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Les Derniers Mystères de l'Univers

Les 7 Grands Mystères de l'Univers


COMMENT ÇA MARCHE N°86 > Septembre > 2017

Les 8 Énigmes qui Défient encore les Physiciens

Depuis un siècle, la physique a bâti un extraordinaire édifice théorique pour décrypter notre monde, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Pourtant les physiciens savent que des questions demeurent. Des questions très embarrassantes !

Demandez à un physicien ce que l'on sait aujourd'hui de l'Univers. Si c'est un spécialiste de l'infiniment petit, il vous dira que l'Univers est un monde peuplé de particules, régies par des lois, dont l'organisation est expliquée par un modèle : le "modèle standard de la physique des particules". Etabli dans les années 70, et finalisé ensuite, notamment grâce aux observations réalisées au LEP (Large Electron Positron), l'ancien accélérateur de particules du Cern, à côté de Genève, ce modèle recense toutes les particules qui composent et animent la matière. On compte ainsi douze briques élémentaires : six quarks (dont deux constihlent les protons et les neutrons, au cour des atomes), un électron, un muon, un tau et trois neutrinos de masses diverses.

QUANTIQUE ET RELATIVITÉ : Ces particules élémentaires s'échangent 12 autres particules qui véhiculent les forces, telles que la force électro-magnétique, ou la force forte qui assure la cohésion des noyaux atomiques : il s'agit des 8 sortes de gluons, du photon et des bosons w+, w- et z. Ainsi s'organisent les éléments premiers de la matière, selon le modèle. Un modèle très fiable, puisque toutes les particules qu'il décrit ont été observées, et qu'il repose sur un outil théorique incontournable : la mécanique quantique. Inventée au début du XXè siècle, cette théorie a montré que les objets élémentaires n'étaient nicomplètement des particules ni complètement des ondes, mais plutôt des "quantons", capables de s'exprimer sous ces deux formes selon le moyen d'observation adopté par le physicien. Elle s'appuie sur un formalisme mathématique très complexe mais qui s'est révélé d'une fécondité exemplaire. Lasers, ordinateur, énergie nucléaire... on lui doit une grande partie des technologies contemporaines.
Demandez maintenant ce que l'on sait de l'Univers à un spécialiste de l'infiniment grand, autrement dit un astrophysicien. Lui vous dira que l'Univers est un monde peuplé d'étoiles, de planètes et de galaxies, dont l'histoire est décrite par le second modèle standard de la physique, le "modèle standard du big bang". D'où il ressort que, parti d'un état très chaud et très dense il y a environ 13,7 milliards d'années, l'Univers, peuplé alors de particules fondamentales, n'a cessé de s'étendre et de refroidir, autorisant le regroupement de ces particules, puis les premiers amas de matière jusqu'aux amas de galaxies actuels, les plus grandes structures que l'on observe.
Prenant sa source dans les travaux du Russe Alexandre Friedmann et du Belge Georges Lemaître, dans les années 20, ce modèle d'un univers en expansion est, tout comme le modèle standard des particules, étayé par un outil théorique extrêmement performant qui n'a jamais étémis en défaut : la relativité générale, élaborée en 1916 par Albert Einstein. Ce sont ses lois qui régissent le regroupement des galaxies, et le mouvement des planètes autour de leur étoile. Tout comme le modèle standard des particules, celui du big bang a été conforté par des observations qu'il avait prévues, à commencer par le rayonnement cosmologique fossile, dont le satellite WMAP a dressé la carte la plus précise en 2003. C'est dans cette première lueur de l'Univers parvenue jusqu'à nous, née de la séparation de la matière et de la lumière environ 300.000 ans après le big bang, que les astrophysiciens ont retrouvé l'empreinte des premiers grumeaux qui ont donné naissance aux galaxies, ainsi que de précieuses indications sur la géométrie de l'Univers et son âge.
En 2003, le satellite WMAP confirmait la présence du rayonnement cosmologique fossile, ainsi que le prévoyait le "modèle standard du big bang".

