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ANOMALIE PIONEER

Tout à démarré en 1980, lorsque la Nasa s'est aperçue que sa sonde Pioneer 10 affichait un imperceptible retard sur son itinéraire. Or, rien n'a, à ce jour, permis d'élucider cette "anomalie Pioneer". Sauf si elle est due à un effet gravitationnel qu'Einstein n'avait pas prévu ! Auquel cas, les astrophysiciens tiendraient enfin la première preuve tangible d'une faille dans la théorie de la relativité générale. Leur rêve...

Le Retard des Pioneer : 30 ans de Casse-Tête

En lançant ses sondes Pioneer en 1972, la Nasa n'imaginait pas lever une "anomalie". Et pourtant, quelque chose freine leur progression dans l'espace. Quoi ? C'est tout le mystère.

Goldstone, automne 1980. Au centre Deep Space Network (DSN), le réseau d'écoute spatiale de la Nasa dont les antennes se dressent dans l'immensité fauve du désert de Mojave, en Californie, l'astronome John Anderson suit attentivement le parcours de Pioneer 10. Attentivement ? Pourtant, après avoir quitté la Terre le 2 mars 1972, la sonde n'avait-elle pas achevé sa mission sept ans plus tôt, en décembre 1973 ? Elle avait alors traversé le système de Jupiter, livrant les premières images en gros plan de la géante gazeuse. Oui, mais après ce joli succès de Pioncer 10 et de sa jumelle Pioncer 11, lancée quelques mois plus tard pour observer Saturne, la Nasa a décidé de prolonger l'odyssée de ses deux petites représentantes. Objectif : profiter de leur lancée dans deux directions diamétralement opposées pour étudier les confins de notre système solaire. Ainsi Pioneer 10 n'en finit-elle plus de s'éloigner de la Terre, direction l'étoile Aldébaran du Taureau, sa dernière cible, qu'elle doit atteindre dans... deux millions d'années. Mais en cet automne 1980, elle n'en est évidemment pas là. Elle se trouve à 3 millards/km de la Terre, comme l'indique le signal radio qu'elle renvoie aux navigateurs de Goldstone six heures après, vitesse de la lumière oblige.
Pour John Anderson, qui travaille au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa et assume la responsabilité de la nouvelle mission des deux Pioneer, la prolongation de l'aventure est une aubaine. Car en atteignant les limites du système solaire, l'espoir est qu'elles tombent sur la fameuse "planète X", ce serpent de mer astronomique dont rêvent les spécialistes depuis près d'un siècle. Déçus par la taille minuscule de Pluton, la dernière planète découverte en 1930, certains chercheurs ont en effet prédit l'existence d'une planète géante, plus lointaine encore... Or, Si la "planète X" existe, l'une des deux Pioneer sera forcément déviée par son champ de gravitation. Las, il apparaîtra finalement que cet astre était un mythe : le système solaire extérieur ne compte que des myriades d'astéroïdes de glace, ressemblant peu ou prou à Pluton, la "vraie-fausse" planète récemment détrônée.
Mais à toute chose malheur est bon. Car en disséquant les trajectoires des deux sondes, Anderson lève un lièvre autrement plus troublant qu'une nouvelle planète. Une "anomalie". Et c'est elle qui rend l'astronome si attentif en cet automne 1980. Pour une raison inconnue, il semble en effet que quelque chose freine Pioneer 10. Trois fois rien, mais les antennes du DSN sont formelles la sonde ralentit imperceptiblement. Nul ne sait d'ailleurs qui, parmi les navigateurs spatiaux, a le premier tiqué en découvrant sur son écran de contrôle un infime décalage de fréquence du signal radio de la sonde.

