P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
 Index ASTRONOMIE -> SYSTÈME SOLAIRE -> PLANÉTOLOGIE 
   
 
Militarisation de l'Espace

L'Espace, un Nouveau Champ de Bataille

Novembre 2021, un allemand, 4 américains et 2 russes dans l'ISS menacés par les débris de l'explosion d'un satellite, il a été détruit par un tir de missile russe depuis le sol. L’événement suscite un regain de tensions dans l'espace et sur Terre. Cette démonstration de forces a ravivé le spectre d'une guerre des étoiles. Loin des regards, l'espace devient un nouveau terrain d'affrontement entre grandes puissances. Une course aux armements semble engagée. La montée des tensions dans l'espace, menace-t-elle directement la paix mondiale ?

Depuis le lancement du premier satellite Spoutnik par l'Union Soviétique en 1957, plus de 10.000 satellites ont été lancé dans l'espace, dans ce territoire sans frontière. La moitié des satellites sont encore en activités, de 80 nations différentes. Des pans entiers de l'économie sur Terre reposent désormais sur l'utilisation d'outils spatiaux, télécommunications, météo, transport... autant d'applications stratégiques au XXI ème siècle. Revers de la médaille, les satellites sont un talon d'Achille pour certaines nations. Une situation inédite depuis le début de l'âge spatial.

Les 2/3 des satellites civils et militaires opérationnels en orbite sont américains. La Chine en possède 10 %. la Russie, moins de 5 %. Cette domination américaine, permet de mieux comprendre les enjeux de souveraineté dans l'espace.
Soucieux de préserver leurs intérêts stratégiques en orbite, les États-Unis décident de créer en 2019, une armée dédiée à l'espace. Le ministère de la défense américain amplifie la menace et vente aux citoyens la nécessité de l'effort militaire spatial. Au premier rang de l'infrastructure spatial, le système de positionnement américain, le GPS, est constitué de 31 satellites militaires, devenus depuis les années 2000, une références mondiale pour toutes les activités humaines. La Russie dispose de sa propre flotte, GLONASS. La Chine de sa constellation Beidou. L'Europe utilise son système Galileo. Ces flottes de satellites, à 20.000 km dans l'espace, sont considérés comme hautement stratégiques. En 20 ans, le rôle des satellites a été décuplé sur tous les théâtres d'opérations, faisant de l'espace un territoire crucial pour la sécurité nationale.

L'espace est le terrain de jeu des militaires depuis la guerre froide. Cette occupation militaire est à l'origine de la situation géopolitique spatiale actuelle. L'armée est présente dans l'espace depuis les débuts de l'ère spatiale. La course technologique que se sont livrés les États-Unis et les soviétiques, marque l'arrivée des armes dans l'espace. C'est le début des tirs ASAT, les tirs de missiles anti-satellites depuis le sol. La course aux armements dans l'espace, sous prétexte de garantir la paix est lancée.
La Chine réalise en 2007 un tir ASAT sur un de ces propres satellites. Face à ce qu'ils perçoivent comme une provocation, les américains ripostent avec un nouveau tir ASAT. La Chine manifeste ces ambitions dans l'espace, qui devient le terrain d'une nouvelle forme de compétition avec les tirs ASAT.
Les rapports de forces terrestres se propagent dans l'espace. Malgré leur position dominante, les tirs ASAT et leurs alliés se sentent menacés par la Chine. Mais aussi par leur rival historique, la Russie.

En novembre 2021, la Russie ravive la tension diplomatique avec un nouveau tir ASAT. 45 ans après son dernier tir, la Russie réitère la manœuvre, faisant exploser son propre satellite hors d'usage, 40 km seulement au-dessus de la Station Saptiale Internationale. Face à la condamnation générale, comment interpréter le geste de la Russie ? Le tir de missile anti-satellites est devenu un outil stratégique pour s'imposer sur l'échiquier international. C'est même un outil de politique intérieur que le premier ministre Indien Modi n'a pas hésité à utiliser en 2019 en pleine campagne électorale. Le tir russe en 2021, a rappelé la conséquence du tir anti-satellites qui dispersent des débris en orbite. Une manœuvre qui pourrait par une réaction en chaîne, rendre l'espace impraticable.

