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Les Secrets de la Joconde

Les Dessous Mystérieux de la Joconde

C.I. - ÇA M'INTÉRESSE N°425 > Juillet > 2016

La Joconde et sa Sœur

On vient de retrouver la jumelle de Mona Lisa ! Elle avait été peinte en même temps que La Joconde, vers 1503, dans l'atelier de Léonard de Vinci.

Plus discrète que sa sœur, elle se dissimulait au musée du Prado, à Madrid, depuis des siècles. À cause de son décor recouvert d'une couche de peinture noire, les conservateurs pensaient que c'était une copie récente. Jusqu'à ce qu'une restauration révèle un sublime arrière-plan, identique à l'original.

Une analyse a montré que le support était en noyer, un bois utilisé en Italie à l'époque de Léonard. Enfin, sous la peinture se cachaient des dessins préparatoires similaires à ceux de l'original. Selon les experts, la "sourette" aurait été peinte par un apprenti. Qui est la plus belle ? Pour en juger, venez au Louvre, qui les expose provisoirement à côté.

E.D. - SCIENCE & VIE JUNIOR N°271 > Avril > 2012

Les Yeux de Mona Lisa

Qui se cache derrière la Joconde ? Ce sourire énigmatique, ce regard qui nous suit, la peinture de Léonard de Vinci a traversé les siècles sans révéler son secret. Mais récemment, un chercheur a brisé le silence. L'identité de Mona Lisa serait cachée dans ses yeux.

Nous sommes à Paris, au musée du Louvre. Dans la salle des états est exposée la Joconde. Si cette peinture est incontestablement la plus célèbre au monde, c'est aussi la plus chargée de mystère. "La Joconde, c'est 8,5 millions de visiteurs par an au Louvre. C'est la peinture la plus analysée, examinée. C'est la peinture sur laquelle il y a le plus de théories", Pascal Cotte, ingénieur. C'est en mourant en 1519, que Léonard de Vinci a emporté dans sa tombe le secret de l'identité de la Joconde. Depuis, en quête du moindre indice, historiens et scientifiques scrutent la peinture pour percer le mystère.
Une enquête qui nous mène à Rome, en Italie. Silvano Vinceti, surnommé le détective de l'art, aurait fait en octobre 2010 une incroyable découverte qui remettrait en question l'identité de la Joconde. "À l'aide d'une loupe, en observant minutieusement, j'ai aperçu à l'intérieur de l'iris des yeux de la Joconde, des symboles. Dans l'œil droit, on n'y voyait un S, tandis que dans le gauche, il apparaissait un L", Silvano Vinceti, président du comité pour le patrimoine culturel italien. Des lettres dans les yeux de la Joconde ! Comment est-il possible que dans le tableau le plus étudié au monde, ces détails aient pu nous échapper ? Certains spécialistes ne sont pas d'accord avec cette théorie. "Il y a un réseau de craquelures, c'est certain. Dans un réseau de craquelures, vous pouvez voir ce que vous voulez. Quand vous regardez les nuages, vous voyez un téléphone, une fusée, un char d'assaut... Si vous imaginez qu'il y a des lettres dans un raiseau de craquelures, oui, pourquoi pas", Pascal Cotte.
Si pour certains, cette théorie est purement fantaisiste, pour Silvano Vinceti, les lettres seraient les initiales du peintre et de son modèle. Le L, pour Léonard, tandis que le S, renverrait à une riche famille milanaise. "Ce S qui apparaît dans l'œil droit, nous l'avons identifié comme le nom Sforza. Il y avait quelques femmes qui pouvaient correspondre à ce nom là. Mais historiquement, il nous semble évident qu'il s'agit de Bianca Giovanna Sforza". Incroyables révélations. Bianca Giovanna Sforza serait la Joconde... Mais ce n'est pas tout ! Pour Silvano Vinceti, la Joconde ne serait pas le portrait d'une seule personne, mais la combinaison de deux personnes. "La Joconde est née de la fusion d'une femme et d'un homme. Léonard de Vinci a emprunté les traits masculins à son disciple Salai, dont il était épris. En fait, celle que l'on appelle aujourd'hui la Joconde, c'est aussi un homme, c'est Salai". À une époque où l'on ne peint jamais de sourire sur les portraits, une peinture représentant Salai est réalisée par le maître, a en effet de quoi étonner. Comme sur la Joconde, on retrouve le même sourire. Comme sur la Joconde, on retrouve ce regard suiveur qui a fait la renommée du chef-d'œuvre. Des éléments qui suscitent encore toutes les interrogations. "Je suis convaincu que la Joconde n'est pas allée au bout de ses mystères". L'interprétation du portrait le plus occulte de l'histoire est sans doute loin d'être terminée...

