P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
 Index ASTRONOMIE -> GALAXIES -> VOIE LACTÉE 
   
 
Là où Naissent les Étoiles

Les premières images de la Voie lactée transmises par Herschel, le télescope européen lancé au printemps, viennent de nous parvenir. Le grand recensement inédit des étoiles peut commencer.

On pense bien les connaître, et pourtant. Malgré des décennies d'observation et le perfectionnement constant des instruments, la principale activité de notre galaxie, c'est-à-dire la formation des étoiles, échappe encore en grande partie à la compréhension des scientifiques. Combien d'entre elles se serrent dans l'étroite bande de la Voie lactée ? Sont-elles petites, semblables au Soleil ou plus grosses encore ? Vivent-elles en groupe ? Possèdent-elles la même taille à leur naissance avant d'évoluer différemment ? Autant de questions auxquelles le satellite Herschel, lancé en mai dernier par l'Agence spatiale européenne (ESA) et dont la phase de tests vient tout juste de se terminer, devrait apporter des éléments de réponses. Les premières images envoyées par ce télescope sensible aux ondes submillimétriques - un domaine encore largement inexploré - sont spectaculaires et prometteuses. On y découvre la Voie lactée comme on ne l'a jamais vue, ce qui devrait permettre de démarrer le grand chantier du recensement des étoiles.

La cible privilégiée d'Herschel ? Les nuages moléculaires sombres et froids situés dans le plan de la Voie lactée, là où naissent les étoiles. La température y oscille entre -260 et -173°C et chaque centimètre cube de l'espace contient environ un millier de molécules de gaz et beaucoup de poussière. Un milieu froid et dense, puisque tout autour la densité est cent fois moindre. "De vraies pouponnières d'étoiles", comme le qualifie Vincent Minier, astrophysicien au Commissariat à l'énergie atomique.
La naissance d'une étoile y suit grosso modo trois étapes : d'abord un fragment du nuage moléculaire s'isole, puis, sous l'effet de sa propre masse, il s'effondre sur lui-même. Cette contraction aboutit à une élévation de température qui fait démarrer les réactions nucléaires au sein de l'étoile qui commence ainsi à briller. Elle devient alors visible. Mais, à ce stade, l'étoile a déjà été repérée par Herschel, alors qu'elle était encore invisible pour les télescopes optiques. Herschel commence en effet ses observations dès la fragmentation du nuage. Pendant cette phase, la région qui s'isole chauffe très légèrement la poussière alentour qui commence alors à émettre des ondes submillimétriques de très faible énergie. Cette poussière de l'enveloppe stellaire indique la taille des étoiles à leur naissance.
"Les étoiles ont, à la naissance, des tailles et masses variées. Les proportions sont les mêmes d'une pouponnière à l'autre avec une majorité d'étoiles entre 0,1 et 1 fois la masse du Soleil. Certaines ont réussi à grossir. D'autres sont restées à une fraction du Soleil. Cette diversité de tailles dépend sans doute de la fragmentation du nuage et de ses réserves en gaz", précise Vincent Minier. Reste encore à en expliquer le mécanisme. "Tout indique que le nuage moléculaire est un milieu turbulent. Des remous, comparables à notre système atmosphérique, l'agitent sans cesse. Cette turbulence pourrait isoler des fragments plus ou moins gros, et en emporter un petit nombre vers des régions où la matière est abondante : ils grossiraient alors par accrétion. Seuls ceux qui de meurent en place garderaient leur masse d'origine". Herschel devrait affiner notre connaissance du fonctionnement de ces "grosses masses" qui rassemblent au moins huit fois celle du Soleil. Ce faisant, elles deviennent ainsi des "boosters" de la Galaxie en raison de leur activité frénétique. En effet, plus une étoile est massive, plus elle brûle rapidement son combustible. "Tout au long de sa vie, elle éjecte puissamment une partie de sa matière sous forme d'intenses jets de gaz ou sous forme de flux permanent, appelé vent stellaire. Puis elle explose en éparpillant son enveloppe dans le milieu. Toute cette activité dynamise le nuage au point de déclencher probablement la formation d'autres étoiles", poursuit Vincent Minier.
Le télescope Herschel devra également apporter des débuts de réponses concernant les "poids plume" : quelle est la plus petite taille pour une étoile ? Pourquoi certaines d'entre elles ne grossissent-elles jamais au point de ne pouvoir briller ? "Certaines petites étoiles, du fait de leur faible masse, se trouvent peu liées gravitationnellement à l'en semble du nuage. Comme l'ensemble est en rotation, il se peut qu'elles soient éjectées à l'extérieur du nuage moléculaire, comme une fronde envoie au loin un objet léger. L'étoile est expulsée vers des zones où la matière est très peu dense, ce qui empêche alors sa croissance... Les naines brunes, ces étoiles si petites qu'elles ne parviendront jamais à briller, seraient dans ce cas. Ce sont des étoiles ratées en somme..." Enfin Herschel devra scruter d'autres galaxies et comparer leur activité de formation d'étoiles. "Alors que la Voie lactée fabrique chaque année l'équivalent de trois masses solaires en étoiles, les galaxies situées à 9 milliards d'années-lumière en produisent cent fois plus", précise David Elbaz, astrophysicien au CEA. Cette lumière ayant mis 9 milliards d'années à nous parvenir, elle informe sur l'état de la galaxie il y a 9 milliards d'années, du temps où l'Univers était alors âgé d'à peine un quart de son âge actuel... "Tout indique que, dans le passé, les galaxies ont fabriqué beaucoup plus d'étoiles qu'aujourd'hui". Cette activité a-t-elle été régulière ou la majorité d'entre elles se sont-elles formées à une époque donnée ? En observant la luminosité des galaxies lointaines - jusqu'à des distances de 11 milliards d'années-lumière -, Herschel nous informera sur la quantité d'étoiles qui se sont formées depuis lors. Certes, d'aussi loin, aucune ne sera détectable individuellement, mais leur lumière cumulée indiquera leur nombre et l'activité de leur trou noir central. De quoi resituer la Voie lactée parmi ses semblables.

Azar Khalatbari - SCIENCES ET AVENIR > Décembre > 2009
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net