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Le Cœur du Soleil

Le Cœur du Soleil enfin Compris

B.R. - SCIENCE & VIE N°1236 > Septembre > 2020

Le Cœur du Soleil tourne plus vite que sa Surface

B.R. - SCIENCE & VIE N°1201 > Octobre > 2017

On a Entendu le Cœur du Soleil

La mise en évidence d'un nouveau type de vibrations à la surface du Soleil a permis de lever enfin le voile sur la dynamique interne de notre étoile.

Les astrophysiciens attendaient ça depuis plus de 30 ans ! Après plusieurs fausses annonces, ils semblerait que la dynamique du cœur du Soleil soit enfin à la portée des scientifiques. Cela grâce à l'héliosismologie. L'objet de cette toute jeune discipline ? De la manière que les géophysiciens sondent le cœur de notre planète en étudiant les ondes sismiques, les héliosismologues analysent les vibrations externes du Soleil afin d'en déduire des informations sur sa structure interne. Car le Soleil vibre continuellement, comme la peau d'un tambour, sous l'effet d'innombrables ondes qui se propagent en son sein et se répercutent à sa surface. Pourquoi ? Comment ? Le savoir constitue un défi de taille, puisqu'il s'agit de mesurer des vibrations de quelques mètres à peine à la surface d'une boule de gaz de 700.000 km de rayon !

Or, c'est à cet exercice de haute voltige que se livre depuis maintenant dix ans le spectromètre à résonance franco-espagnol GOLF embarqué à bord de la sonde SOHO. Mission accomplie ! Car en analysant cette décennie de données, l'équipe internationale d'astrophysiciens à l'origine de l'instrument, menée notamment par Rafael Garcia et Sylvaine Turck-Chièze, tous deux spécialistes de la physique du Soleil au service d'astrophysique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Saclay, a enfin trouvé ce qu'elle cherchait : un nouveau type de vibrations, qui éclaire sur le cœur même du Soleil. D'où il ressort que celui-ci tournerait entre 3 et 5 fois plus vite que la zone radiative, c'est-à-dire la zone très dense et très chaude située entre le cœur et le bouillonnement qui a lieu sous la surface. Une découverte qui, notamment, ouvre la porte à une meilleure compréhension du champ magnétique à l'origine du fameux cycle solaire, ainsi qu'à des informations sur la formation de notre système solaire. Un programme alléchant !

Que de chemin parcouru en quelques décennies... Eric Fossat, astrophysicien au Laboratoire universitaire d'astrophysique de Nice, et l'un des pionniers de l'héliosismologie, se souvient : "Les oscillations solaires ont été détectées dès les années 60, mais leurs fréquences n'étaient alors pas mesurées assez précisément. On imaginait déjà à l'époque que l'on pourrait faire de la sismologie solaire, mais on savait que cela nécessiterait des observations de très longue durée". Historiquement, ce sont des observations effectuées en continu depuis le pôle Sud durant six jours en 1979 par Eric Fossat et son collègue Gérard Grec, astrophysicien à l'0bservatoire de la Côte d'Azur, qui ont marqué le véritable début de l'héliosismologie. Et en moins de 30 ans, cette nouvelle discipline a fait la démonstration de son potentiel en confirmant "l'essentiel des paramètres du Soleil ainsi que les modèles",souligne le chercheur niçois. Qui précise : "Avec l'héliosismologie, on connaît aujourd'hui la limite entre la zone convective et la zone radiative, située à 0,713 rayon solaire, soit une précision de trois chiffres après la virgule" ! Incroyable. Comment l'observation du Soleil peut-elle fournir des informations aussi précises sur sa structure interne et les mécanismes qui régissent son fonctionnement ?

2 FORCES : PRESSION ET GRAVITÉ

Lorsque les oscillations solaires ont été détectées au début des années 60, les astrophysiciens ont immédiatement compris leur origine. Explications d'Eric Fossat : "Au sein de notre étoile, il n'y a que deux forces de rappel possibles pour créer des oscillations : la pression, et la force d'Archimède". Et c'est la rupture d'équilibre produite par l'une ou l'autre de ces deux forces de rappel qui donne naissance respectivement à deux types d'ondes : les ondes de pression et les ondes de gravité. Des ondes qui, en se propageant au sein du Soleil, entrent en résonance et font vibrer notre étoile comme une gigantesque caisse de résonance, selon certains modes propres. Dès lors, l'étude de ces modes de résonance devait permettre aux astrophysiciens de comprendre comment les ondes se propagent à l'intérieur du Soleil, et donc d'en déduire sa structure et sa dynamique (infographie ->).