TF1 - Les 30 Histoires les Plus Mystérieuses > Mars > 2011

La Douceur de la Joconde Dévoilée aux rayons X

Physique et informatique ont permis aux chercheurs d'analyser chaque couche de matière appliquée sur l'étoile de Léonard de Vinci. Et ce, sans le moindre prélèvement.

Léonard de Vinci aurait sans doute apprécié l'astuce. En scientifiques avertis et curieux, il se serait amusé de voir ses recettes de fabrication de peinture percées à jour, et ses plus grands tableaux décortiqués couche après couche sans être endommagés d'un millimètre. Pour la première fois en effet, une stratigraphie (une analyse par strates) des visages de plusieurs tableaux du maître italien a pu être réalisée sans aucun prélèvement de matière, par une équipe du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2MRF), abrité dans les sous-sols du Louvre à Paris, aidée d'un physicien grenoblois. Les chercheurs ont ainsi analysé la Joconde, le Saint Jean-Baptiste et cinq autres tableaux de Léonard sans avoir à les sortir de leur salle d'exposition, à l'aide d'une machine portative nommée "spectromètre de fluorescence de rayons X" et d'un logiciel baptisé PyMca, qui révolutionne les possibilités du spectromètre. Ce dernier, utilisé depuis 12 ans par le C2MRF, permet de se rendre au plus près des œuvres, dans les musées, pour en analyser les composants chimiques sans même les toucher.

Le principe ? Envoyer sur le tableau des rayons X qui excitent les atomes. En revenant dans leur état d'équilibre, les atomes et mettent à leur tour des rayons X d'une énergie caractéristique qui permet de les identifier : fer, manganèse, calcium etc. "Avec cette technique, nous pouvons habituellement déterminer la palette d'un artiste, c'est-à-dire la liste des pigments qui a coutume d'employer, explique Philippe Walter, le directeur du laboratoire. On s'en sert pour expertiser les tableaux : on vérifie que la palette d'une œuvre correspond bien aux pratiques de l'artiste". Mais jusqu'à présent, il était impossible de déterminer à quelle profondeur du tableau se situait l'élément détecté, et donc quelle était la technique picturale employée.

PLUS DE VINGT COUCHES

Or, la question est brûlante pour le visage de la Joconde : comment Léonard a-t-il obtenu un si parfait "sfumato", cet effet fumé qui donne une profondeur et fait ressortir les traits du visage de manière estompée, sans qu'aucun contour ne soit dessiné ? Les historiens de l'art l'affirmaient depuis longtemps, et les physiciens l'ont confirmé qualitativement il y a deux ans : De Vinci a employé la technique du glacis, née chez les peintres flamands au début de la Renaissance, et adoptée ensuite en Italie. Sur son support en bois recouvert d'un enduit, il étalait d'abord une couche de blanc de plomb réfléchissant bien la lumière. Puis à l'endroit du visage, il disposait une couche de peinture rose uniforme (dite couche de carnation), qu'il pouvait rehausser d'un peu de rose supplémentaire à l'endroit des lèvres. Il faisait ensuite apparaître les ombres dessinant le visage, à l'aide d'une superposition de couches de glacis, une matière organique translucide composée d'huile, parfois de résine et d'essence de térébenthine (formant le "liant"), dans laquelle sont dispersés quelques pigments sombres. L'application d'un vernis achevait l'œuvre. Mais quelle épaisseur donnait-il à ces couches, et faisait-il varier leur composition ? Ces données restaient inaccessibles, sauf à prélever, sur une largeur d'un demi-millimètre, un petit morceau du tableau et à l'examiner au microscope électronique. "C'est un procédé que nous nous permettons d'employer quand c'est nécessaire, de préférence sur une partie du tableau endommagée, et plutôt dans un paysage. Mais piquer un visage, a fortiori celui de la Joconde, c'était strictement impossible", rapporte Philippe Walter.
C'est là qu'intervient le logiciel PyMca, conçu au synchrotron de Grenoble (un accélérateur d'électrons qui permet de scruter la matière) par le physicien Armando Solé, qui l'a adapté au spectromètre portatif. "En analysant comment les rayons X émis par les couches inférieures du tableau sont atténués par les couches Supérieures qu'ils traversent, le logiciel permet de calculer l'épaisseur de ces dernières", explique Laurence de Viguerie, jeune chercheuse qui a développé la méthode et consacré sa thèse au sujet. En étudiant plusieurs points du tableau, partant des couleurs claires (sans aucune couche de glacis) vers les couleurs de plus en plus sombres (obtenues par superposition de couches de glacis de plus en plus nombreuses), les chercheurs sont donc parvenus à détailler la composition et l'épaisseur des couches : 2 micromètres (millième de millimètre) environ chacune, pour une épaisseur totale maximale de 40 micromètres. Une vingtaine de couches, qu'il fallait laisser sécher entre plusieurs jours et plusieurs mois selon la composition du liant !