PIONEER 11 DÉRIVE AUSSI

Mais le constat s'est peu à peu imposé : la petite sonde affiche un retard sur sa trajectoire par rapport à sa position calculée par les éphémérides ultra-précises des ordinateurs de la Nasa. De manière ridiculement faible, certes, mais indéniable : moins de 1 nanomètre par seconde au carré seulement. D'ailleurs, les ingénieurs penseront d'abord que cette anomalie de navigation provient d'un simple "bruit de fond" erratique, inhérent à la difficulté de pilotage d'un engin se trouvant à plusieurs milliards de kilomètres de la Terre... Sauf qu'au fil des mois, tous les navigateurs spatiaux du DSN, répartis en Californie, en Australie et en Espagne, ont vérifié de manière systématique ce petit décalage. Et s'il il y avait que cela ! Car la sour jumelle de Pioneer 10, Pioneer 11, s'est elle aussi mise à faire des siennes et à dériver pareillement, alors qu'elle était partie de l'autre côté du système solaire ! C'est à partir de là que John Anderson a commencé à faire la grimace. Des sondes qui, chaque année, prennent un quart d'heure de retard sur leur trajet, voilà qui fait désordre. Sans compter que dans le vide du cosmos, une sonde spatiale devrait suivre un "mouvement galiléen" parfait. En l'absence de frottement, et loin de toute source de gravité, elle devrait se déplacer à vitesse constante. Comment expliquer que ce ne soit pas le cas avec Pioneer 10 et 11 ? Comment expliquer qu'elles soient également freinées dans leur avancée, comme si, dans le système solaire, quelque chose les retenait en arrière, tel un fil invisible...

400 000 KM DE RETARD

Plus facile à dire qu'à faire. Car chaque année qui passe voit Pioneer 10 et 11, qui filent respectivement à 12 km/s et 11,4 km/s, s'éloigner de nous de près de un demi-milliard de km ! Tandis que, dans le même temps, la "Pioneer anomaly", comme on l'a baptisée, met au défi les chercheurs tous les ans, les sondes prennent un retard de plus en plus sensible.
En 2006, Pioneer 10 affichait ainsi plus de 400 000 km, soit l'équivalent de la distance Terre-Lune, de retard ! Durant une douzaine d'années, John Anderson va tout tenter pour résoudre l'énigme. Le problème vient-il des sondes ? Des signaux radio ? D'un artefact technique quelconque. Anderson a beau retourner le problème dans tous les sens, il n'a pas le moindre début d'explication.

RÉVÉLÉE SEULEMENT EN 1998

Tout va changer en 1994. Car à cette date, l'équipe du JPL accueille un nouveau membre : Slava Turyshev. Or, ce physicien, spécialiste de la gravitation, va orienter les recherches dans une tout autre direction. Et si l'anomalie ne venait pas des sondes ? Si, finalement, elles se comportaient normalement ? Alors le problème serait à chercher ailleurs. Et pourquoi pas du côté... de la structure même de l'espace-temps. Ou plutôt des lois qui le régissent et qui seraient en fait incomprises ? L'ennui - et le mot est faible -, c'est qu'une telle réinterprétation de la "Pioneer anomaly" désigne un suspect censé être au-dessus de tout soupçon : la relativité générale elle-même, cette déesse mathématique qui règle la ronde des planètes et des sondes. Toucher à cette théorie centenaire et, partant, au père fondateur de la physique moderne, Albert Einstein, c'est ni plus ni moins risquer de "se retrouver aux galères", comme le confie un astronome français. Il n'empêche ! Anderson, Turyshev et leurs collaborateurs vont creuser le sillon et, en 1998, ramassant dans une publication quelque vingt années d'enquête, se décident enfin à partager leur découverte et leurs interrogations, révélant à la communauté spatiale "l'anomalie Pioneer", dont jamais la Nasa n'avait évoqué publiquement l'existence. Paru dans les Physics Review Letters, leur article détaille une à une les possibles sources de perturbations susceptibles d'expliquer le mystérieux ralentissement des Pioneer. Ce qui donne un véritable inventaire "à la Prévert" depuis la dérive des continents déréglant le signal des antennes du DSN jusqu'aux effets de l'expansion de l'Univers, en passant par l'influence des aurores boréales, celle des champs magnétiques de Jupiter et Saturne, sans oublier les effets du vent solaire, voire la présence de poussière ou de matière noire dans le système solaire, etc. Tout est passé au crible. Pour finir par cette conclusion lapidaire : "Nous n'avons pas trouvé la cause de l'anomalie Pioneer". Sitôt parue, la publication passionne les scientifiques et autres ingénieurs qui arpentent le système solaire en tous sens avec leurs satellites et leurs modules. Mais ne reçoit qu'une indifférence polie de la part des physiciens et des cosmologistes, pour qui les dérives de deux sondes spatiales hors d'âge ne sauraient avoir la moindre incidence sur l'architecture de l'Univers et les arcanes de l'espace-temps. D'autant que, pour eux, la cause est entendue. "Ce sont les RTC les responsables !", lâchent, cinglants, par retour du courrier aux mêmes Physics Letters.

