L'Arctique ne sera Pas la Nouvelle Terre Promise

Under the Pole sous les Glaces de la Banquise

K.J. - SCIENCE & VIE Questions-Réponses N°25 > Juillet-Août > 2017

L'Arctique ne sera Pas la Nouvelle Terre Promise

Elle disparaît à vue d'oil... Cet été, la banquise du pôle Nord a fondu dans des proportions record.

Sous l'effet du réchauffement climatique, l'océan Arctique pourrait même se retrouver dès 2040 libre de glace durant la période estivale. Voilà qui donnera à la région polaire, ce bout du monde comprenant les terres et les mers situées au-dessus des 66° de latitude nord, un visage un peu plus amical. Et même irrésistiblement attirant au vu des dernières estimations de l'lnstitut géologique américain, selon lesquelles la zone arctique recèlerait près du quart des ressources mondiales d'hydrocarbures surtout en off-shore. D'où cette belle certitude désormais affichée dans nos pays tempérés : l'Arctique, nouvelle terre promise. Sauf qu'il s'agit là d'un mirage. Car c'est un fait : toutes les compagnies pétrolières sont en train de s'y casser les dents ! Ainsi au cours de cet été 2012, censément idyllique, les échecs cuisants se sont multipliés. Des exemples ? Les intrépides Russes de Gazprom ont reporté sine die leur projet d'exploiter le fabuleux gisement de gaz de Chtokman, tapi au fond de la mer de Barents : trop difficile, trop cher (30 milliards de dollars). De son côté, BP a renoncé à son champ de pétrole Liberty, situé au large de l'Alaska : trop compliqué. Même les très rudes Norvégiens de Statoil ont repoussé à plus tard leur prospection en mer des Tchouktches, entre la Sibérie et l'Alaska. Tandis que l'expérimentée Shell a vu sa campagne d'exploration polaire virer à la débandade : menacés par des glaces dérivantes, ses bateaux ont à peine eu le temps de percer quelques ébauches de forage.
Soyons clairs : l'Arctique reste une zone hostile, et le restera encore longtemps ! D'ailleurs, personne n'a jamais dit que la banquise disparaîtrait en hiver... Les hommes et le matériel devront donc toujours affronter le froid, le vent, les icebergs ou les vagues, la nuit polaire de six mois, l'isolement, l'absence d'infrastructures (ports, routes, voies ferrées...). Songez que la prospection en mer ne peut s'y dérouler qu'entre juillet et fin septembre - des forages s'étalent ainsi sur plusieurs années - ou encore que les pipelines doivent être profondément enterrés pour échapper aux icebergs venant parfois racler le fond marin. Le réchauffement pourrait même, à certains égards, compliquer la situation... C'est que les glaces plus minces sont animées de mouvements plus rapides, peu prévisibles, et donc dangereux pour toute infrastructure pétrolière - une menace prise très au sérieux. Sans compter que plusieurs climatologues prévoient une recrudescence des tempêtes dans la région. Pis : sur la terre ferme, le dégel de la toundra se traduit par un cauchemar de boue rendant les forages quasi impossibles, sans parler du transport ou de la stabilité des pipelines.
Alors bien sûr, les cornpagnies ne manquent pas d'idées : usines sous-marines, plates-formes anti-icebergs, pétroliers brise-glace, etc. Il n'y a là rien de techniquement insurmontable sauf peut-être la capacité à traiter une marée noire piégée sous la glace. Simplement, cette conquête prendra du temps, beaucoup de temps : bon nombre de réservoirs pourraient ne pas être exploités avant... 2050. La planète aura beau avoir soif d'énergie, et l'Arctique comporter un quart des ressources - ce qui reste encore à prouver - les "majors" préféreront toujours fréquenter des régions plus hospitalières. À défaut de terre promise, l'Arctique serait plutôt une terre de promesses difficiles tenir.

V.N. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2012
 

   
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