ÉNIGME DU MANGANÈSE

Laurence de Viguerie a d'abord travaillé sur un tableau réalisé spécialement par une restauratrice selon la technique supposée de Léonard, et dont les couches étaient précisément connues, afin de vérifier que le logiciel donnait des réponses exactes. Après quoi les mesures sur les tableaux du maître ont pu être réalisées. Une manipulation émouvante pour la physicienne : "Ces moments dans les salles vides du musée sont inoubliables, même si on n'a pas le temps de s'attarder : les mesures se font le mardi, jour de fermeture, entre 10 heures et 16 heures, il faut être extrêmement efficace !" Restait ensuite à interroger le logiciel, un processus long et fastidieux : "Il faut d'abord lui soumettre une hypothèse sur la composition des couches, et lui demander si cela convient, jusqu'à ce qu'il acquiesce. Cela représente beaucoup de tâtonnements. Mais d'ici dix ans, on l'aura certainement rendu plus autonome, il donnera la composition des couches après une petite nuit de calcul et tout le monde l'utilisera", prédit Philippe Walter. En attendant, le chercheur travaille désormais sur des tableaux de peintres contemporains de Léonard, à commencer par Raphaël. "Notre idée est d'explorer la diffusion des connaissances artistiques à l'époque, de comprendre quel artiste s'est inspiré de quel autre". Le chercheur envisage aussi d'approfondir un fait surprenant surgi de l'analyse : Léonard de Vinci utilisait le manganèse dans son glacis, en quantités bien supérieures aux pratiques traditionnelles, malgré les problèmes de séchage que cela pouvait occasionner. "Curieusement, cette particularité n'existe que sur la Joconde et le Saint Jean-Baptiste, ainsi que dans le tableau d'un contemporain très proche de Léonard", précise Laurence de Viguerie. Un nouveau mystère à percer.

C.B. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2010

Les Secrets de la Joconde

Bien des énigmes entourent l'œuvre du grand Vinci. Or, une enquête scientifique unique en son genre, dont les résultats viennent de paraître, lève le voile sur des faits insoupçonnés. À la clé : d'étonnantes révélations sur la technique du Maître, sur Mona Lisa et sur le tableau tel qu'il était à l'origine.

Nous sommes le mardi 5 octobre 2004. Dans une salle du musée du Louvre. Pas n'importe laquelle : celle de la Joconde, le plus célèbre tableau au monde. Et ce jour-là, il règne une drôle d'effervescence : l'œuvre du grand Léonard vient d'être décrochée pour subir une batterie d'investigations techniques et scientifiques inédites : radiographies, réflectographie infrarouge, fluorescence X, numérisation en 3D...

Une opération exceptionnelle, dont les résultats ont été publiés dans un livre aussi grand que son sujet. Bruno Mottin, du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et conservateur du patrimoine, raconte : "La Joconde était victime de son succès. Devenue intouchable, elle était l'œuvre majeure la moins étudiée au monde".

Or, fin 2004, une occasion inespérée se présente : l'œuvre devant intégrer la "salle des Etats", tout juste rénovée, elle doit être sortie de sa cage de verre climatisée. "La direction du musée nous a alors demandé d'en profiter pour effectuer un bilan de santé, et déterminer les meilleures conditions de conservation", explique Bruno Mottin. Il faut dire que le dernier examen scientifique datait des années 50...

