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Où est Passée Voyager 1 Pendant 6 Mois ?

D'août 2002 à février 2003, la vaillante petite sonde américaine a détecté un flux anormal de particules. S'est-elle alors aventurée hors de notre système solaire ? Ce serait une première pour l'humanité...

Vingt-six ans après son lancement, Voyager 1 est toujours vaillante. Un record absolu de longévité dans l'histoire de l'exploration spatiale. Le 2 septembre 1977, lorsque les moteurs de la fusée Titan qui allaient propulser la petite sonde américaine dans l'espace vrombissaient à Cap Canaveral, nul astronome n'aurait parié sur une telle durée de vie. Voyager 1 et sa jumelle Voyager 2, lancée quinze jours auparavant, devaient fonctionner une dizaine d'années, le temps de faire le tour des planètes géantes de notre système solaire. Elles devaient s'approcher de Jupiter et de Saturne, puis, tandis que Voyager 1 filerait tout droit, sa jumelle prendrait la direction d'Uranus et de Neptune, encore jamais visitées. Les sondes ont tenu leurs promesses au-delà des espérances : elles ont découvert vingt-deux nouveaux satellites autour des géantes gazeuses, révélé que le volcanisme n'était pas l'exclusivité de la Terre en identifiant des coulées de lave sur Io, l'un des satellites de Jupiter, et dévoilé que l'atmosphère de Neptune était le siège de igantesques turbulences.

90 FOIS LA DISTANCE TERRE-SOLEIL : Bref, en 1989, au terme de leur mission, alors qu'elles filaient vers les confins de notre système, les deux sondes avaient déjà rempli de joie les astronomes... et le parfait état de marche de leurs instruments laissait espérer qu'on allait assister à leur entrée dans le milieu interstellaire, Voyager 1 en tête. Avec un peu de chance, les astronomes seraient témoins de la première sortie hors du système solaire d'un objet façonné par la main de l'homme !
Aujourd'hui, Voyager 1 file à plus de 60 000 km/h à 13,5 milliards de kilomètres de la Terre, soit 90 fois la distance Terre-Soleil (égale à 1 unité astronomique, ua). A cette distance, les signaux de la sonde mettent douze heures pour parvenir aux scientifiques du Jet Propulsion Laboratory qui, depuis 26 ans, suivent jour après jour sa trajectoire depuis Pasadena, en Californie ! Ces signaux radio ont si ténus qu'il faut plusieurs antennes de 30 à 70 mètres de diamètre pour les capter. Or, depuis quelques semaines, une question fait l'objet d'une intense controverse : Voyager 1 a-t-elle atteint la fatidique frontière ? Pour l'équipe de Tom Krimigis, du laboratoire de physique appliquée de l'université américaine Johns Hopkins (à Baltimore, dans le Maryland), pas de doute, la sonde a flirté avec la frontière du système solaire durant six mois, à la fin de 2002. Que nenni, soutient Franck Mc Donald, de l'Institut des sciences physiques et technologiques de l'université du Maryland, qui estime que Voyager 1 doit encore parcourir quelques encablures avant de l'atteindre. Et il ne s'agit pas la d'une polémique pour le prestige : si elle a lieu, c'est que l'astronomie est arrivée à ce paradoxe qu'elle connaît mieux certaines étoiles lointaines que la banlieue de notre système solaire. En particulier, elle ne sait toujours pas exactement comment celui-ci s'évanouit pour laisser place au milieu interstellaire. Et seules les mesures in situ de Voyager 1 apportent l'espoir de combler ces lacunes.

Une chose est sûre en tout cas : cela fait déjà une bonne dizaine d'années que Voyager 1 est passée au large de l'orbite de Pluton et de Neptune, les 2 planètes qui se disputent le rôle de garde-frontière du système solaire. On aurait pu croire que la sonde se soit émancipée de son berceau planétaire à ce moment-là... C'est oublier que les limites de notre système ne sont pas connues avec précision ! Il faut savoir ici que le système solaire est isolé, comme une bulle dans une volute de frimée, à l'intérieur d'un nuage de gaz interstellaire à travers lequel il se déplace (voir infographie). Le responsable de cet isolement étant le vent solaire, constitué de rafales de particules - essentiellement des protons, mais aussi des électrons et des atomes sous forme ionisée - qu'exhale le Soleil dans toutes les directions. Or, à mesure que le système solaire avance, le vent solaire percute de plein fouet le nuage interstellaire et creuse à l'intérieur une cavité, l'héliosphère, dans laquelle le Soleil et ses planètes sont confinés. Et c'est la surface de cette cavité qui est la frontière naturelle du système solaire : au-delà s'étend le milieu interstellaire. Seulement voilà, Si cette frontière physique est prévue par la théorie, personne n'est allé voir où elle se trouve exactement...

