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La Chute des Météorites

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La Chute de Météorites

À plusieurs centaines de kilomètres au large du Mexique, le 23 avril 2001, une météorite de 5 mètres de diamètre est tombée du ciel au-dessus de l'océan pacifique. Son explosion à haute altitude dans l'atmosphère a dégagé une énergie équivalente à la moitié de celle de la bombe d'Hiroshima.

Si elle avait mesuré 50 mètres, l'explosion aurait été mille fois plus violente, mais elle se serait produite si haut dans le ciel qu'elle n'aurait guère représenté plus de danger... Mais si elle avait mesuré 500 mètres, l'explosion aurait été un million de fois plus violente et aurait déclenché un gigantesque raz-de-marée provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes sur les côtes américaines et asiatiques. Et si elle avait mesuré 5 km, son impact, un milliard de fois plus puissant, aurait engendré une apocalypse digne des pires chatiments divins jamais imaginés par l'homme, menaçant d'extinction toute vie à la surface de la Terre. Et si... cela arrivait ?

Aujourd'hui, la menace céleste semble tout juste bonne à alimenter les discours de prêcheurs en mal de jugement dernier, les scénarios de films catastrophes ou les magazines en quête de lecteurs. Et pourtant...
Pourtant, en 2000, le ministre de la recherche britannique a commandé un rapport sur le risque de collision entre des objets venant de l'espace et la Terre. Le rapport préconise de "mettre en place des instances internationales, européennes et nationales, afin que le problème soit étudié et que des décisions soient prises". Pourtant, un "livre blanc", publié en février dernier par le bureau des études spatiales du Southwest Research Institut de Boulder (Colorado), estime que "la menace d'un impact, bien que celui-ci soit très peu probable, peut créer une telle panique qu'une approche globale des aspects scientifique, technologique et politique doit être mise en place"... Pourtant, Marcello Coradini, coordinateur des missions du système solaire à l'Agence spatiale européenne (ESA) s'évertue à "convaincre tout le monde de la nécessité de prendre le risque en compte".
Pour nombre de scientifiques, il faut agir, et vite. Mais du côté des politiques, personne ne semble prendre la chose au sérieux. Le rapport des scientifiques américains donne un exemple édifiant du désintérêt politique pour la question aux États-Unis : "Brian Mardsen, qui dirige le Minor Center Planet, à Boston, où presque toutes les données astronomiques sont cataloguées, affirmait récemment qu'il ne savait pas qui contacter au gouvernement en cas de risque sérieux d'impact". Pourtant, dès 1994, le Congrès avait chargé la NASA d'étudier le problème...
En France, la question est encore inconnue. Aucune instance de l'Etat ne l'a encore évoquée. "Si demain je détectais un objet menaçant, non seulement je ne saurais pas qui appeler, mais j'imagine que le ministère de la Défense me rirait au nez", estime Alain Maury, un astronome qui a longtemps surveillé les objets célestes menaçants à l'aide du télescope Schmidt de l'Observatoire de la Côte d'Azur, dans l'arrière-pays grassois. Faute de moyens, il a dû arrêter la traque il y a un an.

Carte des impacts (->). Environ 150 grands cratères ont été recensés dans le monde. Formés pour certains il y a plus de 600 millions d'années, il faut souvent chercher leur trace dans les couches géologiques profondes.

INDIFFÉRENCE DES POLITIQUES

Le Conseil de l'Europe a bien pris une résolution, en 1996, mais elle est restée lettre morte. "Les hommes politiques européens ne sont pas du tout au courant du problème, regrette Alain Maury. C'est le petit-fils d'un astronome, élu député, qui a poussé le ministre de la Recherche britannique à se pencher sur la question". Sans grand résultat cependant : si le ministre a bien reconnu l'importance du sujet, il n'a pris aucune décision : "À partir du moment où les dangers ne sont pas limités à une seule nation, une approche internationale du problème est nécessaire". Comment expliquer cette indifférence ? Visiblement, les astronomes ont accumulé un certain nombre de faits dont les politiques ne savent pas tirer les enseignements.

LES LOIS DU CHAOS

Le risque d'un impact majeur a commencé à envahir les consciences au début des années 80, quand la communauté scientifique eut les premières preuves qu'un tel cataclysme s'était déjà produit au cours de l'histoire de la vie sur Terre. C'est un physicien américain, Luis Alvarez, et son fils géologue, Walter, qui ont émis l'hypothèse - plus guère contestée aujourd'hui - selon laquelle la chute d'une météorite il y a 65 millions d'années était responsable du bouleversement climatique à l'origine de l'extinction des dinosaures et d'un grand nombre d'espèces animales tant terrestres que marines.
Au début des années 90, les astrophysiciens ont compris combien la stabilité qui règne dans notre système solaire n'était qu'apparente, lorsque l'astronome français Jacques Laskar a démontré que le mouvement des corps dans l'espace suivait les lois du chaos. En conséquence, il est impossible de prévoir à long terme les trajectoires de la plupart des objets qui peuplent notre système solaire.
En 1994, la prise de conscience a monté d'un cran quand les astronomes - et le grand public - ont contemplé en direct la chute de la comète Shoemaker-Levy sur la planète Jupiter. La violence de l'impact éjecta de la surface de la planète géante des boules de feu grosses comme la Terre. Cette année, enfin, des géochimistes américains ont apporté des preuves supplémentaires à l'hypothèse d'un impact météoritique dans l'extinction massive (jusqu'à 90 % des espèces) survenue il y a 250 millions d'années. Des indices de cette rencontre fatale auraient même été repérés par des géologues australiens, dans l'Ouest de leur pays, sous des centaines de mètres de sédiments. C'est déjà arrivé plusieurs fois.

