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Comportements Collectifs

Les Mouvements de Masse mieux Compris

Les chercheurs ont observé une collaboration inédite chez des bactéries.

Les bactéries Myxococcus xanthus< se livrent à un étonnant ballet pour détruire leurs congénères, en l'occurrence des bactéries Escherichia coli. Ces petites cellules sont capables d'un comportement collectif impressionnant de cohésion, impliquant simultanément des dizaines de milliers d'individus. Elles avancent et reculent en vagues concentriques en parfaite synchronisation. Deux vagues peuvent aller en sens contraire mais la rencontre n'est pas destructrice ; les deux ondes font alors tout simplement demi-tour, en bon ordre. Mieux, les groupes de Myxococcus xanthus adaptent le rythme de leur oscillation en fonction de la densité d'Escherichia coli dans le milieu, faisant des allers-retours d'autant plus courts que les proies sont nombreuses. Telles sont les conclusions d'une étude menée à l'université de l'Iowa (Ames, États-Unis).
Les chercheurs ont aussi démontré que ce comportement collectif, lié à la concentration en proies, était induit par un gradient chimique. Cette réaction appelée chimiotaxie est remarquable et pourrait faire de ces bactéries d'excellents modèles pour comprendre ce qui se passe durant l'embryogenèse ou l'évolution d'un cancer en métastases. Dans ces deux cas, des populations de milliers de cellules migrent d'une région à une autre, sans que l'on sache pour l'instant ce qui guide ces mouvements.

D.L - SCIENCES ET AVENIR N°743 > Janvier > 2009

De l'Individu à la Collectivité

Vibrio harveyi est une bactérie des mers chaudes. Elle infecte les tubes digestifs des poissons, requins, crevettes et autres organismes marins, elle peut d'ailleurs leur causer de sérieux soucis de santé. Rien de très original pour une bactérie.

Cependant, dès que sa densité augmente et atteint un certain seuil, toutes les cellules se mettent à émettre une molécule bioluminescente. Une propriété qui ne se déclenche qu'au-dessus d'une concentration précise de bactéries ! Sur terre, cette fois, on rencontre des bactéries qui ne deviennent virulentes pour leurs hôtes que lorsque, de façon identique à Vibrio, elles atteignent un nombre particulier.
Ce nombre, cette densité atteinte est ce que l'on appelle le quorum. À partir de cet instant, chaque organisme oublie ses propriétés individuelles pour en acquérir des collectives. Des gènes normalement éteints s'activent et l'ensemble va former à lui seul un nouvel organisme.

SCIENCE & VIE > Mars > 2005

Bactéries en Société

De nouvelles techniques d'observation aidant, les bactéries révèlent d'étonnantes capacités à communiquer entre elles ou à se protéger collectivement contre les antibiotiques. Des informations d'autant plus utiles que ces organismes forment des populations plétoriques.

L'action se déroule en quelques minutes. Sous le microscope, la bactérie vient s'accoler à une cellule. Aussitôt, elle place a sa surface une micro-seringue moléculaire et injecte dans sa proie une bouffée de protéines fluorescentes. Pour la cellule, c'est le début de la fin l'attaque va aboutir à un stress terrible qui se manifeste par de gigantesques replis dans sa membrane, une reprogrammation de son métabolisme et l'enclenchement d'une réaction inflammatoire. Pour la première fois, un groupe de chercheurs suisses a assisté en direct au début de la scène. Dans le rôle de l'acteur principal, la redoutable salmonelle, une bactérie qui s'attaque au tube digestif et provoque des diarrhées mortelles. "C'est exactement ce que tout le monde essaie de faire en ce moment, voir comment les infections se déroulent en temps réel", s'exclame Pascale Cossart, microbiologiste à l'Institut Pasteur. Pour les voir, les chercheurs suisses ont d'abord créé des bactéries génétiquement modifiées, pour qu'elles fabriquent une protéine fluorescente de méduse.