Tout l'Univers peut donc se résumer ainsi : deux mondes, celui de l'infiniment petit et celui de l'infiniment grand, que décrivent deux modèles standard, celui des particules et celui du big bang, eux-mêmes appuyés par deux théories physiques, la mécanique quantique et la relativité générale, que vérifient respectivement deux instruments : un accélérateur et un satellite. Tout l'Univers ? Pas tout à fait. Car les physiciens ont d'autres certitudes... embarrassantes cette fois ! Par exemple, ils savent que la mécanique quantique et la relativité générale sont incompatibles : impossible, en relativité générale, de décrire la gravitation comme un échange de particules. Dans ces conditions, nul ne doute que ces deux immenses piliers théoriques devront un jour être chapeautés par une théorie supérieure dont ils ne seront que des cas particuliers. Ce n'est pas tout. Car les scientifiques savent aussi que l'expansion de l'Univers est en train de s'accélérer... ce que le modèle standard du big bang n'explique pas ! Ils savent encore qu'il existe une matière "sombre" qui, bien que présente en plus grande quantité que la matière visible dans l'Univers, reste mystérieuse. Et ils savent que la matière possède un double caché, une "antimatière", qui a presque disparu de l'Univers. Enfin, ils ont mesuré la masse de chacune des particules, qui ne sont pas prévues par le modèle standard !

PÉRIODE D'OBSERVATIONS FASTE : Les physiciens en sont là aujourd'hui : leurs certitudes les conduisent inéluctablement vers d'autres interrogations. Un paradoxe que résume ainsi Pierre Binétruy, directeur du laboratoire Astroparticules et cosmologie (APC) à Paris : "Nous vivons une Période faste : jamais on n'en a su autant, jamais on ne s'est appuyé sur une aussi solide description du monde, et au même moment, jamais on ne s'est posé autant de questions !" Parfois, c'est l'observation d'un phénomène inattendu qui les a poussés vers l'impasse. C'est le cas de l'accélération de l'expansion de l'Univers, dont témoigne l'observation d'explosions d'étoiles lointaines, et que les physiciens ont mis sur le compte d'une mystérieuse "énergie sombre". C'est le cas aussi de l'existence de la fameuse "matière sombre", révélée par le mouvement des galaxies. Dans d'autres cas, ce sont les théories elles-mêmes qui ont fait jaillir des interrogations.
Ainsi, le modèle standard des particules n'explique pas encore d'où vient la masse de ces dernières, ni pourquoi elles se sont imposées face aux antiparticules, quasiment absentes de l'Univers. Sans compter l'incompatibilité entre relativité générale et mécanique quantique. Seront-elles un jour harmonisées ? Et si la gravitation, la force qui régit l'infiniment grand, est si faible par rapport aux autres, est-ce parce qu'elle se perd en partie dans des dimensions supplémentaires de l'espace ? Enfin, certaines questions restent en suspens tout simplement parce que les physiciens n'ont pas aujourd'hui les instruments qui leur permettraient d'y répondre. On ignore encore comment se forment les galaxies, faute de pouvoir observer les plus lointaines d'entre elles, c'est-à-dire les premières à s'être formées dans l'Univers. Et c'est peut-être aussile progrès des télescopes qui permettra un jour de répondre à cette question toute humaine : la vie existe-t-elle ailleurs que sur Terre ? Heureusement pour les physiciens, si la période actuelle est propice aux questionnements, elle est aussi "faste pour les expériences et les observations", rappelle Pierre Binétruy. À commencer par les successeurs de l'accélérateur LEP et du satellite WMAP que sont le LHC (Large Hadron Collider) et le satellite Planck, actuellement dans les "starting-blocks" : le premier doit entrer en service dès la fin de l'année, et le second sera mis en orbite en milieu d'année prochaine. Quant à leurs successeurs respectifs, ils germent déjà dans les cerveaux des scientifiques. "Dans vingt ans, on n'aura peut-être pas résolu toutes les questions, mais on se les posera sans doute différemment", conclut Pierre Binétruy.

 1/ Que Cache la Matière Sombre ?

Anomalies dans la rotation des galaxies, masse manquante dans les amas... tous les indices concordent. Et depuis l'analyse des observations effectuées par le satellite WMAP, lancé en 2001 par la Nasa, plus aucun doute n'est permis : 85 % du contenu en matière de l'Univers est non seulement invisible, mais de nature totalement inconnue !

