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Alerte aux Rayons Cosmiques

C'est une menace venue du fin fond de l'univers : des neutrons issus de rayons cosmiques perturbent les circuits électroniques. Ordinateurs, téléphones, voitures... aucun appareil n'échappe à ces particules insaisissables. D'autant que la miniaturisation des composants les rends plus fragiles.

Dés le milieu des années 70, l'effet néfaste des radiations naturelles sur les composants électroniques des satellites est un fait avéré par nombre d'experts. Ce sont alors les rayonnements cosmiques, et notamment les ions lourds, qui sont mis en cause. Dans les années 80, c'est au tour du domaine de l'avionique d'être menacé par l'environnement radiatif naturel : cette fois, ce sont les neutrons atmosphériques qui sont susceptibles d'induire des basculements logiques dans l'électronique de bord. Mais depuis les années 2000, l'électronique grand public commence elle aussi a être concernée par le problème, du fait de la miniaturisation des transistors.

"Ils m'ont dit qu'un rayon cosmique, venu du fin fond de l'Univers, avait touché l'ordinateur et faussé le résultat des élections." C'est par cette détonante déclaration que Zoé Genot, jeune députée écologiste, rendit compte en pleine cession de la Chambre des représentants de Belgique, le 30 septembre 2003, des conclusions auxquelles venaient d'aboutir des experts en informatique concernant une affaire peu commune. Les faits remotaient au 18 mai de la même année, dans la ville de Schaerbeek : lors du dépouillement des résultats des élections legislatives, un écart de 4096 voix était apparu pour un même candidat entre le vote traditionnel et le vote électronique mené en parallèle. Mais l'argument avancé par la jeune députée pour expliquer cette bizarrerie apparut sur l'instant si farfelu que le président de la Chambre la remercia ironiquement de "s'inquiéter de l'influence des Martiens sur les électrons". De fait, comment imaginer qu'une particule cosmique puisse atterrir au beau milieu de la Belgique et désorganiser un scrutin ? Voilà qui faisait plus songer à une histoire belge. Et pourtant !
Loin d'être un cas isolé, cet "incident de Schaerbeek" est en fait révélateur d'une menace qui ne fait rire ni les chercheurs ni les industriels. Car le rôle joué par des particules cosmiques, et plus précisément des neutrons, dans les dysfonctionnements informatiques constatés au sol est bel et bien avéré. Et les choses devraient encore empirer. De fait, ces bogues relèvent d'un phénomène physique bien connu dans le milieu de l'aéronautique : celui de l'altération des composants électroniques par les neutrons atmosphériques, ces particules de seulement 1,68 x 10-27kg qui, avec les protons, forment les noyaux des atomes.

ILS TRAVERSENT LES MURS

Ces neutrons sont responsables de 90 % de nos problèmes électroniques. Mais la nouveauté, c'est que les troubles provoqués par ces minuscules particules sont progressivement en train de faire irruption dans notre quotidien. C'est toute l'électronique grand public qui est aujourd'hui menacée par les neutrons atmosphériques" prévient ainsi Rémi Gaillard, expert des effets des radiations sur l'électronique et consultant pour diverses sociétés de l'aéronautique et de la microélectronique. Preuve de cette récente prise de conscience : l'inauguration le 5 juillet dernier - notamment via un partenariat entre le CNRS et l'entreprise STMicroelectronics - d'un équipement de tests de la vulnérabilité des composants électroniques sur le pic de Bure, en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Ce n'est pas un hasard si les chercheurs ont décidé d'installer leur matériel à haute altitude : cela permet de confronter les circuits électroniques de téléphones portables ou d'ordinateurs à des flux neutroniques plus intenses que ceux du niveau de la mer et de tester ainsi leur fiabilité en accéléré. Car à celle hauteur, les neutrons sont dix fois plus nombreux, ces particules étant issues d'une seule et même pouponnière : la haute atmosphère terrestre. C'est là, à plusieurs dizaines de kilomètres d'altitude, que des rayons émis lors d'événements cosmiques particulièrement violents (explosions de supernovae, éjections d'étoiles à neutrons) entrent violemment en interaction avec certains atomes de l'atmosphère, comme l'oxygène et l'azote. Or, à chacune de ces reactions nucléaires naissent, tel un feu d'artifice, des gerbes de milliers de particules élémentaires : protons, électrons, muons... et neutrons. Des neutrons qui inondent littéralement l'atmosphère. Car durant la dizaine de minutes que dure leur existence frénétique, ces neutrons atmosphériques se dispersent dans toutes les directions à des vitesses vertigineuses : entre un dixième et trois quarts de la vitesse de la lumière. Leur flux diminue à l'approche du niveau de la mer : de 10.000 particules/cm²/heure à 10 km d'altitude, il passe à seulement 10 particules/cm²/heure au niveau 0. Mais, dans leur course folle, les neutrons qui ont une énergie comprise entre 1 et 100 mégaélectronvolts (MeV), peuvent traverser les murs des batiments comme les parois des moyens de transport et... atteindre l'ensemble des dispositifs électroniques.
Mais comment diable en est on venu à imputer à ces particules des problèmes informatiques constatés alors qu'elles ne laissent, sauf en cas de destruction du composant, aucune trace physique de leur passage dans la matière ? À cause de la corrélation quasi parfaite, suivant l'altitude, entre l'évolution du flux de neutrons et le taux d'erreurs informatiques. C'est d'ailleurs en allant se balader dans la montague avec son PC que Jim Ziegler, véritable pionnier dans ce domaine, a pu estimer que ces neutrons, parmi la multitude de particules liées à l'environnement radiatif naturel, étaient responsables de 90 % des problèmes sur l'électronique terrestre. Aujourd'hui, plus aucun doute n'est permis : "À la question de savoir si un unique neutron peut perturber un composant aussi complexe qu'un micro-processeur ou une mémoire d'ordinateur, la réponse est oui", explique sans ambages Rémi Gaillard.

EN CAUSE, LA MINIATURISATION

Conséquence de cette miniaturisation : l'énergie associée à la transformation d'une information élémentaire dans un transistor étant toujours plus faible - elle se situe actuellement à quelques dizaines de femto Coulomb, soit 10 fois moins qu'il y a dix ans - un seul neutron peut déposer dans le silicium une énergie suffisante pour la perturber. Et, dans le pire des cas, provoquer des courts-circuits transitoires et faire fondre littéralement un composant. Résultat : un accroissement récent du nombre de défaillances et du taux de fautes de logique dans les circuits électroniques, devenant de plus en plus inacceptables. Et ce, principalement dans les composants mémoire, puisqu'ils comprennent pléthore de transistors.

O.J. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2006
 

   
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