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Théorie Quantique : l'Information

La Matière Repensée

G.D. - POUR LA SCIENCE N°496 > Février > 2019

Si Information, alors Univers

Vous trouvez l'idée d'un univers fait de mathématiques dure à avaler ? Alors, essayons une autre piste...

Quelque soit le type de réalité dans lequel vous vous imaginez vivre, vous êtes probablement dans le faux. L'univers est un ordinateur, et tout ce qui s'y passe peut être expliqué en termes de traitement de l'information.
Le lien entre réalité et traitement de l'information n'est pas forcément évident, mais pour certains chercheurs l'analogie est de plus en plus flagrante. Nous nous représentons le monde comme constitué de particules reliées et régies par des forces, mais la théorie quantique nous apprend qu'il s'agit en réalité d'un enchevêtrement de champs que nous ne pouvons décrire qu'en invoquant les mathématiques extrêmement complexes de cette même théorie quantique. Et c'est ici que l'ordinateur intervient, mais sous une forme conceptuelle, soit quelque chose qui traite l'information. Il est d'ailleurs frappant de constater que la physique quantique s'exprime souvent dans des termes propres au traitement de l'information. Pour Vlatko Vedral, d'Oxford, "cela suggére que vous trouverez le traitement de l'information à la racine de tout". L'information tient en effet un rôle de premier plan dans la théorie quantique. Le fameux principe d'incertitude, qui veut que vous ne puissiez connaître à la fois la position et la vitesse d'une particule, ne parle même que de ça. Tout comme l'intrication quantique, où des particules partagent des propriétés et échangent de l'information quelle que soit la distance qui les sépare. De fait, chaque processus dans l'univers peut être réduit à des interactions entre particules qui produisent des réponses binaires : oui ou non, ici ou là, en haut ou en bas. Cela signifie que la nature, à son niveau le plus fondamental, tient simplement en une suite d'alternatives binaires, tout comme c'est le cas dans un ordinateur. D'aprés Ed Fredkin du MIT, si nous pouvions approfondir le processus. nous découvririons que l'univers ne suit au final qu'une seule loi : la procédure "si, alors", à l'ouvre dans les microprocesseurs de nos PC Bien sûr. Vedral et ses collégues pensent que c'est en réalité un peu plus complexe. Comme il est possible de décomposer toute la réalité en particules qui suivent les lois de la physique quantique, l'univers est sans doute un ordinateur quantique plutôt qu'un bon vieux PC. Un des attraits de cette idée est qu'elle répond fort bien à la question de savoir pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien. Le caractére aléatoire inhérent à la mécanique quantique signifie que l'information quantique - et par extension un univers - peut spontanément surgir à l'être affirme Vedral. Maintenant, prouver que l'univers est un ordinateur quantique n'est pas une mince affaire. Cependant une observation est récemment venue à l'appui de cette idée.
En 2008, le détecteur d'ondes gravitationnelles GEO 600 de Hanovre, en Allemagne, a capté un signal anormal suggérant que l'espace-temps était pixellisé. C'est exactement ce que l'on attendrait d'un univers holographique, ou la réalité en trois dimensions ne serait que la projection d'une information codée sur la surface en deux dimensions des limites de l'univers (New Scientist, 17 janvier 2009. p.24). Cette idée étrange vit le jour lors d'une querelle sur les trous noirs. Un des dogmes fondamentaux de la physique est que l'information ne peut en aucun cas être détruite. Cependant un trou noir parait violer cette loi en avalant à tout jamais des choses qui contiennent de l'information. Ce qu'il advenait au final de cette information fut l'objet d'un long débat entre Stephen Hawking et plusieurs de ses collégues. À la fin, Hawking reconnut sa défaite et conceda que l'information devait s'imprimer sur l'horizon du trou noir qui définit sa frontiére, et ainsi ne pas disparaître totalement. Cela donna aux théoriciens Léonard Susskind et Gérard Hooft l'idée de proposer que l'univers tout entier pourrait lui aussi ne détenir l'information qu'à sa frontiére, avec pour conséquence que notre réalité ne serait qu'une projection de cette information dans l'espace situé entre ses limites. Si cette proposition devait s'avérer vraie, la réalité ne serait qu'un hologramme, une version en 3D de l'allégorie platonicienne de la caverne.