V.P. - Documentaire ARTE > Novembre > 2022

Enquête : le Sabotage de Soyouz

TERRA DARWIN N°3 > Mai-Juin > 2019

L'Inde détruit un Satellite dans l'Espace

S.R. - SCIENCES ET AVENIR N°867 > Mai > 2019

Militarisation de l'Espace

Depuis qu'un tir chinois a démontré qu'aucun satellite n'était plus en sécurité sur orbite, le tabou des armes spatiales a vécu. Au point que "l'arsenalisation" de l'espace serait en cours ? Entre satellite tueur et navette fantôme, enquête sur une crise qui se profile peut-être au-dessus de nous.

En ce début 2012, experts et diplomates se sont donné rendez-vous au siège des Nations unies, à New York. L'objet de cette réunion ? Ni la situation au Proche-Orient ni la lutte contre le terrorisme... mais le maintien de la paix dans l'espace. Dans le flot des crises géopolitiques, financières et environnementales qui agitent la planète Terre, la démarche peut paraître anecdotique. Voire déplacée. Pourtant, même si le grand public n'en a pas conscience, l'angoisse est aujourd'hui palpable au-dessus de nos têtes. Très précisément à partir de 100 km d'altitude, sur l'orbite terrestre, où l'on a vu récemment débouler une inquiétante navette militaire (encadré), s'organiser un rendez-vous intrigant (encadré), sans parler de la destruction plutôt déroutante d'un satellite par un tir de missile chinois (encadré). Pour ajouter à l'inquiétude, le Pentagone a émis cet été un rapport alarmiste sur le développement par l'armée chinoise d'armes "antisatellites". Dès lors, chacun se met à craindre le déclenchement d'une course aux armements dans l'espace...

