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Géophysique de Mars : Datation des Surfaces

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Glissements de Temps sur Mars

À quelle époque les rivières martiennes se sont-elles asséchées ? Si les planétologues savent placer précisément ce tournant dans la chronologie de la planète, ils font toujours face à une grande incertitude pour toute datation absolue. Un problème que résoudrait une collecte d'échantillons sur place.

L'histoire de Mars est maintenant bien connue. Sur ce point, les spécialistes sont unanimes : les différentes étapes de l'évolution de la planète rouge sont clairement établies. De la formation du gigantesque canyon Valles Marineris (->) aux ultimes éruptions du volcan Olympus Mons, nous savons précisément dans quel ordre se sont succédé les principaux événements géologiques. Mais pour progresser encore, les scientifiques butent maintenant sur un obstacle : impossible de dater sans une grande marge d'erreur les différentes surfaces à partir desquelles ils ont constitué leur chronologie relative. L'armada de sondes toutes plus performantes les unes que les autres, lancées ces dernières années, ont rien changé. "L'incertitude s'élève à un facteur 2 ou 3", indique Cathy Quantin, maitre de conférences à l'université de Lyon 1, spécialiste de géologie martienne. Ce qui signifie qu'une surface datée de 100 millions d'années peut tout aussi bien en avoir 300.
C'est précisément Cathy Quantin qui a soulevé le problème en 2004, avec la publication d'un article dans la revue spécialisée Icarus. La chercheuse avait étudié les flancs de Valles Marineris sur des images à très haute résolution et aboutissait à un paradoxe. "Il y avait de plus en plus de glissements de terrain au cours du temps, raconte-t-elle. C'était bizarre car l'activité géologique de Mars devait au contraire s'être peu à peu réduite au fil des âges. Il était plus probable de penser qu'il y avait une erreur dans la technique de datation des surfaces". Cette remise en cause, la chercheuse la propose dans une deuxième publication, en 2007. Et elle avance un nouveau modéle de datation qui "vieillit" certaines structures géologiques. De 1 million d'années, elles passent à 4 millions d'années.
Cette différence, qui peut sembler considérable, ne constitue cependant qu'un ajustement des estimations antérieures. Limitée aux événements les plus récents ayant marqué la surface martienne, elle ne bouleverse pas la vision des géologues. En revanche, comme le fait remarquer William Hartmann, du Planetary Science Institute (Tuscon), "le plus gros problème concerne le milieu de l'histoire martienne". Coauteur de l'article paru en 2007, William Hartmann est un grand spécialiste des surfaces planétaires. Il a mis au point, en 1981, l'une des deux méthodes de datation employées par l'ensemble des planétologues. Or, l'incertitude qui plane sur le milieu de l'histoire de Mars - une époque appelée l'Hespérien - correspond à un épisode important pour la planéte. "Nous savons que la fin de l'Hespérien a probablement marqué une transition entre un certain niveau d'activité fluviale, avec production de sédiments chargés en sulfates, et une période plus calme et plus séche", commente William Hartmann. Ce changement majeur est-il survenu voici 3 milliards d'années, comme l'estiment les spécialistes ou était-ce 1 milliard d'années plus tard, comme le rend tout aussi envisageable la marge d'incertitude ?
La question promet de rester en suspens encore plusieurs années. En effet, pour établir des datations absolues des surfaces martiennes, il faut un élément que les chercheurs ne sont pas prêts d'avoir : un échantillon récolté dans un lieu bien identifié. Avec seulement quelques grammes de roche, ils pourraient se livrer en laboratoire à une analyse radiochronologique susceptible de leur donner un âge à 1 million d'années prés. C'est d'ailleurs à partir d'échantillons qu'est née la méthode actuelle de datation de la surface de Mars. Sauf que ces échantillons provenaient de la Lune (->). Apportés sur Terre par les astronautes des missions Apollo et deux engins automatiques russes Luna, ils ont servi d'étalons.
Les astronomes ont ensuite compté le nombre de cratères d'impact présents dans la région où ils ont été collectés et mesuré leur taille. Ils ont ensuite établi une courbe mettant en relation le nombre de cratères par unité de surface en fonction de leur taille. Ainsi, ils ont retracé l'évolution de la fréquence des impacts. En effet, selon le scénario de formation du Systéme solaire, les collisions étaient nettement plus fréquentes et plus importantes voici 4,5 milliards d'années qu'aujourd'hui. Au fil des âges, cette fréquence a diminué, tout comme la taille des bolides impliqués. De sorte que l'on considére que plus une surface possède de cratéres, plus elle est âgée.
Donc a l'aide d'échantillons venus de huit sites (dont certains avaient des caractéristiques similaires), une chronologie absolue a pu étre établie sur la Lune. Le point de départ est bien connu grâce aux roches lunaires, mais aussi terrestres : environ 4,5 milliards d'années. Jusqu'à -3,2 milliards d'années, dater la surface lunaire à partir du nombre et de la taille des cratères ne pose aucun problème. "C'est ensuite que ça se complique, explique Pierre Thomas, géologue à l'ENS de Lyon. Entre -3,2 milliards d'années et aujourd'hui, les incertitudes sont telles que nous n'avons plus vraiment de courbe. Le bombardement a-t-il décru de manièère constante ?" Les astronomes ont tablé sur cette hypothése vraisemblable. Pour déterminer les âges des différentes surfaces de Mars, les scientifiques ont tout simplement transposé les données lunaires à la planète rouge. Bien sûrs ils ont tenu compte du fait que Mars n'a pas la même masse que la Lune et qu'elle attire donc davantage les astéroïdes. Ils ont intégré le fait qu'elle n'est pas à la même place dans le Système solaire (elle jouxte la Ceinture d'astéroïdes) et même le fait qu'en raison de son atmosphère, elle est soumise à une érosion éolienne, voire glaciaire ou aquatique, contrairement à la Lune. Mais malgré toutes ces précautions, il demeure des incertitudes que Pierre Thomas qualifie de "monstrueuses". Des "barres d'erreur énormes", indique pour sa part François Costard, du Laboratoire de géomorphologie planétaire à l'université de Paris-Sud.
Par leurs travaux récents, Cathy Quantin et William Hartmann ont contribué à réduire le flou sur ces datations absolues. Dans un article en cours de publication, ils s'apprétent à confirmer leurs résultats précédents grâce à de nouveaux comptages de petits cratères au sein d'impacts qualifiés de récents (quelques dizaines de millions d'années ->).