UN MONDE RICHE ET VARIÉ

"On assiste à un renouveau de la microbiologie, alors que la discipline a été considérée, pendant plusieurs décennies, comme un peu ringarde, se félicite Pascale Cossart. C'est une vraie révolution. Les techniques d'imagerie n'arrêtent pas d'évoluer, mais pas seulement. Il y a le séquençage des génomes bactériens, le nombre incroyable d'études concernant la dissection des mécanismes moléculaires de l'infection...". De fait, les progrès sont impressionnants. En dix ans, l'ADN de plus de 200 bactéries a été déchiffré. On a ainsi pu mettre la main sur des milliers de gènes jusqu'alors inconnus et en étudier le rôle. Du coup, on découvre un monde microscopique incroyablement plus dynamique et varié qu'on ne l'imaginait. Et surprise, les bactéries se révèlent capables de comportements que l'on pensait réservés aux organismes pluricellulaires, ceux constitués de nombreuses cellules agencées en tissus et en organes. Première grande nouvelle : les bactéries se parlent entre elles. Elles communiquent grâce à des signaux chimiques qui ressemblent à des hormones et que l'on a baptisés "auto-inducteurs".
À vrai dire, quelques microbiologistes avaient eu la puce à l'oreille dès la fin des années 1960, en observant l'étrange comportement de certaines bactéries capables de luire dans l'obscurité. De façon surprenante, ces bactéries luminescentes ne commencent à briller que si elles sont en nombre suffisant. En dessous d'une densité donnée dans le milieu, rien ne se passe. Depuis, on s'est rendu compte que ce type de comportement grégaire est fort répandu. Par exemple, beaucoup de bactéries pathogènes n'attaquent qu'en groupes : elles ne libèrent leur toxine que lorsqu'elles sont assez nombreuses. Mais comment diable peuvent-elles donc évaluer leur effectif ? Justement grâce aux auto-inducteurs. Sécrétés par les bactéries dans le milieu ambiant, ils permettent à chacune d'estimer la densité de la population et d'agir en conséquence. Le phénomène, baptisé "quorum sensing" (en référence au quorum d'une assemblée). Les bactéries peuvent utiliser ce langage non seulement pour communiquer avec leurs congénères, mais aussi pour échanger des signaux avec des bactéries appartenant à d'autres espèces. Lorsqu'elles sont cultivées ensemble, les bactéries Escherichia coli (présentes dans la flore intestinale et souvent responsables de cystites) peuvent ainsi perturber l'émission de lumière par les bactéries luminescentes Vibrio harveyi. Avec un peu d'imagination, les implications de cette découverte sont considérables. Les différentes bactéries pourraient avoir des effets positifs ou négatifs les unes sur les autres, à l'intérieur du corps humain par exemple...
Deuxième surprise : la propension des bactéries à former des "biofilms". Et à se coller, de la sorte, à n'importe quelle surface : tuyauterie, coques des bateaux, instruments médicaux, cathéters de perfusion, prothèses chirurgicales, émail des dents... Fixées par des substances adhérentes, englobées dans une coque protectrice, les bactéries se regroupent alors en véritables micro-communautés où se côtoient diverses espèces. Les biofilms sont des structures organisées, avec des canaux pour laisser passer notamment l'eau ou les nutriments. Problème : ils sont particulièrement résistants aux désinfectants et aux antibiotiques. Et constituent l'une des grandes sources de contamination en milieu hospitalier, par exemple. Quelle est leur composition exacte ? Surtout, comment s'en débarrasser ? "C'est un domaine de recherche en pleine explosion, insiste Pascale Cossart. Jusqu'à il y a dix ans environ, les chercheurs étudiaient les bactéries en phase liquide, dans des bouillons de culture. On s'est aperçu que dans la nature, ce n'est pas toujours comme ça..." Mauvaise nouvelle, on vient justement de se rendre compte que l'utilisation d'antibiotiques à des doses inadéquates peut favoriser la formation de ces biofilms.

