Tempêtes : un Coup de Chaud sur l'Atmosphère

Lors des tornades, les tourbillons de vents extrêmement violents peuvent atteindre 500 km/h. Malgré leurs différences, ces violents phénomènes météorologiques que sont les tempêtes, tornades et ouragans ont la même origine : un excès de chaleur qui déstabilise l'atmosphère. Le réchauffement climatique devrait donc les doper... Pas si simple.

Plus de 50 morts, des milliers d'hectares de terre noyées sous l'eau marine, pour plus d'un milliard d'euros de dégâts : la tempête Xynthia, qui a frappé l'ouest de la France en 2010, aura laissé une note particulièrement salée. Et les Français n'ont pas été les seuls à souffrir décolèrent d'Éole. Avec un total de 12 ouragans en Atlantique, dont Alex qui a balayé en jouant le Mexique, l'année 2010 à été l'une des deux années les plus désactivent des 100 dernières années. Suscitant, au passage, cette lancinante interrogation : faut-il y voir la marque du réchauffement climatique ?
L'idée que le réchauffement puisse augmenter la fréquence des tempêtes, tornades et ouragans, semble logique. Car, si les mécanismes qui conduisent à créer une tempête au large de l'Hexagone, un ouragan dans les Caraïbes ou une tornade dans la vallée du Mississippi ne sont pas les mêmes, ils nécessitent tout un même ingrédient de base : un excès de chaleur. C'est cela qui déstabilise l'atmosphère en y créant des courants ascendants. L'air plus chaud, et par conséquent moins dense, s'élève au-dessus des couches plus froides sous l'effet de la poussée d'Archimède. Plus l'apport de chaleur est important, plus l'atmosphère se trouve déstabilisée, et donc plus celle-ci réagit violemment pour revenir à l'équilibre.

LA DÉPRESSION DEVIENT TEMPÊTE

Sous les latitudes moyennes, entre 30 et 60 degrés de latitude nord ou sud, zone dans laquelle se situe l'Europe, ce sont les masses d'air froid et sec descendant du Pôle qui viennent se heurter aux masses d'air chaud et humide remontant des tropiques. Le mélange de ces masses d'air de température et donc de densité différentes donne naissance, près du sol, à des tourbillons de vents, qui font chuter la pression atmosphérique, C'est la dépression. Ces tourbillons s'amplifient lorsque, quelques kilomètres plus haut, un autre tourbillon se forme au sein du jet stream, nom donné à un courant d'air très rapide qui souffle à une dizaine de kilomètres, d'altitude. Ce second tourbillon crée alors une aspiration qui, plus bas, fait chuter davantage la pression atmosphérique, La dépression s'amplifie alors. Pour la combler et rétablir l'équilibre, des vents puissants prennent naissance, amenant de l'air des régions de plus haute pression où il est plus abondant. Des vents qui, quand les contrastes entre masses d'air sont particulièrement prononcés, peuvent dépasser les 200 km/h. On parle alors véritablement de tempête. À différencier d'un autre phénomène que l'on rencontre, lui, sous les tropiques : l'ouragan ou cyclone. Tout le monde a encore en tête les images de Katrina (<-), cet ouragan qui a plongé en 2005 La Nouvelle-Orléans dans le chaos, provoquant la mort de 1800 personnes, noyant 80 % de la ville (le niveau des eaux atteignant par endroits 6 m), détruisant près de 350.000 maisons en Louisiane, dans le Mississippi et en Alabama. Au total, Katrina aura coûté près de 75 milliards de dollars.

FAITS & CHIFFRES : Un ouragan moyen de 660 km de rayon produit chaque jour près de 21 milliards de mètres cubes de pluies et libère une énergie de 52 milliards de milliards de joules. Cela correspond à une puissance de 600.000 milliards de watts, soit 200 fois la production électrique mondiale. Le plus grand typhon de l'histoire récente, Tip, dans le Pacifique, le 12 octobre 1979, atteignait 2200 km de diamètre. La vitesse maximale pour des vents sur Terre a été enregistrée lors d'une tornade : 509 km/h.