UN MYSTÉRIEUX VAISSEAU AMÉRICAIN EST ENVOYÉ EN ORBITE
Jeudi 22 Avril 2010.
Incompréhensible. C'est le mot qui revient le plus souvent à propos de ce petit avion spatial sans pilote envoyé par l'armée américaine vers 450 km d'altitude. Nom de code : X-37. Deux exemplaires ont déjà volé depuis 2010, dont le dernier durant plus de neuf mois, avant de revenir se poser sur la base militaire de Vandenberg (Californie). Et l'US Air Force ne s'est guère montrée loquace sur l'objet de ces longues missions, sinon pour indiquer des tests de matériels en orbite. "Les Américains n'ont pas été clairs sur leurs intentions", convient le commandant Olivier Fleury, de la défense aérienne française. Il n'en fallait pas plus pour déclencher les plus vives protestations de la Chine et de la Russie, et réveiller les fantasmes : ce vaisseau, capable de changer d'orbite à volonté, ne pourrait-il pas aller espionner une foule de satellites adverses, les détruire, voire les subtiliser ? Selon Laura Grego, de l'Union of Concerned Scientist, "l'analyse de ses caractéristiques techniques apparentes (faible agilité liée à son lourd bouclier thermique, soutes minuscules, grande visibilité radar...), démontre qu'il n'est adapté à aucune de ces actions offensives. En tout cas, il existe déjà d'autres outils plus efficaces et moins coûteux pour y parvenir". Comme la plupart des analystes, Laura Grego pense que l'architecture X-37B correspond bien à un banc d'essai en orbite de capteurs destinés aux futurs satellites espions". Sauf que, "déployer, surtout en temps de crise, de tels moyens financiers pour ce genre de tâche (700 millions de dollars pour le seul lanceur Atlas V) paraît déraisonnable", fait remarquer Philippe Coué de la direction espace de Dassault Aviation. Aussi, de plus en plus de voix s'élèvent-elles pour dénoncer ce projet "inutilement" ruineux... Sans que l'US Air Force ne cherche à le défendre. Le X-37 n'en finit pas d'intriguer : ce prototype préfigure-t-il une arme démoniaque ou tout simplement le successeur de feu la Navette de la Nasa ? À moins qu'il ne soit un leurre, très médiatisé, destiné à détourner l'attention de programmes plus menaçants ? Mystère...
DEUX SATELLITES CHINOIS SE DONNENT UN INTRIGANT RENDEZ-VOUS DANS L'ESPACE
Mercredi 18 Août 2010.
Parmi le millier d'engins sillonnant l'orbite, personne n'avait prêté attention à SJ-12 et SJ-06F. Mais lorsque le satellite chinois SJ-12 a débuté, mi-juin 2010, une étrange parade autour de son compatriote SJ-06F, l'US Air Force et les meilleurs astro-amateurs ne les ont plus lâchés du regard. "D'après mon analyse, fondée seulement sur les données publiques peu précises de leurs trajectoires, il semble qu'il y ait eu un léger contact entre eux", avance Brian Weeden, ancien contrôleur spatial de l'US Air Force. Cet essai de rendez-vous en orbite apparaît a priori très légitime quand on sait que la Chine prépare une station spatiale qu'il faudra approvisionner. À ceci près que les autorités chinoises se sont bien gardées de toute explication. Problème, "cette manœuvre peut tout autant servir à inspecter un satellite adverse, pirater ses communications, brûler ses optiques, le repousser vers une autre orbite, le détruire...", soulève Theresa Hitchens, de l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement. Le doute est donc permis : "Connaissant l'organisation du spatial chinois, j'ai le sentiment que cette manouvre avait des visées autant militaires que civiles", estime Eric Hagt, du Center for Defense Information. Mais ce sont des opérations que l'US Army multiplie aussi depuis 2005 à des fins de maintenance. Autant de sages missions derrière lesquelles on ne peut s'empêcher de voir les prémices de futurs combats au "corps à corps" dans l'espace. Méfiance...
LORS D'UN ÉTRANGE TEST, LES CHINOIS ABATTENT UN DE LEURS SATELLITES
Jeudi 11 Janvier 2007.
Le vieux satellite météo Feng-Yun 1C, pourtant placé à 850 km d'altitude, n'a eu aucune chance : tiré depuis la base militaire de Xi-chang, le missile chinois SC-19 l'a pulvérisé ! Pourquoi la Chine s'amuserait-elle à détruire l'un de ses satellites de façon aussi spectaculaire ? L'acte est d'une violence digne de celle des tests pratiqués - en secret - par les Etats-Unis et l'URSS en pleine guerre froide ! Les ressorts de cette décision sidérante interrogent. Seule certitude, l'opération a fait l'objet d'un travail de longue haleine (2 ou 3 essais préliminaires auraient eu lieu depuis 2004). Depuis, toutes les puissances spatiales se sentent plus vulnérables... Les protestations officielles ont afflué. Pis, raconte Isabelle Sourbès-Verger, chercheuse au CNRS, "en réaction à la démonstration de force de son grand voisin, l'Inde a déclaré vouloir se lancer dans un programme balistique antisatellite". Des travaux qui ont pris de l'essor aujourd'hui. Quant aux États-Unis, poursuit-elle, "ils n'étaient pas à l'abri de répondre par une décision idiote". Cette réponse épidermique est intervenue sous le prétexte qu'un de leurs satellites espions hors de contrôle (USA-193) menaçait, en brûlant dans l'atmosphère, de déverser une partie de son carburant toxique. Le 20 février 2008, un missile SM-3 tiré depuis le croiseur Lake Erie, situé au large d'Hawaï s'en va donc disperser USA-193, provoquant cette fois l'ire de la Russie et de la Chine. "Personne n'est dupe : ils ont voulu montrer de quoi ils étaient toujours capables", s'anime Philippe Coué (Dassault Aviation). Personne n'en doutait, d'ailleurs. Mais l'histoire ne s'est pas totalement arrêtée là : en janvier 2010, la Chine interceptait un missile balistique à haute altitude. Un acte purement défensif selon les officiels chinois, mais que d'aucuns ont interprété comme un test antisatellite particulièrement élaboré. De ces démonstrations de force à peine voilées ressort un constat : une guerre spatiale entre les États-Unis et la Chine est techniquement possible. Inquiétant...