39 SPÉCIALISTES "AUSCULTENT" MONA LISA

Evidemment, la perspective de travailler sur la Joconde suscite l'enthousiasme dans tout le laboratoire. Malgré le drastique cahier des charges imposé. Qu'on en juge : aucun des examens ne devra laisser la moindre trace ; la surface du tableau ne sera jamais touchée ; et tout doit se passer à l'insu des quelque 20.000 admirateurs quotidiens de la dame. Surtout, les analyses ne pourront être effectuées qu'au cours de trois séances principales, au mois d'octobre 2004. Il s'agit de profiter au maximum de la fermeture du musée le mardi. Au C2RMF, c'est le branle-bas de combat. Des collègues des universités de Nancy, Montpellier, Poitiers, mais aussi Ottawa et Florence sont contactés pour venir prêter main forte. "Nous avons passé des semaines à organiser ces trois séances de travail, en limitant à quatre le nombre de personnes autorisées à approcher le tableau", se rappelle Bruno Mottin. Au total, 39 spécialistes l'examineront. Ils ne savent pas encore qu'ils vont élucider certains mystères entourant l'œuvre et son modèle.

La première séance débute donc ce mardi 3 octobre. Dès 9 heures du matin, Mona Lisa est sortie de sa vitrine par les installateurs du musée. Thème de la journée : l'étude du support en bois. Avec un soin infini, le tableau est mesuré, puis pesé, environ toutes les deux heures, avec et sans son châssis-cadre. En outre, un palpeur électronique mesure les irrégularités de la sufface au dos du panneau, où un petit capteur enregistre en continu les mouvements du bois en fonction de l'humidité. Mais l'après-midi avance et, pour la Joconde, la récréation prend fin. Peu après, elle retrouve sa vitrine, son sourire plus énigmatique que jamais.

Lundi 11 octobre. 18 heures. Le musée vient de fermer et la deuxième séance commence. Consacrée à l'imagerie, elle sera... sportive ! D'abord, le tableau est transporté au laboratoire attenant, où Elisabeth Ravaud, médecin radiologue, la passe aux rayons X sous toutes les coutures. L'analyse se prolonge jusqu'à 2h du matin... Une pesée, une autre mesure de déformation, et tout le monde s'offre une pause. Mais à 8h, l'équipe est de nouveau sur le pont. Elle reprend ses analyses, au microscope cette fois. À 13h30, c'est Elsa Lambert, photographe, qui prend le relais : photos en lumière visible, infrarouge, ultraviolet... Par précaution, la tempêratiare de la surface du tableau est mesurée. Pas question que la belle attrape un coup de chaud ! À 18h10, ses collègues du laboratoire l'interrompent pour des mesures en microfluorescence X. Elle reviendra trois heures plus tard et poursuivra jusque dans la nuit ses clichés. Avant qu'un examen au laser des couleurs (microspectrie Raman) ne clôture la séance, entre 2h et 8h du matin, permettant à la Joconde de regagner ses pénates au Louvre. Sans anicroches.

La dernière séance d'octobre commence le 18. L'objectif, cette fois, est de numériser en 3D le tableau. Pour faire bonne mesure, des analyses de couleurs sont aussi pratiquées. Enfin, le 6 avril 2003, à 14h, le chef d'œuvre de Vinci trône dans sa nouvelle demeure : un châssis taillé pour minimiser les déformations, protégé par une vitrine blindée où règne une atmosphère constante (20°C environ, 30 % d'humidité). L'œuvre est maintenant parée pour offrir pendant très longtemps ses charmes au public. Au C2RMF, l'émotion de cette aventure unique restera à jamais dans les mémoires : ils ont tenu Mona Lisa entre leurs mains, et ont partagé son intimité pendant plusieurs jours. L'occasion ne se reproduira pas de sitôt...

MONA LISA A LES ATOURS D'UNE FEMME ENCEINTE

Lors de leur examen de la Joconde, les experts du C2RMF ont fait d'étonnantes découvertes. Ils ont littéralement levé le voile sur l'énigmatique coiffure de Mona Lisa : elle semble avoir les cheveux détachés, ce qui, au XVIè siécle, était l'apanage des seules jeunes filles et des prostituées. Or, des recherches d'archives désignent Mona Lisa comme l'épouse d'un riche commerçant de tissu, Francesco del Giocondo (d'où son surnom de Gioconda, francisé en Joconde) et, à l'époque où le tableau fut commencé (aux alentours de 1500), elle avait environ 25 ans et au moins un enfant. Pourquoi, alors, l'avoir représentée les cheveux libres ?