COMMENT SAVOIR ? Bien sûr, la réalité ne pourrait être qu'une illusion. Mais le prouver d'une maniére ou d'une autre est étonnament difficile.
S'il y a de l'être, comment le savoir ? Et qu'entendons-nous exactement par "savoir" ? Ces questions, les philosophes se les posent depuis environ 2400 ans. Platon a le premier cherché à définir la connaissance comme étant une "croyance vraie et justifiée". Mais tester la justification ou la vérité d'une croyance nous raméne à nos perceptions, et nous savons avec quelle facilité elles peuvent nous tromper. Deux millénaires plus tard, René Descartes décida de déterminer ce dont il pouvait être absolument certain. La légende raconte que, enfermé toute une nuit dans une chambre surchauffée, il en émergea au matin en déclarant que tout ce dont il était sûr, c'est qu'il y avait quelque chose en lui qui doutait de tout. La conclusion logique du doute de Descartes est le solipsisme, la conviction pour un sujet pensant qu'il n'y a dautre réalité que sa conscience. De fait, c'est une idée difficile à réfuter. L'essayiste anglais Samuel johnson répondit à la mise en doute de la réalité des objets au 18e siécle, en donnant un coup de pied dans une pierre, "c'est ainsi que je la réfute". Comme Descarte le faisait remarquer un siécle plus tôt, il est impossible d'être certain de savoir si nous rêvons que nous donnons un coup de pied, ou si nous le donnons réellement. Le dualisme, l'idée selon laquelle esprit et matiére sont distincts, ne rencontre guére plus de succés. Certains considérent que nous ne sommes que matiére, l'esprit n'étant qu'une illusion produite par l'activité neuronale. À l'opposé, les tenants du panpsychisme attribuent des propriétés mentales à toute matiére. Comme l'exprimait l'astrophysicien Arthur Eddington en 1928, "la substance dont est fait le monde est celle de l'esprit". De leur côté, les logiciens rigoureux comme Willarcl Van Orman Quine ont abandonné la quête des fondations de la réalité et ont pris des positions "cohérentistes" : refusant toute notion hiérarchique de la connaissance, ils l'envisagent comme une sorte de radeau improvisé à partir de nos croyances, arrimées entre elles par un réseau de choses tenues pour vraies, notamment au sujet des perceptions, l'ensemble formant un esquif suffisamment solide pour se lancer dans la traversée du réel. Et d'ailleurs, s'il existait, dans cet océan que certains appellent l'Univers, une réalité parfaitement indépendante de nos observations, comment le saurions-nous ?

LE MONDE DES SCIENCES N°6 > Décembre-Janvier > 2013

Le Monde Existe-t-il Vraiment ?

Aux Limites de la Matiére, la Réalité n'est plus une Certitude

Un siècle que les physiciens butent sur ce problème : les lois qui régissent l'infiniment petit apparaissent incompréhensibles. Or, tout s'éclaire si la réalité quantique n'est qu'une... hallucination. De quoi tout révolutionner.

"Nous devons changer le cours de la physique" ! Au dernier étage du plus haut bâtiment de l'université qui borde le lac de Constance, en Allemagne, c'est avec cette audacieuse injonction que le physicien américain Christopher Fuchs ouvre la série de conférences qu'il coorganise en ce mois d'août 2005. Venus principalement des États-Unis, du Canada et de Grande-Bretagne, mais aussi d'Italie, de France ou d'Australie, la cinquantaine de théoriciens et de philosophes réunis pendant une semaine aux frais de l'université de Constance sont parmi les meilleurs spécialistes mondiaux des lois sur le comportement de la matière aux échelles microscopiques. Toutefois, tous tournent autour d'une même idée : la physique n'est peut-être pas là pour nous parler de la réalité matérielle ; le monde qu'elle décrit n'est peut-être qu'une gigantesque hallucination ! Chacun n'a-t-il pas en tête que la physique comme la définissent sans ambiguïté les dictionnaires, a pour objet l'étude des propriétés de la matière" ?
L'érosion a en fait commencé dès le début du XXè siècle, lorsque les physiciens ont pu sonder l'intimité de notre monde matériel. Ils ont été alors plutôt surpris par ce qu'ils ont découvert. Jusque-là, ils étaient en effet habitués à représenter les objets sous la forme d'ondes ou de particules se déplaçant dans l'espace et le temps comme les vagues à la surface de la mer ou des boules de billards sur le tapis vert. Seulement, une fois observés de très près, la lumière, les atomes ou les électrons ne semblent pas du tout se comporter ainsi. Par exemple, dans certaines conditions, la lumière, cousidérée jusqu'ici comme une onde, affiche crânement un comportement digne d'une particule. À l'inverse, l'électron, qui semblait ne pouvoir être autre chose qu'une particule, se met parfois à agir comme une onde !

Les étudiants la délaissent, l'Onu et l'Unesco lui ont consacré l'année 2005... aucun doute, la physique est bien en crise. Et si la cause en était son incapacité à donner un sens à son corpus de connaissances ? Car les physiciens ont beau disposer depuis quatre-vingts ans d'une théorie efficace pour décrire le comportement microscopique de la matière, ils sont toujours incapables d'élaborer a partir de cette théorie quantique une image cohérente du monde. Or, certains le pensent, si l'on ne comprend pas ce qu'elle dit, c'est qu'elle ne parle pas de ce que l'on croit...

