nourriture scellée dans un rondin de bois ou enfouie dans du sable, de la boue, ou sous un sol dur. Les deux singes ont tout d'abord taillé des silex par percussion directe, ce qu'ils avaient appris à faire dans les années 1990. Mais Kanzi s'est révélé le plus patient et le plus inventif : il a ensuite fabriqué de gros éclats qu'il a utilisés comme tranchoir, puis comme écarteur. Il a aussi produit différents éclats plus fins dont il s'est tour à tour servi pour gratter, forer et percer la fente de colle de la bûche, son point le plus faible. Les deux singes ont enfin creusé les sols avec des pelles de bois ou de silex selon leur dureté.
Peut-on parler ici de "simple dressage", comme le suggère le spécialiste des outils préhistoriques Éric Boéda, de l'université Paris-X ? Des chimpanzés sauvages ont déjà été observés se taillant des lances pour chasser, ou retouchant leurs baguettes de pêche à termite avant de s'en servir. Nul ne sait si leurs cousins bonobos peuvent tailler spontanément des silex à l'état sauvage. Mais ils sont indéniablement des animaux faber, c'est-à-dire susceptibles de fabriquer des outils. Une capacité qui semble remonter à l'ancêtre commun aux Homo et aux grands singes.