Le vernis disparaît... La réponse vient enfin d'être apportée grâce à la réflectographie infrarouge, une technique qui permet de rendre certaines couches de peinture transparentes en laissant apparaître les couches sous-jacentes. De manière virtuelle, on gomme au passage les couches de vernis appliquées au fil des siècles et qui l'ont jaunie et assombrie. Et là, surprise : la chevelure de Mona Lisa ceinte d'un voile, semble retenue par un bonnet bordé d'un roulotté sombre. À l'époque, cette coiffure était à la mode, comme en témoigne un autre tableau intitulé "La jeune femme au chien".
Sous réflectographie infrarouge, on distingue une robe laissant les épaules nues, entièrement recouverte de voiles transparents. Ce modèle de vêtement était bien connu à la Renaissance : il s'agit d'un guarnello (Boticelli ->), un vêtement d'intérieur réservé aux enfants ainsi qu'aux femmes enceintes ! Quand on sait que Mona Lisa a donné naissance à son deuxième fils, Andréa, le 1er Décembre 1502, une conclusion s'impose : le tableau pourrait avoir été commandé pour célébrer cet heureux évènement.

VINCI A PEINT LA JOCONDE À LA MANIÈRE FLAMANDE

Léonard de Vinci n'a jamais livré la Joconde à Francesco del Giocondo, son commanditaire. Il l'emmena partout avec lui, y compris en France à la fin de sa vie, et y travailla pendant des années. C'est dire s'il tenait à ce tableau, qui est considéré comme l'un des sommets de son œuvre. D'où son intérêt pour la technique des peintres flamands, qui avaient adopté depuis quelques dizaines d'années la peinture à l'huile. Comparée à la peinture à l'œuf, utilisée traditionnellement en Italie, elle offre bien plus de finesse dans l'exécution, permettant de créer des effets subtils de transparence, de profondeur, de densité et d'obtenir des détails beaucoup plus précis.

Maîtrise incomplète... Léonard de Vinci avait donc adopté un liant à l'huile. Mais voilà : l'analyse des craquelures révèle qu'il ne maîtrisait pas totalement cette technique ! Seule une maîtrise de la composition des différentes couches, et le respect des temps de séchage, permet d'éviter leur apparition, au bout d'une dizaine d'années.
S'il est probable que Léonard de Vinci a lui même pu constater les premiers signes de cette détérioration à la fin de sa vie ce ne fut pas le cas, en revanche de la déformation du support de l'œuvre, responsable de toute une série de craquelures d'âge. De fait, celles-ci n'apparaissent qu'au bout d'une centaine d'années. Or, la Joconde y est particulièrement sensible, car elle a été peinte sur une planche de peuplier. Ce matériau, utilisé très couramment en Italie, travaille beaucoup en fonction de la température et de l'humidité de l'air. Et Léonard connaissait le danger de ces déformations. C'est peut-être pour cela qu'il a inséré le tableau dans un cadre rainuré qui a maintenu (trop) fermement la planche. En effet, dans les angles, les fractures d'âge sont toutes orientées dans le même sens, révélant une forte contrainte. Les craquelures sont toutefois moins accentuées dans le coin supérieur gauche. Pourquoi ? Parce qu'à cet endroit la planche s'est carrément fendue : une fente de 12 cm de long court du bord supérieur gauche du tableau jusqu'à la racine des cheveux de la belle. Pour Elisabeth Ravaud, si les craquelures d'âge sont moins accentuées à cet endroit, c'est que la fente du bois a relâché les tensions exercées par le cadre". Et d'en déduire que la fente s'est même ouverte au cours du siècle qui a suivi l'exécution du tableau, avant la formation de ces craquelures... Pour Cécile Scaillierez, conservatrice au musée du Louvre, toutes ces observations dessinent une facette inédite de la Joconde qui, sur le plan technique, "apparait finalement comme une sorte de chef-d'œuvre d'empirisme à la flamande".

L'ŒUVRE ÉTAIT À L'ORIGINE VRAIMENT PLUS LUMINEUSE

La Joconde que l'on peut admirer au Louvre est fort éloignée de celle que peignit Vinci. Au fil du temps, les vernis ont en effet jauni, alterant les nuances et assombrissant considérablement le tableau, a tel point que l'œuvre semble aujourd'hui avoir été peinte dans des tons gris et marron. Pourtant, en 1550, le peintre Giorgio Vasari ne tarissait pas d'éloge sur les chairs rougies au tour de l'œil, les narines roses et délicates, l'incarnat des lèvres.

A.D. - SCIENCE & VIE > Octobre > 2006
 

   
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