E=mc² : la Théorie de la Relativité d'Einstein |
La Théorie de la Relativité |

TOUT COMPRENDRE N°95 > Juin > 2018 |
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E=mc² est Vrai à 0,00004 % |
Soixante-quatorze ans après sa première confirmation expérimentale, l'équation d'Einstein a été à nouveau vérifiée. Mais cette fois avec une extraordinaire précision.
Ouf ! À 0,00004 % près, E reste bien égal à mc² ! Telle est en effet la conclusion des travaux menés par une équipe intenationale de onze chercheurs qui est parvenue à vérifier la validité de la célébrissime équation avec une précision 55 fois supérieure à ce qui avait été mesuré jusqu'ici ! Ouf, car même pour ceux qui n'en comprennent pas la signification, ces quelques signes extraits du corpus de la théorie de la relativité restreinte proposée en 1905 par Albert Einstein résonnent comme un hymne à la puissance de la science moderne, un slogan porteur des mystères de la physique fondamentale, une sorte de formule kabbalistique codant d'étranges correspondances cachées derrière l'apparente diversité des choses.
Vérifier l'équation d'Einstein ? Eh oui, même elle doit se plier à cette exigence scientifique qui consiste à soumettre n'importe quelle injonction mathématique à l'épreuve de la nature. Ce n'est pas un sacrilège, ni un fantasme d'iconoclaste toutes les théories physiques, même les plus assises, doivent être soumises à des vérifications. Dans le cas de l'équation d'Einstein, cela semble d'ailleurs simple... sur le papier. De fait, il suffit juste de comparer la valeur des expressions qui se trouvent de chaque côté du signe "égal", c'est-à-dire comparer le "E" correspondant à de l'énergie (exprimée en joule), avec le m, correspondant à une masse (en kilogramme), le "c" n'étant qu'une constante, égale très exactement à 299.792.458 m/s (considéré comme la vitesse de la lumière dans le vide). Cette équation signifie ainsi que masse et énergie sont deux formes d'une même entité. Mieux : étant donné l'énormité du facteur "c²", celle formule affirme qu'une toute petite masse peut se transformer en une énorme quantité d'énergie, et inversement. Pour la vérifier, il suffit donc de choisir un processus physique au sein duquel de la matière se transforme en énergie - par exemple, l'émission de rayons gamma par un atome lorsqu'il éjecte un neutron -, puis de vérifier que l'énergie émise correspond à la masse disparue, au facteur c² près.
ENJEUX - Aucune théorie scientifique n'est une vérité intangible : ses prédictions doivent sans cesse être confrontées à l'expérience pour être vérifiées, peaufinées ou invalidées. La théorie de la relativité restreinte élaborée par Einstein en 1905 n'échappe pas à la règle. À l'origine de la célèbre égalité E=mc², elle est un des fondements de la physique moderne, proposant une nouvelle conception de l'espace et du temps sur laquelle s'appuient la mécanique quantique et la relativité générale pour décrire le comportement des forces de la nature. Sa remise en cause serait un coup de tonnerre dans le monde de la physique. Mais pour l'instant, elle résiste plus que jamais... |
DEUX EXPÉRIENCES INÉDITES
LES 2 EXPÉRIENCES QUI ONT CONFORTÉ L'ÉQUATION D'EINSTEIN
Un atome de silicium, doté d'un neutron supplémentaire (29Si) est désintégré en atome de silicium normal (28Si). Il émet alors un rayonnement gamma. Une expérience a mesuré l'énergie de ce rayon, une autre la différence de masse entre la matière présente avant et après le rayonnement. Le but étant de vérifier que l'énergie dégagée (E) correspond bien à la masse disparue (m), selon la célèbre équation d'Einstein.
1) Mesure de l'énergie
Le rayon gamma engendré est orienté vers un cristal de silicium ultrapur. En le traversant, il change de direction selon un angle qui dépend de son énergie. Grâce à un interféromètre angulaire, on a mesuré cette déviation, et donc l'énergie, avec une précision de 0,00001 %.
2) Mesure de la masse
Elle s'effectue avec un "pèse-atome" magnétique. Les atomes 29Si et 28Si sont introduits dans un piège de Penning, où, entraînés par un champ magnétique intense, ils tournent à une vitesse qui dépend de leur masse. En mesurant l'écart de vitesse, on a obtenu précisément la différence de masse entre les deux atomes. Et en prenant en compte la masse du neutron éjecté, on en a déduit que la masse disparue correspond à l'énergie (E), au facteur c² près. |
On s'en doute, les choses sont, dans la pratique, plus compliquées. Car il s'agit de mesurer avec une précision diabolique tout à la fois de minuscules masses et des énergies très élevées. La première confirmation expérimentale ne viendra d'ailleurs qu'en 1932, lors de la première transmutation nucléaire. Mais c'est avec une précision cent mille fois plus importante que cet étonnant lien entre quantité de matière et capacité de travail vient d'être aujourd'hui vérifié.
