Un Fleuve Souterrain sous l'Amazonie

Un Fleuve Souterrain en Amazonie

Rio HamzaRio HamzaIl suit le tracé du gigantesque fleuve brésilien, mais à 2000 m sous terre ! Découvert à l'occasion de forages pétroliers, le Rio Hamza suscite la curiosité des scientifiques.

Vue du ciel, l'Amazonie ressemble à une immense tache verte traversée par un tortueux filet bleu sombre, l'Amazone... Ce fleuve mythique, qui a englouli nombre d'aventuriers, qui devait mener jusqu'à Eldorado et qui surpasse tous les autres cours d'eau du monde par son débit et sa longueur, ce fleuve, étudié pourtant depuis plusieurs siècles, n'a pas fini de dévoiler tous ses mystères. Des chercheurs brésiliens affirment en effet avoir découvert un incroyable invité sous son lit ; un pelit frère ! Enfin, petit... Le débit de ce cours d'eau caché n'a beau représenter que 2 % de celui de l'Amazone, il est plus impressionnant que tous les fleuves de France. Son originalité : il ne s'écoule pas à l'air libre, mais à l'intérieur des roches souterraines. Ce qui explique pourquoi il est resté si longtemps dans l'ombre.
Pour une fois, l'exploration pétrolière en Amazonie aura eu une conséquence positive : c'est en effet grâce aux centaines de puits de forage réalisés dans la région que le "petit frère" a été découvert. Ces puits, qui font plus de 2000 m de profondeur, sont équipés de thermomètres pour suivre en continu le bon fonctionnement du pompage. Mais pour qui sait interprêter ces données, elles indiquent aussi les mouvements d'eau souterrains. L'eau est effectivement un très bon conducteur thermique : elle transmet facilement sa chaleur aux objets qu'elle entoure. Ainsi, il suffit que de l'eau s'écoule de la surface vers la profondeur pour refroidir les sols traversés. À l'inverse, de l'eau qui remonte des chaudes entrailles de la Terre élève la température des roches et des sédiments qu'elle traverse. "C'est grâce à ces variations de température que nous avons pu dresser une carte des mouvements de l'eau sous l'Amazone, estimer leur vitesse, leur direction et leur débit", explique Valiya Hamza, de l'Observatoire national du Brésil. Une recherche de routine, sauf que l'équipe du chercheur a decouvert que ces données indiquaient la presence d'un veritable cours d'eau à deux kilomètres sous la surface de la Terre ! À tout seigneur tout honneur, cet étrange cours d'eau a été baptisé du nom de son découvreur : le Rio Hamza.

Rio HamzaPEUT-ON VRAIMENT PARLER DE RIVIÈRE ?