ELLES VIEILLISSENT AUSSI

En attendant, on pourra toujours se consoler avec une autre grande découverte : les bactéries vieillissent, elles aussi. C'est ce qu'a confirmé une équipe de chercheurs français, dans une publication parue en février et qui a fait sensation. Longtemps en effet, les bactéries ont été supposées immortelles. Se divisant sans cesse pour donner des descendants en apparence toujours identiques, elles pouvaient bien mourir de faim, d'accident ou de maladie, mais elles semblaient ne jamais prendre une ride. François Taddei et ses collègues de l'Inserm et de l'Institut des hautes études scientifiques ont vérifié qu'il n'en est rien. Ils ont réussi la prouesse de suivre, sous le microscope, le devenir individuel de tous les descendants d'une seule bactérie Escherichia coli, sur neuf générations. Mieux, ils ont répété l'opération 96 fois et ont ainsi suivi, en tout, plus de 35.000 bactéries.
Pour déterminer leur âge, ils ont estimé l'ancienneté de leurs extrémités. En effet, à chaque fois qu'elle se divise, la bactérie, qui a la forme d'un bâtonnet, se scinde en deux par le milieu : chaque bactérie fille reçoit donc une extrémité neuve - celle apparue au moment de la scission - et une autre plus ancienne. L'expérience menée par le groupe français, qui a dû mettre au point les techniques vidéo et les logiciels informatiques adaptés, s'est révélée payante.
Sa conclusion ? Les bactéries ayant hérité des pôles les plus vieux grandissent statistiquement moins vite que les autres, elles produisent moins de biomasse et ont une probabilité plus grande de mourir. En résumé, elles montrent des signes de vieillesse. Même si la nouveauté de ces travaux a parfois été surestimée - en fait, une sénescence avait déjà été mise en évidence en 2003 chez des bactéries se divisant de façon asymétrique, et plusieurs études, restées assez confidentielles, indiquaient que les protéines constitutives de la bactérie peuvent elles aussi vieillir -, le concept n'en demeure pas moins tout à fait novateur. "C'est extrêmement intéressant, juge Pascale Cossart. On peut très bien imaginer, par exemple, que seules les bactéries les plus jeunes vont pouvoir provoquer une infection". Gageons-le, la microbiologie a encore de belles révolutions devant elle.

UNE INCROYABLE DIVERSITÉ
ll y a davantage de bactéries dans une tonne de sol que d'étoiles dans notre Galaxie. Et la diversité de ce monde microscopique est mille fois plus grande que ce que l'on imaginait. Telle est la conclusion de Jason Gans et ses collègues du laboratoire de Los Alamos, au Nouveau-Mexique. Selon leurs calculs, une poignée de terre de 10 g peut ainsi contenir dix millions d'espèces de bactéries et d'archées. Bien sûr, ce ne sont que des estimations. Il faut dire qu'on ne sait cultiver, au laboratoire, qu'un nombre infime de microbes. Pour déceler les autres, le seul moyen est d'identifier leur signature génétique. Sans même les connaitre, on peut extraire leur ADN, présent dans le sol, puis tenter de le décrypter. Pour estimer la diversité biologique d'un sol, une technique consiste à mener des expériences de "réappariement" : on sépare les deux brins de la double hélice d'ADN, puis on mesure le temps que ces brins mettent pour s'associer à nouveau par deux. Plus la diversité est grande, plus la réassociation est longue, car les brins ont statistiquement moins de chance de trouver leur moitié complémentaire. C'est en analysant les données de rapperiement déjà publiées, puis en les regroupant dans un même modèle mathématique, que les chercheurs américains sont parvenus à calculer le nombre d'espèces présentes dans les sols. La plupart semblent représentées par très peu d'individus, et donc très fragiles ainsi, la pollution par les métaux en éliminerait jusqu'à 99 %. Encore une fois, il s'agit d'extrapolations. Mais ces chiffres donne une idée de l'armpleur de ce nouveau monde, encore inexploré par la science. Quant à nos intestins, ils contiennent au moins 395 bactéries différentes, si l'on en croit les premières estimations d'un groupe de chercheurs de l'université de Stanford. Les deux tiers appartiennent à des espèces encore inconnues, et "c'est juste le sommet de l'iceberg", estime le responsable de l'étude, Paul Eckburg.

L.S. - SCIENCE & VIE HS > Décembre > 2005
 

   
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