Certes, ce n'est pas la première fois que les physiciens sont confrontés à "quelque chose" dont ils détectent les effets mais dont la nature leur échappe. Et sur laquelle on ne peut faire que des hypothèses invérifiables ! Ce fut le cas du neutrino, "inventé" trente ans avant d'être observé ! Mais cette fois, la masse manquante est colossale. Au point que certains physiciens pensent qu'il s'agit d'une illusion : si nous croyons percevoir la matière sombre, ce serait tout simplement parce que la loi de la gravitation que nous utilisons depuis Newton n'est pas la bonne. C'est en tout cas le point de vue de l'astrophysicien israélien Mordehai Milgrom qui, depuis 1983, défend une théorie nommée MONO (pour MOdified Newton Dynamics). Mais aucune observation n'est jamais venue l'étayer... Pour la plupart des scientifiques en tout cas, la matière sombre n'est pas une illusion : elle est probablement constituée de particules encore inconnues, dont ils dressent des portraits-robots, guidés par diverses théories. Ainsi, la supersymétrie, une théorie candidate à la grande unification des forces, prédit ses propres particules hypothétiques qui pourraient constituer la matière sombre : la famille des "wimps" (pour weakly interacting massive particules), dont la plus légère est le neutralino.

L'ÉTAU SE RESSERRE : Comme l'explique Pierre Fayet, au Laboratoire de physique théorique de l'Ecole normale supérieure, à paris, "dans l'Univers actuel, la quantité résiduelle théorique de neutralinos issus du big bang est compatible avec la matière sombre. Et ce candidat est d'autant plus crédible qu'il n'a pas été inventé dans ce contexte." Un autre postulant sérieux est l'axion, une particule qui, là aussi, n'existe que sur le papier, mais qui permettrait d'expliquer pourquoi les quarks, constituants élémentaires des noyaux atomiques, respectent une certaine symétrie. Mais ces deux candidats sont loin d'être les seuls ! C'est dire si la mise en service du LHC, le futur accélérateur de particules du Cern est attendue avec impatience. Car si les hypothèses précédentes recèlent le moindre soupçon de réalité, il ne fait aucun doute que quelques grains de matière sombre apparaîtront dans le tamis de l'accélérateur géant ! A moins que la première particule fantôme, arrivant directement du cosmos, ne frappe l'un des détecteurs qui sont enterrés en divers endroits de la planète, tel Edelweiss, dans le tunnel du Fréjus, chargé de traquer les wimps.
Et s'il ne se passe rien, les astrophysiciens pourront toujours se tourner vers le satellite Gaia (dont le lancement est prévu pour 2012) afin d'en apprendre davantage. Sa mission : mesurer la position et la vitesse d'un milliard d'étoiles dans notre galaxie, afin de déterminer avec une précision nouvelle la distribution de matière sombre dans la Voie lactée. On le voit, si cela fait plus de 70 ans que la matière sombre nargue les astrophysiciens, l'étau se ressert. Et de l'avis de Pierre Astier, du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies, à Paris, "d'ici à quelques années, nous aurons probablement bien avancé."

M.G. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2007

 2/ Existe-t-il des Dimensions Cachées ?

Combien y a-t-il de dimensions ? À priori, trois (largeur, longueur et hauteur). Ou quatre, si l'on y ajoute le temps. Cela dit, plus d'une théorie physique envisage que "Univers contienne des dimensions supplémentaires, jusqu'ici restées invisibles ! Par exemple, on peut imaginer qu'il existe de minuscules dimensions repliées sur elles-mêmes.

Pour comprendre, prenez un fil tendu entre deux poteaux : pour un funambule, ce fil n'a qu'une dimension, mais pour un insecte qui en fait le tour, il en a deux. Ainsi, de minuscules dimensions supplémentaires pourraient nous demeurer invisibles... À moins qu'à l'inverse, elles ne soient immenses !