Pourquoi ne pas chercher dans les archives de la Nasa des traces de l'anomalie ... avant que celle-ci ne soit découverte ? Entre 1972 et 1979. Car la solution se cache probablement là, quelque part, dans les communicatioins des antennes géantes du Jet Propulsion Laboratory. L'idée étant, à partir de l'étude de ces trajectoires, de découvrir l'axe de la force qui freine les Pioneer. Auquel cas, trois cas de figure se presenteront. Si la force est dirigée vers la Terre, ce sera la preuve que l'anomalie est un artefact de commnunication radio. En revanche, si elle est confondue avec leur trajectoire, ou dirigée dans l'axe de rotation, c'est que l'anomalie est due aux sondes elles-mêmes et les fameux RTG seront jugés définitivement coupables. Reste une ultime possibilité : que la force apparaisse dirigée vers le Soleil. Dans ce cas, les scientifiques auront ni plus ni moins découvert une faille de la gravitation et de la relalavité générale. Plus prosaïquement, cela signifiera aussi que les deux sondes continueront inexorablement à décélérer. Et que Pioneer 10 n'atteindra jamais sa dernière cible, l'étoile Aldébaran du Taureau dans 500.000 ans, parvenue à environ 10 années-lumière de la Terre, elle finira par s'arrêter sur sa lancée, vaincue par "l'effet Pioneer". Mais d'ici là, et même avant la fin 2007, l'origine de la mystérieuse trajectoire des Pioncer devrait être connue.

Une échelle à couper le souffle
Avec Pioneer 10 et 11, pour la première fois, l'aventure spatiale a frôlé les confins du système solaire. À elles deux, ces sondes ont ainsi parcouru près de... 100.000 fois la distance Terre-Lune ! Une incroyable odyssée.
Et il y a d'autres anomalies...
Eh non, les Pioneer ne sont pas les seules à se comporter étrangement dans le système solaire. La même "Pioneer anomaly" aurait été détectée chez deux autres sondes, Galileo et Ulysse.
D'autre part, les spéciatistes de la gravitation, comme Claus Lammerzahl et Hansjôrg Dittus, physiciens théoriciens au ZARM (Centre de technologie spatiale appliquée et de microgravité), à Brême, en Allemagne, ont relevé de nouvelles bizarreries de trajectoires, comme la "fly by anomaly" qui résiste elle aussi à toute explication lorsque les sondes Galileo, Near, Cassini et Rosetta ont frôlé la Terre, afin que notre planète, servant de fronde gravitationnelle, les redirige vers leur destination finale, elles ont toutes gagné une vitesse supérieure aux prévisions ! Enfin, les comètes, après leur périple séculaire aux confins du système solaire, arrivent presque toujours avec quelques jours d'avance à leur rendez-vous avec le Soleil. Cette avance a longtemps été imputée par les astronomes à des "fuites" de gaz, une explication identique dans la forme aux hypothétiques fuites de gaz des Pioneer, manière de pousser discrètement sous le tapis les grains de sable susceptibles de dérégler la mécanique bien huilée de la gravitation... Sauf que, remarquent dans une récente publication Gary Page, David Dixon et John Wallin, trois astronomes américains : "Les dernières observations de la comète de Halley montrent que celle-ci se trouve très légèrement en arrière de sa position prévue par les éphémérides. L'idée que ce décalage puisse être dû à l'effet Pioneer mérite des investigations complémentaires". À suivre.
Trois petites heures de retard suffisent à chambouler la science.
Les sondes parties il y a 34 ans ont pris plusieurs centaines de milliers de kilomètres de retard. Ainsi, Pioneer 10 se trouve 400.000 km en arrière de sa position prevue. Rapporté à sa vitesse cela représente un retard de 3 heures accumulé sur une mission qui dure depuis plus de 3 decennies.