ÉVALUER LES RISQUES

On a quand même déjà quelques idées sur les dégâts que pourraient causer ces vagabonds de l'espace. Au moins en terme d'énergie libérée. En effet, les astéroïdes se déplacent à une vitesse comprise entre 50.000 et 100.000 km/h et les comètes atteignent les 150.000 km/h. Or, à de telles vitesses, pas besoin d'une grosse masse pour dégager une énergie phénoménale. Le pouvoir de destruction de ces monstres est déduit des tests nucléaires qui engendrent les explosions les plus puissantes que l'on connaisse sur la Terre. Les données sont corrigées à l'aide de puissantes simulations numériques.
Et les dégâts, qui peuvent aller jusqu'à la destruction totale de la Terre, sont apocalyptiques. Cela devrait pousser les autorités publiques à réagir, mais elles ont besoin d'une évaluation fiable du risque pour prendre une décision. On ne peut s'empêcher d'évoquer le fameux principe de précaution qui, dans l'incertitude, voudrait qu'on prenne en considération le pire des scénarios. Or, ici, on touche à l'aspect le plus déroutant du sujet.
Pour évaluer le risque d'une apocalypse, il faut d'abord savoir avec quelle fréquence la Terre risque d'être bombardée. Comme à l'heure actuelle on n'a pas encore recensé la totalité des objets menaçants, les spécialistes ne peuvent prendre comme référence que ce qui est déjà tombé dans le passé, en faisant le pari que la fréquence de chute reste à peu près constante. Mais cette recherche des événements passés est en elle-même difficile. Tout d'abord les trois quarts de la surface de notre planète sont recouverts par des océans, et cela depuis des milliards d'années. Toute trace d'impact est, de facto, impossible. Ensuite, sur le quart de continents qui reste, les traces au sol sont rapidement effacées par l'érosion en seulement quelques milliers ou millions d'années.
Heureusement, la surface criblée d'impacts de notre satellite nous renseigne sur le flux de météorites qui bombarde en permanence notre planète. Il en tombe chaque année plusieurs dizaines de milliers de tonnes - et depuis le début de votre lecture, il en est tombé environ une tonne !
Accident : Le 9 octobre 1992 (->), à Peekskill, dans l'Etat de New York, s'abattait une météorite de 12 kg. Cette vieille Chevrolet en sera heureusement la seule victime.
C'est ainsi que l'on établit une fréquence de chute et que l'on arrive à l'estimation suivante : chaque mois, en moyenne, il tombe sur Terre un objet de la taille de celui repéré au large de la côte mexicaine, tandis qu'un objet de taille comparable à celui qui a exterminé les dinosaures s'écrase en moyenne tous les 100 millions d'années. Mais ce n'est pas parce que les grands sauriens ont disparu il y a 65 millions d'années, qu'il n'y aura pas d'autre impact majeur avant une bonne trentaine de millions d'années. La date du dernier impact ne sert pas à déterminer le suivant. Ce n'est qu'une probabilité moyenne. Il y a autant de risques pour que le prochain impact se produise demain ou le 21 septembre 2024, voire lors d'une belle soirée d'été dans 100 millions d'années !

4.000 MORTS PAR AN

Il faut maintenant mesurer l'importance des dégâts par le nombre de morts causés lors de l'impact. Tout dépend si l'objet tombe en pleine mer, dans le Middle West ou sur Paris... Pour une évaluation globale, on établit une moyenne de la population planétaire (10 personnes au km²) et on fait varier la taille de l'astéroïde : l'hécatombe varie alors de 0... à 6 milliards de morts.
Pour évaluer la menace et la comparer à d'autres catastrophes (accidents d'avion, inondations, épidémies, tremblements de terre...), il suffit de multiplier la probabilité d'impact de l'objet menaçant par le nombre de victimes qu'il provoquerait. Les météorites de plus de 1,5 km de diamètre, par exemple, à raison d'un impact tous les 500.000 ans et de 1,5 milliard de morts par impact, représentent un danger potentiel de 3000 morts par an. Si l'on prend en compte tous les objets extraterrestres, le risque lié à leur chute représente 4000 morts par an ! Soit, rapporté à chaque individu, un risque sur 20.000 de laisser sa peau sous un astéroïde. Un Américain a plus de risques de succomber dans un accident de voiture, autant dans un accident d'avion et moins dans une inondation, une tornade ou à la suite d'une morsure de serpent (image de droite)... Etant donné les investissements consentis pour se prémunir contre ces risques familiers, comment notre société peut-elle négliger celui des impacts de météorites ? C'est que ce calcul, pourtant le seul capable d'évaluer le risque, n'est pas pertinent. En effet, selon ces estimations, plusieurs centaines de milliers de personnes auraient dû être les victimes d'astéroides au cours du siècle passé. Ce n'est pas le cas.

SCIENCE & VIE > Juillet > 2001
 

   
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