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Les Trous Blancs

Les Trous Blancs : Astres de l'Extrême

F.N. - SCIENCES ET AVENIR N°920 > Octobre > 2023

La Chasse aux Trous Blancs



C.R. - POUR LA SCIENCE N°502 > Août > 2019

Troublant Trous Blancs

Les trous noirs, sont-ils le stade ultime de l'évolution des étoiles ?

Pas nécessairement à en croire les travaux récents fondés sur la théorie (spéculative), de la gravitation quantique à boucles, l'une des pistes pour réconcilier relativité générale et physique quantique.

Dans le cadre de cette théorie, Carlo Rovelli et Hal Haggard de l'université Aix-Marseille, ont modélisé l'évolution d'un trou noir et calculé que l'effondrement de la matière s'arrête. Passée une certaine densité, les effets quantiques de la gravité se traduiraient par une force répulsive qui s'oppose à la contraction. Vue depuis le trou noir, la matière est alors violemment éjectée, l'explosion étant accompagnée d'un flash lumineux. Le trou noir est devenu un trou blanc ! Selon C. Rovelli, ce scénario résoudrait le paradoxe de l'information quantique.

C. Rovelli et H. Haggard, http/arxiv.org/abs/1407.0989, 2014.

DOSSIERS POUR LA SCIENCE N°65 > Octobre-Novembre > 2014

Et si les Trous Noirs Explosaient en Trous Blancs ?

Que devient la matière engloutie par les trous noirs ? Contre toute attente, elle pourrait resurgir, recrachée en de gigantesques "fontaines blanches" ! C'est ce que prédisent des calculs reconciliant quantique et relativité, qui décrivent un tout nouveau destin aux trous noirs.

Et si les trous noirs, ces ogres du cosmos dont rien, pas même la lumière, ne peut s'échapper, étaient tous en train d'exploser ? Si leur noirceur sans fond, d'où rien ne paraît pouvoir s'extraire, n'était qu'une gigantesque illusion ? L'effet d'un ralenti presque infini qui nous empêcherait de voir une réalité insoupçonnée : que l'on attende un peu, et on verrait bientôt ces monstres de gravité recracher en une explosion vertigineuse, en un flash cataclysmique, toute la matière et la lumière qui s'est effondrée en eux. Devenir l'un après l'autre des "fontaines blanches", singulières régions de l'espace où rien ne rentre et d'où tout ressort.
Délirant ? Pas vraiment. Le physicien italien Carlo Rovelli, au Centre de physique théorique de l'université d'Aix-Marseille, vient au contraire de montrer, par d'astucieux calculs, que cette intuition était parfaitement crédible. La relativité générale décrit pourtant très bien comment les trous noirs se forment. Beaucoup ont été, durant leur jeunesse, de brillantes étoiles qui, après avoir brûlé leur carburant, se sont effondrées sur elles-mêmes. Concentrant leur matière dans une boule de plus en plus petite, elles ont atteint une densité si forte que l'espace-temps s'est courbé autour d'elles. Rien, pas même la lumière, ne peut désormais en sortir. D'où leur nom de trou noir. Gaz, roche, lumière disparaissent à jamais dans leurs entrailles insatiables. Reste une question presque enfantine : "Tout tombe dedans, mais ça va où ?", demande avec malice Carlo Rovelli.