DES DIMENSIONS TITANESQUES

18 Mars 1925 : Trois États américains balayés par une tornade record (->).
C'est une tornade d'une exceptionnelle longévité qui frappe ce jour-là 3 états américains : le Missouri, l'Illinois et l'Indiana. Alors que ces phénomènes climatiques ne durent généralement pas plus d'une dizaine de minutes et ne parcourent qu'une dizaine de kilomètres, cette tornade va se déplacer sur 350 km. Atteignant rapidement le niveau le plus haut de l'échelle de Fujita, elle sèmera la désolation sur son passages, tuant 700 personnes.
12 et 13 Novembre 1970 : Le Bangladesh anéanti par Bhola (->). C'est l'ouragan le plus meurtrier de l'histoire moderne. Bhola causera entre 300.000 et 500.000 morts en Inde et surtout au Bangladesh, alors intégré au Pakistan. Sur l'échelle Saffir, Bhola n'est classé qu'en catégorie 3 (vents de 185 km/h). Mais la région, particulièrement exposée aux inondations, est une proie vulnérable. Son système d'alerte est très insuffisant, sa population mal informée et les abris quasi inexistants. Le cataclysme précipitera la sécession de l'Etat, qui deviendra indépendant en 1971 : le Bangladesh.

Les cyclones sont d'immenses dépressions atmosphériques, autrement dit des zones de l'atmosphère où la pression est plus basse qu'ailleurs et autour desquelles s'emoulent des vents. Leurs dimensions sont titanesques, 500 km de large en moyenne, et les vents y sont déchaînés, de 120 km/h à plus de 250 km/h. C'est l'océan qui apporte le supplément de chaleur nécessaire à leur formation. Pour qu'un ouragan surgisse, il faut en effet que la température de l'eau dépasse 26,5°C jusqu'à plus de 50 mètres de profondeur. Plus elle est chaude, plus les risques sont importants. L'atmosphère se retrouve chauffée par le bas, ce qui développe une intense convection. L'air au contact de la surface de l'océan, plus chaud et chargé d'humidité, s'élève, créant un effet de succion qui, s'il se maintient assez longtemps, aura pour conséquence de créer un déficit d'air et donc d'abaisser la pression atmosphérique. Des vents prennent naissance pour ramener de l'air des régions de plus haute pression. Ces vents sont légèrement déviés par la force de Coriolis. Ils s'enroulent autour du centre de la dépression, formant une sorte de spirale. Cet apport suffirait à combler la dépression si la convection n'était pas entretenue par l'humidité de l'air. En effet, en s'élevant, l'air chaud se refroidit et une partie de la vapeur d'eau qu'il contient se condense. C'est ce qui explique la formation des nuages associés à la dépression. Mais, en se condensant, la vapeur d'eau cède aussi de la chaleur à l'air ambiant qui se réchauffe, devient moins dense et continue de grimper, entretenant la convection. Tant qu'elle se trouve au-dessus d'eaux chaudes, la dépression ne peut pas être comblée. Elle se creuse jusqu'à devenir un ouragan. En revanche, dès que l'air devient moins humide, plus froid, la convection diminue et les vents finissent par équilibrer les pressions.
Les scientifiques auraient donc d'excellentes raisons de penser qu'un réchauffement des océans devrait, en toute logique, conduire à un plus grand nombre d'ouragans, ou à des ouragans de plus forte intensité. Plusieurs études se fondant sur les archives météorologiques confirment ce lien de cause à effet. En 2005, Kerry Emanuel, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), observe ainsi que la puissance des ouragans en Atlantique se serait renforcée depuis le milieu des années 1970. La même année, Peter Webster, du Georgia Institute of Technology, à Atlanta, aux États-Unis, voit, quant à lui, une augmentation des ouragans les plus puissants (vents supérieurs à 210 km/h) dans le nord-ouest du Pacifique.
Problème : tous ces résultats ont été infirmés par d'autres études se fondant, elles aussi, sur les archives météo. Comment expliquer de telles contradictions ? La qualité des observations consignées dans les bases de données des offices météorologiques est montrée du doigt. En cause, les procédures employées et les moyens matériels qui ont varié au cours du temps. Des spécialistes soulignent que par le passé, avant l'utilibation des satellites par exemple, les plus grosses tempêtes ou celles frappant des zones habitées avaient plus de chance d'être détectées et d'apparaître dans les archives. Les plus petites, ou celles qui survenaient en mer loin des routes maritimes, passaient quant à elles inaperçues. Difficile dans ce cas-là de déceler une tendance à partir des archives météo. Mais d'autres spécialistes pensent qu'il faut surtout revoir ce lien, sans doute simpliste, entre océan plus chaud et ouragan plus puissant.
En effet, le réchauffement des régions océaniques situées à l'équateur n'a en lui-même aucun impact sur la formation des dépressions, donc des ouragans. Car la force de Cariolis, étant nulle à l'équateur, les vents ne peuvent s'y enrouler autour de la zone de basse pression pour former un cyclone. Elle ne commence à agir qu'entre 5 et 10 degrés de latitude nord ou sud. Or, sans cyclone précurseur, un ouragan ne peut se former. Seul le réchauffement des régions océaniques tropicales pourrait donc influer sur la fréquence des ouragans. Le hic, c'est qu'il produirait des cisaillements de vents, c'est-à-dire des variations brutales de direction des vents, qui dispersent chaleur et humidité, et détruisent du même coup la "pompe" qui maintient l'ouragan. Ces cisaillements tendraient donc, au contraire, à neutraliser l'ouragan.

