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Étoiles : elles Chantent leur Histoire

Les étoiles sont les briques élémentaires à partir desquelles tout découle... Pourtant, on sait peu de chose d'elles. Pourquoi certaines donnent-elles naissance à des planètes, tandis que d'autres restent stériles ? Quel est le devenir de notre Soleil ? En écoutant les étoiles "chanter", au travers des pulsations de leur surface, l'astérosismologie pourrait percer le mystère des cours stellaires.

Que connaît-on des étoiles ? Finalement pas grand-chose. Il faut dire que ces énormes boules de gaz ne se laissent pas facilement mettre en éprouvette pour se faire analyser ! Les seules informations que les astrophysiciens trouvent à se mettre sous la dent proviennent de leur surface, par le biais de leur lumière qui, seule, peut voyager à travers l'Univers et frapper leurs télescopes. D'après leur éclat et leur couleur, les scientifiques peuvent estimer leur distance, leur taille, voire leur température de surface. Du moins, c'est ce qu'ils faisaient jusqu'à récemment. Car c'était oublier que les étoiles chantent. Plus exactement, elles vibrent au rythme des mouvements internes qui les agitent. De ces mouvements, les astronomes peuvent aujourd'hui déduire des informations beaucoup plus subtiles dévoilant l'intérieur même de l'étoile, comme la température des diverses couches de son cour, la densité de ses gaz, sa structure, son mouvement... Des connaissances de toute première importance car elles vont permettre d'affiner les modèles stellaires (télescope de La Silla, Chili). Cette discipline qui consiste à écouter les chants des étoiles, l'astérosismologie, est toute jeune. Elle est née en 1960, lorsque les astronomes détectèrent pour la première fois le murmure du Soleil. Notre étoile étant bien sûr la première dont les astronomes ont écouté le chant, puisqu'elle est la plus proche, donc la plus accessible de toutes. "Il a toutefois fallu attendre une vingtaine d'années et le perfectionnement des techniques d'observation pour commencer à l'étudier en détail et que tombent les premiers résultats", relate Sylvie Vauclair, de l'observatoire de Toulouse-Tarbes.
Les astrophysiciens ont alors pointé leurs télescopes, approché leurs engins spatiaux... et capté les oscillations de notre étoile. Jolie mélodie, qui leur a permis de dresser une carte précise de ses profondeurs, de comprendre ses mécanismes et même de mesurer la vitesse à laquelle son cour est en rotation, un élément crucial pour élucider sa formation et, partant, celle du système solaire. Sans compter que le Soleil a aussi permis aux astérosismologues d'accorder leurs violons en peaufinant leur technique. De quoi mieux tendre l'oreille dans l'Univers. Sachant que de nombreux projets partout dans le monde entreprenaient dans le même temps de traquer les rumeurs des étoiles plus lointaines. Mais c'est seulement en 2001 que la puissance des télescopes a permis d'obtenir le premier échantillon exploitable d'un autre chant stellaire. Ce murmure ne provenait pas de n'importe quelle étoile : c'était celui d'Alpha du Centaure, l'une des plus proches de nous et la troisième plus brillante de notre ciel. (La grande sour du Soleil chante la même symphonie. Cette étoile double est la plus proche de nous à 4,4 a.l. Avec ses 6,1 milliards d'années, elle est a peine plus grosse que le soleil, son chant est semblable, il transmet la chaleur par radiation. Preuve que notre soleil n'est pas unique). Enfin, les astrophysiciens en avaient la preuve, ils étaient en mesure d'entendre le chant d'une étoile située à plusieurs années-lumière de nous !

"VOIR" LA MUSIQUE STELLAIRE

Mais "entendre" n'est peut-être pas le mot. Car sans air pour la transporter, la mélodie ne peut parvenir jusqu'aux oreilles des scientifiques. En revanche, la lumière de l'étoile, elle, voyage sans encombre à travers le vide spatial. Et c'est bien grâce à elle que les astrophysiciens "voient" la musique stellaire. Tout commence dans les régions externes des étoiles. Les gaz tourbillonnent, les atomes s'entre-choquent. Cette couche externe se met à vibrer et des ondes sonores se forment. D'une voix incroyablement grave (sa fréquence est de quelques millièmes de hertz, c'est-à-dire 13 octaves en dessous du son le plus grave accessible à l'oreille humaine), l'étoile se met alors à chanter. Et comme dans une supercaisse de résonance, le son se propage en profondeur à 1 million de kilomètres par heure. Il rebondit, s'amplifie... l'astre vibre, tel un gigantesque instrument de musique ! Et sous l'effet de ces sons, sa surface se soulève et se rétracte, comme une peau d'orange en mouvement permanent.