ACCORDER LE RÉEL À LA PHYSIQUE : En quelques années, grâce à un effort conceptuel unique dans l'histoire, les théoriciens vont réussir à bricoler de façon totalement empirique un arsenal mathématique capable de décrire tous ces comportements "abracadabrantesques" : en 1925, la mécanique quantique naît officiellement, pour ne plus bouger depuis.
Il faut accepter aussi que les nouvelles tables de la loi qui en régissent l'évolution permettent à ces objets d'être reliés entre eux par-delà l'espace et le temps, de se mettre dans plusieurs états à la fois et de se réduire aléatoirement en un seul lorsque l'on tente de les observer, suivant des lois de probabilités très précises... Autant "d'aberrations" avec lesquelles les physiciens doivent maintenant composer. Car, force est de le constater, cet étrange monde quantique est bien le nôtre. Cette théorie, encore jamais prise en défaut, a permis, en vrac, de prédire avec succès les propriétés des différents éléments chimiques, le comportement des lasers et des puces électroniques, la stabilité de l'ADN ou l'explosivité des réactions nucléaires...
La mécanique quantique a bel et bien vocation à décrire le comportement intime de toute la matière qui nous entoure et nous constitue. Comment la réalité peut-elle autant dépasser notre imaginaire ? Depuis trente ans, il ne s'est pas passé une année sans qu'une grande conférence internationale tente d'analyser la dizaine de pistes actuellement envisagées pour reconstruire une image du monde réel en accord avec les données modernes de la physique.

UNE POSTURE FÉCONDE : L'information le mot est lancé ! Mais que vient-elle faire ici ? Cette notion n'est pas simple à définir précisément, mais tout le monde sait intuitivement de quoi il retourne : l'information est un élément de connaissance sur un événement qui petit être codé par des suites de nombres binaires O et 1, comme en informatique. Rien à voir a priori avec la mécanique quantique. Sauf que les physiciens se sont rendu compte, au milieu des années 80, que les lois quantiques permettent de manipuler cette information d'une façon radicalement nouvelle. Les corrélations à distance entre deux objets qu'elles autorisent peuvent en effet être vues comme un nouveau canal de communication permettant, par exemple, de téléporter des informations d'un endroit à l'autre, de s'assurer que les messages secrets ne sont pas violés ou de faire des calculs massivement parallèles. Alléchés par ces perspectives, théoriciens et expérimentateurs ont élaboré un nouveau langage et un nouveau domaine de la physique - la "théorie quantique de l'information" - encore en plein essor. Se dire que la mécanique quantique ne parle pas de l'objet en lui-même mais de ce que l'on en sait. Que ce n'est pas le photon, la molécule ou le caillou qui est représenté par ce "vecteur d'état dans un espace de Hilbert", mais l'information que l'on peut avoir dessus. Un renversement radical de perspectives !
Cette idée se révèle en fait extraordinairement bien adaptée pour interpréter enfin la théorie quantique. Et ce, parce que l'information ne se comporte pas du tout comme la matière : contrairement à un caillou, elle n'a pas de position spatiale ni temporelle et on peut à loisir, la dupliquer, la partager la résumer, la supprimer... La théorie quantique ne parle pas de la matière, mais de ce qu'on en sait !
L'idée de toute façon, n'est pas encore aboutie. Car si tout ou partie de ce que l'on croyait être la réalité n'est qu'hallucination, il va bien falloir expliquer pourquoi elle a cette apparence et pas une autre. Reconstruire sur la notion primaire d'information le temps, l'espace, voire la matière devient ainsi la tache, gigantesque et vertigineuse, de cette nouvelle physique.

VERS LA GRAVITÉ QUANTIQUE ? En attendant, c'est en prenant exemple sur le travail réalisé entre 1905 et 1915 par Einstein que ces physiciens trouvent leur motivation. Dans un premier temps, le jeune prodige avait réinterprété des équations empiriques considérées comme mystérieuses (les "équations de Lorentz") pour élaborer sa théorie de la relativité restreinte. Puis, dix ans plus tard, il s'était appuyé dessus pour élaborer sa relativité générale, l'autre pilier de la physique, censée décrire la géométrie de l'espace et du temps, ainsi que la gravitation. Or, comme le souligne Christopher Fuchs, "il est difficile d'imaginer qu'un esprit - même celui d'Einstein - eut pu réaliser ce saut majeur vers la relativité générale directement à partir de la structure abstraite des transformations de Lorentz." Le parallèle est alors tentant : serait-il possible que la nouvelle interprétation de la mécanique quantique permette un jour de la dépasser ? Serait-il possible que la notion d'information permette d'abord de la concilier avec la relativité générale avant de réaliser enfin le grand saut vers la "théorie de la gravité quantique", véritable Graal des physiciens ?