Plusieurs équipes se sont partagé le travail. L'une, située à l'Institut Laue-Langevin (ILL) de Grenoble, s'est occupée de vérifier le terme de gauche de l'équation, le fameux "E", en mesurant l'énergie de rayons gamma émis par des atomes de silicium dotés d'un neutron supplémentaire. Dans le même temps, une équipe américaine du Massachusetts Institute of Technologv (MIT) s'intéressait au côté droit de l'équation, c'est-à-dire à "m", en mettant en évidence la perte de masse des atomes de silicium lors de cette même émission gamma. Une division du travail particulièrement pertinente dans ce cas précis sachant que les atomes de silicium sont strictement identiques dans tous les coins de la planète, les équipes n'avaient pas besoin d'effectuer leurs expériences sur les mêmes échantillons. Pour l'équipe grenobloise, la difficulté consistait à mesurer précisément un rayonnement extrêmement énergétique. Leur ruse ? Envoyer les rayons gamma traverser un cristal de Silicium ultrapur. Car en traversant ce cristal, ces rayons changent de direction selon un angle qui dépend de leur énergie. Il a donc suffi aux chercheurs français de mesurer très précisément cet angle pour connaître tout aussi précisément l'énergie émise. Un travail d'orfèvre réalisé grâce à un interféromètre angulaire : "Nous avons atteint une précision de l'ordre de 10-7sur des angles de 0,2 degré, indique Michael Jentschel, de l'ILL. Cette marge d'erreur équivaut à couper depuis Grenoble une tranche de 1 mm dans une pomme située à Moscou."
AU DIXIÈME DE MILLIONIÈME PRÈS
Le défi n'était pas moindre outre-Atlantique, puisqu'il s'agissait de comparer la masse d'un atome de silicium contenant un neutron supplémentaire avec celle de ce même atome, une fois qu'il a relâché son neutron. Bien sûr, la différence entre ces deux masses est surtout due à celle du neutron relâché. Mais elle est aussi due en partie à celle transformée en énergie sous forme du rayonnement gamma. Et c'est cette petite perte de masse que les chercheurs avaient mission d'évaluer au mieux... Pour cela, leur méthode a consisté à prendre un atome de silicium "normal" et un autre contenant un neutron en plus, à leur arracher à chacun un électron afin qu'ils soient chargés électriquement, puis à les confiner dans des "pièges de Penning" formés par des champs électromagnétiques faisant tourner ces atomes chargés positivement. De fait, la fréquence de rotation de ces atomes dépend directement de leur masse. Et c'est en faisant tourner ces deux atomes pendant des semaines que les chercheurs ont pu mesurer avec une extraordinaire précision la différence entre leur masse.
Restait à mesurer celle du neutron. Pas de problème : la même méthode leur a permis de comparer la masse de l'hydrogène et celle du deutérium, qui possède un neutron en plus. Dès lors, une simple soustraction a suffi à Simon Rainville et à ses collègues du MIT : la différence de masse entre le silicium doté d'un neutron en plus et le silicium normal à laquelle on soustrait la masse du neutron donne immédiatement cette fameuse petite fraction de masse mystérieusement disparue, car transformée en énergie lors de l'émission de rayons gamma. La précision de leur mesure ? Un pour cent milliards... Un exploit semblable à celui qui consisterait à déduire la masse d'un petit pois avec une précision de sept chiffres en comparant la masse de la tour Eiffel avec celle qu'elle aurait avec ce petit pois posé dessus !
Tout était fin prêt pour l'ultime étape : comparer les résultats obtenus des deux côtés de l'Atlantique. Au vu des résultats publiés en décembre demier, force est de constater que l'équation d'Einstein tient résolument bon : les sept premiers chiffres obtenus de chaque côté de l'égalité sont les mêmes. Autrement dit, la masse disparue lors de l'émission de rayon gamma multipliée par c² correspond bien, au dixième de millionième près, à l'énergie de ce rayon.