JUSQU'À 26 DIMENSIONS : Imaginez, en effet, que notre espace à trois dimensions flotte dans un espace plus vaste. Nous serions alors dans notre Univers exactement comme les amibes à la surface d'une mare : sans conscience ni de la profondeur de l'eau ni de l'espace extérieur ! Evoquée dans les années 20, cette hypothèse reprit vie dans les années 70, avec la théorie des cordes. Imaginée pour unifier les quatre forces fondamentales de la nature, elle invoque un univers à 10, 11 ou même... 26 dimensions !
Comme l'explique Cédric Deffayet, à l'Institut d'astrophysique de Paris, "sans ces dimensions supplémentaires, la théorie ne respecte pas certaines symétries mathématiques essentielles à sa cohérence physique". Le problème, c'est que personne n'a jamais vu de dimension supplémentaire ! Certes, d'aucuns pensent que la désintégration de certaines particules dans le futur LHC (Large Hadron Collider) pourrait signer leur fuite dans des dimensions cachées... Et de son côté, Gary Shiu, de l'université du Wisconsin, à Madison (États-Unis), a proposé une méthode pour détecter la trace de dimensions supplémentaires dans le rayonnement cosmologique fossile, émis 300.000 ans après le big bang qui baigne encore aujourd'hui l'Univers. Oui, mais il faudra au moins attendre que le satellite Planck (prévu pour 2008) ait cartographié avec précision ce rayonnement. Jusqu'à nouvel ordre, l'Univers ne compte que quatre dimensions !

M.G. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2007

 3/ Existe-t-il une "Théorie du Tout" ?

C'est, depuis toujours, le fil d'Ariane de la physique théorique : décrire l'ensemble des phénomènes avec le moins possible de lois et de principes. Jusqu'à il y a peu, les faits se sont plutôt bien pliés à cette exigence.

Ainsi Newton a-t-il montré au XVIIè siècle que la chute des corps et le mouvement des planètes avaient une seule et même cause : l'attraction universelle. Quant à Maxwell, deux siècles plus tard, il a rassemblé en un seul corpus l'électricité et le magnétisme. Aujourd'hui, on admet que l'univers physique compte 4 forces fondamentales : la gravitation, qui se manifeste à grande échelle (planètes, étoiles) ; l'électromagnétisme, qui lie les électrons aux noyaux atomiques ; et les interactions nucléaires forte et faible qui, elles, n'ont de manifestation qu'à l'échelle des particules élémentaires. Question : ces quatre forces sont-elles les facettes d'une unique interaction encore plus fondamentale ? La réponse est partiellement positive. Dans les années 60, les physiciens américains Sheldon Glashow, Abdus Salam et Steven Weinberg ont en effet réussi à fondre dans un formalisme unique l'électromagnétisme et l'interaction faible, donnant naissance à la théorie électrofaible.

LE GRAAL THÉORIQUE : Et en 1983, Carlo Rubbia et Simon van der Meer, au Cern, ont effectivement montré qu'à haute énergie, les deux forces ne font qu'une. Poursuivant leur rêve d'unité, les physiciens ont ensuite tenté de marier la théorie électrofaible avec l'interaction forte, créant sur le papier la théorie de la grande unification (GUT), génératrice d'une myriade de nouvelles particules, restées jusqu'ici introuvables. Qu'importe. Cela ne les a pas empêchés, dès les années 80, de s'attaquer au plus difficile : unir la théorie de la relativité générale, qui décrit la gravitation et règne sur le monde de l'infiniment grand, avec la mécanique quantique, qui régit l'infiniment petit et le comportement des particules. Un vrai casse-tête, tant les deux mondes semblent s'ignorer. Comment les marier ? En imaginant une "théorie du tout" qui réconcilierait enfin relativité et quantique. Plus facile à dire qu'à faire... La tentative la plus avancée, appelée "théorie des cordes", postule que les objets les plus élémentaires de l'Univers ne seraient pas des particules, mais de minuscules cordes ou des membranes, de l'ordre de 10-35 mètre. Séduisante, car elle permet d'éviter un certain nombre d'absurdités mathématiques qui apparaissent lorsqu'on tente l'unification des forces dans un cadre conceptuel plus "classique", cette approche a néanmoins donné naissance à une multitude de théories parentes, que les spécialistes sont bien en peine de départager ! Par ailleurs, aucun test expérimental ne semble aujourd'hui en mesure de confirmer ou d'infirmer la théorie des cordes. Ce qui est pour le moins problématique dans le cadre d'une approche scientifique. Comme le dit Pierre Fayet, au Laboratoire de physique théorique de l'Ecole normale supérieure, à Paris, "la théorie est formidable, mais aucun miracle ne s'est produit. Sommes-nous allés trop loin, avons-nous manqué un virage ?" Il est trop tôt pour le dire. Une chose est sûre, et ceci alors que d'autres approches ont aussi été proposées pour la "grande unification", les physiciens sont encore très loin d'avoir trouvé ce Graal théorique derrière lequel court toute la physique.