LES ÉQUATIONS S'AFFOLENT

Car lorsque lam atière parvient au centre du trou noir, les équations d'Einstein s'affolent. Densité de matière et courbure de l'espace-temps deviennent infinies. La matière va-t-elle disparaitre dans un néant total, en un point où ni l'espace ni le temps n'existeraient plus ? "Nous sommes convaincus, sur la base de nos calculs, que ce qui se passe est beaucoup plus simple", assure Carlo Rovelli. Matière et lumière rebondiraient en une gigantesque explosion, transformant le trou noir en... trou blanc. Comment ? Un tel prodige est inconcevable en relativité générale : une fois le trou noir formé, l'espace-temps est devenu tel que rien de ce qui y est entré ne peut plus en sortir. Sauf que la théorie d'Einstein, à mesure que la densité augmente, se heurte à sa grande rivale, la mécanique quantique, qui régit l'univers de l'infiniment petit. Or, celle-ci est tout aussi formelle : on ne peut concentrer la matière au-delà d'un certain point. Lorsque toute la masse de l'étoile initiale se retrouve confinée dans une bille d'un volume inférieur à celui d'une petite molécule, la densité atteint une limite dite de Planck. Les théories de gravitation quantique prédisent alors l'apparition, dans cette étoile de Planck, d'une force qui va s'opposer à toute nouvelle compression, créant un mur quantique infranchissable.
Résultat ? Ce que devient cette étoile ressemble à ce qui arrive à un ballon qui cogne un mur : il rebondit. "Et c'est facile de calculer comment un ballon va remonter : il suffit de prendre l'inverse de sa chute", observe Carlo Rovelli. Repasser le film à l'envers, en quelque sorte. Encore faut il montrer que, mathématiquement, ça marche ; qu'il est possible de construire, à l'extérieur de la sphère minuscule régie par la physique quantique, une métrique d'espace-temps décrivant ce rebond et qui satisfasse les équations d'Einstein. "La grande difficulté était de coller les deux morceaux, l'effondrement et le rebond. À notre grande surprise, on s'est aperçu que c'était possible", explique le chercheur, néanmoins étonné de constater qu'on peut construire une solution générale exacte des équations d'Einstein, valables à l'extérieur et à l'intérieur du trou noir, et décrivant un effondrement suivi d'une explosion. La couture se fait grâce aux équations de la mécanique quantique, qui prennent un très court instant le relais sur une région très limitée. Et c'est cette couture quantique qui permettrait la transformation d'une métrique de trou noir en métrique de trou blanc. Un vrai tour de passe-passe, car la barrière théorique qui interdit, en relativité générale, de passer de l'un à l'autre, est incontournable... à moins que les solutions des équations d'Einstein ne soient perturbées par des effets quantiques. Des perturbations infimes mais qui, si on les accumule sur un temps suffisamment long, vont faire dériver ces solutions loin de l'orthodoxie relativiste.
Et Carlo Rovelli en est intimement convaincu : ces effets quantiques cumulés finiraient par être perceptibles au-delà de l'horizon, cette frontière qui délimite la zone d'où rien ne peu plus (en principe) ressortir d'un trou noir, transformant, au bout d'un certain temps, un trou noir en trou blanc. Mais si les trous noirs explosent fatalement en trous blancs, pourquoi ne les voit-on pas s'embraser l'un après l'autre ? "C'est là que vient l'idée la plus belle", jubile Carlo Rovelli. Car en relativité générale, le temps n'est pas le même pour tout le monde : en haut d'une montagne, du fait de la différence de gravité, le temps s'écoule un tout petit peu plus vite qu'au bord de la mer. Une différence infime, que l'on mesure en laboratoire. "Evidemment, sur Terre, entre le 1er et le 2e étage d'un immeuble, c'est imperceptible. Mais dans un trou noir la différence devient énorme : un temps très bref à l'intérieur correspond à un temps très long à l'extérieur", explique-t-il. La déformation de l'espace-temps dans un trou noir est telle qu'un effondrement d'une milliseconde à l'intérieur - temps que met un trou noir de quelques masses solaires pour se contracter - correspond à plusieurs milliards d'années à l'extérieur. Résultat ? Si l'on ne voit pas de gros trous noirs exploser dans le ciel, c'est tout simplement parce que, dans notre espace-temps à nous, ils n'en ont pas encore eu le temps.

DÉTECTER UN TROU BLANC ?

Certes, il ne s'agit, pour l'heure, que d'une intuition. "Il reste à décrire ce qui se passe au niveau microscopique en se basant sur une théorie de la gravitation quantique. Ce modèle n'y parvient pas encore", prévient Iosif Bena, spécialiste du sujet au CEA (voir ci-dessous).