Côté modes de pression, ils ont été détectés dès le départ. Il s'agit de modes acoustiques car ils se propagent en dilatant et en comprimant successivement le gaz. En clair, c'est du son. Dont l'origine a pu être caractérisée dès 1979. "Ces ondes acoustiques, décrit Rafael Garcia, sont produites par de gigantesques bulles qui viennent éclater à la surface du Soleil. On parle ici de convection en surface. C'est le bruit que produisent ces bulles que l'on essaie de détecter, un peu comme le bruit que font les gouttes d'eau tombant sur une flaque". En pratique, pour estimer ce "bruit" qui vient de l'intérieur, GOLF mesure avec une précision extrême les battements du Soleil. Car il s'agit de pulsations infimes : leur vitesse est de l'ordre de quelques dizaines de centimètres/seconde (cm/s) et leur période de quelques minutes. À partir de ces mesures, les héliosismologues peuvent en déduire les trajets suivis par les ondes de pression, et donc des informations sur l'intérieur du Soleil. "Les modes acoustiques permettent de dresser le profil de la vitesse du son au sein du Soleil, précise Sylvaine Turck-Chièze, et comme le Soleil est un gaz, ce profil permet de remonter à la pression et à la densité, et indirectement à la température interne". C'est à cette méthode que l'on doit l'essentiel des résultats en héliosismologie. Il est aujourd'hui possible, par exemple, de localiser les taches solaires situées sur la face cachée quelques jours avant qu'elles ne soient visibles. Un atout de taille lorsqu'on sait que ce sont ces taches qui sont à l'origine des éruptions solaires, potentiellement dangereuses pour les astronautes et les satellites.

Reste que tout un pan de la physique solaire demeurait encore invisible, ou plutôt inaudible : la dynamique interne du Soleil qui, elle, n'est accessible que par l'étude des modes de gravité. Pour une raison bien simple : ils sont beaucoup plus difficiles à détecter que les modes de pression. De fait, "les ondes de gravité provoquent un déplacement de quelques millimètres par seconde (mm/s) à la surface du Soleil, et leur période est de quelques heures !", explique Rafael Garcia. Car même s'ils n'avaient jamais observé ces modes de gravité, les astrophysiciens savaient ce qu'ils devaient rechercher, grâce à leurs modèles théoriques. "Les ondes de gravité sont produites par la frontière entre la zone convective et la zone radiative. Des bulles de la zone convective pénètrent dans la zone radiative qui est beaucoup plus dense, et la force de rappel exercée par la poussée d'Archimède provoque alors des oscillations. C'est un peu comme lorsqu'on jette une pierre dans un lac : les vagues produites sont l'équivalent des ondes de gravité".

ENCORE DE NOMBREUX SECRETS

Sauf que ces vagues sont fortement atténuées lorsqu'elles traversent la zone de convection et se retrouvent noyées dans le formidable bouillonnement qui a lieu à la surface. On comprend mieux pourquoi dix ans de données ont été nécessaires pour s'affranchir de ce brouhaha ambiant ! Mais aujourd'hui, la détection des modes de gravité permet enfin d'avoir accès au cœur du Soleil. En exploitant les données fournies par les premières détections, les héliosismologues ont en effet pu mesurer la rotation accélérée du cœur. "La détermination de la vitesse du cœur est très importante, car il s'agit d'un vestige de la formation du Soleil. Cela nous renseigne donc sur la formation du système solaire", s'enthousiasme Rafael Garcia. Et les astrophysiciens ne comptent pas en rester là. Car une étude plus précise des modes de gravité pourrait constituer une véritable mine d'informations, comme l'explique Sylvaine Turck-Chièze : "Grâce à SOHO (Recombinaison des images prises par les deux satellites de Stereo. Munis de lunettes spéciales. on peut voir le Soleil en 3D.), on a compris ces demières années que de nombreux phénomènes tels que l'activité solaire, les éruptions, le magnétisme, provenaient tous de l'intérieur du Soleil. L'étude des modes de gravité permettant de remonter à la structure inteme, cela promet une étude plus fine et plus complète de ces phénomènes". Voilà qui tombe à point nommé pour venir compléter les données recueillies en ce moment même par le satellite japonais Hinode et le franco-américain Stereo (encadré ci-dessous), tous deux chargés d'étudier l'origine magnétique des émptions solaires ainsi que leurs interactions avec notre planète. Même si le Soleil est aujourd'hui observé et écouté de très près, il a encore de nombreux secrets à nous dévoiler.

La structure du champ magnétique solaire - lignes suivies par les filaments de matière - est bien visible sur cette image de Hinode.
Brouillage des télécommunications, détérioration de satellites, irradiation des spationautes, déluge d'aurores boréales : qu'elles soient dangereuses ou inoffensives, les colères du Soleil ont des répercussions sur notre planète. C'est pour mieux les comprendre que le satellite japonais Hinode et le franco-américain Stereo ont été lancés, en septembre et octobre dernier. Sur une orbite polaire à 600 km d'altitude, les trois instruments embarqués sur Hinode doivent mesurer le champ magnétique à la surface. C'est en effet en se brisant dans l'atmosphère solaire que les gigantesques boucles de champ magnétique libèrent des flots de particules qui parviennent jusqu'à nous. Complémentaire, Stereo va étudier les éruptions et leurs interactions avec notre planète. Ses deux satellites accompagnant la Terre sur son orbite autour du Soleil, l'un en avance et l'autre en retard par rapport à notre planète, offrent aux scientifiques une vision "stéréo", c'est-à-dire en trois dimensions du Soleil, et vont récolter les particules qui arrivent jusqu'à nous. Le but ? Comprendre et à terme anticiper, les soubresauts solaires.

C.B. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2007
 

   
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