En revanche, ce sont bien eux qui, à la base d'un nuage d'orage, provoquent les tornades. Ces tourbillons de vents extrêmement violents sont beaucoup plus petits que les ouragans (environ 100 m de diamètre), et plus éphémères puisqu'ils se détruisent, le plus souvent, au bout de quelques minutes à quelques dizaines de minutes. Mais ils sont plus destructeurs, avec des vitesses pouvant atteindre près de 500 km/h. Ces tornades rasent littéralement les villages et les villes qu'elles rencontrent sur leur passage. Bois, pierre, ciment, poutres métalliques... rien ne leur résiste, comme le démontrent les dégâts occasionnés par la tornade qui a frappé la commune de Hautmont, dans le Nord, en août 2008. C'est encore une fois le contraste thermique entre deux masses d'air, mais à une échelle très réduite, qui est à l'origine de ces tourbillons destructeurs. Le phénomène, plus localisé, ne conduit pas dans ce cas à la création d'une dépression, mais d'un orage. L'air chaud et humide s'élève rapidement, la vapeur d'eau se condense formant des nuages de type cumulonimbus à la base desquels une tornade peut prendre naissance. Il faut pour cela que les vents, sous le nuage, changent de direction avec l'altitude. C'est ce cisaillement qui, créant un effet de couple, met l'air en rotation. Imaginons une table rectangulaire, deux personnes sont placées à chaque extrémité. L'une pousse la table de côté, vers la droite par exemple, l'autre pousse du côté opposé. Résultat : la table se met à tourner. L'air de la tornade, lui, commence par circuler de bas en haut, sur un axe horizontal. Puis, sous l'effet de l'aspiration associée au cumulonimbus, l'air se met à grimper et l'axe de rotation finit par pivoter jusqu'à devenir vertical.

UN IMPACT CONTROVERSÉ

Quel effet le réchauffement climatique a-t-il sur ce phénomène ? Là encore, la controverse fait rage. En 1993, le météorologue américain Thomas Grazulis estimait que le nombre de tornades aux États-Unis avait été multiplié par dix en cinquante ans. Mais d'autres études sont venues infirmer ces résultats et, là encore, en raison de biais possibles dans le recueil des données météorologiques. Car, si le changement climatique a bien un effet positif sur les orages et les cumulonimbus qui sont une condition nécessaire à la formation de tornades, il n'agit pas forcément sur les cisaillements de vent, contrairement à ce qui se passe sous les tropiques. En ce qui concerne les États-Unis, par exemple, où les tornades sont plus fréquentes et plus puissantes qu'ailleurs, c'est même le contraire, si l'on en croit Greg Carbin, du Centre de prédiction des orages de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), à Oklahoma City : parce qu'il modifie la circulation des masses d'air, le réchauffement réduirait les cisaillements. Du coup, l'effet net du changement climatique sur les tornades n'est pas plus certain que pour les ouragans. Et nul doute que l'on cherchera encore longtemps, après chaque tempête et ouragan violent, à y déceler les prémices des bouleversements climatiques en cours.

E.H. - SCIENCE & VIE Hors Série > Mars > 2011
 

   
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