Pour spectaculaire qu'il soit, ce résultat est toutefois presque décevant. Car quel coup de tonnerre dans le monde de la physique si cette expérience avait révélé que E n'est finalement pas vraiment égal à mc² ! Quelle révolution en marche si la théorie d'Einstein s'était trouvée invalidée ! Mais fi de telles émotions fortes : la satisfaction que soit vérifiée la plus fascinante des formules scientifiques avec une précision jamais atteinte est en soi déjà suffisante. Car elle fait avancer la science : "La relativité a énormément de succès mais, comme toute théorie, elle n'est valable qu'au niveau de précision à laquelle elle est testée, rappelle Simon Rainville. Et même si rien aujourd'hui ne semble la remettre en cause, il ne s'agit que d'une théorie, qui doit continuer à être vérifiée expérimentalement." Tel est, en effet, le rôle parfois ingrat de l'expérience : plutôt que prendre triomphalement en faute une théorie, elle est le plus souvent là pour repousser avec humilité son domaine de validité. Pour un jour, peut-être, comprendre comment la dépasser...
Quelle révolution si la précision de la mesure avait invalidé la théorie.
Cecile Michaut - SCIENCE & VIE > Mai > 2006 |
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Un noyau d'atome est composé de neutron et de proton réunis par la force nucléaire.
Notre soleil est une énorme fournaise dans l'espace mûe par E=mc². On sait aujourd'hui que chaque seconde, le soleil perd 4 millions de tonnes de masse solide, elle ressort sous forme d'énergie. Assez pour illuminer notre système solaire et le faire rayonner de chaleur et de lumière. Non seulement les étoiles produisent de l'énergie en accord avec E=mc², mais l'essemble du processus crée la vie elle-même. Un jour, une gigantesque étoile meurt, les débrits flottent dans l'espace, s'amassent ensemble, sont attirés par une autre étoile et forment une nouvelle planète. La Terre sur laquelle nous vivont et nous, les humains, sommes fait de poussières d'étoiles. Nous sommes un produit direct de E=mc².
SCIENCE & VIE > Mars > 2006 |
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En Quoi la Théorie de la Relativité d'Einstein est Utile ? |
Quand on sait que les ingénieurs se contentent de la mécanique du XVIIè siècle pour lancer les fusées et les satellites, on peut en effet se demander si la théorie d'Einstein nous est vraiment utile !
En réalite, elle est bien plus que ça. Etablie en 1916, elle est la base même de la cosmologie moderne ! En affirmant que la trajectoire de la lumière est déviée à proximité d'une masse importante, elle a permis de découvrir l'existence des trous noirs, d'établir la théorie de l'expansion de l'Univers et de calculer la masse des astres et des galaxies.
Certes, il n'y a pas là de quoi transformer notre vie de tous les jours. Mais attendez un peu, car cette relativité générale est fille d'une autre théorie relativiste, celle de la relativité dite "restreinte", publiée en 1905. Or, celle-ci affirme que la lumière se déplace dans le vide à la vitesse constante d'environ 300.000 km par seconde, quel que soit le référentiel. Une avancée majeure puisque cela permet de comprendre le comportement des particules à de très grandes vitesses. Et, partant, de fabriquer des accélérateurs de particules, dont certains servent à la lithographie optique, procédé de fabrication des circuits intégrés qui font toute la puissance de l'informatique ! Et ce n'est pas tout : la relativité restreinte a permis de développer de nouvelles applications dans les radars et l'imagerie médicale. Mais voici le plus beau. Les relativités générale et restreinte ont un champ d'application commun : toutes deux sont nécessaires à la bonne marche du GPS.
DÉTERMINER NOTRE POSITION
Et pour cause : ce système de 24 horloges atomiques embarquées à bord de satellites permet à votre récepteur GPS de déterminer sa propre position en calculant le temps que met la lumière à parcourir l'espace entre lui et les satellites. Oui, mais la relativité restreinte postule que le temps s'écoule plus vite dans un satellite lancé à grande vitesse que sur Terre. Il faut donc continuellement resynchroniser les horloges spatiales et celle de la voiture. Pour sa part, la relativité générale affirme que l'espace-temps à proximité de notre planète est modifié par sa masse. Le signal entre satellites et voiture ne parcourt donc pas tout à fait une ligne droite, particularité dont il faut également tenir compte. Vous l'aurez compris, sans ces deux corrections, le système se tromperait sur votre position, en la décalant de 2 km par jour !
En bref, la relativité d'Einstein est ce qui nous guide chaque jour à travers le vaste monde.
B.R. - SCIENCE & VIE > Février > 2008 |
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