SCIENCE & VIE > Octobre > 2005

Et si Tout n'était qu'Information

Sur les décombres de ce que nous croyions être la réalité, une "nouvelle physique" est en train de naître : celle qui envisage toute chose à partir de la seule notion d'information. Au point de redéfinir temps, espace et matière. À la clé, la découverte d'un nouveau monde : le nôtre.

Loin de décrire le comportement de la matière, la mécanique quantique, affirment-ils, ne nous parle que... "d'information". Résultat : alors que l'on pensait toucher les fondements tangibles de notre monde, ceux-ci disparaissent pour ne laisser qu'une sorte d'hallucination collective, un artefact généré par notre propre questionnement... Comment ne pas songer alors à Matrix, la trilogie réalisée il y a quelques années par les frères Wachowski ? Car il est tentant de faire le parallèle avec le programme informatique omnipotent qui, dans le film, contrôle l'humanité en lui donnant à croire qu'elle vit dans un monde, certes apaisé, mais virtuel.

Nous devons nous reconcentrer sur notre monde et redéfinir le rapport physique que nous entretenons avec lui. Il suffit de partir d'une remarque, quasi une tautologie : nous n'avons accès à la réalité que par les informations que l'on a sur elle. "L'information est le médiateur entre le matériel et l'abstrait, entre le réel et l'idéal, souligne le physicien américain Hans Christian von Baeyer. C'est cette étrange substance compressible qui jaillit des objets tangibles, que ce soit un atome, une molécule d'ADN, un livre ou un piano, et qui, après des séries de transformations complexes impliquant les sens, vient se loger dans notre cerveau conscient."
Pour Haus Christian von Baeyer, "si nous pouvons comprendre la nature de l'information et l'incorporer dans notre modèle du monde physique, alors nous aurons fait le premier pas sur la route qui mène vers la compréhension de la réalité objective."
Est-il possible de reconstruire les lois de la physique, mais aussi l'espace, le temps et la matière, en termes purement informationnels ? Pour déroutante qu'elle soit, cette idée ne fait que reprendre les termes d'un débat houleux ouvert dans la seconde partie du XIX siècle, lors des travaux sur les fondéments de la thermodynamique. Développée pour décrire les flux de chaleur à l'intérieur des machines à vapeur, la thermodynamique était à l'époque, solidement basée sur des concepts physiques mesurables (l'énergie, la chaleur, la température ou l'entropie), sur des lois simples et précises ("l'énergie se conserve" ou l'entropie ne peut que s'accroître") et sur une efficacité éprouvée pour améliorer le rendement des machines.

L'EXEMPLE THERMODYNAMIQUE : La question qui agitait alors la communauté des physiciens était de comprendre comment ces lois de la matière macroscopique étaient reliées aux comportements microscopiques des molécules. Ce fut le physicien autrichien Ludvig Boltzmann qui, le premier, fit sauter le verrou en prônant une posture épistémologique : travaux statistiques à l'appui, il montra en 1875 que la notion d'entropie - centrale en thermodynamique - pouvait être interprétée comme une mesure du désordre, de la confusion, de la quantité d'informations inconnues sur les positions et les vitesses de chacune des molécules du système. Or, comme le souligne l'Ecossais James Clerk Maxwell, "la confusion, comme son corrélatif, l'ordre, n'est pas une propriété des choses matérielles en elles-mêmes, mais est relative à l'esprit qui les perçoit". Acculés par les étrangetés découvertes dans les recoins ultimes de la matière, nombre de physiciens ont pressenti très tôt la nécessité de passer de l'autre côté du miroir.

" LE TEMPS, C'EST L'IGNORANCE " : Sauf que, maintenant, ce sont tous les concepts utilisés par la physique pour décrire le monde - l'espace, le temps, la matière, les lois - qu'il s'agit de réinterpréter en termes d'information. Un programme qui ne pourra sans doute être réalisé qu'en réinterprétant la théorie de la relativité générale d'Einstein, a qui est dévolue la description des relations entre la matière, le temps et l'espace. Maxwell, Einstein et Bohr l'avaient deja prevu : qu'elle se penche sur les transferts de chaleur, la geométrie de l'espace et du temps, ou sur le comportement de la matiere, la physique n'est pas là pour nous parler de la réalité mais des informations que l'on peut en tirer...

SCIENCE & VIE > Octobre > 2005
 

   
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