Faune du Crétacé tirée de l'Ambre

L'Ambre livre de Nouveaux Secrets

Une faune piégée dans l'ambre depuis 95 millions d'années !

Cet échantillon, qui témoigne d'une forêt tropicale en éthiopie au Crétacé, est le premier de cette importance en Afrique.

Il renferme notamment une trentaine d'insectes et d'araignées ayant côtoyé les dinosaures, et des plantes qui pourraient aider à mieux comprendre l'apparition des fleurs à cette époque.

R.B. - SCIENCE & VIE > Juin > 2010

Une Faune du Crétacé tirée de l'Ambre Charentaise

En parvenant à voir à travers l'ambre opaque, une équipe française a débusqué des empreintes de la faune et la flore qui y dormaient depuis 100 millions d'années. En combinant 2000 radios, l'équipe a restitué cette image en 3D d'un hyménoptère de 100 millions d'années (->).

Elles étaient prisonnières de 2 kg de petits "cailloux" jaunâtres. Et voilà que grâce au synchrotron de Grenoble, et à la volonté et l'ingéniosité de quelques chercheurs de Rennes et de Grenoble, la faune et la flore de la Charente-Maritime d'il y a 100 millions d'années refait surface dans toute sa diversité ! Les rayons X à haute densité de l'accélérateur français ont révélé pas moins de 356 "inclusions" animales et végétales, qui attendaient bien cachées dans 640 petits morceaux d'ambre complètement opaques. Les frêles empreintes ont été laissées par une armée de gastéropodes, insectes, araignées et plantes qui vivaient en France à l'époque des dinosaures. De ces reliques, on distingue désormais le moindre poil, que ce soit sur des modèles virtuels ou sur des moulages en résine que Paul Tafforeau, paléontologue à l'ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) tient aujourd'hui dans ses mains. Un trésor, et un coup de maître pour les scientifiques français... Tout a commencé en 2000, lorsque le paléontologue Didier Néraudeau ramène d'une carrière charentaise 60 kg d'ambre, antique résine fossilisée.

L'AMBRE TRANSLUCIDE SE LIVRE SANS PUDEUR

En quatre ans, lui et son équipe parviennent à faire parler le bel ambre transilucide couleur miel, qui dévoile sans pudeur toute la faune et la flore tombée dedans au moment de sa formation. Mais le chercheur aimerait bien aussi faire parler son disgracieux cousin opaque, qui représente 80 % de sa récolte ! La solution ? L'ESRF de Grenoble. Polyvalent, le synchrotron a déjà permis des analyses d'une finesse inégalée d'oufs de dinosaures ou du crâne de Toumaï (qui serait le pré-humain le plus ancien, âgé de 7 millions d'années). Didier Néraudeau tente sa chance avec 2 kg de ses petites pierres jaunes. Il sait que Paul Tafforeau, à l'ESRF, a déjà effectué des essais sur l'ambre, et qu'il est convaincu du potentiel de son outil pour percer à jour les cailloux opaques. Résultat : en une centaine d'heures de travail, partagées entre le passage aux rayons X et le traitement des informations obtenues, les 356 inclusions allaient être révélées ! Premier constat du paléontologue : "Il n'y a pas de différence significative dans la conservation des inclusions entre ambre limpide et opaque". Une chance, car celui-ci contient bien des inclusions, et aussi une malchance car "si l'ambre conserve les formes 3D, les inclusions sont vides : ce sont des moulages en creux. Les rares fois où de la matière organique a été identifiée dans de l'ambre, elle était toujours altérée", indique Malvina Lak, doctorante au laboratoire Géoscience de l'université de Rennes et dont la thèse porte sur ces images inédites. Le rêve de trouver une tique ou un moustique pour en extraire une goutte de sang (et donc de l'ADN) antédiluvien n'a donc guère de chance de se réaliser ! Mais pas de quoi gâcher la joie des paléontologues. Car ces empreintes les comblent déjà : "Nous avons découvert des animaux nouveaux. Pour d'autres, en revanche, nous les avions déjà observés dans l'ambre limpide, mais dans des proportions différentes. Cela nous a permis de peaufiner notre connaissance des Charentes d'il y a 100 millionsd'années", s'enthousiasme Malvina Lak.

TOUT UN CORTÈGE D'ANIMAUX PIÉGÉS...

Les spécimens récupérés mesurent de 0,8 mm pour une sorte de mite, à 4 mm pour une guêpe, avec, entre les deux, tout un cortège d'araignées, mouches, crustacés, fourmis et autres gastéropodes. 53 % seulement des familles de ces animaux sont connues et même si l'on peut rapprocher un individu d'une famille, il reste inédit comme espèce ! On prend enfin la mesure de la biodiversité de l'époque que peinait à raconter le bel ambre translucide.
Et les inclusions révèlent bien d'autres choses : si l'aninal est net, les pattes sagement repliées sous lui, c'est qu'il devait déjà être mort en tombant dans la résine ; les vivants laissent autour d'eux une nuée de bulles microscopiques, témoins de leur lutte pour se dégager... Par ailleurs, "les plus gros morceaux ne sont pas forcément les plus intéressants, dévoile Malvina Lak. Un petit bloc de 3 cm sur 2 cachait une véritable colonie de 80 acariens pris ensemble". Mieux encore, l'ambre conservant les positions des protagonistes, les relations proies-prédateurs apparaissent aussi.
Pour parvenir à ces découvertes, les chercheurs ont do faire preuve d'ingéniosité. Le premier écueil était les blocs eux-mêmes : irréguliers, ils perturbaient les rayons X envoyés par le synchrotron. Astuce : ils ont été plongés dans l'eau, de densité très proche, ce qui "gomme" leurs contours aux yeux du scanner. Une première image est ainsi créée et améliorée par contraste de phase, afin de sélectionner les blocs les plus prometteurs, qui passeront au microtomographe. Des milliers d'images au rayon X sont alors réalisées en tournant autour du bloc - "plus de 2000 pour un seul insecte", précise Paul Tafforeau. Le prisonnier est recréé en 3D, à une résolution telle qu'on peut compter les poils aux pattes des mouches ou deviner la fine structure de leurs ailes !

UNE TECHNIQUE QUI PRÉSERVE L'AMBRE

Enfin, dernière étape : une imprimante 3D "grave" ces données dans de la résine, avec un avantage inédit sur les fossiles traditionnels : d'une guêpe de 4 mm, on tire une réplique exacte de 30 cm ! Un atout énorme pour étudier l'animal et en déduire son espèce. De plus, le bloc d'ambre reste intact, ce qui autorise des études ultérieures, là où pour dégager un fossile il faut détruire son environnement. D'autres techniques restituent les scènes dans un bloc de verre, en conservant les positions des inclusions les unes par rapport aux autres. Et les paléontologues peuvent enfin se lancer à la recherche des champignons et des bactéries qui pourraient être emprisonnés. Bref, face aux immenses possibilités du synchrotron grenoblois, l'ambre opaque ne peut plus guère cacher ses secrets !

Emilie Rauscher - SCIENCE & VIE > Août > 2008
 

   
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