S.B. - SCIENCE & VIE > Janvier > 2007

L'Anomalie qui Menace la Relativité Générale

Avec l'anomalie Pioneer, les théoriciens tiennent peut-être le premier indice observationnel d'une faille dans la théorie de la gravitation. Et, donc, l'occasion de dépasser Einstein.

Moins d'un petit kilomètre de retard tous les 40 000 kilomètres, et voilà que l'on parle "d'anomalie Pioneer", que l'on s'acharne à retracer les trajectoires des soudes, que l'on envisage une nouvelle mission spatiale, et surtout... que l'on suspecte la théorie d'être en faute. Incroyable, mais pourtant vrai : l'insignifiant retard des sondes Pioneer sur leur trajectoire, ce petit grain de sable, cette poussière, suffit à faire grincer la belle machine de la physique fondamentale. Car s'il s'avère qu'aucune raison technique ni spatiale ne peut expliquer la différence entre le parcours réel des sondes et celui que prévoit la théorie, c'est fatalement... que la théorie s'est trompée ! Et qu'une force encore inconnue freine les sondes. Quelle force ? Inutile de chercher au hasard. La physique théorique recense aujourd'hui quatre forces fondamentales : la force électromagnétique, qui fait circuler les électrons et coller les aimants, la force forte, qui soude entre eux les composants d'un noyau atomique, la force faible, responsable de la radioactivité et la gravitation, qui nous maintient sur Terre et fait tourner les astres. Or les trois premières, regroupées au sein d'une grande théorie physique - la mécanique quantique - agissent à petite échelle, sur les particules. Il est impossible qu'elles fassent dévier une sonde de 240 kg sur plusieurs millions de kilomètres ! Pour les physiciens, c'est donc fatalement du côté de la gravitation qu'il faut chercher. Si l'anomalie est confirmée, elle montrerait que le Soleil, en tant qu'objet le plus massif à proximité, exerce sur les Pioneer une forme de gravité inattendue.
Mais voilà, la gravitation est régie par l'autre grande theorie de la physique : la relativité générale qui n'a jamais été prise en faute depuis qu'elle a succédé, il y a un siècle, grâce à Einstein, à la gravitation newtonienne.

