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Le Virus H5N1

Quand la Science Joue les Apprentis Sorciers

Plus de soixante ans après Hiroshima, le potentiel destructeur des technologies modernes semble encore nous surprendre. Sauf que l'angoisse provient, cette fois, des biotechnologies.

Deux équipes de chercheurs indépendants, appartenant à des universités néerlandaise et américaine, ont en effet chacune mis au point, afin de mieux étudier son danger, un virus de la grippe aviaire qui pourrait être transmissible d'homme à homme. Or, c'est parce que les oiseaux l'ont jusqu'à présent transmis rarement aux humains que le virus H5N1 n'a fait "que" quelques centaines de morts dans le monde depuis 2003. S'il pouvait se disséminer entre hommes par voie aérienne, ce virus, qui tue environ la moitié des personnes qu'il infecte, jouerait alors dans la cour des grands fléaux, au de la peste noire ou de la grippe espagnole...
Les chercheurs qui ont donné naissance à un tel monstre s'apprêtaient récemment à en publier la recette détaillée dans des revues scientifiques, accessibles sur Internet pour quelques dizaines de dollars. Craignant l'utilisation de ces informations à des fins terroristes, le Comité scientifique américain de biosécurité (NSABB) a recommandé en décembre dernier, pour la première fois depuis sa création en 2004, de ne pas publier les détails de la méthodologie. Un intense débat sur les dangers liés à la publication de travaux scientifiques sensibles a donc animé ce début d'année, des laboratoires de recherche à la presse grand public.
Mais le vrai problème se cache ailleurs. Car les doutes se sont rapidement étendus à la pertinence même de telles recherches, dont les bénéfices espérés (l'évaluation et la surveillance des risques naturels de pandémie ou le développement d'un vaccin) pourraient finalement ne pas justifier les risques qu'elles font désormais peser... Un débat essentiel, qui aurait dû être tranché il y a dix ans, avant que les travaux ne soient lancés ! Certes, quelques comités scientifiques, dépendant d'instituts de recherche nationaux ou d'universités, avaient alors évalué, chacun de leur côté et avec leurs propres critères, la sécurité de ces travaux. Mais le débat soulevé aujourd'hui est la preuve qu'un tel système de contrôle ne suffit pas. Ce que pointait d'ailleurs dès 2004 le rapport américain Fink, qui traitait du problème des recherches sensibles dans le domaine des biotechnologies. Celui-ci recommandait la mise en place de comités d'experts interdisciplinaires et internationaux pour juger de la pertinence de recherches et de leur balance bénéfices/risques, à la manière du panel d'experts indépendants de l'OMS surveillant celles menées sur le virus de la variole. Rien n'a malheureusement encore été mené dans ce sens...
C'est d'autant plus grave que, dans ce domaine, les risques (utilisation des données par des organisations terroristes, dissémination accidentelle de virus...) sont énormes. Fin mars, des experts de la santé publique mondiale, du virus de la grippe et des questions de bioéthique, réunis de manière exceptionnelle, avaient cependant conclu que les recherches sur le H5N1 méritaient d'être menées et devaient être poursuivies. Ouf, la face est sauvée. Mais la confiance du public devrait en sortir, à juste titre, copieusement entamée.

E.A. - SCIENCE & VIE > Mai > 2012
 

   
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