Entre temps, d'autres données sont venues étayer leur chronologie révisée, celles des sondes Mars Global Surveyor (MGS), aujourd'hui hors d'usage, et Mars Reconnaissance Orbiter (MRO). "Fin 2006, Mike Malin, de l'équipe d'imagerie de MGS, a annoncé qu'il avait détecté la formation de nouveaux cratères de 10 à 20 m de diamètre pendant la durée de la mission (<-), explique William Hartmann. Ceci a été confirmé par MRO, en mars 2009. La bonne nouvelle, c'est que le taux de production pour ces tailles recoupe exactement les taux que nous avons utilisés, à moins d'un facteur 2".

Ces deux cratères (<-) n'existaient pas quand la mission de MGS a commencé autour de Mars. Le premier, en haut, est apparu entre avril 2001 et décembre 2003 ; le second, entre décembre 2003 et novembre 2005. En tout, une vingtaine de nouveaux cratères comme ceux-ci permettent d'estimer la fréquence actuelle des impacts sur la planète rouge.

Prochaine étape : aller chercher une poignée de cailloux martiens. "Avec trois échantillons venant de sites bien choisis, cela nous permettrait d'étalonner notre système de comptage des cratères, affirme William Hartmann. Une fois fait, nous pourrions dater en toute confiance n'importe quelle formation sur Mars, sans avoir besoin d'y aller".

Philippe Henarejos - CIEL ET ESPACE N°469 > Juin > 2009
 

   
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