DE L'ANOMALIE À LA RÉVOLUTION

Il faudra attendre 1915 pour que le voile se lève enfin sur la nature profonde de cette force. Et que disparaisse enfin l'hypothétique éther, cela grâce à Einstein et a sa nouvelle théorie, cadre fondateur de la physique moderne via sa fameuse définition de l'espace-temps : une entité à 4 dimensions dans laquelle la vitesse de la lumière est finie. Pour Einstein, la chute des corps est en fait une manifestation de la déformation (ou courbure) de l'espace-temps sous l'effet d'une masse. Comme si la Terre, par exemple, était posée sur une toile élastique incurvée sons son poids, entraînant tout objet environnant. Du coup, plus besoin d'éther, ni de mystère autour de "l'instantanéité" de la force : c'est la courbure de l'espace-temps qui entraîne les objets. Et la loi de Newton reste correcte dans ce cadre : elle est un cas particulier de la complexe équation d'Einstein, celui oû la vitesse du corps est très petite devant celle de la lumière, c'est-à-dire quelques dizaines de fois inférieure à 300.000 km/s.
Ironie de l'histoire : c'est à partir d'une toute petite anomalie sur l'orbite de Mercure, qu'Einstein a pu mener à bien sa théorie révolutionnaire de la gravitation. L'anomalie Pioneer sera-t-elle le nouveau souffle balayant les acquis de la physique et gonflant les voiles d'un futur modèle théorique ? Il est encore un peu tôt pour l'affirmer. Mais pas pour explorer l'idée et bousculer les concepts... D'autant plus que, depuis sa naissance, la relativité générale se heurte à un problème de taille : elle est totalement incompatible avec l'autre grande théorie élaborée à partir de la relativité restreinte, la mécanique quantique, pour laquelle toute force est assimilable à un échange de particules... alors que la gravitation est, pour Einstein, une déformation de l'espace-temps. D'oû l'idée d'une théorie globale, une "théorie du tout", dont relativité générale et mécanique quantique ne seraient que des cas particuliers.

Et c'est là que l'anomalie Pioneer prend toute sa dimension... révolutionnaire : avec elle, la relativité générale s'est peut-être coincée toute seule. Car en livrant un indice observationnel, ces modestes sondes, innocemment parties photographier des planètes, ont peut-être donné aux physiciens du XXI siècle ce qui leur manquait : la première vraie faille théorique.

LA PREMIERE FAILLE THÉORIQUE ?

Une théorie jamais prise en défaut... à ce jour
Ce n'est pas faute d'avoir cherché l'erreur : la relativité générale est toujours sortie la tête haute des expériences auxquelles elle a été soumise. Une des premières en date, celle qui a d'ailleurs assuré son succès, fut l'observation d'une étoile lointaine à la faveur d'une éclipse de Soleil. Car la théorie d'Einstein prévoit que les rayons lumineux, qui suivent les courbures de l'espace-temps, soient déviés par les masses situées sur leur chemin. Ainsi, l'image d'une étoile lointaine se déportera-t-elle légèrement devant le Soleil. Mais comment observer une étoile au voisinage d'un astre aveuglant... autrement que pendant une éclipse ? C'est Sir Arthur Eddington, astrophysicien britannique, qui mit donc le premier Einstein à l'épreuve des faits : le 29 mai 1919, quatre ans après l'invention de la relativité générale, une éclipse totale vue depuis le Nord du Brésil et le golfe de Guinée lui permet de montrer que le groupe d'étoiles des Hyades est bien observé très légèrement à côté de sa position réelle, exactement là oû Einstein l'avait prédit. Depuis, les observations n'ont cessé de confirmer la théorie, de plus en plus précisément. À commencer par le ballet des planètes : leur orbite très précise répond parfaitement aux lois de la relativité générale. Puis, les expériences se sont peaufinées : de l'amusant test du principe d'équivalence (qui stipule que la chute des corps est indépendante de leur masse), réalisé en 1971 sur la Lune par l'astronaute américain David Scott qui lâcha simultanément devant la caméra une plume et un marteau, aux très précises expériences de ce phénomène dans la tour du Zarm, à Bréme (Allemagne), oû des objets tombent dans un vide très poussé sur une centaine de mètres, la théorie ne faillit pas. Le fameux "ralentissement des horloges" au voisinage d'un corps massif a été abondamment vérifié par des satellites équipés d'horloges atomiques, et est même utilisé dans la technologie GPS, preuve non seulement de la validité, mais aussi de la fécondité de la relativité générale.