L'aventure spatiale militaire est un domaine ultra-secret. Un monde opaque, propice aux manipulations au double langage, au bluff, et au sujet duquel circulent nombre de spéculations. Mais une chose apparaît à peu près certaine : jusqu'à présent, le milieu spatial a été épargné par les combats. Ne se trouvent en orbite que des centaines de satellites espions qui se "contentent" de scruter et d'écouter le monde, sans chercher la bagarre. Et sans non plus se faire tirer dessus depuis le sol - même s'ils sont parfois victimes de brouillages électroniques. Quant aux différents projets d'armes tournées vers le sol, la fameuse "guerre des étoiles" de Ronald Reagan, ils ont fait long feu tant ils paraissaient peu pertinents et hors de portée. Même si durant la guerre froide, États-Unis et URSS réalisèrent effectivement quelques tests d'armes antisatellites, une sorte d'accord tacite les a toujours unis pour en rester là : "L'espace était alors facteur de stabilité car il servait à la dissuasion nucléaire : qu'il s'agisse de détecterle départ d'un missile ou de vérfier le nombre des têtes nucléaires adverses", rappelle Christophe Venet, chercheur à l'Institut français des relations internationales.

QUE DIT LA LOI
Dans l'espace règne un grand vide juridique.
S'il existe un Traité de l'espace signé en 1967, il est minimaliste : seules sont interdites sur l'orbite les bombes nudéaires et autres "armes de destruction massives". Autrement dit : rien ne proscrit explicitement l'usage d'un laser aux effets destructeurs d'un canon ou de tout autre objet agressif ! Les marges de manouvre sont dont importantes. Au vrai, contrôler l'application d'un éventuel traité paraît difficile. Et les négotiations dans le cadre de la Conférence du désarmement, sous l'égide de l'ONU, sont au point mort depuis plus de dix ans. Un blocage auquel la réunion de 2012 entend mettre fin...

UN ESPACE COMMUN VITAL MAIS FRAGILE

Sauf que, désormais, ce bel équilibre semble rompu : l'Europe, le Japon, la Chine, Israël, l'Inde, le Brésil sont entrés dans le jeu orbital. Dans sa nouvelle stratégie spatiale, publiée en janvier 2011, le Pentagone parle d'un milieu de plus en plus "contesté". De fait, souligne Theresa Hitchens, directrice de l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement, "le tabou des armes spatiales a volé en éclats depuis que, en 2007, la Chine a envoyé, en forme de test, un missile sur l'un de ses satellites". Alors que les engins spatiaux sont devenus des rouages absolument vitaux pour l'économie,et surtout pour la sécurité nationale des grandes puissances, États-Unis en tête. Comme le souligne Everett Dolman, professeur à l'école de l'air de l'US Air Force et théoricien de l'espace, "notre dépendance à l'espace est devenue telle qu'une interruption de ce service aurait des effets dévastateurs : les forces utilitaires américaines déployées à travers le monde deviendraient très vulnérables et seraient obligées d'adopter une attitude purement défensive en attendant les ordres". Un double langage de mauvais augure ?
Le prochain défi sera de se protéger car tous les pays possédant un système de défense antimissile peuvent abattre un satellite... La nécessité commune de protéger l'orbite dissuadera-t-elle d'utiliser des armes spatiales ? Il faudra encore du temps avant que, en orbite, la raison l'emporte sur la peur.

V.N. - SCIENCE & VIE > Février > 2012
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net