M.G. - S&V > Juillet > 2007

 4/ Quelle est la Nature de l'Énergie Sombre ?

"Il y a encore dix ans, c'était une élucubration de théoriciens", se souvient Pierre Astier, du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies, à Paris. Depuis, il a fallu se rendre à l'évidence : une mystérieuse énergie accélère l'expansion de l'Univers. Une énergie d'une nature totalement inconnue mais qui, pourtant, représenterait plus de 70 % du contenu du cosmos ! Le reste étant composé à 25 % de matière sombre et à 5 % de matière ordinaire" comme celle dont nous sommes faits.

Pour comprendre, il faut se rappeler que le modèle du big bang décrivait auparavant un univers en cours de dilatation à partir d'un état "initial" très dense et très chaud. Partant de là, les cosmologistes se demandaient si cette expansion, sous l'effet des forces de gravitation, allait un jour s'arrêter, ou bien ralentir. Or, ironie de l'histoire, c'est en voulant mesurer cette décélération que deux équipes indépendantes, le Supernova Cosmology project et la High-Z Supernova Search Team, vont découvrir, en 1998, que la dilation de l'Univers s'emballe au contraire depuis 5 à 6 milliards d'années ! Un choc. C'est en cherchant à mesurer la distance et la vitesse d'éloignement de supernovae de type "la" (des explosions d'étoiles très lumineuses et donc visibles à plusieurs milliards d'années-lumière) que la conclusion s'est imposée. Car ces astres vont se révéler systématiquement moins lumineux et plus éloignés que prévus. Autrement dit, quelque chose, dans le cosmos, contrecarrait la gravitation dans sa tendance à rapprocher les galaxies et, donc, à freiner l'expansion, et, au contraire, accélérait cette dernière. Quoi ? Quelle était cette force "antigravitationnelle" dont personne ne soupçonnait jusqu'ici l'existence ? Le concept d'énergie sombre était né.

QUESTIONS À FOISON : Et avec lui d'innombrables questions. Car aujourd'hui encore, nul n'est en mesure de dire de quoi est faite cette "substance" si étrange qu'elle exerce sur son entourage une pression négative (placée dans un ballon, elle aspirerait sa surface). À tel point que pour certains spécialistes, la question de sa nature n'a simplement pas de sens. Du point de vue de son effet sur l'expansion de l'Univers, l'énergie sombre ressemble à s'y méprendre à un drôle d'objet mathématique déjà décrit par Einstein dans les équations de sa relativité générale en 1916 : la constante cosmologique. Certes, le physicien l'abandonnera par la suite ; mais à l'époque, il croit en un univers statique, ce qui ne cadre pas avec le fait que celui-ci soit en expansion. Pour réconcilier sa théorie et sa vision du cosmos, Einstein se retrouve dans l'obligation d'introduire une constante ad hoc qui freine les effets de l'expansion. Or, pied de nez de la physique à l'histoire, la constante cosmologique, à condition d'ajuster correctement sa valeur, décrit à merveille l'expansion accélérée de l'Univers ! Pour Marc Lachièze-Rey, au CEA, pas besoin, dès lors, d'aller chercher plus loin : "L'énergie sombre, en tant que constante cosmologique, est simplement à considérer comme une nouvelle constante fondamentale de la nature".

Ce point de vue radical laisse néanmoins la plupart des cosmologistes sur leur faim quand l'ajout d'une nouvelle constante revient, selon eux, à mettre ni plus ni moins la question de la nature de l'énergie sombre sous le tapis. Dans l'espoir de donner du "corps" à l'énigmatique énergie, certains se tournent alors vers le vide. En effet, d'après la mécanique quantique, celui-ci est tout sauf... vide ! Même en l'absence de toute particule, il est agité de soubresauts, appelés "énergie de point zéro". Or, d'après les calculs des théoriciens, l'énergie du vide agirait sur l'expansion de l'Univers à la manière d'une constante cosmologique. De quoi boucler la boucle : l'énergie sombre se comporterait finalement comme une constante cosmologique, terme qui reflète dans les équations de la relativité générale l'effet de l'énergie du vide sur l'expansion.