N'imaginez pas une rivière qui s'écoulerait dans d'énormes boyaux et dans laquelle on pourrait plonger en plein cour de l'Amazonie pour se retrouver, quelques heures plus tard, sur la côte atlantique. Non, le lit du Rio Hamza ressemble plutôt à une gigantesque éponge de pierre et de sédiments piégée dans le sous-sol. L'eau qui s'y écoule doit se frayer un chemin à travers poches, fissures et même grains de sable. Autant dire que son écoulement est beaucoup plus lent que celui de l'Amazone. Dommage pour les rêves nourris par la lecture de Voyage au centre de la Terre, où les hénos naviguent sur une mer souterraine. Si tant est qu'un spéléologue fou arrive à descendre si profond, à 2000 m sous l'Amazone, il ne trouvera aucun fleuve en furie où poser son canot gonflable... N'empêche, même goutte à goutte, même à une vitesse ridicule de 100 mètres par an maximum, ce mystérieux Rio Hamza transporterait environ 4000 m³ d'eau par seconde, soit 2 fois plus que le Rhône !
D'où vient toute cette eau ? Sans doute des pluies qui ne cessent d'arroser les Andes, ces montagnes situées à l'ouest du continent sud-américain. L'Amazone aussi y prend sa source. Ces pluies s'infiltreraient verticalement dans les profondeurs sur environ 2000 m, avec une vitesse de l'ordre de quelques centimètres par an. Là, une partie de ce ruissellement buterait sur des roches moins perméables et se mettrait à s'écouler un peu plus vite, horizontalement, en suivant grosso modo la trajectoire de l'Amazone sur environ 6000 km, jusqu'à l'océan Atlanlique. Ce mouvement d'eau pourrait faire à certains endroits plus de 400 km de large ! Bien qu'on n'en ait encore aucune preuve, le Rio Hamza pourrait déboucher dans les parties profondes de la mer, caché sous l'embouchure de l'Amazone. "Il est probable que l'écoulement de ces eaux souterraines soit responsable de la faible salinité de la mer à cet endroit", suggèrent les chercheurs brésiliens. Comprenez ; l'eau douce du Rio Hamza diluerait le sel de l'océan à cet endroit. Mais pour Jean-Loup Guyot, hydrogéologue à l'lnstitut de recherche pour le développement (IRD), c'est donner beaucoup d'importance à ce "petit frère" : "Le débit du Rio Hamza ne représente qu'un cinquantième de celui de l'Amazone". Pour le Français, la diminution de la salinité de l'Atlantique au large de l'estuaire est plutôt due au fleuve situé à l'air libre. Et puis rien ne prouve que les eaux du Rio Hamza soient douces. "Dans la région, les nappes d'eau profondes sont fréquemment salées, car elles sont piégées dans des sédiments anciens qui contiennent du sel", ajoute l'hydrogéologue.
Mais les Brésiliens n'en démordent pas et font valoir, eux, l'étonnante limpidité de l'eau autour de l'estuaire de l'Amazone. Si ce dernier arrache un volume impressionnant de terre sur son passage, le Rio Hamza, qui s'écoule beaucoup plus lentement et à l'intérieur des roches, doit être bien plus propre. Or, "juste au niveau de l'embouchure de l'Amazone vous avez une faible salinité et une importante concentration en sédiments qui s'explique par les rejets des eaux douces de l'Amazone, indique Valiya Hamza. En revanche, sur les bords extérieurs de l'estuaire, vous avez des zones de faible salinité, mais avec très peu de sédiments en suspension. Nous pensons que c'est dû aux apports d'eau douce depuis les profondeurs". Les eaux propres de l'Hamza viendraient diluer en quelque sorte les eaux sales de l'Amazone.

L'EAU DE PLUIES TOMBÉES IL Y A 100.000 ANS

Là encore, Jean-Loup Guyot est sceptique, mais le père du Rio Hamza est en train de monter une expérience pour faire reconnaître, une fois pour toutes, l'existence de son rejeton. Comment ? En repérant ses rejets sous la mer, grâce à de simples thermomètres plongés à 2 km sous la surface de l'océan, tout autour de l'embouchure de l'Amazone. Les eaux du Rio Hamza ont une température comprise entre 30 et 50°C, estime Valiya Hamza. Logique : le cour de la Terre étant chaud, plus on s'enfonce sous le sol, plus les températures grimpent. Si de l'eau chaude est détectée dans l'embouchure, cela prouvera la présence du Rio Hamza ! Des analyses chimiques pourraient être menées pour vérifier s'il s'agit d'eau douce ou salée et, éventuellement, pour dater cette eau. Car c'est un domaine dans lequel le petit frère caché de l'Amazone est sûr de battre à plates coutures son célèbre frérot. À la vitesse où il s'écoule, certaines gouttes d'eau du Rio Hamza qui parviennent aujourd'hui à son embouchure doivent provenir d'une averse tombée il y a près de 100.000 ans ! Le petit frère dont les eaux s'écoulent, elles, en quelques mois. Un peu de respect, s'il vous plaît !

L.B. - SCIENCE & VIE JUNIOR N°268 > Janvier > 2012

Un Fleuve Souterrain en Amazonie

Des chercheurs de l'Observatoire national du Brésil ont découvert un "fleuve" large de 4 km sous le sol amazonien.

Il s'agit en fait d'une nappe d'eau s'écoulant lentement à travers les sédiments, dans le même sens que l'Amazone, sur une distance presque similaire (6 000 km), mais à un débit 35 fois moindre.

E.Hu. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2011
 

   
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