CHRONOLOGIE

- 5 septembre 1977
Lancement de Voyager 1, précédé, quinze jours auparavant, de celui de sa jumelle Voyager 2.
- Décembre 1977
Alors que les 2 sondes passent la ceinture d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, Voyager 1 double Voyager 2.
- 1979-1980
Voyager 1 survole Jupiter, puis Saturne.
- Après 1980
La sonde file à plus de 60000 km/h en direction du milieu interstellaire.
- 17 février 1998
Dépassant Pionner 10, Voyager 1 devient l'objet le plus lointain jamais envoyé par l'homme dans l'espace.
- Aout 2002-02/03
Voyager 1 détecte un flux anormal de particules. A-t-elle franchi la frontière du système solaire ?
- 2022 : Voyager 1 devrait quitter l'héliosphère et entrer dans le milieu interstellaire.
- 40 272 : Voyager 1 devrait croiser une première étoile : AC+ 79 3888 dans la constellation de la petite ourse.

CHOC TERMINAL : LA FRONTIÈRE : Lorsque le vent solaire, qui peut souffler jusqu'à 700 kilomètres par seconde, rencontre le nuage interstellaire, il freine en effet brutalement, créant une onde de choc semblable à celle qui accompagne le vol des avions de chasse. "À chaque fois qu'un écoulement supersonique devient subsonique, il se forme une onde de choc", explique Gérard Chanteur, astrophysicien au Centre d'études terrestres et planétaires de Paris. Au delà du choc terminal, le vent solaire continue de ralentir, jusqu'à atteindre le nuage interstellaire au niveau de l'héliopause, qui est le second poste frontière du système solaire.
Si l'on en croit Tom Krimigis, Voyager 1 serait passée de l'autre côté du choc terminal pendant six mois, d'août 2002 à février 2003. Or, un détecteur à plasma embarqué sur Voyager 1 sert justement à mesurer la vitesse du vent solaire : s'il avait enregistré une baisse radicale de vitesse, on en aurait alors conclu sans ambiguïtés que la sonde s'était retrouvée de l'autre côté du miroir. Las, le seul instrument déficient à bord de la vénérable sonde est précisément ce détecteur, tombé en panne il y a des annees... L'environnement de Voyager 1 ne correspond pas à la composition du vent solaire tel qu'on l'analyse depuis 25 ans. Par exemple, pour cent ions oxygène, il y a d'ordinaire entre vingt et cinquante ions carbone. Or, nous n'avons découvert que deux de ces ions. Une telle composition est plutôt caractéristique de la matière interstellaire. Conclusion : "Voyager 1 nous a bel et bien donné un avant-goût de l'espace interstellaire.

TIENDRA-T-ELLE JUSQU'EN 2022 ? Voyager 1 n'a pas atteint le choc terminal. Ce que confirment d'ailleurs les meilleurs modèles théoriques, qui placent le choc entre 101 ua (15 milliards de kilomètres) et 122 ua, alors que Voyager 1 était encore à 85 ua en août 2002." Reste que les modèles ne sont pas infaillibles...
Quoi qu'il en soit, les scientifiques s'accordent sur un point : si Vovager 1 n'a pas franchi le choc terminal, elle le fera dans les années qui viennent. Si l'on s'en tient aux modèles, la rencontre devrait avoir lieu au plus tard en 2012. Les batteries de la sonde devraient continuer à lui fournir de l'énergie jusqu'aux alentours de 2020, et les astronomes qui assisteront alors à la traversée obtiendront assez d'informations pour savoir ce qui s'est passé durant les six mystérieux mois de la fin 2002.
Mais pour décrire avec précision cette zone encore floue qu'est la frontière du sytème solaire, la sonde devra durer deux petites années de plus que prévu : c'est en efret en 2022 qu'elle doit franchir le deuxième poste frontière définie par l'héliopause, devenant ainsi le premier représentant de l'espèce humaine à s'enfoncer dans le milieu interstellaire. Dès lors, il ne faudra plus dire que le berceau de l'humanité est la Terre, mais le système solaire.

Xavier Muller - SCIENCE & VIE > Janvier > 2004
 

   
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