L'OBSCURITÉ RÈGNE : Sauf que "cette approche est aujourd'hui en très grande difficulté", assène sans ambages Pierre Astier. En effet, si l'on se fie à la théorie quantique, l'énergie du vide est de 60 à 120 ordres de grandeur plus grande que l'énergie sombre déduite des observations cosmologiques. Autrement dit, on voit mal comment la première pourrait correspondre à la seconde ! Les théoriciens étant rarement à court d'imagination, d'autres approches existent pour expliquer la nature de l'énergie sombre - par exemple, elle pourrait être une "cinquième essence" - ou expliquer, au contraire, comment on pourrait s'en passer : grâce à des dimensions supplémentaires, des modifications des lois de la gravitation, voire de nouvelles symétries en physique des particules... Mais à ce stade, seule une multiplication des observations permettra de mieux cerner les propriétés de la mystérieuse énergie. À commencer par l'étude de plus nombreuses supernovae lointaines, qui permettra de déterminer si sa densité a ou non évolué au cours du temps. Mais aussi la réalisation d'une cartographie des distorsions gravitationnelles des galaxies distantes, distorsions dans lesquelles l'énergie sombre a peut-être laissé des traces. Mais pour Pierre Astier, le constat, au final, s'avère sévère : "Il y en a pour au moins vingt ans de travail, car à la vérité, nous n'y comprenons vraiment rien !"

M.G. - S&V > Juillet > 2007

 5/ Pourquoi les Particules ont-elles une Masse ?

Les physiciens aiment trouver une explication simple aux choses. Si cette explication permet en plus de rendre compte d'un grand nombre de phénomènes, ils disent qu'elle est élégante. Il en va ainsi de la masse des particules qui composent l'Univers : pourquoi en ont-elles une, et d'où celle-ci leur vient-elle ?

La réponse, les spécialistes de la matière pensaient l'avoir trouvée dans les années 60, en introduisant dans le modèle standard de la physique des particules un tout nouvel élément chargé de jouer en quelque sorte le rôle de chaînon manquant : le boson de Higgs. Sauf que depuis, la "particule Dieu", comme l'a surnommée le prix Nobel de physique Leon Ledermann, joue à cache-cache avec les physiciens. Au point que quelques-uns doutent de son existence... Toutefois, pour la majorité des physiciens, c'est sûr, elle se montrera enfin au LHC, dans quelques mois.

L'INVENTION DU HIGGS : L'histoire du boson de Higgs se confond avec celle de l'unification des quatre forces répertoriées dans la nature : la gravitation, l'électromagnétisme et les interactions nucléaires forte et faible. Les physiciens sont en effet persuadés que chacune d'elles est une composante d'une unique force encore inconnue aujourd'hui. Si dans les années 60, les interactions électromagnétique et faible ont été réunies en une seule théorie, il y a un problème : contrairement au photon (la particule médiatrice de l'électromagnétisme), les bosons w et z, qui sont les vecteurs de l'interaction faible, ont une masse. Or, cette masse est incompatible avec une symétrie, dite "symétrie de jauge", qui s'avère indispensable à la stabilité de l'édifice électrofaible. Pour éviter que cet édifice ne s'effondre, plusieurs théoriciens, dont Peter Higgs, décident alors de le colmater en y ajoutant une nouvelle particule, le boson de Higgs. Son rôle : interagir en permanence avec les w et Z afin que leur "embonpoint" ne réduise pas à néant la quête d'unification. L'opération est un succès ! Mieux encore, les physiciens se rendent compte que le boson de Higgs, non content de sauver la théorie électrofaible, donne carrément un sens à l'existence des masses des w et z ! "C'est un peu comme si ces particules, sans cesse freinées dans leurs déplacements par des collisions avec une mer de boson de Higgs invisibles à nos yeux, apparaissaient plus lentes, plus pataudes, bref massives", explique Michelangelo Mangano, à la division de physique théorique du Cern.

