Un An après le Cyclone Nargis la Birmanie panse ses Plaies

Le 2 mai 2008, un cyclone meurtrier ravageait le delta de l'Irrawady, faisant près de 140.000 morts. Les ruines de l'église de ce village karen (ethnie en partie chrétienne) attendent toujours un mécène.

C'est la fin de la saison sèche. Ecrasée par une chaleur étouffante, la plaine aride du delta de l'Irrawady s'étend sur des kilomètres dans le sud-ouest de la Birmanie. "Mon pays ressemble désormais à l'Afghanistan", s'émeut un agriculteur en faisant remarquer qu'il n'y a presque plus d'arbres à l'horizon. Stigmate révélateur de la puissance du cyclone qui s'est abattu sur cette région dans la nuit du 2 au 3 mai 2008. En quelques heures seulement, le cyclone Nargis a traversé le delta, suivi dans son sillage par une vague de plusieurs mètres de haut qui a inondé les terres. Les eaux, agitées par la puissance du vent, ont détruit les habitations, déraciné les arbres, brisé les barques. "Seuls les plus forts ont survécu car nous avons dû rester agrippés des heures aux troncs des palmiers ou accrochés à des débris de bois flottants", se souvient Aung Naing en exhibant les cicatrices laissées par un tronc sur ses bras. Au petit matin, les vagues et les vents avaient disparu, laissant derrière eux près de 138.000 victimes et 450.000 maisons détruites.

AIDE INACHEVÉE

Aujourd'hui, la vie reprend son cours tant bien que mal. Loin des errances diplomatiques. des premières semaines et de la polémique sur la difficulté des ONG à obtenir des visas, l'aide humanitaire est parvenue dans le delta. Certaines ONG, déjà actives en Birmanie, étaient à pied d'ouvre dès le lendemain. D'autres sont arrivées plusieurs jours après. Sans compter les élans individuels de solidarité. "Très rapidement, j'ai sollicité des Birmans expatriés et j'ai récolté 20 000 dollars, ce qui m'a permis de distribuer des nouilles, de l'eau et de reconstruire 200 maisons", explique Kyaw Khine, un volontaire birman de 25 ans.
Dans les districts de Labutta et de Bogalay, les bâches de plastique estampillées UNHCR ou USAID colorent tristement les maisons des rives meurtries. Signe que le travail de reconstruction sur le long terme est loin d'être achevé. À l'image du cyclone qui a touché de manière très différente les villages de la zone, la répartition de l'aide humanitaire est très hétérogène. Kyaw Kyaw, chef d'un village du district de Bogalay, s'enthousiasme de l'école reconstruite "en dur" et des deux ponts en béton que "même en cent ans", ils n'aurient pu bâtir. Il évoque les distributions mensuelles de nourriture qui permettent "de ne pas mourir de faim même si la qualité du riz est assez moyenne". Tandis qu'un peu plus loin, dans un autre village, 300 des 430 maisons ne sont encore qu'un tas de bambous et de planches ramassés sur le sol. "Nous recevons du riz et de l'eau mais quelles ONG faut-il contacter pour la reconstruction des maisons ?" s'interroge le chef avant de déplorer : "Le gouvernement nous a bien fourni le bois et la tôle pour que l'on bâtisse une nouvelle école mais personne n'a le temps de s'en occuper. On doit déjà travailler pour nourrir nos familles."

UN PEUPLE EN DEUIL

Les Birmans du delta font preuve d'une capacité de résilience impressionnante. Tous racontent la perte de leurs proches, sans laisser place à la tristesse. Parfois même en souriant. L'un explique comment son bébé lui "a échappé des bras sous la force du courant". Une autre consulte l'album photo familial en signalant, page après page, les disparus : "Au total, 180 personnes de ma famille étendue sont mortes..." Après le difficile travail de deuil et malgré l'arrivée de l'aide d'urgence, "nous devons recommencer nos vies en partant de zéro", explique Htet Aung. Toute les économies d'une vie (or, pierres précieuses, argent) conservées précieusement dans les maisons se sont volatilisées en une nuit.

UNE VIE DIFFICILE

Idem pour tous les moyens de gagner sa vie dans le delta. Ici, la majorité des gens sont pêcheurs ou agriculteurs. Or, les bateaux et les rares tracteurs ont été en grande partie détruits, les buffles tués, et la terre des rizières salinisée. "Aujourd'hui, les récoltes sont deux à trois fois moins importantes qu'avant", souligne un habitant. Et comme un malheur ne vient jamais seul, le riz est également moins bon et se vend donc moins cher... quand il y en a assez pour le vendre. Même constat chez les pêcheurs qui font état de "revenus jusqu'à trois fois moins élevés". Certains villages ont ainsi découvert une nouvelle solidarité, comme l'explique ce pêcheur : "Il ne reste plus que quelques bateaux en état de naviguer, alors nous nous les prêtons". L'eau salée a aussi envahi les réservoirs dans lesquels les villageois stockaient l'eau des pluies, les rendant tout juste utilisables pour les tâches ménagères. Et le manque d'eau potable, bien qu'antérieur à Nargis, angoisse plus que jamais les habitants du delta. Tout comme le vent et le bruit de la pluie qui transportent cette année de douloureux souvenirs. Et la peur, inévitable, d'un nouveau cyclone.

MISSION DIFFICILE POUR LES ONG

Certaines ONG s'apprêtent à quitter le delta. MSF Suisse ne laissera par exemple qu'une cellule psychologique en place car sa mission relève de l'urgence. Pour d'autres, il sera peut-être difficile de justifier leur action auprès d'un gouvernement pour lequel la situation est redevenue "normale". Sans que soit entravée la mission des ONG pour le moment, les premiers signes d'un durcissement des conditions d'accès au delta se font sentir. Les délais d'obtention des autorisations sont de plus en plus longs et les déplacements pourraient désormais nécessiter l'accompagnement d'un officiel - comme c'est le cas dans d'autres zones du pays. Une tendance d'autant plus paradoxale que des publicités circulent dans les journaux locaux, proposant des voyages touristiques à la rencontre des victimes du cyclone Nargis...
Ces moines n'ont encore reçu aucune aide financière pour reconstruire leur monastère, vieux de plus d'un siècle.

METRO > 29 Avril > 2009
 

   
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