P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
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Leur Q.I. a pu être Mesuré

L'idée même de quotient intellectuel, chez ces êtres unicellulaires, peut surprendre. Et pourtant : rassemblées en colonies de milliards d'individus, les bactéries sont capables de communiquer, de prendre des décisions et de s'adapter à leur milieu. L'épreuve d'un potentiel génétique qu'il est désormais possible de quantifier.

Peut-on considérer que des individus capables de discuter, de développer une mémoire et un savoir communs, et enfin d'apprendre de leurs expériences passées font preuve d'intelligence ? Si on parle d'êtres humains, la question ne se pose pas. Sauf qu'il ne s'agit pas de nous, ni de primates, ni même de fourmis, mais... de bactéries ! Aussitôt, le sujet devient plus troublant. C'est qu'il paraît surréaliste d'envisager une quelconque intelligence collective de la part d'êtres unicellulaires dont l'ADN n'est même pas protégé par un noyau ! Et pourtant... "Quantifier l'intelligence humaine n'est déjà pas évident : chez les bactéries, même la reconnaître n'est pas simple", admet Eshel Ben-Jacob, l'un des pionniers de ce champ de recherche émergent. Mais la situation est en train de changer : ce professeur à l'Ecole de physique et d'astronomie de la très respectée université de Tel-Aviv, en Israël, a en effet trouvé les moyens d'évaluer objectivement cette étrange intelligence bactérienne.
Pour comprendre en quoi ces petits microbes mesurant à peine 0,01 mm sont plus futés qu'ils ne le paraissent, il suffit d'admirer leur succès évolutif. Premières formes de vie apparues sur Terre, les bactéries ont colonisé toute la planète et appris à se nourrir de tout. Rassemblées en colonies de milliards d'individus, elles ont développé des capacités qui stupéfient les microbiologistes : perception étendue de leur environnement et de ses variations, échange d'informations par signaux chimiques ou fragments d'ADN, coordination et répartition de tâches au sein de larges groupes, adaptation aux problèmes, prise de décisions collectives comme en solo, etc. Des prouesses qui sont normalement l'apanage d'organismes supposés plus sophistiqués. Le professeur Ben-Jacob s'est intéressé au sujet à la fin des années 1990. "Je me demandais comment reconnaître une source intelligente derrière des signaux d'origine inconnue", se souvient-il. De quoi interpréter, par exemple, les signaux émis par des extraterrestres capables de communiquer.

DES FORMES SUBTILES ET... INTELLIGENTES

Plutôt que de se tourner vers le ciel, le physicien s'est alors penché sur les colonies de bactéries "en raison de leurs capacités d'auto-organisation, qui génèrent d'étonnants motifs". En étudiant dans une boîte de Petri des bactéries confrontées à divers milieux de culture artificiels, on voit en effet leurs colonies se déployer en arabesques aussi changeantes qu'extraordinairement complexes. Une telle sophistication, en elle-même, ne prouve rien : des motifs presque aussi complexes existent chez le flocon de neige, dont personne n'oserait défendre une intelligence cachée. "Comment dire alors si un être est intelligent ? Confrontez-le à un problème et observez comment il réagit. Dans le cas des bactéries, l'évidence s'impose : elles nous montrent une action collective". Plongée dans différents environnements, la population fait corps et s'adapte. Et pour parvenir à de tels déploiements organisés, les bactéries doivent nécessairement communiquer et se coordonner entre elles.
Rien à voir donc, avec les lois de la physique qui régisse les motifs d'un flocon. "La beauté de ces arabesques géométriques est la preuve frappante de l'intense coopération qui permet aux bactéries de trouver le bon compromis entre individualité et sociabilité", résume le chercheur. Passionné par ce nouveau type d'intelligence Echel Ben-Jacob a approfondi la question : "toutes ne sont pas capables de produire des motifs géométriques ; il faut un certain niveau de communication pour pouvoir développer des stratégies". Comment dès lors, comparer ces intelligences ? Leur "cerveau", c'est leur génome, c'est-à-dire les informations comprises dans leur ADN. Je me suis donc concentré sur les gènes liés à la communication, à la perception de l'environnement et aux réactions au changement (défense, attaque)".
Après avoir passé au crible génétique 500 espèces bactériennes, il a élaboré un "score combiné normalisé", agrégeant toutes ces capacités en une sorte de Q.I. social".

CALCULER LE POTENTIEL DES BACTÉRIES

"En combinant et en pondérant les informations sur leurs gènes et donc les capacités qu'elles sont théoriquement capables de déployer, il est possible de les comparer", indique le professeur. Et il s'avère que les plus malignes ne sont pas les plus dangereuses ! Mycobacterium tuberculosis, par exemple, est plutôt bête et méchante ; Escherichia coli, la star des laboratoires, se situe dans la moyenne, tandis que d'illustres inconnus, comme Paenibacillus vortex, sont des "Einstein" microbiens...

C'EST LA PLUS INTELLIGENTE DE TOUTE

L'équipe du professeur Ben-Jacob vient d'établir un classement de 500 espèces bactériennes en fonction de leur potentiel.
Chacune d'elles est représentée sur le graphique ci-dessous par une tache verte : plus une espèce se situe haut, plus son "Q.I. social" est élevé. Et c'est Paenibacillus vortex (le point rouge) qui emporte la palme, en étant aussi brillante que deux de ses consours, mais avec un génome plus petit. L'architecture complexe de ces colonies révèle ses grandes facultés d'adaptation et de communication. Ses vortex (les ronds blancs ci-contre) libèrent en outre un lubrifiant capable de faciliter la croissance de la colonie et de diluer les agents toxiques.

Cette nouvelle mesure de l'intelligence collective - ou sociale - des bactéries ne remplace pas l'analyse des motifs dessinés par les colonies, mais la complète. "La génétique ne mesure pas le succès d'une bactérie in vivo, mais juste son potentiel à réussir. Il faut voir aussi comment elles utilisent concrètement ce potentiel". Grâce à ces techniques, il est maintenant possible de mesurer la subtilité insoupçonnée du comportement des bactéries. En admirant la beauté avec laquelle se déploie leur intelligence.

DEUX OUTILS D'ÉVALUATION

Pour mesurer l'intelligence sociale d'une colonie composée de milliards de bactéries, deux méthodes se complètent :

- l'analyse génétique, qui identifie leurs gènes (à d. le génome de P. vortex ->)

- l'étude de la forme des colonies, qui révèle leurs straégies d'adaptation (à g. P. dendritiformis et au milieu P. vortex, dont le détail montre les millions de bactéries allongées).

DES COLONIES DOUÉES DE GÉNIE... COLLECTIF

E.R. - SCIENCE & VIE > Mai > 2011
 

   
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