PEUT-ÊTRE CINQ BOSONS : De même, les physiciens montrent dans la foulée qu'un mécanisme semblable est en mesure d'expliquer la masse de toutes les autres particules du modèle standard. Merveilleux ! Sauf que, 40 ans après son invention, le Higgs reste introuvable. Pour la plupart des physiciens, la raison en est simple : aucun accélérateur au monde n'a encore été assez puissant pour engendrer une particule aussi lourde. Une situation à laquelle le LHC devrait justement bientôt remédier. Ainsi, pour Yves Sacquin, au service de physique des particules du CEA, "cela ne fait quasiment aucun doute, le boson de Higgs existe". D'ailleurs, les chercheurs du Tevatron, l'accélérateur du Fermilab, aux Etats-Unis, ont dernièrement revu à la baisse la masse probable du Higgs, en mesurant très précisément celle du w à laquelle elle est reliée. Si bien que, si la prédiction se confirme, l'accélérateur américain, pourtant moins puissant que le LHC, pourrait bien damer le pion à ce dernier en découvrant le premier le fameux boson ! Pour autant, d'aucuns ne se gênent pas pour mettre en doute le mécanisme inventé par Peter Higgs. Ainsi, d'après certaines versions de la supersymétrie, une théorie spéculative censée rapprocher les physiciens de l'unification des quatre forces, ce n'est pas un boson de Higgs qui est attendu dans les prochains mois, mais cinq, dont chacun possède des propriétés physiques différentes ! D'autres sont encore plus radicaux. Comme Christophe Grojean, au service de physique théorique du CEA : selon lui, "on peut très bien expliquer pourquoi toutes les particules ont une masse sans recourir au boson de Higgs." A condition d'ajouter une cinquième dimension à l'espace-temps ! Après tout, tant que la "particule Dieu" court toujours, l'imagination des théoriciens peut rester sans limite.

M.G. - S&V > Juillet > 2007

 6/ À quoi Ressemblaient les Premières Galaxies ?

Le ciel est rempli de milliards de galaxies de formes variées : spirales, elliptiques, irrégulières... Mais à quoi ressemblaient les toutes premières à s'être formées ? Pour le savoir, les astronomes ont une technique : ils tentent de repérer les objets les plus éloignés possibles car, connaissant le temps de parcours de la lumière dans le cosmos, ils savent que plus ils regardent loin, plus ils remontent dans le passé.

Sauf que lorsqu'ils cherchent à voir les galaxies primordiales, leur vision se brouille : la lumière que celles-ci envoient s'avère trop faible pour qu'on puisse en avoir une image claire. Et il s'agit bien d'un problème car des observations sont venues jeter le trouble ces dernières années.

PORTRAIT-ROBOT : Il faut savoir qu'à partir des années 90, les astronomes ont commencé à obtenir des relevés du ciel profond faisant apparaître les galaxies telles qu'elles étaient 5 ou 6 milliards d'années après la naissance de l'Univers, qui, elle, remonte à 13,7 milliards d'années. Résultat : la plupart sont petites et irrégulières, ce qui est conforme au scénario hiérarchique de formation des galaxies (des petites structures se seraient agglomérées pour en former des plus grosses). Oui, mais quelques rares objets se révèlent surprenants : certaines galaxies apparaissent très évoluées et très massives, alors qu'elles viennent de se former, tandis que d'autres semblent carrément plus âgées que l'Univers !

De quoi remettre en cause le modèle hiérarchique ? C'est bien pour le savoir que les astronomes aimeraient lever le voile sur les toutes premières galaxies, c'est-à-dire celles nées il y a moins d'un milliard d'années après le big bang à partir des premières concentrations de matière. Pour l'heure, les astronomes sont parvenus à distinguer une vingtaine de galaxies potentiellement candidates au statut de galaxies primordiales. Mais seules des études spectroscopiques approfondies permettront de trancher, en mesurant le décalage vers le rouge de certaines raies d'émission, et donc la distance de ces objets et leur âge. Ici, les astronomes attendent beaucoup d'instruments dédiés à cette tâche, tel EMIR, un spectromètre multi-objets qui sera mis en service en 2009 sur le nouveau télescope espagnol GranTeCan de La Palma, ou KMOS, un instrument analogue qui sera installé après 2011 sur le Very Large Telescope (VLT), au Chili. Et pourquoi ne pas procéder par simulation numérique : partir des premières concentrations de matière formées après le big bang, que nous révèle l'observation du rayonnement cosmologique fossile, puis les faire évoluer jusqu'à l'obtention des premières galaxies ? L'approche est prometteuse et donne déjà des résultats : à l'intérieur des filaments de matière, sculptés par la gravitation, qui se forment sur leurs écrans, les astronomes observent des protogalaxies contenant de grosses étoiles. Toutefois, la manière dont cet univers simulé évolue dépend d'hypothèses sur la physique et le contenu de l'Univers. Hypothèses qui demandent à être vérifiées par d'autres moyens, notamment l'observation. C'est en effet grâce à ce va-et-vient incessant entre le théoricien, qui simule pour expliquer des observations, et l'observateur, qui glane des idées à partir des résultats de simulations, que notre connaissance de ces objets progresse.
Aujourd'hui, théoriciens et observateurs s'accordent sur un portrait-robot des galaxies primordiales : compactes (moins de 3000 années-lumière d'extension), elles contiennent des étoiles massives, voire très massives (1000 fois la masse du Soleil), et pauvres en éléments lourds. Pour leur morphologie, encore quelques années de patience...