Or, ce sont ces mouvements qui donnent accès aux astronomes au chant de l'étoile... grâce à l'effet Doppler. Prédit par la relativité d'Einstein, cet effet indique que si un objet s'éloigne, sa longueur d'onde augmente et il paraît alors plus rouge, tandis que si elle se rapproche, la longueur d'onde diminue et il paraît plus bleu. Il suffit donc de mesurer ces différences du rouge au bleu pour "entendre" les vibrations de l'étoile. Une fois le murmure enregistré, les chercheurs peuvent percer les mystères du cour de l'étoile. Car la vitesse du son augmente avec la température, et donc la profondeur : chaque note du chant stellaire a sa propre profondeur de pénétration. L'étoile devient un gigantesque sonar qui sonde ses propres profondeurs. Et les astrophysiciens, devenus mélomanes, n'ont plus qu'à décomposer la symphonie pour percer ses mystères. "Mais ce n'est pas une mince affaire. Le chant d'une étoile est composé de millions d'harmoniques à décomposer dans l'espoir d'en déduire comment les ondes sonores ont pénétré à l'intérieur", prévient Sylvie Vauclair. Et ces oscillations sont faibles : la surface de l'étoile se soulève de seulement quelques dizaines de mètres ! Même les plus puissants télescopes terrestres ont bien du mal à les distinguer du bruit de fond. Autre difficulté : certains de ces cycles d'oscillations durent plusieurs jours. Et pour pouvoir conclure sur le cour de l'étoile, il faut écouter la symphonie en entier. "Nous avons besoin au minimum de six nuits d'observations successives. Et même lorsque nous avons la chance de pouvoir disposer d'un télescope pendant cette durée, le jour nous pose problème en stoppant l'observation", relate Gérard Vauclair, qui travaille avec sa femme à l'observatoire de Toulouse-Tarbes.
Malgré ces difficultés, les astronomes ont réussi à obtenir quelques beaux résultats. Ainsi, en avril dernier, une étoile solitaire, Iota Horlogii, âgée de 625 millions d'années (très jeune) a chanté comment elle s'est échappée de l'amas des Hyades ; tandis qu'en mars, la représentante d'un nouveau type de naines blanches, SDSS J142625.71+575218.3, dévoilait ses derniers soubresauts (étoile à l'agonie, massive 8 à 10 fois le soleil, les étoiles un peu plus massives explosent en supernovae en étoile à neutrons ou trous noirs). Et ce n'est qu'un début. Parce que les astrophysiciens commencent à unir leurs forces. Pour se prémunir du jour qui vient perturber leurs mesures, ils pointent vers leur étoile jusqu'à une dizaine de télescopes répartis en longitude. Quand le jour se lève pour l'un d'entre eux... hop ! un autre va prendre le relais pour continuer les mesures, et ainsi de suite. Pour l'étude de l'étoile mourante V931 Pegasi, par exemple, pas moins de quatorze télescopes ont été mobilisés, et ont offert un joli cadeau aux astronomes : la découverte, en septembre dernier, d'une nouvelle exoplanète qui se cachait aux côtés de la géante.

UN TÉLESCOPE EN ANTARCTIQUE

Et d'autres réseaux de télescopes sont en train de se constituer. Une demi-douzaine des plus gros télescopes du monde viennent ainsi d'être mobilisés pour étudier le chant de Procyon, une étoile double qui est en train de brûler ses dernières réserves d'hydrogènes. Mais depuis la naissance de l'astérosismologie, les spécialistes le savent : le meilleur lieu pour capter la musique stellaire reste l'espace. Une fois sorti de l'atmosphère, plus aucun bruit de fond ne vient perturber le chant, le jour n'interrompt plus les mesures. "Dans l'espace, on gagne un facteur 100 en précision ! Et l'on peut effectuer des mesures presque sans interruption sur des durées de cinq mois", assure Eric Michel, de l'observatoire de Paris. Enfin, depuis décembre 2007, les astérosismologues disposent de leur outil : le télescope spatial Corot. Il vient de donner ses premiers résultats (ci-dessous) et devrait, d'ici à la fin de sa mission, en 2009, fournir des enregistrements d'une précision inédite. Avant qu'en 2013, le projet Siamois ne prenne la relève. Certes, il ne s'agit pas d'un satellite, mais d'un télescope terrestre. Oui, mais sa position, sur la base Concordia au Dôme C, en Antarctique, lui permettra de bénéficier de trois mois de nuit complète. L'aventure du chant stellaire ne fait donc que commencer... "C'est une méthode puissante, qui est en passe de révolutionner notre connaissance", s'enthousiasme Sylvie Vauclair. Et quoi de plus beau pour un astrophysicien que de sonder le cour de centaines d'étoiles... en les écoutant chanter ?

Corot traque aussi les étoiles chanteuses
Corot est célèbre pour sa chasse aux exoplanètes, mais c'est pour traquer le murmure des étoiles que ce télescope spatial a d'abord été conçu. En 1995, la mission faillit être annulée, faute de moyens. Elle a été sauvée in extremis par les exoplanètes qui ont été jugées plus "grand public" que l'astérosismologie. Mais aujourd'hui, c'est bien dans sa mission première que Corot donne ses premiers résultats enthousiasmants. Parmi cinquante étoiles potentiellement chanteuses, le télescope a gardé l'oil sur celles dont la masse se situe entre 1 et 10 fois celle du Soleil. "À partir de quelle masse les étoiles présentent-elles un cour convectif ? Comment les éléments chimiques se mélangent-ils ? Quelle est la rotation des différentes couches de l'étoile ? Autant d'informations auxquelles on n'avait aucun accès jusque-là, et qui devraient permettre de faire le lien avec le Soleil, et de comprendre comment l'intérieur des étoiles évolue en fonction de leur taille", explique Eric Michel, responsable de la mission. "Et on vient de détecter les oscillations de trois étoiles", annonce-t-il. Les 45 fréquences qui constituent le chant de l'une d'elles, HD49933, suggèrent que dans ses profondeurs, les gaz tourbillonnent selon une période de 3,9 jours. Mais pour conclure sur le cour de l'étoile, la patience est de mise : "L'étude des résultats commence juste".

Mathilde Fontez - SCIENCE & VIE > Novembre > 2008
 

   
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