L'anomalie Pioneer, qui serait dans ce cas rebaptisée "l'effet Pioneer", constituerait alors la première autorisation à changer les sacro-saintes lois de la gravitation. Car chez les théoriciens, la prudence reste de mise. Et le conditionnel de rigueur. La théorie d'Einstein a déjà manqué vaciller sous un coup redoutable : en 1933, il fut en effet constaté que la vitesse de rotation des galaxies était bien plus élevée que celle obtenue par le calcul. Comme si elle cachait leur jeu, contenant bien plus de matière que ce qu'elles laissaient voir. Une brèche dans la relativité générale, que les cosmologistes ont pris l'habitude de colmater en spéculant sur l'existence d'une matière mystérieuse et invisible, la "matière noire", qui constituerait pas loin de 30 % de la masse totale de l'Univers. Et ce n'est pas tout : en 1998, la vitesse d'expansion de l'Univers s'est elle aussi révélée différente des prévisions théoriques. Là encore, pour faire tenir l'édifice d'Einstein, les physiciens ont dû trouver une solution, d'oû le conçept "d'énergie noire".

Mais au total, ces deux parades nous forcent tout bonnement à admettre... que 96 % de notre Univers nous est inconnu !

C.B. - SCIENCE & VIE > Janvier > 2007

L'Effet Thermique tient la Corde

Le mystérieux retard des sondes Pioneer 10 et 11, lancées en 1972 et 1973 vers des galaxies lointaines, a engendré des thèses remettant en question les fondements mêmes de la cosmologie. Une nouvelle étude avance une solution plus simple... Les deux sondes ont aujourd'hui totalement disparu des écrans de radar de la Nasa. Elles poursuivent leur route vers l'étoile Aldébaran (Pioneer 10) et la constellation de l'Aigle (Pioneer 11).

Cette énigme a fait la une de S&V en janvier 2007 : pourquoi les sondes Pioneer 10 et 11 accusent-elles des centaines de milliers de km de retard sur leurs parcours finement calculés par les ordinateurs de la Nasa ? La question hante depuis longtemps les scientifiques. Dès 1980 et jusqu'à la disparition définitive des sondes des écrans de la Nasa (en 1995 et en 2002), les chercheurs ont constaté que leur vitesse perdait quelque 0,0000000009 m à chaque seconde par rapport aux prévisions. C'est peu, mais ce retard cumulé s'élevait en 2006 à environ 400.000 km... Pourquoi ?

UNE "BANALE" CAUSE INTERNE

Les hypothèses les plus stimulantes mettaient en cause la présence hypothétique de matière noire dans la Galaxie, voire la relativité générale d'Einstein, théorie phare de la cosmologie. Salva Turishev, du Jet Propulsion Laboratory (Pasadena, États-Unis), référence en la matière, va publier ce mois-ci dans la revue Physical Review Letters une étude qui semble écarter de tels bouleversements : l'anomalie Pioneer serait plus sûrement due à un "effet de recul thermique", à savoir un ralentissement provoqué par l'émission vers l'avant de particules de lumière produites par les deux miniréacteurs nucléaires au plutonium 238 qui alimentent chaque sonde. L'étude, basée sur les données recueillies de 1973 à 1987, montre que le freinage n'est sans doute pas constant. Il diminue en effet avec l'épuisement des sources d'énergie des sondes, au même rythme que la décroissance naturelle de la radioactivité du plutonium, et donc de la quantité de particules émises. Est-ce la fin de l'énigme ? Pas forcément. Ces conclusions découlent de modèles statistiques dont la marge d'erreur n'est pas négligeable. Des scientifiques, comme Serge Reynaud, spécialiste de la relativité au Laboratoire Kastler-Brossel de l'Ecole normale supérieure, n'y voient pas un argument suffisant pour écarter définitivement l'idée d'une anomalie gravitationnelle. Il n'empêche ! Dans le mystère de Pioneer, la solution la plus simple, l'effet thermique, est désormais privilégiée.

R.I. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2011
 

   
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