LES TROUS NOIRS SONT LA CLÉ DE LA THÉORIE DU TOUT
S&V : Pourquoi les physiciens s'interessent-ils tant aux trous noirs ?
Iosif Bena : Parce que lorsqu'on les décrit, on tombe sur une contradiction entre la mécanique quantique et la relativité générale. Il suffit de s'imaginer tomber dans un trou noir : la relativité dit que dès qu'on passe l'horizon, on est inexorablement conduit vers la singularité et aucune trace de nous ne pourra jamais ressortir. Mais la théorie quantique, elle, n'autorise pas le trou noir à détruire l'information qu'il a engloutie. C'est ce que l'on appelle le paradoxe de l'information. Une autre façon de le concevoir est de dire que, pour la relativité, la quantité d'information qu'un trou noir contient est égale à 1 : il n'y a qu'une seule solution possible, celle de trou noir. Dans la théorie quantique, cette quantité doit être plus grande que l'information contenue dans tout ce qu'il a englouti : c'est donc un nombre gigantesque. C'est cette contradiction qui est la racine de tous nos problèmes !
S&V : II faut donc revoir totalement notre conception du phénomène ?
I.B. : Oui. Il faut trouver une structure qui modifie le trou noir à l'horizon. Il y a deux manières d'attaquer le problème : soit on essaye de construire un modèle à grande échelle - c'est ce qu'essaye de faire Carlo Rovelli, soit on travaille sur un modèle microscopique, en se basant sur une théorie qui unit mécanique quantique et relativité générale - c'est ce sur quoi je travaille. Le plus difficile est de trouver un mécanisme pour que cette structure ne tombe pas dans le trou noir.
S&V : Ces travaux s'inscrivent dans la grande quête de la théorie du tout ?
I.B. : Le but ultime de tout cela est bien sûr de construire une théorie de la gravitation quantique qui décrit notre Univers. Mais l'avantage avec les trous noirs, c'est que cette quête prend la forme d'un problème bien précis et bien formulé à résoudre.

Le déclic pourrait cependant venir des observations. Car, comme le souligne Aurélien Barrau, au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (CNRS-IN2P3), "il n'est pas impossible qu'on puisse mettre, en prime ce modèle à l'épreuve". Ce chercheur a en effet bon espoir qu'on puisse d'ores et déjà détecter des indices de telles explosions. Pas pour les gros trous noirs, ni même ceux créés par des étoiles de quelques masses solaires : ils ne devraient exploser qu'au bout d'un temps largement supérieur à l'âge de l'Univers ! Mais certains mini trous noirs ont peut-être déjà explosé. Car ceux-ci perdent constamment une partie de leur masse à cause d'un phénomène d'évaporation dit de Hawking. "Par un effet de couplage avec les fluctuations quantiques du vide, ils rayonnent de la lumière, de la matière et leur masse diminue de plus en plus rapidement", explique l'astrophysicien. Jusqu'à disparaitre ? Non. "Dans le modèle développé par Carlo Rovelli, cette évaporation va être rapidement arrêtée par une explosion qui va libérer toute la masse", explique Aurélien Barrau. Une explosion libérant un flot de photons gamma qui, selon ses calculs, devraient avoir une énergie de 100 MeV, accessible, donc, aux instruments actuels. "Il n'est pas impossible que certains sursauts gamma observés, très rapides et très énergétiques, soient l'explosion d'une étoile de Planck", souligne prudemment le chercheur. Reste que le modèle n'est pas encore suffisamment abouti pour obtenir un portrait-robot précis de ces photons. "Mais j'ai calculé que la distance maximale à laquelle on pouvait voir l'explosion d'une étoile de Planck est d'environ 200 années-lumière ; au-delà, on ne voit plus rien, alors que les sursauts gamma sont émis, en principe, à plusieurs milliards d'années-lumière", note-t-il. Il devrait donc être possible de les distinguer. Du moins, s'ils existent. Car les seuls trous noirs suffisamment petits pour subir une évaporation assez rapide sont les trous noirs primordiaux, qui se seraient formés juste après le big bang. "Pour être honnête, on n'en a jamais vu pour l'instant", reconnait Aurélien Barrau. Il faudrait donc faire d'une pierre deux coups : révéler l'existence de ces trous noirs primordiaux, et confirmer l'étonnante intuition qu'ils pourraient être en train d'exploser. De quoi rassurer, en prime, ceux que le silence éternel de ces espaces noirs et infinis effraie : rien ne s'y perdrait, du coup, définitivement.

E.M. - SCIENCE & VIE N°1166 > Novembre > 2014
 

   
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