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Ph.P. - S&V > Juillet > 2007

 7/ La Vie Existe-t-elle Ailleurs ?

Rien ne permet d'affirmer que la vie existe ailleurs dans l'Univers. Mais rien ne permet non plus d'affirmer qu'elle n'existe pas ailleurs ! D'autant que certains signes sont plutôt encourageants : les astronomes ont observé plus d'une centaine de molécules organiques (c'est-à-dire contenant du carbone) dans le milieu interstellaire. Autrement dit, la chimie organique qui permet de construire, dans l'eau, les briques du vivant, est universelle. Et cette découverte étend les possibilités de l'apparition de la vie à l'Univers tout entier.

Tels des sourciers du cosmos, les exobiologistes cherchent donc l'eau, vecteur de vie. Dans le système solaire, si la planète Mars a abrité de grandes quantités d'eau liquide, elle en semble aujourd'hui dépourvue et aucune trace de bactérie n'a encore été trouvée sur la planète rouge. En revanche, Titan, Europe ou Encelade, respectivement les satellites de Jupiter et de Saturne, pourraient receler (ou avoir recelé) des océans souterrains propices à l'apparition de bactéries... Reste que pour espérer trouver une forme de vie plus "évoluée" que de simples bactéries, mieux vaut chercher hors du système solaire. Et justement : depuis 1995, plus de 230 planètes gravitant autour d'autres étoiles que le Soleil ont été découvertes - et ce nombre augmente presque quotidiennement ! Mieux, les astronomes savent depuis peu analyser l'atmosphère des plus massives de ces exoplanètes, sans espoir cependant d'y trouver de la vie car elles sont bien trop grosses pour l'abriter. Du coup, les exobiologistes attendent beaucoup du satellite Corot : lancé en décembre 2006, il a pour mission de repérer des dizaines de nouvelles exoplanètes, dont certaines devraient être à peine plus grosses que la nôtre. Mais c'est surtout le projet Darwin, un télescope spatial constitué de plusieurs satellites volant en formation, qui devrait décrocher le gros lot grâce à ses équipements conçus pour détecter et analyser l'atmosphère de planètes "habitables", c'est-à-dire semblables à la Terre. Réponse vers 2015.

Ph.P. - S&V > Juillet > 2007

 8/ Où est Passé l'Antimatière ?

D'un côté, un univers rempli de matière, où l'antimatière n'est présente qu'à l'état de trace. De l'autre, le modèle standard de la physique des particules pour lequel matière et antimatière se ressemblent. Et devraient donc exister en quantité à peu près égale. Or, les physiciens sont incapables d'expliquer l'énorme disparité observée.

Pour la plupart d'entre eux, cette contradiction illustre simplement une des limites du modèle standard. Sauf que, comme l'explique Guy Wormser, au Laboratoire de l'accélérateur linéaire, à Orsay, "la minuscule asymétrie entre matière et antimatière mesurée dans les accélérateurs est exactement celle prédite par le modèle standard". Et d'ajouter : "Comment une théorie aussi manifestement fausse peut-elle être à ce point vérifiée ?" Pourtant, avec les expériences Babar et Belle, aux Etats-Unis et au Japon, les physiciens espèrent enfin prendre en défaut la théorie des particules en vigueur, et apporter une réponse à la question de l'antimatière. Possible début de réponse dans deux ou trois ans, lorsque seront accumulées les statistiques sur des processus de désintégration de particules potentiellement sensibles à une physique au-delà du modèle standard. Puis, via des expériences visant, d'ici à vingt ans, à tester l'asymétrie entre matière et antimatière sur les neutrinos. En attendant, les physiciens sont incapables d'expliquer où est passée la moitié de la création !

M.G. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2007

C.B. V.G. M.G. Ph.P. - S&V > Juillet > 2007
 

   
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