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Mathusalem : La Planète qui ne Devrait Pas être Là

Une planète qui serait née juste après le big bang ? Jusqu'à présent, les astrophysiciens n'imaginaient pas ça possible. Avant de découvrir "Mathusalem" !

Il se trouve dans la constellation du Scorpion, très précisément dans l'amas globulaire M 4 à quelque 5600 années-lumière de notre système solaire. Pour les astrophysiciens, il reste une énigme depuis sa découverte en 1994, et les publications scientifiques qui s'y intéressent sont légion. C'est qu'il perturbe ni plus ni moins les théories sur la formation des planètes. Mais au fait, qui est-"il" ? Là est la question.
Sommairement, on sait qu'il s'agit d'un objet sidéral ayant la particularité de tourner autour d'un système double, composé d'un pulsar et d'une naine blanche, deux étoiles en fin de vie (la première est à neutron ; l'autre est de masse moyenne). Quoi d'autre ? Pour en savoir plus, Steinn Sigurdsson, astrophysicien islandais, et ses collègues de l'université de Pennsylvanie (États-Unis) ont exploité les données du télescope spatial Hubble pour établir, en juillet 2003, son portrait-robot.

Surprise : il s'agit d'une exoplanète gazeuse de deux fois et demi la masse de Jupiter. Vieille de 13 milliards d'années ! Autrement dit, la plus vieille planète connue. Voilà pourquoi elle a été sumommée Mathusalem !

Avec un âge aussi vénérable, Mathusalem aurait vu le jour peu après le big bang qui, il y a 13,7 milliards d'années, marque la naissance de l'univers (notre système solaire, lui, est vieux de 4,5 milliards d'années), ce qui ne laisse d'intriguer les spécialistes. Car à cette époque, l'Univers n'est pas censé contenir assez d'éléments lourds (carbone, azote, oxygène. etc.) pour la formation d'une planète. Juste après le big bang, deux gaz occupent l'espace l'hydrogène et l'hélium, ingrédients constitutifs des premières étoiles, qui synthétisent les premiers éléments lourds. À leur mort, elles dispersent leur matière, qui va participer à la genèse de nouvelles étoiles et à celle des planètes les entourant. Ainsi apparaissent, au fur et à mesure, d'autres éléments de plus en plus lourds : silicium, aluminium, fer... Autant d'étapes qui ne peuvent procéder qu'avec le temps. Combien ? Nul ne le sait. Quoi qu'il en soit. Mathusalem ne devrait pas être née il y a si longtemps. Pourtant, elle est bel et bien là. Faut-il en conclure que les modèles patiemment élaborés par les astrophysiciens sont faux ?

DEUX SCÉNARIOS POSSIBLES

Actuellement, deux théories s'affrontent. La première suggère que les petits grains de poussières qui gravitent autour d'une étoile - le "disque protoplanétaire" - s'agrègent et se constituent en petits corps qui, à force de collisions, s'agglutinent jusqu'à se transformer en embryons de planètes. Au-delà d'une masse critique de 10 fois la masse de la Terre, elles capturent le gaz environnant pour devenir des géantes gazeuses. Dans ce modèle d'accrétion, une condition sine qua non : des poussières composées d'éléments lourds.
L'autre scénario, dit de "l'instabilité gravitationnelle", imagine un disque essentiellement gazeux soumis à deux forces contraires la gravité le pousse à s'effondrer sur lui-même ; la pression due à la chaleur tend à le dilater. Si le disque atteint une certaine masse, de petites instabilités perturbent le gaz, qui se condense et s'effondre localement, les petites condensations de matière attirant de plus en plus de gaz. "Avec ce modèle, les planètes gazeuses sont formées très vite sans nécessiter la présence d'éléments lourds", explique Tristan Guillot, du laboratoire Cassini de l'observatoire de la Côte d'Azur. Et pour Steinn Sigurdsson, l'existence de Mathusalem est un argument en faveur de ce scenario. Mais "cela peut aussi signifier que, pour se former, les planètes ont besoin d'une plus faible quantité d'éléments lourds que prévu", avance l'astronome. Et c'est le scénario de l'accrétion qui reprend le dessus.

Fin juillet 2003, la découverte d'immenses réservoirs de gaz et, surtout, de poussières dans le quasar J1148+5251, le plus lointain, éclaire le problème sous un nouveau jour. "Le rayonnement des poussières date de 850 millions d'années après le big bang", explique Pierre Cox, coauteur de la découverte. Une broutille à l'échelle astronomique, mais une surprise énorme pour les spécialistes : des poussières, donc des éléments lourds, auraient ainsi existé très peu de temps après le big bang ! Ce qui implique que l'enrichissement de l'Univers en éléments lourds se serait fait très rapidement. Et redonne des arguments, non négligeables, aux tenants du modèle d'accrétion.

Alors, accrétion ou instabilité gravitationnelle ? Comme souvent dans ce cas-là, certains pensent que les deux scénarios ne s'excluent pas... Mais pour l'heure, ils ne vont guère plus loin. Quoi qu'il en soit, ces découvertes suggèrent déjà que les planètes pourraient être beaucoup plus nombreuses, et donc la vie plus courante qu'on ne le pensait.

SCIENCE & VIE > Octobre > 2003
 

   
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